Des rues colorées, des masques et de la musique; pour un peu on aurait put se croire en plein carnaval de Venise... Mais l'aspect familier bâtiments environnants laissait plutôt deviner un Madison, ni vraiment identique ni vraiment différent de la ville d'origine.
Immobile au milieu de la foule, Varig prit une grande inspiration. L'air était frais, et un mélange d'odeur subtil flottait au gré d'une légère brise qui faisait voleter les confettis. L'agent baissa les yeux et ouvrit la main alors qu'une des pastilles de papier tombait au creux de son gant. Décidément la réalité virtuelle était une expérience troublante...
Une voix connue le tira de ses réflexions.

-Mike? Tu me reçois?

L'agent redressa la tête et regarda autour de lui. La foule était dense, même si de petits groupes se détachaient ça et là. Tout le monde était affublé de costumes colorés, mis à part quelques individus isolés comme lui.

-Cinq sur cinq Kelly. Tu peux voir ça?
-Presque comme si j'y étais, soupira la jeune femme. On a pas l'air de s'ennuyer dans le coin...

Varig faillit lever les yeux au ciel, mais ne répliqua rien. Quand leur unité avait récupéré un mystérieux colis grâce à un indic, Kelly Stillman avait semblé aussi heureuse qu'une gosse le jour de noël. Mais elle avait vite déchanté: le capitaine Hobbes, leur supérieur, avait catégoriquement refusé qu'elle se connecte elle même au jeu contenu dans la boite. Ses connaissances scientifiques en faisait la seule personne de l'équipe capable de suivre ce qui se passait dans cet univers sans y entrer. C'était donc Varig, alias Mike Wagner, qui avait hérité du "plaisir" d'entrer dans le monde produit par la société Onyx. Sa mission consistait à chercher les buts cachés du jeu évoqués par leur indic, et que Hobbes prenait assez au sérieux pour enquêter. Quand à Kelly elle était cantonnée au rôle d'observatrice et de conseillère grâce à une puce spéciale intégrée au casque par la milice.

-J'ai besoin d'instructions, annonça l'agent. Que dois-je faire?

La question sembla réveiller légèrement l'intéret de sa correspondante.

-Tourne toi vers la droite? Mmm... C'est bien ce qu'il me semblait. On dirait qu'il y a d'autres joueurs. Ce sont sans doute les individus sans costume.
-Je dois les tuer? demanda froidement Varig.

Sa maigre expérience des jeux-vidéos lui avait appris que l'objectif se résumait souvent à cela, mais Kelly se récria aussitôt.

-Surtout pas, espèce de brute! Cherche des indices autour de toi sur ton objectif. Un message, un événement sortant de l'ordinaire, un personnage qui t'aborderait...
-Reçu, répondit l'agent se mettant en marche.

Il ne se dirigea pas vers les autres joueurs, mais s'éloigna en s'enfonçant dans la foule. Il ne fit que quelques mètres avant qu'une conversations n'attire son attention.
Des citoyens masquaient parlaient de mystérieuses disparitions... Qui semblaient plutôt nombreuses et suspecte.

-Kelly? demanda-t-il.
-J'ai entendu. Apparemment tu vas devoir enquêter sur ces disparus...
-Dépaysant, ironisa Varig. Par où je commence?

Tout en parlant, il s'était remis en marche.

-Déplace toi, et peut-être qu'un événement va te donner une piste? suggéra Kelly.
-Reçu. En attendant je vais essayer de trouver un magasin de costumes, répondit l'agent. Je suis trop repérable dans cette tenue... Et puis les vendeurs auront peut-être des choses à m'apprendre.

Fredigan est tétanisé. Il ne sait pas quoi faire d'autre que traîner ses yeux partout où il peut. N'ayant jamais été très friand de jeux vidéo, encore moins de réalité virtuelle, enfiler le casque lui avait fait perdre tous ses repères. Comment se pouvait-il que tout ce qu'il voyait n'était qu'une illusion ? Tous ces gens, le bruissement de la foule, la lumière, les confettis volant au vent pour finalement tomber à ses pieds... L'adolescent en prenait plein les yeux et, il devait bien l'avouer, si ce n'était pour l'interface de jeu qu'il pouvait voir à la périphérie de son champ de vision, il croirait plus être coincé dans un film que dans un jeu vidéo où il pouvait interagir avec son environnement.

Décrochant enfin son regard des hauts bâtiments, il retrouve facilement ses membres aussi fonctionnels que dans la vraie vie. Sachant qu'il est en réalité assis sur une chaise dans sa chambre, il tente un pas en avant et trébuche brièvement sur les pavés inégaux avant de se redresser. Aussi fonctionnels que dans la vraie vie. Les sensations ne sont pas très différentes, rajoutant au réalisme et, si c'est une bonne chose pour les joueurs, Fred ne peut s'empêcher d'être perturbé. Tout est surprenant pour lui ici et il commence sincèrement à se demander s'il n'a pas loupé trop de choses à rester enfermé dans l'atelier autant que possible.

Rapidement, il se reprend : l'expérience ne durera que quelques heures et la rue lui avait rarement semblé aussi accueillante, autant en profiter ! Les gens bougent autour de lui, leurs costumes tous plus colorés les uns que les autres, les conversations s'entremêlent, mais en dessous de cette humeur festive, Fred commence à avoir un mauvais pressentiment. Des visages soucieux percent parfois la foule. Des murmures se sont cachés derrière le brouhaha ambiant. Soudain, il prend conscience de sa tenue. Sans costume, il fait tâche dans la foule, accroche les regards méfiants. Pourtant, il n'était pas le seul habillé ainsi.

Il tente de se rapprocher d'une personne qu'il suppose être un autre joueur lorsqu'il surprend la conversation de deux passants avant de les bousculer et de s'excuser. En y réfléchissant un peu, il aurait dû se douter qu'il y avait plus important qu'un costume pour gâcher un carnaval, mais on ne sait jamais. Après tout, il avait jeté là sans aucune information, sans rien savoir de ce qu'il devait faire, aussi perdu que d'habitude. Maintenant, il se doutait que le but était de résoudre cette histoire de disparitions. Le jeune garçon ne savait pas vraiment s'ils étaient censés faire bande à part, mais pour lui, s'il s'agissait d'une enquête, deux avis vaudrait mieux qu'un. Alors, il continue sa marche à travers la foule pour rejoindre le joueur le plus proche avant de s'adresser, hésitant, à cette personne.

« Salut... Euh.. Ça te dirait qu'on s'entraide ? Peut-être qu'à deux on s'en sortira mieux, pour trouver des infos et des pistes ? »

Au loin, des cris se font entendre dans la foule. Un effroi parcourt l’assemblée alors que votre échine se glace. Une ambulance arrive et vous êtes bousculés par les autorités luttant pour lui frayer un passage au milieu de tous. Déjà, les ouï-dire circulent. Il semblerait qu’un jeune garçon ait été victime d’une attaque au couteau, se retrouvant avec un poumon perforé. Les secours repartent aussi brutalement qu’ils sont arrivés, ne laissant dans leurs sillage que des murmures. Le climat semble pesant et les gens inquiets, mais après quelques minutes, l’ambiance de fête qui régnait reprend tant bien que mal le dessus. Atorias était au plus proche de la scène, le jeune homme s’aventure au milieu de la foule. Il ne se doute alors pas qu’il sera victime de deux évènements simultanés. Alors qu’il doit nager dans la foule à force de coudes, dans son oreille, le mécanisme qui lui permettait de communiquer commence à vibrer. Un son strident lui parvient directement dans le tympan. Il a tout juste le temps d’entendre Kelly lui demander ce qu’il se passe avant d’arracher tous ses appareils de communication et de les jeter au sol. Il perçoit alors du coin de l’œil les petites déflagrations signifiant la casse relative à tout ce qui représente son lien avec un contact externe. Désormais, et l’espion le sait, il est seul. Du moins… Mais avant qu’il ne puisse réfléchir de manière plus approfondie, quelque chose apparait dans son champ de vision. Une interface, comme une cible qui flotte devant lui. Cette cible semble pointer l’endroit où l’attentat avait eu lieu quelques temps plus tôt. Et, à peine un instant plus tard, une fenêtre s’affiche soudainement devant le regard de tous les participants.

« Félicitations ! Atorias a trouvé une énigme. »

Enigme 1:

Varig se frayait un chemin à travers la foule, quand un mouvement attira soudain son attention. Avant même le premier cri, l'agent sut qu'il était en train de se passer quelque chose...
Son entraînement prit aussitôt le dessus, chercha aussitôt un point d'observation dégagé. Ici, ce n'était qu'un jeu, il ne courait donc aucun risque... En théorie. Quoi qu'il en soit, la quête d'informations devait primer, il fallait donc comprendre ce qui se passait au plus vite.
L'agent fendit la foule costumée pour se dégager de la masse compacte qui lui bloquait la vue. Une fois légèrement à l'écart, il put observer du coin de l’œil l'arrivée d'une ambulance. Saisissant l'occasion, il chercha à profiter de l'ouverture crée par les secours pour se rapprocher de l'action.

-Qu'est ce qui se passe? demanda Kelly dans son oreillette.
-Je ne sais pas bien, répondit son interlocuteur, concentré. On dirait un... Ahh!

Un son strident venait soudainement de lui vriller le tympan, pénétrant son crane comme une foreuse. Varig plaqua ses mains sur ses tempes.

-Qu'est ce qui se passe?! répéta Kelly, d'une voix affolée cette fois.

Réagissant instinctivement, l'agent arracha son oreillette, espérant que ce geste chasserait l'atroce son. Étrangement, cela fonctionna: l'objet se désintégra sous le regard vide des passants, et l'attaque sonique cessa. Mais cette fois, plus de conseils avisés... Il était seul.
Varig n'eut pas vraiment le temps de penser à ce que ça impliquait, puisqu'une cible géante apparue soudain au dessus de la foule. Un message ne tarda pas à suivre.

Un code, pensa-t-il. Une chance que j'y sois bon... Ce ne doit pas être compliqué si le joueur moyen veut avoir une chance. Remplacement alphabétique? Non aucun mot ne commence ou ne finit par deux fois la même lettre comme ces S... C'est un simple anagramme inversé, avec un mot séparé pour brouille les pistes et atteindre une exacte symétrie du nombre de caractères. Mais qu'est ce que...!? Mmmm...

Jouant des coudes pour l'atteindre, sans autre souci que d'être rapide, l'agent arriva sur les lieux marqués par la cible. Les ambulanciers avaient déjà disparu, mais il découvrit un peu de sang resté sur le sol. Pas un simple malaise... Et ce code, quel usage pouvait-il avoir?

-Poussinet, Citron, Tournesol... lâcha-t-il à voix haute. Est-ce que la solution c'est le jaune? C'est le seul point commun que je vois à ces trois mots...

Il tourna sur lui même, cherchant un costume, un signe ou un bâtiment susceptible de l'éclairer sur le sens de cette énigme.

Alors que le militaire prononce ces mots à voix basse, la cible précédente disparait, ne laissant plus place qu’à un texte apparaissant en vert devant les participants.

« Félicitation ! Vous venez de résoudre une énigme. »

Alors que la solution apparaît devant tous pour confirmer la réussite d’Atorias, la pression monte et un mauvais pressentiment nait en vous. Vous ignorez encore sa nature, mais il est là, au creux de votre ventre. Ce carnaval cache décidément quelque chose… Mais quoi ? Encore un peu d’investigation s’impose.

Solution de l'énigme 1:

La partie avait pourtant bien commencé...
Une énigme de résolue en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, assortie d'une petite gerbe de confettis jaillie de nulle part en guise de récompense ; l'aspect enfantin du jeu contrastait brutalement avec la réalité de son intrigue. Car bientôt, et ce malgré la réussite d'Atorias, l'air tout entier sembla se charger de noirceur. Les carnavaliers se figèrent sur leurs pixels, les bâtiments grésillèrent comme un réverbère en panne d'électricité, clignotant par saccades, zébrés d'ombre et de vide.
Dans ce décor en pleine désagrégation, les joueurs ne furent pas en reste. Leurs tympans subirent tout à coup un violent traumatisme, attaqués qu'ils l'étaient par un son strident sorti de leur casque ; une nuée blanche, puis mauve, puis cobalt envahit leur écran, souillant le paysage de lames multicolores et agressives ; les silhouettes se déformèrent avant de disparaître. Le jeu tout entier donnait l'impression d'être soufflé sous l'effet d'une explosion, et ce fut peut-être ce qui se rapprocha le plus de la vérité. Il venait tout simplement de s'autodétruire, n'abandonnant dans son sillage qu'une vision aveugle et des joueurs stupéfaits.

Mais de tout cela, Atorias ne sut rien, car avant même de traverser ses turbulences il avait disparu.