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.Together we map the world. [Fredigan] /Clos/
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



21.09.14 23:41
So we search the sky for any flashing signs
We’ve gone too far beyond the border it’s just you and I ♫

Rien d'autre à faire que d'errer. De par les rues, de par les boulevards, partout dans la cité maudite étreinte dans son Mur sans meurtrières. Il aurait pourtant pu sortir, aller voir ailleurs, quitter cette ville qui n'avait jamais été la sienne et qui n'aurait plus aucune chance de le devenir. Mais ce serait pareil dehors : les mêmes paysages étrangers, déformés par deux siècles de progrès constants, les mêmes populations anonymes, juste un peu plus lobotomisées qu'avant. Son époque s'était évanouie dans l'indifférence générale, et on voulait qu'il s'adapte, l'animal ? Il n'y parvenait pas. Et ce n'était pas faute d'essayer. Quelque chose dérangeait néanmoins, quelque chose dont il ne pouvait se défausser. Il avait tenté de se présenter dans les entreprises, d'improviser un discours où il se vendait avec une sincérité maladroite, les compétences et les acquis de ses deux ans de journalisme en guise de tout bagage professionnel, et dès les premières minutes, l'entrevue ne s'annonçait pas si désagréable. Seulement ensuite, il fallait fournir une identité et là, une espèce de rictus fleurissait sur le faciès des employeurs, le genre qui ne présage rien de bon, et il se faisait congédier en vitesse. Son statut devait perturber, sans qu'il ne pût y échapper. Alors entre deux essais, il vagabondait le long des avenues, flânait sur les trottoirs de la périphérie et chassait ses repas lorsque l'envie de casser la croûte se faisait sentir. Le parfait guide du désœuvrement en terre hostile.

Ce jour-là, Anselme avait profité d'un changement de garde parentale pour le retrouver deux minutes, et lui confier l'un de ces délicats sandwichs préparés par une mère aimante qui désire que son seul fils se souvienne de ces petites attentions culinaires avant de rejoindre l'homme à abattre, l'ex-mari et – malheureusement – géniteur en titre. Sans surprise, elle y avait glissé quelques carrés de chocolat dont il ne subsistait que des miettes lorsqu'Enoch en ouvrit les tranches de pain. Mais il n'en voulait pas à l'enfant de sa gourmandise, et encore moins quand le cacao était devenu un mets de luxe pour bon nombre d'humains. Triste réalité. Mais tant que les noisettes existaient, l'espoir ne mourrait pas. Ainsi, le fantôme terminait d'avaler la portion, ne cessant de bénir ces gamins qui faisaient attention à lui depuis des semaines, au moment de tourner dans une petite ruelle commerçante. Pas loin, il le reconnaissait, les parents de Nolan tenaient leur restaurant végétarien ; il se promit d'aller y manger le jour où il aurait trouvé un emploi, et de payer en faisant la plonge dans l'attente de son premier salaire. Ce serait toujours mieux qu'un sandwich sans chocolat.

Une vieille dame sortait à l'instant d'une boutique de décoration d'intérieur, influence française, un caniche bleu au bout du poignet. Surpris par cette apparition canine, le garçon fit un écart vers l'autre gauche, heurtant la propriétaire de l'aberration sur pattes dont la réflexivité n'autorisait plus de telles esquives. Il buta ainsi contre soixante ans de médicaments et de prothèses rajeunissantes, sans doute plus très fraîches elles aussi, et déclencha ce qui parut être une avalanche de reproches et de blâmes sur ces gosses qui ne regardent pas où ils vont et se croient tout permis en face de la sagesse incarnée. En vérité, le cabot faisait plus de bruit que sa maîtresse, peut-être pour la protéger d'éventuelles représailles de la part de son agresseur présumé, et Enoch entreprit de bafouiller une ou deux excuses, ou du moins en avait l'intention mais ne put s'y résoudre, son attention étant happée par un fait beaucoup plus étonnant que les impuissances de la chirurgie à lutter contre la sénilité mentale. Oui, tandis que la grand-mère s'agitait, il se passa quelque chose dont elle était la seule victime, quoique le collier du clebs semblait être affecté lui aussi. Et le petit poucet eut la surprise d'en identifier les raisons, à quelques mètres à peine.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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22.09.14 15:28
Il aimait bien les petites rues des commerces, toujours animées et bondées à toute heure. Bien sûr, il appréciait le calme du parc et des bois et surtout l’absence de tout objet métallique ou presque. C’était un peu l’inconvénient ici, il ne savait jamais quand est-ce qu’il se retrouverait les pieds collés à la grille d’aération du métro ou le dos coincé contre une clôture à voir les passants le regarder comme une bête de foire. Ça ne durait jamais bien longtemps et les sourires gênés, le signe de la main compatissant, étaient devenus une habitude.
Ceci dit, tout se passait bien aujourd’hui, voir même cette semaine. Si on ne lui avait pas affirmé de nombreuses fois qu’il resterait à jamais comme ça, il aurait presque cru qu’il était en rémission, ses fichus pouvoirs dormant profondément. Mais la tranquillité ne dure jamais, le jeune homme aurait dû le savoir depuis le temps. On pouvait quand même l’excuser, une simple grand-mère qui crie après un jeune sous prétexte qu’il l’a bousculée pendant qu’elle promenait son chien, c’était plutôt banal. Ce qui l’était moins, c’était le coup que Fredigan avait reçu à l’épaule lorsqu’il avait commencé à s’approcher de la vieille dame.
Tournant la tête vers son épaule légèrement bousculée, il s’attendait à voir un gamin ou quelqu’un passer à côté de lui en s’excusant et il fût bien surpris de voir une montre à gousset trôner fièrement sur sa veste, entourée de quelques bagues et d’une chaîne fine. Il fronça doucement les sourcils alors que son souffle se faisait court. Pour qu’une telle chaînette se brise, qu’elle soit en argent ou en or blanc, son propriétaire n’avait pas dû en prendre soin au fil des années. La montre à gousset l’interpelait aussi. C’était un article rare et pour qu’elle soit faite d’argent, à vu de nez, c’était autant un travail d’horloger que de joaillier. Son grand-père lui avait dit un jour qu’il marquait toujours les travaux dont il était fier et Fred voulait voir un peu mieux ce qu’il en était.

Respirant bruyamment, comme s'il avait couru le marathon, il tira un petit coup sec sur la chaîne de la montre qui resta bien à sa place, le narguant tranquillement perchée sur son épaule. Fronçant un peu plus les sourcils, pinçant les lèvres et faisant fi du sol soudain inégal sous ses pieds, l’Islandais tira plus fermement, bien décidé à gagner cette bataille. Seulement, le paysage tangua un peu plus et, dans sa perte d’équilibre, il se mit à tourner avant de tomber au sol. Il ne se releva pas tout de suite, encore mal de ses quelques tours en contre sens avec sa vue. Il détestait ses vertiges. Il avait l’impression que son corps bougeait tout seul et lorsqu’il regardait autour de lui, il commençait à avoir le mal de mer.
Alors il attendit tranquillement quelques secondes que tout se stabilise avant de se redresser, la montre dans  les mains. Sa chute avait dû déstabiliser un peu plus ses pouvoir s'il avait réussi à récupérer le bijou. Et en effet, il y avait eu quelques changement : plus que son épaule, c'était tout son buste, ses bras et ses mains qui étaient aimantés et son trophée n'avait finalement fait que passer d'une partie de son corps à une autre. Au moins, Fred pourrait l'observer en paix. Quoique... Maintenant qu’il y pensait c’était du vol, à courte durée bien sûr, mais du vol quand même. Peut-être que s’il demandait gentiment au propriétaire, il pourrait la regarder ? Avant tout, il fallait le retrouver le propriétaire.
Il se releva doucement, ce qui réveilla ses vertiges, et se dirigea tant bien que mal, zigzaguant et trébuchant, vers la grand-mère. C’était la seule qui paraissait capable de portait autant de bijoux à la fois et puis, il espérait bien servir d’échappatoire au pauvre gars qu’elle avait pris en grippe. Pauvre gars qui lui semblait étrangement familier. Avec cette tignasse blanche, il ne risquait pas vraiment de se tromper. C'était l'Ancien qu'il avait retrouvé avec ses amis. Ils l'aidaient autant qu'ils pouvaient et dans le cas de Fredigan, autant dire qu'il ne pouvait pas faire grand chose. Du coup, le jeune garçon l'évitait autant qu'il pouvait, pour ne pas se sentir coupable vous comprenez ?

"Enoch ?"

Et à peine ces mots avaient traversé ses lèvres que Fred se rendait compte qu'il avait quelque chose à offrir au jeune homme en face de lui : un bon packet d'embrouilles.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



23.09.14 20:48
I knew you were trouble when you walked in
So shame on me now ♫

Découvrir une tête connue dans un paysage inconnu avait toujours quelque chose d'enthousiasmant, et ce malgré la montagne de soucis que pouvait laisser sous-entendre cette découverte. En l'occurrence, Fredigan était de ces garçons dont le potentiel problématique frôlait les hauteurs de l'Everest en dépit de sa bonne volonté, surtout depuis qu'il avait acquis son don. Mais cela ne relevait pas de sa faute, et Enoch lui reconnaissait cette excuse sans chercher à lui faire de reproche. De toute manière, il le voyait trop peu pour se rendre compte des possibilités nuisibles du petit brun ; c'était Talweg qui avait fait s'échapper quelques histoires à ce propos, et le fantôme s'était contenté de les récolter en silence au creux de son cerveau. Par conséquent, il lui manquait  l'expérience pratique mais, étrangement, il n'avait jamais été très pressé d'admirer l'adolescent en pleine activité électrostatique. Tout humain qu'il était, et malgré de précédentes rencontres avec des Evolves plus ou moins excités, son esprit ne versait plus trop dans ces affaires. C'était toujours aussi inimaginable, une telle vérité, juste un chouïa plus acceptable qu'avant.
Pendant que son attention se faufilait jusqu'à cette présence inattendue, la grand-mère tentait toujours de rouspéter plus fort que son caniche, sans guère d'espoir au vu de la force de ses amygdales ; elle cessa toutefois une demi-seconde en se rendant compte que ses convulsions ne produisaient plus le même son que d'ordinaire, voire plus aucun bruit du tout. Ses breloques ne cliquetaient plus autour de ses poignets, son sautoir ne tremblait plus sur sa gorge ridée – impensable silence pour celle qui se faisait un plaisir d'entendre sa propre musique au moindre geste. Une lueur d''incrédulité s'alluma dans ses yeux ternes. Aussitôt, elle se retourna vers Fredigan, qui venait d'annoncer sa présence, mais loin de se calmer et de le remercier de lui avoir rapporté ses bijoux, elle s'improvisa carrément Castafiore, au grand dam des deux garçons.
« Au voleur ! s'écria-t-elle à claire-voix. Arrêtez-les ! » Et d'autres braiments dans cette trempe.

Enoch lui aurait fait bouffer ses perles pour qu'elle s'arrêtât de brailler de la sorte. Il comprit pourtant que récupérer les fameux joyaux serait loin d'être aussi aisé que sur le papier, rien qu'en constatant l'allure d'épouvantail à cinq cents carats qu'était devenu le jeune Evolve. Sur le coup, il songea que ce serait certainement atroce de subir cette attraction pour une personne ayant des dents en or, et il zappa l'image avant même qu'elle ne s'imposât à son esprit. Il venait tout juste de manger. Par ailleurs, sa seconde pensée fut pour le bouton off, désespérément introuvable, qui lui aurait permis de rabaisser le caquet de la mamie. Les aboiements de celle-ci avaient fini par alerter un milicien, à peine débarqué à l'angle de la rue ; la main à la ceinture, prêt à dégainer, il lança avec hargne tandis qu'il marchait vers le groupe :
« Hé, qu'est-ce qu'il se passe ici ? »
Et la dame décrépie de répéter à la volée, sans paraître avoir entendu la question :
« Ils me volent ! À moi ! »
C'en fut trop pour le jeune fantôme. Il ne servirait à rien de s'expliquer et encore moins d'aider le petit brun à se débarrasser de sa cuirasse à cinquante mille dollars – jolie montre, au passage – puisque cela dépendrait des aléas de son gêne. Il serait d'autant plus improbable que l'Eraser donnât raison à deux délinquants en puissance, le poids du porte-feuille étant roi en ce monde, si bien qu'ils se retrouveraient sans aucun doute en garde-à-vue en moins de temps qu'il n'en faudrait pour shooter dans le clébard couleur mare à boue. Alors, que leur restait-il à faire ? De toute évidence, pas ce qui suivit.

« Mais vous allez vous taire, vieille chouette ?! » Ça, c'est de l'insulte. La menace avait surgi d'un coup, sans précaution, et la concernée resta coite sous le choc. Le milicien, lui, protesta en allongeant sa foulée ; il ne pouvait laisser passer ce cas d'injure publique, a fortiori lorsque le contexte impliquait un Evolve. Mais Enoch n'avait ni l'intention de subir un interrogatoire, ni l'envie d'abandonner Fredigan à ses torts involontaires ; il lâcha un « Vite, cours ! » en lui saisissant la main, l'entraînant bon gré mal gré dans sa fuite. Oui, ils avaient intérêt à courir très vite.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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08.10.14 16:25
Finalement, Fred n’avait été que spectateur devant le tournant qu’avait pris la situation. Il ne savait pas comment réagir : devait-il s’énerver contre la grand-mère qui s’époumonait à crier des mensonges ou tenter de la raisonner, de lui expliquer au risque d’empirer la situation ? Et quand bien même il se décider, elle avait l’air tellement convaincu, tellement déraisonnable qu’il n’avait certainement aucune chance. Il avait l’impression de réfléchir à cent à l’heure alors que son cerveau s’enlisait dans dieu sait quoi et le laissait raide comme un poteau devant une vieille folle qui ne prenait même pas la peine d’aller plus loin que les apparence. Il était stupéfait, surpris par la violence de la réaction et plus encore, il avait peur.
Peur que ça dérape, pas pour lui mais pour son compagnon d’infortune. Si le plus jeune se faisait arrêter, peut lui importait, il n’était pas majeur et puis il avait des circonstances atténuantes, même si pour certains elles étaient aggravantes. C’était dans son dossier son statut, son manque total de contrôle au point qu’il ne savait même pas comment l’arrêter. Alors il a tenté de la faire taire, de lui faire comprendre, de la raisonner mais il butait sur ses mots, se sentait mal, et tout tournait autour de lui encore.

Ses craintes se confirmèrent quand enfin la vieille folle réussit à attirer un milicien. Un éclat de lucidité traversa l’esprit du garçon lorsque la voix grave du milicien lui parvenu et il jeta un regard terrifié à Enoch. Une peur qui laissa bien vite place une nouvelle fois à de la surprise alors qu’un léger sourire fleurissait sur les lèvres de Fred. L’insulte n’était pas très violente mais ça changeait, ça faisait du bien d’entendre quelqu’un rester poli un instant et puis, la comparaison était assez drôle au point que l’image s’imposa d’elle-même dans l’esprit du jeune Islandais.
Mais bien sûr, dans l’urgence de la situation, Enoch eu un mouvement malencontreux : il emporta l’Evolve dans sa fuite. Fredigan trébucha mais réussit à se rattraper à un passant et il se dit que finalement, les rues bondées avaient du bon. On aurait presque pu croire qu’il tenait debout alors qu’il ne faisait que bousculer toutes les personnes qu’il croiser pour se rétablir. Ce n’était pas une technique de fuite très rapide mais elle ralentissait encore plus l’homme à leurs trousses : tout le monde venait se plaindre auprès du représentant des forces de l’ordre. Doucement mais surement, les silhouettes des deux garçons se fonderaient dans la masse, quitte à laisser derrière eux une trainée de complainte, en plus, chaque bousculade semblait défaire un peu plus Fred de son lourd fardeau.

Seulement, c’était trop beau, n’est-ce pas ? Si le jeune Kliff retournait doucement à la normal, il se sentait lessivé. S’ils ne s’arrêtaient pas bientôt, Enoch serait certainement contraint de l’abandonner sur les pavés. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Ils étaient loin d’avoir semé leur poursuivant mais celui-ci était occupé avec une mère de famille particulièrement persistante et Fredigan se fit la réflexion que les femmes avaient vraiment l’air d’être uniquement source de problèmes aujourd’hui, surtout les siens. Seulement, il retira vite cette réflexion alors que la femme venait de lui ouvrir une échappatoire. En effet, l’Eraser avait osé lâcher ses proies du regard, toute son attention tournée vers l’enquiquineuse et Fred ne pourrait certainement jamais la remercier assez.
Rassemblant le peu de forces qu’il lui restait il tenta d’appeler Enoch. Il dû s’y rependre à trois fois avant de pouvoir former les quelques syllabes d’une voix tremblante.

« E-Enoch, tourne. Tourne ! »


La chance voulu bien leur accorder, à quelques mètres, une petite ruelle où ils pourraient peut-être se réfugier. Si ils avaient réellement la chance de leur côté, ce dont Fredigan doutait grandement.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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11.10.14 23:37
Trapped to the edge of an endless game
His teenage life will never be the same ♫

C'était de loin la pire décision qu'il avait prise depuis un moment. Enfin, depuis trois minutes, en l'occurrence. Parce qu'à bien y réfléchir, Enoch avait fait des choix très contestables naguère, et s'il se mettait à y repenser, il était à gager qu'il se sentirait englouti sous la masse de stupidités et d'erreurs qui se déverserait sur ses cheveux ; il avait juste gaffé une nouvelle fois, finalement, et ce n'était pas plus terrible que n'importe quoi d'autre. Pour autant, il songea qu'il aurait dû réfléchir davantage avant de se lancer dans cette course, la main de Fredigan glissant dangereusement entre ses doigts au fur et à mesure de leur progression. Les badauds ahuris, loin de leur faciliter la tâche en s'écartant du passage, hésitaient entre leur barrer la route ou les filmer avec leur holophone, histoire de raconter une anecdote amusante aux collègues lors de l'after-work du lundi. Par chance, ce qui se révélait un désagrément pour les deux garçons existait aussi pour leur poursuivant, voire s'aggravait au vu de sa profession ; hors de question pour lui d'ignorer les déboires que lui racontaient les passants outrés. Et quand bien même il l'aurait souhaité, il était seul et fut forcé de se rendre à l'évidence. En plus, il n'était pas sûr de pouvoir mettre un nom sur les deux individus qui s'enfuyaient loin devant lui, afin de les récupérer sur la fonction GPS de son bracelet.

Tout entier concentré sur sa course, priant en continu pour ne pas trébucher contre ses propres chevilles, le fantôme en avait presque oublié son compagnon bringuebalé derrière lui. Cependant, à peine l'eut-il entendu qu'il visualisa l'ouverture que l'adolescent souhaitait lui indiquer, comme si leurs pensées s'était juxtaposées l'un sur l'autre à cet instant précis. Il ne trouva pas d'intelligence à répliquer et, quelques foulées plus loin, il vira de bord d'un coup sec pour s'engouffrer dans la ruelle. Bien évidemment, il n'eut pas le temps de prévoir les divers obstacles qu'ils pourraient y rencontrer, comme cette crevasse dans l'asphalte ou ce sac d'écolier abandonné dans le passage, et il ne les enjamba que par instinct. Pour autant, le chemin donnait sur plusieurs arrière-boutiques qui entreposaient sur le bitume de nombreux invendus ou des cargaisons en attente d'être rentrées dans les magasins ; l'espace était encombré de cartons de tailles diverses, vides et repliés ou pleins et entassés dans les coins. C'était trop pour tous les éviter, si bien qu'Enoch se glissa derrière l'un d'eux avec le petit brun – ou plutôt, manqua de s'étaler à cause d'une vitesse trop importante pour sa tentative d'arrêt brutal. Ses forces s'évaporèrent d'un coup, le laissant inerte, en appui contre le mur et le cœur tambourinant entre ses poumons contrariés. Seul son orgueil l'empêchait de s'asseoir à même la poussière, de couler le long de la paroi jusqu'au sol ; et pourtant il en aurait eu une diable d'envie. Du coin de l'œil, le garçon garda une surveillance sur la rue principale, mais rien ne l'alerta outre-mesure. Sauvés, alors ? Peut-être bien.

À peine un peu plus rassuré qu'auparavant, il s'autorisa à reposer ses reins contre la façade, avalant l'air à grandes inspirations. Ses côtes tournaient, sa gorge le lançait et son cerveau brûlait. Ou quelque chose du genre – il n'était plus très sûr de réfléchir correctement avec cette douleur qui lui grignotait les nerfs partout dans son organisme. Il eut néanmoins de quoi s'adresser à son complice malgré lui, visiblement dans un état guère plus enthousiasmant :
« Tu vas bien ? Tu es tout pâle. » Le soleil aurait reproché à la lune de trop briller que cela n'aurait pas eu moins de logique, car ils étaient tous deux aussi blancs que les draps que l'on met à sécher dans les animations japonaises. Néanmoins, Enoch sentit une pointe d'inquiétude filtrer sur sa figure ; si l'allure fantomatique était sa marque de fabrique, ce n'était pas censé être le cas de l'Evolve. D'ailleurs, il pensa aussitôt que les deux éléments étaient sans doute liés, et que l'effort fourni par leur fuite n'avait fait que renforcer un contrecoup déjà présent. Peu à peu, sa respiration se calma, son myocarde s'apaisa. Il reprit, essayant d'être serein malgré l'appréhension qui lui plissait légèrement le front.
« C'est mal tombé, mais ça aurait pu être pire. Cela t'arrive souvent, ce genre de... » Il mima le mot en se touchant les bras au hasard, même si le geste aiderait moins qu'un dictionnaire. « ...magnétisme ? Je comprends mieux pourquoi Talweg voulait déterrer des trésors avec toi. » Ou à l'inverse, ne pas aller acheter des vis dans une boutique de bricolage. Les avantages et les inconvénients.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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08.11.14 21:18
Un miracle. L’allée en elle-même en était déjà un mais le fait que Fredigan tienne debout jusqu’à ce qu’Enoch trouve une cachette, c’était d’un tout autre niveau. Le jeune garçon en était d’ailleurs plutôt fier, c’est pourquoi il s’était laissé tomber au sol alors que son compagnon, faisant preuve d’un peu plus de jugeote, vérifiait qu’ils étaient en sécurité. Quand bien même l’Eraser les aurait suivis jusque là, Fred n’envisageait même pas de se relever. Il s’était tant bien que mal mis sur le dos, la respiration bruyante et chaotique, tout son corps tremblait alors que ses muscles le tiraient et brûlaient. Il ferma les yeux et tenta de se concentrer sur autre chose que sa tête qui menaçait d’exploser.
Il devait faire de l’ordre dans ses pensées. La respiration était sa priorité. Inspirer, doucement. L’air rentrait lentement alors que ça cage thoracique se soulevait de la même manière. Il prit quelques instants de plus pour se calmer et se redresser laborieusement pour poser son dos contre le mur. Il grimaça sous l’effort. Son compagnon attendait toujours sa réponse. Fred n’avait pas vraiment envie de parler. Il voulait juste se fondre dans le sol, là maintenant, et ne plus jamais bouger de sa vie, ne plus jamais traîner dans une ville bourrée de vieille chouettes folles dingues racistes avec une pseudo sécurité avide de sang. Il voulait qu’on le laisse en paix, qu’on lui enlève ce fichu « don », qu’il retrouve sa petite vie paisible d’ignorant dans un foyer chaleureux avec des parents qui ne le regardaient pas comme s’il était une atrocité qui avait pris le contrôle de leur fils. Il voulait juste arrêter de ce sentir monstrueux.

Mais il n’avait pas le choix, il ne l’avait jamais eu. Alors, poussant un soupire et rouvrant les yeux, il fixa son regard sur Enoch et haussa les épaules.

« Ca dépend. Au mieux, une fois toutes les deux semaines, au pire, plusieurs fois par jour. Et tu sais, comme je l’ai dit à Talweg, je lui serais pas très utile vu que c’est pas moi qui décide. C’est la chance et comme tu as pu le remarquer, elle est pas souvent de mon côté. »

Il lança un sourire faiblard à son interlocuteur.

« J’suis désolé. Pas seulement pour aujourd’hui mais aussi toutes les fois où je t’ai évité. T’as rien fait de mal mais quand je vois tout le monde faire tout ce qu’ils peuvent pour t’aider et que je me rends compte que je peux rien faire, je me sens mal à l’aise. Et regarde, pour l’instant tout ce que je t’apporte c’est de nouveaux problèmes alors que je suis sûr que tu as des choses bien plus importantes à gérer. »

Il avait fini par fixer le bout de ses pieds et pour une fois, la nervosité ne l’avait pas fait gesticuler dans tous les sens. Au contraire, il essayait de se faire plus petit qu’il ne l’était déjà. Il ne savait plus quoi dire. Est-ce qu’il devait conseiller à son compagnon d’infortune de le laisser là pour éviter d’autres problèmes ? Mais si l’Ancien ne voulait vraiment pas de lui, il l’aurait certainement planté là devant l’Eraser. Ce serait irrespectueux de faire e genre de commentaires, non ? D’ailleurs, techniquement parlant, Enoch était encore plus vieux que son grand père, est-ce qu’il devait faire preuve de plus de respect quand il s’adressait à lui ?
Il verrait bien ce que le jeune homme ferait agirait en conséquence.
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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15.11.14 23:38
You've got time you gotta try
To bring some good into this world ♫

Les quelques échos qui s'échappaient encore de la ruelle principale finirent par mourir en une poignée de secondes. Bientôt, les deux gamins surent qu'ils ne craignaient plus rien à l'unique condition de rester dans leur coin sans tenter de se dévoiler, évitant ainsi de recréer une vague qui venait tout juste de mourir en un clapotis à leurs pieds. Heureusement, du temps, ils en avaient à perdre, ou du moins Enoch l'espérait-il pour son compagnon. Pour sa part, il avait conscience qu'une heure ou deux lorsqu'on vient de se griller deux siècles en même pas une minute, ce n'était pas la mer à boire. La théorie de la relativité dans toute sa splendeur – il faudrait qu'il passe à la bibliothèque pour étudier les dernières trouvailles en matière d'espace-temps. Si tant est qu'une bibliothèque existait encore à Madison, auquel cas il devrait disposer d'un mois entier pour apprendre comment trier les données numériques en libre-accès. Avant, il choisissait un livre, geste des plus délicats pour le sortir de son étagère, et puis il faisait glisser l'index et le majeur sur le rebord de la couverture afin d'ouvrir les premières pages et, ô miracle, une marée de petits caractères et d'informations se mettait aussitôt à fluctuer comme un ressac de papier, et il pouvait se laisser absorber dans cette houle silencieuse, opaque, physiquement douce au toucher et infinie. Parfois, il se coupait à cause d'un geste brusque, et la feuille donnait l'impression d'avoir pris peur et de s'être défendue contre l'agression ; il lui fallait s'excuser et recommencer plus sereinement. Bah, maintenant il y avait des écrans translucides et des diagrammes en cinq dimensions. Il ne pouvait plus se faire mal ; les ouvrages ne risquaient plus de lui tomber sur les pieds. Tristesse.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt, à nos garçons. Un léger élan de sympathie naquit chez le fantôme à l'écoute du discours de Fredigan, élan dont il s'efforçait de reconnaître les explications. Contrairement à certains Evolves qu'il avait pu rencontrer, bon gré mal gré, Enoch savait que l'adolescent ne détenait pas son pouvoir depuis des années et que parvenir à le maîtriser s'avérait autant une affaire de temps que de volonté ; cette absence de contrôle ne lui était donc pas imputable, loin de là. Mais le prétexte de la poisse ne valait pas un clou devant les adultes de cette ère. Pour les Erasers, il demeurait un danger, quoi qu'il tente, et les autres citoyens auraient tôt fait de lui coller cette étiquette à leur tour s'il ne réussissait pas à dominer un minimum les aléas de ce magnétisme inopiné. Pourtant, ce petit brun donnait plus envie de le consoler que de le blâmer ; il appartenait à cette classe, rare en apparence, qui subissait le gêne au lieu de l'accepter. Comme si c'était aussi simple. Le gosse aurait avoué être anarchiste que ses proches l'aurait pris avec davantage d'enthousiasme.
L'Ancien ne trouva pas les mots pour rassurer l'Evolve. Toutes les phrases fleurissant dans son crâne lui paraissaient idiotes, surfaites, propres à ces grandes gueules qui croient tout savoir, tout comprendre, tout régler en un claquement de langue. Alors il garda le silence, étonné d'entendre une excuse dans la bouche de celui qui n'aurait jamais dû avoir à se faire pardonner. On ne pourrait pas lui reprocher sa sincérité, en revanche. Et l'aveu se faufila droit jusqu'au cœur de l'aîné, qui sentit la tension de ses muscles s'amollir.
« Ne sois pas désolé ; ce n'est pas de ta faute. » Une considération bien humaine, ça : croire qu'il faut toujours un responsable aux calamités. Elles tombent, c'est tout. On ne peut en vouloir à un cheveu de se décrocher pour choir dans la soupe. D'autant plus qu'à ce moment, Enoch s'imaginait sans souci être la parfaite incarnation de ce cheveu, lâché dans un potage qui répondait au savoureux nom de Madison. Espérer retrouver ses congénères, là-haut sur la tête, n'était plus qu'un fol espoir. « La situation n'est pas évidente, c'est vrai, mais je ne vais pas t'obliger à m'aider. J'ai déjà l'impression d'être un boulet pour tes copains, et toi tu as déjà assez de ferraille à supporter, je crois. » De l'humour, petit poucet ? Un croque-mort serait plus comique. La blague ne fera sourire personne ici, essaie encore. De toute manière, à ce stade, ce n'était même plus de la ferraille mais une batterie entière de casseroles. Pauvre môme.

Un temps s'écoula sans qu'aucun ne trouve à renchérir. Le spectre se retenait d'en dire trop sur ses actuelles conditions d'existence pour ne pas alarmer son vis-à-vis, quand bien même il n'ignorait pas que celui-ci était sans doute au courant de sa déroute. Il jugeait inutile de décrire la réalité quotidienne, au moins aussi pénible que celle des parias, à la fois par amour-propre et par respect pour ces enfants qui faisaient leur possible pour lui alléger la charge. Oui, ce n'était rien de plus qu'un boulet, un poids mort doué d'intelligence à défaut d'habileté, alors gémir sur son sort n'aurait rien arrangé. En plus, il contribuait au mal-être de Fredigan qui se serait probablement passé de cette conscience supplémentaire. En silence, Enoch se traita d'idiot. Son regard vient embrasser le sol, les murs, ses phalanges qu'il tordit les unes contre les autres. Difficile d'énoncer les mots justes.
« Ce ne doit pas être facile pour toi, alors si je peux faire quelque chose... Je veux dire, c'est peut-être à moi de t'aider et non l'inverse. Même si je ne sais pas comment. »
Sur le coup, le garçon avait lâché cette proposition avec toute la spontanéité du monde. Aucune arrière-pensée, aucun coup placé sur un échiquier en prévision d'un intérêt futur. Il présentait ses maigres moyens, deux bras et quelques organes en assez bon état, et si l'Evolve avait besoin de n'importe quoi, il était prêt à lui offrir sans redevance. De la pure bonté en barres, emballée dans un papier d'idiotie.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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25.01.15 21:18
Fredigan se sentait vraiment mal dans sa peau à ce moment précis, en tout cas plus que d'habitude. Il fallait bien l'avouer, il se sentait coupable pour un millier de choses. Pour gêner Enoch tout d'abord. Le plus vieux pouvait dire ce qu'il voulait, Fred ne serait certainement jamais d'accord pour laisser son compagnon de fuite lui enlever ses responsabilités dans cet incident. En effet, tout cela aurait pu prendre une tournure bien pire mais aussi ne pas arriver du tout si l'Evolve avait un minimum de contrôle sur lui-même. Après tout, il savait bien que si son esprit était complètement concentré sur autre chose son pouvoir se calmait, comme lors d'une de ses crises de panique. Ce n'était pas la meilleure des solutions mais ça aurait pu fonctionner seulement, Fredigan n'était qu'un froussard et même en cherchant au plus profond de lui, il savait pertinemment qu'il n'avait pas une once de courage. Ces crises de panique lui faisait peur.
Elles représentaient une sorte de cauchemar ambulant, un peu comme le monstre caché dans le placard ou sous le lit des jeunes enfants, à la différence près que celui-là ne le quittait jamais, attendant le moment propice pour frapper et rappeler sa présence. C'était toujours là, dans un petit coin de la tête de Fredigan, coincé discrètement dans le creux de son ventre et lui enserrant la poitrine lorsque ça hésitait à se présenter entièrement. Il ne l'oubliait jamais, l'humiliation, le regard des autres qui le mettaient déjà dans la case 'bon pour l'asile', la perte de tous ses moyens et les pleurs.Alors, même s'il avait pu choisir d'arrêter son magnétisme, il ne l'aurait pas fait. Il ne se serrait pas amusé à retourner à l'état de simple silhouette tremblante recroquevillée sur elle-même au milieu de la foule.

Fred se sentait aussi coupable d'avoir à son tour classé la vieille dame comme folle à lier. Elle n'avait rien demandé et se retrouvait victime de vol à la tire involontaire, si c'était possible. Peut-être qu'elle avait pris peur, elle-aussi, et avait simplement essayé de gérer la situation comme elle pouvait. Le jeune Islandais ne savait même pas comment il aurait réagit à sa place. Il espérait de tout cœur qu'elle retrouverait tous ses bijoux, surtout s'ils avaient une valeur sentimentale. Maintenant qu'il y repensait, l'Eraser qui leur avait couru après aussi devait être dans de beaux draps. Pourvu qu'il ne lui en tienne pas rigueur la prochaine fois qu'ils se croiseraient, si jamais cela arrivait.
La prise de parole d'Enoch stoppa le train de ses idées noirs aussi, pour lui montrer son attention, il remonta ses yeux verts vers le visage du plus vieux. Il ne fut pas surpris par les premiers mots de son compagnon d'infortune. C'était une bonne personne, certainement un peu trop pour son bien et cette pensée ne remonta pas le moral du jeune Kliff. Il était presque certaine qu'une tirade du même ordre suivrait mais il ne se sentait pas la force de protester. Il n'allait pas, en plus d'emporter quelqu'un dans ses problèmes, le blesser en lui jetant sa bonne volonté au visage.

Seulement, il semblerait qu'Enoch ait plus d'un tour dan son sac. Sans le savoir, le jeune homme avait trouvé le meilleur moyen de ramener Fredigan sur terre. Ce n'tait qu'un mot, glissé de la façon la moins discrète du monde. Peut-être que certains auraient trouvé cela déplacé, de mauvais goût ou tout sauf drôle mais Fred n'était pas comme eux. Comme un livre ouvert, son visage avait laissé transparaître sa surprise qui avait été lentement remplacée par une étincelle de malice dans ses yeux et un sourire discret alors qu'il réalisait qu'il y avait bien un côté positif à sa condition. Le jeune Evolve n'avait jamais pensé aux mauvais jeux de mots qu'il pourrait faire, surtout si on considérait sa phosphorescence bien visible de nuit.
Avant qu'Enoch reprenne la parole, il avait eu le temps de se relever. Il avait envie de bouger maintenant, quitte à passer pour un lunatique. Il préférait retrouver un peu de joie de vivre plutôt que de ressasser le passé pour trouver de nouvelle raisons de se sentir coupable.

Après la proposition d'Enoch, Fredigan prit le temps de réfléchir avant de répondre pour une fois. Non pas qu'il veuille mentir ou manipuler l'Ancien, il considérait simplement que cette proposition méritait qu'il essaye de peser ses mots. Il ne voulait rien demander à son potentiel ami mais ce dernier avait l'air de vouloir l'aider à tout prix. Alors, peut-être pouvaient-ils trouver un terrain d'entente. Les sourcils froncés par la réflexion, Fred regardait Enoch. Il ne pouvait pas lui demander quelque chose de trop simple ou le plus vieux se douterait qu'il faisait cela uniquement pour soulager la conscience de l'Ancien. D'un autre côté, il était hors de question de lui demander quelque chose, Fred pouvait se débrouiller et il ne voulait pas peser sur les autres plus qu'il ne le faisait déjà au contraire, il espérait bien pouvoir aider Enoch un minimum. Il devait donc trouver un service qui finalement aiderait les deux. Fredigan se doutait que son compagnon était dans une situation similaire à la sienne, à la différence près qu'il ne devait pas avoir beaucoup de personnes sur qui il pouvait compter et encore moins de gens qui puissent l'héberger et le nourrir gratuitement.
Soudain, il prit conscience du confort de sa situation comparé à certains. Bien sûr, il ne pouvait pas décemment demander à ses parents de l'héberger alors qu'il accepter leur fils la moitié du temps. Quoique, en y réfléchissant bien, Enoch était humain, avait l'air de quelqu'un de bien et il s'entendrait certainement très bien avec le plus vieux des Kliff. Mais le jeune homme n'accepterait sûrement jamais. Fred n'avait presque rien d'autre à offrir, il avait les poches complètement vide et pas grand chose de matériel. C'est alors qu'il réalisa qu'il pouvait peut-être aider avec ce qui devait peser le plus sur les épaules d'Enoch. Ses sourcils se haussèrent à cette réalisation et un sourire chaleureux étira ses lèvres.

"Alors je veux bien ton amitié. Enfin non, on peut pas se forcer à être l'ami de quelqu'un... Je te propose qu'on se tienne compagnie et peut-être devenir amis. En tout cas, on essaye plus de savoir de l'autre manque pour l'aider parce que premièrement, aucun de nous n'en a les moyens ; deuxièmement, pour qu'aucun d'entre nous n'ait l'impression d'être un boulet pour l'autre. On se serre quand même les coude mais... Comment dire ? Je veux pas être désobligeant mais je suppose que tu n'as pas beaucoup d'amis ici et ça fait du bien de rencontrer quelqu'un avec lequel on est sur un pied d'égalité ou presque. Tu dois en avoir un peu marre de te sentir redevable."

Fredigan détourna le regard en se grattant la nuque, gêné par ce discours qui lui semblait stupide. "Enfin tout ça pour dire : est-ce que ça te dirait de traîner en ville avec moi et peut-être essayer de trouver un travail temporaire dans un magasin ?"
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



27.02.15 12:25
This is gospel for the vagabonds, ne'er-do-wells and insufferable bastards
Confessing their apostasies, led away by imperfect impostors ♫


Quelque part, Enoch avait l'impression de faire le chemin inverse ; de suivre à rebours le processus normal qui donnait lieu à ce que, dans le jargon, on appelait amitié. Il ne se souvenait pas avoir entendu le sentiment glisser entre ses côtes, ni l'évidence raciner dans ses ventricules. Il n'avait pas non plus éprouvé la sensation étrange et familière de se sentir chez soi avec un autre, petit à petit, à coups de visites régulières, d'appels téléphoniques et de veilles enthousiastes. S'il considérait Fredigan comme un ami ? Difficile à dire. Est-ce qu'il est possible d'aimer un inconnu ? Joker. Les galants soutiendront qu'aucune âme ne mérite pas d'être étreinte ; les sceptiques hausseront les épaules avec réticence ; les insensibles parieront sur la bêtise des borgnes au royaume des aveugles. Quant à savoir où le fantôme se situait parmi ces catégories, il préférait avouer, une fois n'est pas coutume, qu'il n'en savait rien. Le petit brun lui rappelait quelqu'un, pas tant dans la nuance de ses cheveux ou dans sa carrure que dans cette faculté de faire confiance au nom d'une intime conviction, d'une intuition masculine. Tout l'inverse de l'Ancien, pour qui les meilleures amitiés se mesuraient au nombre de jours décrochés de l'éphéméride ; le record à battre se trouvant à quelque soixante-treize mille rotations terrestres, il doutait d'en lier une plus tenace. Cependant, il n'ignorait pas qu'avec Fredigan, les règles avaient changé.
Contrairement aux autres gamins qu'il côtoyait bon gré mal gré, le jeune Evolve restait en effet un timide mystère, le plus souvent absent des jeux de ses camarades ; Enoch ne l'avait aperçu que rarement, à moitié planqué derrière Talweg, et leur embarras commun avait jusqu'à présent limité leur conversation à des salutations polies mais rapides. Apprendre qu'il désirait approfondir leur relation aurait stupéfié le petit poucet, qui tomba donc des nues en écoutant la requête de l'adolescent – requête tellement spontanée qu'elle en devint brusque. D'autant que la suite se révéla tout aussi étonnante.

C'était à fondre. Un mélange entre ces parents qui s'émerveillent des premiers mots volontaires de leur enfant, à condition qu'il ne s'agisse pas de jurons, et la réaction générale devant un chaton qui roule sur lui-même en faisant sa toilette. Le sourire de Fredigan n'avait rien d'artificiel, à l'instar de son discours ; pourtant il paraissait préparé depuis un moment, comme s'il s'était retenu de le lâcher plus tôt ou par embarras. L'époque glorieuse où il suffisait d'aller voir son homologue en lui demandant s'il voulait bien être notre ami était révolue depuis les bacs à sable, et encore, mais cet instant-là en avait étrangement conservé la fraîcheur, de même que l'impossibilité de refuser. Vrai, comment rejeter cette sollicitation ? Était-ce seulement envisageable ? Il aurait fallu aussi peu de cœur qu'un chasseur de blanchons ; ce qui, à l'exception d'un violent écart scénaristique ou biologique, n'était pas le cas d'Enoch, dont le myocarde palpitait avec un entrain maladroit. La déclaration de l'Evolve faisait montre d'un naturel déconcertant, à la fois lucide et douloureux. Pour cause, le fantôme y décelait les indices d'un chagrin qu'il n'expliquait pas, puis d'un bref effet-miroir. Il manquait évidemment de preuve pour illustrer sa théorie, mais il sentait que cette invitation amicale dissimulait un second tranchant ; ici, il n'était pas la seule victime de la solitude et de l'indifférence. Alors s'il pouvait lui apporter son incomparable compagnie, ne serait-ce qu'aujourd'hui, il ne voyait aucune raison de décliner. Ce n'était même pas une question de se forcer ou de jouer les bons samaritains, mais parce qu'il en avait envie davantage que besoin, parce que les mots de Fredigan s'étaient transformés en eau qui lui piquait les yeux, parce qu'il ne put s'empêcher de prendre le gamin dans ses bras pour lui cacher son visage et mieux y exprimer sa décision. Il avait fondu, n'abandonnant qu'une voix faible :
« Oui, d'accord. Je veux bien essayer aussi. »
Concevoir un échec dans cette tentative ne lui transperçait même pas l'esprit. Certes, aucun après-midi jeux vidéos ni aucun travail scolaire en groupe ne se profilaient à l'horizon pour enrichir leurs rapports, néanmoins ils s'en accommoderaient. Leur amitié prévoyait d'être malhabile, cocasse et saugrenue, mais elle sonnait comme l'aube d'un nouveau jour, une méthode pour s'approprier un peu plus cette ère ultramoderne dans laquelle ils avaient tous deux été jetés par mégarde, sans qu'on leur demande leur avis.

Enoch s'écarta en frottant ses paupières dans la manche de sa veste pour en chasser les éclats humides. Il avait eu un léger moment de fragilité – des objections, là-bas au fond ? – toutefois il lui fallait se ressaisir. La proposition de traîner en ville s'auréolait d'un espoir de se rendre utile ou, d'une meilleure façon, d'arrêter d'être inutile car jusqu'à lors, l'Ancien n'avait été qu'un fardeau pour des personnes qui n'avait jamais souhaité le rencontrer. Au cours de ses précédentes pérégrinations urbaines, il avait découvert certains centres d'accueil, des hygiénaires pour sans-abris et autres structures de soupe populaire, mais les mauvaises fréquentations, la violence et le regard inquisiteur des bénévoles l'avaient vite refroidi. Avec les gosses de la cabane, au moins, il n'avait pas l'impression d'être moins bien qu'un autre, de représenter une cible et non un quêteur d'asile. Nonobstant, il lui manquait toujours de quoi subvenir à ses propres besoins de survie, alors il vagabondait assidûment durant ses longues journées oisives. Sans ce minimum d'intention, il aurait viré fol dingue.
« Tu connaîtrais quelqu'un d'intéressé ? reprit-il finalement, avec plus de conviction qu'auparavant. Avant, je travaillais pour un journal, un ramassis de faits-divers ineptes. Je ne sais pas faire grand-chose, sinon... Mais j'apprends vite. » Et la palme du plus inefficace entretien d'embauche revient à... Bref. Conscient de sa bêtise, Enoch commença de se diriger vers l'ouverture de la ruelle, du côté opposé à leur arrivée pour ne pas risquer de croiser l'Eraser tenace. Un con qui marche va toujours plus loin qu'un intellectuel assis, selon la maxime, et ce jour-ci, le fantôme n'avait pas l'intention de jouer les sages immobiles. Avec Fredigan à ses côtés, il sentait désormais le vent de changement souffler dans ses cheveux et lui chatouiller les tempes. « Tu sais déjà ce que tu voudrais faire plus tard, toi ? Parce que, heu, je ne sais pas du tout ce que tu étudies. Qu'est-ce qu'on apprend en cours, aujourd'hui ? »
Le goût d'une conversation ordinaire est inimitable.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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07.03.15 20:50
Lorsqu’Enoch le prit dans ses bras, Fredigan ne savait pas vraiment quoi faire. Il ne s’était pas attendu à ce genre d’effusions, surtout de la part du plus vieux. Une poignée de  main aurait largement fait l’affaire mais ce n’était pas le jeune Evolve qui allait se plaindre. Il avait naturellement rendu le câlin alors que sa tête était complètement perdue : il ne savait pas s’il devait être surpris, heureux qu’Enoch lui laisse une chance, soulagé d’avoir trouvé quelqu’un un peu dans la même situation ou complètement paniqué à l’idée que l’Ancien change d’avis en apprenant à mieux le connaître. Cela dit, le bon côté en débutant une amitié de cette manière c’était que Fred pourrait être tactile et démonstratif sans rebuter le plus vieux. Auparavant, il avait eu quelques problèmes avec des connaissances qui s’agaçait parce qu’il était trop proche ou parce qu’il les prenait par la main au milieu de la rue pour les entrainer dans les rues de Madison en s’attirant par la même occasion des regards étranges de la part des passants. Il n’avait plus eu à se soucier de ça depuis qu’il avait décidé de fuir ses amis pour déambuler seul et garder ses problèmes pour lui, même si certains comme Talweg n’avaient pas voulu le laisser partir. Il n’avait pas le cœur à rester seul comme ça alors il s’était laissé entrainer dans cette bande hétéroclite et affreusement attachante. Il n’avait aucune raison d’être inquiet en fait. Si Talweg et ses amis l’avaient accepté, pourquoi Enoch n’en ferait pas autant ? Pour l’instant tout se passait bien alors il ferait mieux d’en profiter et il pourrait toujours aviser plus tard si Enoch changeait d’avis.

Lorsqu’Enoch s’écarta, Fred le laissa faire et lui sourit simplement. L’éclair de joie qui donnait envie d’éclater de rire et de sauter partout était passé, ne laissant derrière lui qu’un bonheur plus doux, de ce qui vous font sourire inconsciemment jusqu’au lendemain. Fredi ne s’était pas rendu compte des larmes d’Enoch avant de le voir se frotter les yeux. C’est à ce moment là qu’il se rendit compte de ce que cette proposition devait réellement représenter pour l’Ancien. Le plus jeune était bien moins isolé qu’il ne le pensait. C’était son choix, finalement, de ne pas avouer à ses amis que ses parents le jetaient régulièrement à la porte. Il s’était isolé consciemment et il dépendait que de lui de revenir en arrière mais il ne pourrait certainement jamais s’y résoudre. Bien trop de gens se retrouvaient embarqués dans cette histoire sans se rendre compte de la situation réelle. Enoch avait été témoins de son magnétisme, du caractère aléatoire de son gène et les problèmes qui en découlaient. Il ne restait plus qu’une crise de panique et le plus vieux aurait tout vu. Il savait où il allait avec Fred, peut-être même mieux que l’Evolve lui-même et c’est pour ça que ce dernier pouvait se rassurer, tout ce passerait bien. C’était étrange mais les larmes d’Enoch l’avaient plus en confiance que n’importe quel sourire ou long discours.
Le jeune Islandais aurait aimé réconforter son ami mais il fût interrompu et se décida plutôt à réfléchir pour répondre à Enoch. Le fait qu’il ait déjà travaillé était intéressant pour un potentiel employeur, non ? Et si c’était dans un journal encore plus, ça voulait dire qu’il était à l’aise avec la technologie, sauf si les journaux n’étaient pas en ligne dans le passé. Fred jeta un rapide coup d’œil à Enoch. Il lui faisait penser à son grand-père. Le plus jeune soupira, son ami avait l’air d’une personne qui aime les vieilles choses, aimait se débrouiller tout seul. Un discret éclat de rire lui échappa lorsqu’il imagina son compagnon d’infortune aux prises avec son bracelet ou tout autre objet électronique devenu incontrôlable. Pourtant il n’y avait pas de quoi rire, ça ne l’aiderait pas à trouver du travail, bien au contraire. A une époque où la technologie était au cœur de tout, celui qui ne l’utilisait pas devrait vivre en ermite dans les bois, même l’état utilisait ce genre de chose pour identifier les citoyens et tout le monde sait que le gouvernement est rarement en avance sur ce genre de chose.
Ce n’était pas totalement vrai, il devait bien rester quelques vieux conservateurs paranoïaques persuadés d’être observés et qui couchaient leurs informations les plus importantes sur papier. Comme son grand-père… Les comptes de la joaillerie étaient tenus en grandes partie sur papier  et si Fred osait demander pourquoi son père comme son grand-père perdaient autant de temps pour quelque chose d’aussi simple, les deux lui disaient qu’il comprendrait plus tard. Les deux adultes étaient tombés d’accord sur l’importance de ce genre de choses et maintenant qu’ils n’avaient plus Fred pour les aider au niveau manuel, il était presque sûr qu’ils ne refuseraient pas un peu d’aide et Enoch pourrait faire l’affaire. Il était humain et le plus vieux des Kliff serait ravi d’avoir une relique vivante dans sa boutique. En plus il pourrait se reposer un peu, ce qui ne serait pas de trop à son âge.
Le jeune Islandais, marchant aux côtés de son ami, fini par lancer un sourire rayonnant à Enoch.

« Je crois que j’ai une idée et promis, la seule chose que tu auras à faire c’est gérer et classer des papiers et peut-être recopier des comptes. Par contre je promets pas que ce soit très passionnant. Ça te dirait de travailler à la joaillerie que ma famille tiens ? Ce serait uniquement le côté administratif je suppose mais c’est un travail au moins ! Et puis je suis certain que tu t’entendrais bien avec grand-père, il connait beaucoup de chose et il est fasciné par la manière dont les gens vivaient avant. Il est aussi très vieux jeu. »

Il fixa un instant son regard sur le visage de son voisin avant de se rappeler de la seconde question. Fred n’y avait jamais vraiment réfléchi, il devait reprendre la boutique comme son père avant lui. Ça ne l’aurait pas gêné, il aimait bien la joaillerie et l’idée de continuer dans la lignée de ses ancêtres et de porter son héritage en quelques sortes lui plaisait mais maintenant qu’il pouvait se transformer en aimant géant à tout moment, sa carrière paraissait compromise. En plus du fait que son père l’avait certainement déshérité. Il baissa les yeux et continua à marcher tout droit. Il ne savait pas vraiment où il allait mais pour l’instant ce n’était pas vraiment important. Il déambuler simplement dans les rues avec un ami à ses côtés et, les idées noires mises de côtés, c’était plutôt agréable.

« Je pensais faire comme mon père. Récupérer la bijouterie avant d’enseigner à mon tour le travail à mes enfants et leur laisser la boutique. C’est plus vraiment d’actualité, en même temps imagine ce que mon pouvoir donnerait avec des métaux chauffés à blanc et fondus.  Donc je sais pas vraiment ce que je vais faire. En même temps c’est difficile de changer complètement d’idées quand on t’a répété la même chose toute ta vie… »

Il pris une profonde respiration et releva la tête.

« J’y réfléchirais peut-être plus tard mais même si je change de métier, c’est pas les cours qui vont m’aider. Je pense que les noms sont les mêmes qu’avant mais les programmes ont changés ? D’ailleurs tu as étudié quoi ? Comment tu as su que tu te trompais pas dans tes choix ? Comment on sait qu’on choisi la bonne voie alors qu'on a que seize ans ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



08.03.15 0:44
Against the light, too strong, blow a fuse now
Everything bright, new songs, burning shoes ♫

Les rues commerçantes avaient repris une allure plus paisible qu'auparavant. Lorsqu'ils débouchèrent sur une artère plus large, les deux garçons purent se déplacer sans craindre une nouvelle altercation, du moins tant que le gène de Fredigan demeurait à l'état de repos, et leurs mouvements semblaient à l'un comme à l'autre davantage naturels. Le long des boutiques qui bordaient le trottoir, des diodes luminescentes scintillaient dès que l'on posait le pied dessus et des enfants s'amusaient à sauter sur chacune d'elles au fil de leur marche ; plus loin, un couple sortait d'un magasin de cosmétique, un étrange chat aux allures de chien tenu en laisse. Une publicité vantait les bienfaits d'un aérosol dont l'hologramme diffusait les odeurs grâce à un ingénieux système de reconnaissance physique. Pour tout le monde, hormis Enoch, ces éléments étaient d'une banalité affligeante. À ses yeux pourtant, et malgré le temps désormais passé à arpenter la ville, il y avait toujours une pointe de stupéfaction à voir un homme rentrer dans une voiture sans volant et se laisser porter par l'engin flottant. Est-ce qu'il s'y habituerait un jour ? S'il désirait obtenir un emploi, il avait intérêt à cesser d'ouvrir grand les paupières à la vue d'une silhouette numérisée l'interpellant  au détour d'un carrefour pour lui vendre des services dématérialisés.

Pour le moment, cette petite escapade urbaine se colorait de gaieté ; l'enthousiasme apparent de Fredigan y était sans doute pour beaucoup dans l'histoire, et communicatif en plus de cela. Au sourire qu'il offrit au fantôme, celui-ci ne put que le lui rendre, même sans savoir ce qu'il dissimulait. Rien de grave, espérait-il. De toute manière, rien n'aurait pu être insurmontable. L'idée de l'adolescent n'était pas bête, pas plus qu'elle ne paraissait dingue. Si l'Ancien avait cru ne jamais avoir à retravailler avec du papier, c'est parce que la feuille de bois correspondait à une vieillerie dans l'imaginaire des gens d'aujourd'hui, ou au mieux un luxe d'ancêtre. Et la proposition de l'Evolve gagna en exotisme lorsqu'il évoqua le cadre professionnel : la joaillerie de sa famille. Excusez du peu ! Enoch en resta coi. Il réprima néanmoins un léger rire à l'écoute de la dernière remarque, comme si le fait que papy fût très vieux jeu augmentait les probabilités qu'ils s'entendent bien. Comme quoi, même la façon dont Fredigan le traitait de vieillard bicentenaire parvenait à l'amuser. Alors ce dernier prit une seconde pour réfléchir à l'offre.

Au fond, la réponse se décelait dans son mutisme. S'il s'était senti offusqué, déçu ou bien lésé, il l'aurait exprimé au quart de tour, à travers une grimace de désapprobation. Là, en revanche, il faisait mine de se questionner sur le pour et le contre, n'énumérant de toute évidence que des avantages, et continuait son chemin sans s'arrêter pendant que Fredigan reprenait la parole. Constater que les traditions familiales avaient encore la vie dure consola un chouïa Enoch par rapport à cette époque aux accents déshumanisés. Reprendre la boutique de ses parents, perpétuer le savoir-faire d'une maison de qualité, tout cela sonnait doux aux oreilles de l'orphelin qu'il était dorénavant. Et la pointe d'envie se mua très vite en compréhension face aux difficultés que traversait le gamin à cause de son pouvoir. Non qu'il en concevait le danger – « des métaux chauffés à blanc et fondus » ? No, thanks – mais le regard de ses proches sur ce fils héritier, relégué au rang de menace sur pattes, devait maintenant peser sur ses frêles épaules. La fierté paternelle n'était plus qu'embarras devant une bouche à nourrir et une boutique privée d'avenir. À peine seize ans, et Fredigan exposait déjà les considérations graves d'un adulte, de l'adulte qu'il deviendrait un jour et qui, pour l'instant, voyait ses racines fauchées par une lame qu'il avait attirée sans le vouloir.

« L'école n'était pas mon fort... » commença Enoch, sautant sur l'occasion de détourner la grisaille de la conversation. « Les gosses n'étaient pas tendres entre eux et ma santé ne l'était pas plus avec moi. Ce que je sais, c'est grâce aux livres qu'il y avait à la maison et puis, plus tard, en apprenant à sur le tas. Alors ce serait maladroit de t'inciter à suivre les cours pour trouver ta voie. » Il marqua une pause, essayant de se rappeler quelle avait été sa destinée et à quel moment elle s'était imposée à lui, à condition d'en avoir eu conscience. Aussi loin qu'il se souvenait, sa première et plus grande expérience avait débuté à ses dix-neuf ans, lorsqu'il avait décidé de claquer la porte de la demeure maternelle pour tenter sa chance dans le monde. Et si c'était à refaire, il signerait sur-le-champ. Mais comment l'avait-il su ? Comment avait-il capté cet appel de la forêt, ce cri du large qui l'avait lancé dans l'univers, de façon brusque certes, mais terriblement enivrante ?
« Tu nais avec, je suppose. C'est en toi depuis toujours. Tu ne le sais pas, tu erres, tu crois que tu te perds. Et pourtant c'est là, cela ne t'a jamais quitté. Ce n'est pas de la connaissance, tu ne l'apprends pas ; c'est du sentiment. Et puis, il n'y a jamais qu'une seule voie possible. Tu as le droit de te tromper, de rater, de recommencer. Imagine... » Était-ce le vague à l'âme de Fredigan qui le poussait à parler ainsi, dans l'espoir de lui apporter un soupçon de baume au cœur ? Il n'aurait su dire. « ...Imagine un bijou, une bague. Tu peux choisir de suivre le croquis à la lettre, de ne pas t'éloigner du schéma de base et tu seras fier d'être arrivé au bout et d'avoir créé une belle pièce. Mais tu peux aussi partir d'une simple pensée, travailler les matériaux selon tes envies, les tordre et les mélanger, rayer un peu la pierre, et finalement tu auras obtenu une pièce peut-être imparfaite dont tu retireras aussi une fierté, peut-être davantage que si tu avais suivi le modèle. Parce que tu l'as façonnée seul, avec de la patience et de l'attention. Parce qu'elle vient de toi. »
Il s'interrompit d'un coup, juste avant qu'il ne se mette à grimper sur un banc, un bras en l'air, et à crier à qui voulait l'entendre que toutes les frontières sont des conventions. L'auto-censure revint à la charge, brida ses mots et l'abandonna déconfit, la figure à demi-hébétée. Ses doigts s'agitèrent devant son visage en signe de rebuffade.
« Non, oublie. Je ne sais même pas créer de bagues. C'était complètement stupide et cela ne t'aidera pas, oublie. »
Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Si Fredigan ne le croyait pas fou après cette démonstration, Enoch pouvait s'estimer heureux. Il osa tout de même ramener la question sur le tapis, inquiet à l'idée d'avoir étouffé dans l'œuf toutes ses chances d'obtenir un emploi correct :
« Ton grand-père, il aurait besoin de quelqu'un pour l'aider ? Et ton père serait d'accord ? »
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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08.03.15 16:20
En entendant les mots d’Enoch, Fredigan tenta de ne pas montrer son inquiétude. Son ami avait parlé au passé mais il ne fallait pas exclure la possibilité qu’il soit encore malade aujourd’hui. Peut-être que était-il atteint d’une maladie incurable à son époque mais dont on avait trouvé un remède aujourd’hui et peut-être que le plus jeune réfléchissait trop. Bien sûr, son compagnon n’avait pas l’air au meilleur de sa forme mais on pouvait mettre sa maigreur sur le compte de ses conditions de vie actuelles et il avait peut-être le teint naturellement pâle ? La teinte blanche de ses cheveux n’avait rien d’étrange à une époque ou certains s’amusaient à changer de couleur tous les jours. Fred devait se calmer, il cherchait certainement trop loin et puis, dans le doute, il pourrait toujours demander au principal intéressé. Ne pas vouloir jeter son compagnon dans un hôpital à la première égratignure ne ferait pas de lui un mauvais ami. Même si pour le jeune Islandais une santé fragile était un problème bien plus important et urgent que son avenir professionnel. Après tout, il encore au moins trois ans avant de pouvoir sortir du lycée et de se décider sur une nouvelle voie.

La suite du discours d’Enoch ne le rassura pas tellement. Pour ce qu’il en savait, la seule chose avec laquelle était né Fredi c’était un gène muté qu’il lui donnait un pouvoir relativement dangereux, surtout dans sa famille. En fait, son existence tournait autour des métaux : ils auraient dû devenir son gagne pain, un symbole de la réussite familiale et maintenant que son gène était réveillé, ils étaient devenus des ennemis, la chose impossible à fuir parce qu’il attirait tous les genres de métal. La route était toute tracée pour lui et maintenant qu’il pouvait, devait s’en émanciper, il se rendait compte qu’il ne voulait pas faire autre chose. Son père lui avait appris à reconnaitre les belles pierres mais il ne lui avait pas donné l’envie d’apprendre alors, peut-être ce qui guidait le petit Islandais, ce qu’il avait depuis qu’il était né, c’était l’amour des belles choses qui brillent ? Fred ne savait pas trop s’il devait trouver ça puéril ou un peu dérangeant, limite psychopathe. Il valait peut-être mieux garder cette conclusion pour lui. Maintenant, le problème c’était de réussir à retourner dans l’atelier sans risquer sa vie entre la colère de son père et son magnétisme imprévisible. La cause semblait vraiment perdue d’avance.
Il suivit attentivement la comparaison d’Enoch. Elle était un peu maladroite et pas tout à fait juste mais elle était compréhensible. Un sourire étira les lèvres de l’Evolve, Enoch avait certainement choisit sa métaphore pour qu’elle colle avec quelque chose que le jeune Kliff connaissait bien. Il était vraiment heureux de cette attention toute bête mais qui montrait les efforts de l’Ancien qui voulait faire au mieux. Lorsque ce dernier s’arrêta de parler, Fred arqua un sourcil, surpris. Il s’attendait à quelque chose de plus long et se demandait bien pourquoi son ami s’était arrêté en si bon chemin, en plein élan. Lorqu’Enoch reprit la parole, Fredigan ne put s’empêcher de rire. Il donnait l’impression de ne plus savoir où il en était, comme s’il n’assumait pas du tout ce qu’il venait de dire et faire et agiter sa main devant son visage lui avait donné un air un peu loufoque. Ce n’était pas de la moquerie, le plus jeune n’aurait jamais manqué de respect de cette manière à son aîné.

« Pourquoi tu t’es arrêté en si bon chemin ? Tu avais l’air prêt à crier à la face du monde que s’il veut un avenir il vaudrait mieux qu’il le choisisse lui-même et qu’il ne faut pas avoir peur de faire des erreurs parce que c’est comme ça qu’on apprend. Si j’ai bien compris ce que tu disais ? »

Il se sentait plus léger après avoir rit. Il s’inquiétait trop pour des broutilles. S’il voulait gérer des problèmes sur le long terme il devait d’abord résoudre les problèmes qu’il avait maintenant, en l’occurrence la carrière d’Enoch.
L’Ancien pourrait certainement se faire embaucher à la bijouterie, c’était déjà arrivé qu’ils aient besoins d’aide, même si son père et son grand-père ne voulaient pas l’avouer. Fred était trop petit pour aider et son père était tombé malade, sa mère devait travailler et son grand-père s’était retrouvé à gérer la boutique seul. La situation aujourd’hui était différente, tout le monde allait bien mais avec le poids de l’âge le plus vieux des Kliff était de moins en moins efficace et il s’abîmait la santé à s’entêter pour aider tout le monde. Fred était hors service pour l’instant donc il était tout à fait plausible qu’Enoch soit engagé sur candidature spontanée. Mais il devrait certainement passer un entretien, pas quelque chose de très formel mais son père voudrait certainement s’assurer qu’il pouvait lui faire confiance et que c’était quelqu’un d’honnête et si Fred glissait un mot à son grand-père là-dessus tout ce passerait bien.

« Oui, je suis sûr que tu sera embauché ! Par contre, mon père voudra certainement s’assurer qu’il peut te faire confiance. D’ailleurs, je pense que tu devrais savoir qu’il est… Euh... il a un physique bien plus intimidant que moi mais ne t’inquiète pas, il est pas méchant. Aussi, évite de te présenter comme tu l’a fait tout à l’heure, je pense pas que ce très vendeur. Et je me demandais mais euh… Sans vouloir te vexer, t’as pas de problèmes avec le gouvernement ? Pour tes papiers d’identité je veux dire. »

Là, il était certain d’avoir fait une bourde. Sérieusement qui demandait sa situation avec la loi à un ami ? La question lui semblait tellement déplacée qu’il sentit ses joues rougir légèrement. Il se gratta la nuque, gêné mais se força à garder les yeux sur le visage d’Enoch, ce qu’il allait lui dire paraissait encore moins évident que sa première petite tirade.

« Et aussi… Evite de parler de moi à mon père. Ne lui dit pas que c’est grâce à moi que tu as su qu’ils avaient besoin d’aide. Mes parents ont horreur des Evloves, y a que mon grand-père qui m’accepte encore. C’est pour ça que j’ai pas le droit d’approcher de la boutique. Mais vu que t’es humain ils devraient pas avoir de problèmes avec toi. Et si jamais un jour mon père est énervé en arrivant au travail, ne lui demande pas ce qu’il s’est passé, c’est sûrement de ma faute. » Fred marqua une pause, incertain. Il ne savait pas vraiment demander ce genre de chose à Enoch mais il n’avait pas vraiment le choix. « Et c’est un peu délicat mais, est-ce que tu pourrais éviter de le répéter aux autres ? Je leur ai jamais dit que si je dormais dehors des fois c’était parce que mes parents me jetaient dehors. »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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08.03.15 22:07
The look in your eyes ! Break our bones into half,
Scream and shout and do laugh ! ♫

Malgré le rire qui suivit la conclusion de sa tirade, ou peut-être à cause de lui, Enoch se sentait encore légèrement imbécile. Cette réaction spontanée prouvait que le jeune garçon n'était pas aussi regardant sur l'intelligence des propos qu'aurait pu l'être un adulte, sans quoi ceux-ci auraient été fustigés sans vergogne pour leur manque de réalisme. Il s'agissait en effet d'un soliloque bien utopiste, auquel le fantôme lui-même ne croyait qu'à moitié, mais il n'avait été prononcé qu'en vue d'une unique objectif : réconforter l'adolescent sur son avenir. Et si cela avait échoué aussi lamentablement que le soufflé prosaïque s'était dégonflé, il n'en restait pas moins l'air ravi de Fredigan pour toute victoire. Par ailleurs, il n'était pas forcé d'y croire. Des préoccupations plus sombres avaient sans doute germé dans son esprit depuis longtemps déjà, et les racines de ce genre de mauvaises herbes solliciteraient davantage de matière que quelques mots pour s'arracher. En attendant d'en extraire le dernier rhizome, une ou deux paroles bienveillantes ne pouvaient donc pas faire de mal, réalistes ou non. Cela dit, l'Evolve avait bien compris le sens de la tirade et finalement, c'était tout ce qui importait. À lui d'y puiser ce qu'il jugeait utile pour se construire.

« Tu as bien compris » termina l'Ancien, dont l'embarras se dissipa au fur et à mesure qu'un sourire timide fleurissait sur son visage. Le sérieux revint néanmoins plus rapidement devant l'assurance du petit brun quant à l'embauche à venir. Enoch aurait aimé partager sa confiance, et même s'il tenait à se montrer digne d'une telle chance, il demeurait sceptique sur ses qualités de comptable de même que sur les réflexions que les deux travailleurs entretiendraient de toute évidence à son égard. En tant que Disparu-Revenu, il savait que l'opinion générale cultivait un mélange d'intérêt et de rejet à leur sujet ; en somme, c'est chouette qu'ils soient réapparus, mais pas chez nous merci. Ils représentaient un fragment d'Histoire, un infime morceau d'un siècle désuet qui avait plus sa place derrière la vitre d'un musée que parmi les collaborateurs d'une entreprise. En apparence, des animaux incapables de s'adapter à leur nouvel environnement, et dont personne ne désirait superviser l'apprentissage. Sur le coup, le gosse eut une pensée pour tous les autres qui se trouvaient dans un cas similaire. Est-ce qu'il devait s'estimer privilégié par rapport à certains ? Se croire moins débrouillard que d'autres ? Au fond, mieux ou mal loti ? Ne se résolvant à trancher, il s'en remit aux informations que lui communiquait Fredigan. Chaque chose en son temps.

Décrit ainsi, le père du gamin faisait peur. D'accord, « un physique bien plus intimidant » était sûrement facile à posséder en comparaison d'avec un loustic pareil, à tel point qu'Enoch même aurait pu concurrencer n'importe qui pour ce titre-là, mais il visualisait toutefois beaucoup plus épais. Une carrure de brute au cœur tendre, à entendre son fils. Comme quoi, les lois de la génétique font parfois des entorses aux règles ataviques. Quelque part, Livingston père aussi partageait ces différences avec sa progéniture ; sans être massif, il avait cette robustesse qui sied aux baroudeurs de son espèce, et sa santé de fer n'avait rien à envier aux coureurs de la diagonale des fous. Des qualités à travers lesquelles son rejeton ne brillait assurément pas.
Aux interrogations de Fredigan, son interlocuteur fut tenté de répondre par une plaisanterie. Un petit meurtre par-ci, un braquage par-là, trois fois rien, n'est-ce pas. Sans rire, sa tête ne valait pas un demi-kopeck. Il était aussi blanc que neige, dans tous les sens du terme. Levant la main gauche comme s'il avait jurer sur la Bible, Enoch présenta l'anneau métallisé qui cerclait son poignet, aussi fin qu'un bracelet malgache et parcouru de circuits invisibles. C'était un objet bas de gamme, incapable des prouesses technologiques des derniers arrivés, mais il lui offrait au moins une identité administrative et, sur simple manipulation, lui ouvrirait un compte lorsqu'il aurait décroché un emploi. C'était à peu près les seuls indices qu'il avait retenus de son passage chez les Erasers, le jour de son apparition.
« Le Gouvernement a distribué ce truc aux Disparus qui ont été récupérés. J'ai complété la fiche de renseignements la semaine dernière, alors cela devrait suffire. »
En plus de ses nom et prénom, âge et date de naissance, groupe sanguin et statuts familial, professionnel et biologique – humain et non Evolve – avaient été ajoutés ses anciennes expériences, ses centres d'intérêt et ses compétences dans des domaines aussi divers que l'informatique, les langues ou les études. Un véritable curriculum vitae de poche, disponible par commande vocale et affiche holographique. La grande classe, quoi. Mais tout cela le dégoûtait un peu. Le papier lui manquait. L'odeur, la texture incomparable, le bruissement du crayon sur la surface d'une feuille. Alors oui, un travail de scripteur, même pour des chiffres et des transactions, c'était une aubaine qu'il ne pouvait, non, ne voulait refuser.

Cependant, Enoch constata que Fredigan avait perdu de son enthousiasme. Quelque chose dans ses yeux en disait long sur l'effort qu'il lui demandait pour prononcer la suite, et le bref instant de gêne n'en était pas responsable. Quelque chose à laquelle le fantôme n'aurait jamais songé une seule seconde, croyant bêtement que l'adolescent vivait dans une famille aimante et talentueuse où il grandissait à l'abri de la sévérité du monde, que son pouvoir n'était un problème que dans le cadre d'une profession et non du foyer. Il se trompait. Lourdement. Et il s'en voulut d'être ignorant des réels tourments que traversait le petit brun. Il s'en voulut d'autant plus que ce dernier lui en parlait sans se plaindre, juste conscient de son état et de ce que cela impliquait, sans chercher à jeter le blâme sur quelqu'un d'autre que lui. Une telle abnégation le prit aux tripes. Il sentit une fraîcheur glaçante s'infiltrer dans ses poumons et lui comprimer le cœur, qu'il s'efforça de cacher pour ne pas paraître trop horrifié devant Fredigan. Pourtant, une lueur d'effroi indigné s'était allumée dans ses iris. Il l'observa sans rien dire jusqu'à ce qu'il eut fini, et pendant plusieurs secondes encore il n'y eut aucun échange supplémentaire. Juste un silence consterné. Jeté dehors par ses propres parents ? Livré à lui-même, à seize ans et sans argent ? Rien n'avait donc changé depuis Barack Obama ?

« Pourquoi tu ne dis rien, toi ? Evolve ou non, c'est de la maltraitance. »
La raideur dans sa voix l'étonna presque, tant elle contrastait avec la précédente douceur. Les choses étaient sans nul doute bien plus compliquées qu'elle en avaient l'air, et il existait sûrement des raisons plus profondes à cette situation, mais Enoch ne voyait que le résultat immédiat : un gosse à la rue, mis à la porte pour un patrimoine génétique qu'il n'avait pas désiré. Quelle injustice ! Et quelle niaiserie d'appeler cela une injustice ! Il ouvrit de nouveau la bouche, néanmoins les mots se bloquèrent dans sa gorge, enserrés par l'indignation. D'un geste d'impuissance, il secoua la tête alors que ses doigts se refermaient sur le tissu de son sweat.
« Tu... Depuis combien de temps tu endures cela ? Comment tu peux être aussi insouciant ? Tu veux t'occuper de moi, tu cherches à m'aider, et moi je ne sais rien de ce que tu vis. Tu voudrais en plus que je me taise ? Tu n'en parles à personne alors que... Alors que merde ! » Le juron de fin du monde, celui qui indique qu'il n'y a plus de mots. La femme qui venait de les dépasser se retourna en leur lançant un regard mi-stupéfait, mi-agacé, mais Enoch ne le releva pas. Il regardait Fredigan, blême et pourtant fébrile, puis sembla prendre conscience de son état et ses cils battirent plusieurs fois comme pour chasser un mauvais rêve. Comme s'il reprenait pied dans la réalité.
« Oh, excuse-moi... Je ne voulais pas... Je ne peux pas comprendre, pardon. » Le malaise le disputait à la honte, sans éclipser l'élan de colère qui demeurait en latence.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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14.03.15 22:36
« Maltraitance ». Le mot raisonnait dans sa tête. Ami ou non, Fred ne pouvait pas laisser l’Ancien dire ça. Il ne pouvait pas le laisser penser ce genre de choses. Il devait lui expliquer la situation, les regards apeurés que sa mère lui lançait parfois alors que ses yeux étaient rouges et gonflés d’avoir pleuré toute la nuit, la tension dans les épaules de son père, les gestes brusques et maladroits. Un fossé s’était creusé et ça pesait sur tout le monde. Personne n’essayait jamais de comprendre ses parents, de se mettre à leur place. Comme si Fred était le seul à souffrir de cette situation. Il suffisait de réfléchir quelques secondes pour comprendre qu’aucun parent sain d’esprit n’apprécierait jeter son enfant dehors. Seulement, on n’avait pas toujours le choix et quand une mère se retrouvait à se détester parce qu’elle avait trop peur de son propre fils pour le regarder dans les yeux, une ligne était franchie. Mais cette peur ne sortait pas de nulle part, ses parents avaient vu le pire de la Red Week. Ils avaient vu ce qui pouvait se passer si un Evolve perdait le contrôle et s’ils disaient que ces personnes là étaient dangereuses et effrayantes, personne ne pouvait les contredire. Qui voudrait de ce genre de monstre chez-lui ? Fred lui-même était incapable de supporter son reflet plus de quelques secondes alors si il devait passer la nuit dehors de temps en temps pour soulager ses parents, il le ferait sans hésiter. Il n’appréciait pas ça pour autant mais ils faisaient tous du mieux qu’ils pouvaient alors le plus jeune pouvait bien faire un petit effort.
Il était curieux de savoir comment Enoch ferait à la place de ses parents, lui qui avait l’air tellement outré par les nuits que le jeune Evolve passait dehors mais ce dernier ne dit rien. Le ton de l’Ancien l’en empêchait et le ramenait à la dure réalité : Fredigan avait beau penser que sa situation précaire n’était que temporelle les jours filaient et rien ne s’arrangeait. La réalisation lui coupa le souffle et le jeune garçon laissa tomber sa tête fixant ses chaussures. Il ne voulait pas rester un aimant à problèmes toute sa vie mais toute cette histoire de gène mutant lui semblait tellement désespérée. Il savait qu’il ne pouvait pas lutter contre son pouvoir mais les gens réagissaient toujours de la même manière lorsqu’il en parlait. Il en avait assez d’entendre ce genre de propos, tout le monde pensait que ses parents étaient des montres incapables de l’élever avec amour. Il en avait assez qu’on le prenne en pitié ou que les gens se permettent de juger sa famille. Ils n’avaient pas le droit. Ils n’avaient pas le droit de lui rappeler à chaque fois que par sa faute une famille aimante avait été réduite en morceaux. Ils n’avaient pas le droit de le faire culpabiliser comme ça.

Les questions d’Enoch ne réussissaient qu’à refermer l’adolescent sur lui-même. Il se recroquevillait doucement, la tête enfoncée dans ses épaules voutées. Ses yeux étaient fermés, ses points serrés à ses côtés. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer, Enoch se calmerait rapidement, il serrait encore fâché mais ce n’était pas grave, si ? La possibilité que son ami refuse de travailler à la boutique pour cela lui effleura l’esprit et il se sentit de plus en plus mal. Il se sentait coupable, stupide et impuissant. Pourquoi il ne s’était pas tu, pourquoi il n’avait pas trouvé une excuse pour qu’Enoch ne parle pas de lui à son père ? Parce que le petit Islandais était trop honnête pour ça. A ce point, ce n’était plus de l‘honnêteté mais de la bêtise. Tout irait bien. Peut-être que si Fred se le répétait suffisamment ça deviendrait vrai.
Mais la panique le prit lorsqu’Enoch lui fit comprendre qu’il ne comptait pas passer tout ça sous silence. Le jeune Evolve sentit un poids se poser sur sa poitrine, bloquant ses poumons et sa respiration s’affola. Il redressa vivement la tête et fixa son aîné comme si sa vie en dépendait. Il ne pouvait pas lui faire ça, Fred lui avait demandé de ne rien dire, c’est pour ça qu’il lui en avait parlé. Enoch pouvait refuser de travailler avec son père, l’insulter de tout les noms, Fredigan s’en fichait royalement si seulement il pouvait garder tout ça pour lui. Ses parents devaient se sentir suffisamment mal sans avoir le gouvernement sur le dos. Fred ne voulait pas finir en internat ou dans une famille d’accueil. Il voulait pouvoir rentrer chez lui même si tout lui donnait l’impression qu’il n’avait rien à faire ici. Il voulait que son grand-père continue de l’appeler pour lui dire qu’il pouvait rentrer. Il voulait garder un espoir fou qu’un jour tout irait mieux, tout s’arrangerait, que sa mère l’appellerait par son nom complet parce qu’il n’avait pas fait la vaisselle, que son père le réveillerait alors qu’il était resté jusqu’à pas d’heure à l’atelier.
Que ce soit par nostalgie ou détresse, les larmes lui montèrent aux yeux et d’une voix tremblante, malgré sa respiration chaotique, il tenta de raisonner Enoch.

« Enoch… Enoch, s’il te plaît… Je t’en supplie garde ça pour toi. J-je sais pas ce que je ferais si tout dégénérait. Je te jure que ça durera pas. C’est parce qu’on sait pas gérer tout ça. C’est pas leur faute. C’est pas ce que tu crois… C’est pas leur faute… »

Il ne savait plus quoi dire, il répétait ses derniers mots en boucle dans un murmure,  sa vision était complètement embuée, ses idées en vrac. Tout ce qu’il savait c’est que tout allait mal. Il n’arrivait plus à respirer, un étau lui enserrait la pointure, son cœur menaçait d’exploser. Il prenait de grandes goulées d’air qui n’arrivaient jamais jusqu’à ses poumons alors il respirait plus fort, plus vite, trop vite. Sa tête tournait ou alors c’était la rue ? Tout était chaotique, dans sa tête, dans la rue, il y avait trop de monde et pourtant il n’entendait plus rien. Il voulut serrer une main contre sa poitrine mais elle tremblait trop. Il fit un pas en arrière et trébucha. Ses jambes étaient en coton et il tremblait de partout. Il n’y avait plus rien, plus de bruit, aucune information n’atteignait son cerveau, tout ce qu’il ressentait, comprenait à cet instant c’était la peur. Une peur panique qui prévalait sur tout, qui lui faisait perdre tous ses moyens et le paralysait. Il ne comprenait rien, il était incapable de réfléchir.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



16.03.15 0:39
You tell me that you're sorry
Didn't think I'd turn around, and say ♫

Il aurait pu mettre son impulsion sur le compte de la fatigue, de la faim, de ses nerfs à fleur de peau, d'un virus en germination dans son organisme ou d'une soudaine hantise par le fantôme de feu Martin Luther luttant contre les opprimés, mais non. Si son émotion avait débordé par-dessus les hautes murailles de son stoïcisme, ce n'était sûrement pas à cause d'une raison aussi idiote. La situation de Fredigan lui paraissait si profondément abjecte qu'il en avait momentanément oublié qu'il ne se trouvait plus chez lui, dans un monde où il aurait peut-être eu son mot à dire quant aux conditions d'existence des Evolves. Aujourd'hui, il ignorait les subtilités d'un gouvernement qui s'était montré conciliant avec eux, ou tout du moins un chouïa plus tolérant que l'aurait été le maire Mitchell au début du millénaire ; peut-être que les adolescents dans le cas du petit brun étaient-ils mieux pris en charge, de telle sorte que leurs parents pouvaient les abandonner sans crainte que leur vie ne devienne un calvaire de junky en puissance ? Pourtant, ce postulat était aussi horrifiant que n'importe quelle autre proposition d'aménagement. Ce n'était au fond qu'une légalisation des mauvais traitements, une autorisation publique de brimer dès l'enfance des créatures qui n'avaient rien demandé à la biologie. Légitimer la négligence. Démocratiser la déresponsabilisation. Populariser la bêtise. Le cœur d'Enoch hurlait aux armes tandis que le reste de son corps quémandait sang-froid et mutisme.

L'attitude du jeune Evolve n'échappa cependant pas à son nouvel ami, quand bien même il aurait été trop en retard pour s'excuser davantage ou supprimer les mots cruels qu'il venait de libérer. Lorsque leurs yeux se croisèrent, le fantôme crut qu'il ne pourrait supporter ce regard de détresse pure, cet éclat de frayeur épouvantable qui y brillait. L'espace d'une seconde, il se sentit mis en joue à bout portant, prêt à recevoir la balle qui lui perforerait le crâne. L'air n'entra plus dans ses poumons, le sang se pétrifia à l'intérieur des veines, et une petite voix derrière ses tempes lui chuchota que le parti des anti-Evolves lui ouvrirait volontiers les bras au vu de son excellente cruauté à l'égard d'un mutant. Il en fut d'autant plus horrifié qu'il savait le garçon au bord des larmes, plus vulnérable que jamais.

Fredigan lui demandait de garder cette histoire pour lui. Quelque part, on y trouvait la preuve de cette confiance qu'il accordait à l'Ancien, pour lui avoir avoué l'indélicatesse de son quotidien, cependant celui-ci considérait qu'il s'agissait d'un cas de non-assistance à personne en danger. Danger pas tout à fait imminent, certes, mais danger malgré tout. Néanmoins, qu'est-ce que le cadet entendait par « dégénérer » ? Une perte totale de contrôle ? Un contrecoup mortel ? Enoch chassa d'un mouvement d'épaules le serpent qui lui coulait dans le dos, de plus en plus incommodé par la panique de l'adolescent. Sur le trottoir opposé, un marmot demanda à son père pourquoi le monsieur y pleurait et le petit poucet fut presque capable de deviner la réponse : parce qu'il y a un monstre méchant pas beau qui lui a dit plein de vilaines choses, bouuuh. Oh, la sale marmaille. Alors le monstre-méchant-pas-beau voulut rassurer le monsieur-qui-pleurait, mais aucun mot ne fit l'effort de se former dans sa gorge, si bien qu'il resta un instant les phalanges crispées sur son vêtement, le menton baissé sur son col, à chercher une phrase qui rassurerait suffisamment la tête brune. Rien ne lui apparut. Il eut toutefois un mouvement maladroit en direction de Fredigan lorsqu'il le sentit partir en arrière ; son bras se détendit pour aller agripper la main tremblante de l'Evolve et ne la lâcha plus, même une fois assuré qu'il ne craignait plus de tomber à la renverse. L'élan le surprit sans qu'il ne se décidât à se reculer sur-le-champ.

« D'accord, d'accord, ce n'est pas de leur faute... » répéta-t-il d'une voix faible, étranglée de désarroi. « Excuse-moi... » Étaient-ce ses propres doigts qui produisaient ces secousses ou bien l'état de l'adolescent qui se communiquait jusqu'à son coude ? Dans un espoir futile, il s'imagina qu'il lui offrait un soupçon de chaleur par le biais de sa paume, mais c'était avant de se rendre compte qu'il avait les mains gelés de naissance et que ce miracle ne pourrait jamais se produire. Enoch, radiateur ? Quelle blague. Cela ne l'empêcha pourtant pas d'attirer finalement l'enfant contre lui, en une étreinte moins brève que la précédente quoique beaucoup plus embarrassée. Il lui dissimula le visage au niveau de son épaule, gardant sa propre tête levée légèrement de côté, tandis que ses bras venaient se refermer autour de sa carrure maigrichonne. Il pensait que s'ils n'avaient pas à se voir pour se parler, le verbe s'épanouirait plus facilement, de même que Fredigan pouvait puiser dans un geste davantage que dans un long discours et que, s'ils avaient cru avoir mis à mal une relation aussi récente, en vérité il n'en était rien. Le fantôme savait que le rouge poudrait ses joues, ce qui constituait en fait une raison supplémentaire pour rester dans cette posture, et tant pis pour les commérages des badauds.
« Je n'en parlerai pas. Promis. Calme-toi s'il te plaît... Je ne dirai rien, ni à tes parents, ni à Talweg. À personne. Cela reste entre nous, promis, alors ça va aller, ça va aller... Je suis inquiet pour toi, c'est tout. Pardon de t'avoir fait peur. »
Au fur et à mesure, l'assurance reprenait ses droits sur son langage et son calme, même s'il demeurait une forte part d'anxiété. Après tout, il n'avait pas à se mêler des affaires des autres ; cette famille ne le regardait pas, non ? Pas pour le moment, du moins.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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28.06.15 22:43
Fredigan avait perdu toute conscience de ce qui se déroulait autour de lui. C’était comme s’il était plongé dans le noir le plus total, ou peut-être avait-il fermé les yeux dans une bête tentative de se protéger. Une tentative inutile qui ne fit qu’aggraver son cas, l’enfonçant un peu plus dans l’inconnu et la terreur au point d’y étouffer, la respiration chaotique, d’y rester enfermé, tétanisé, tout son corps secoué de tremblements. Ces impressions prirent une dimension trop réelle alors qu’il sentait quelque chose l’entourer et le serrer, il était certain que la fin sonnait pour lui alors que sa respiration se bloquait définitivement dans sa gorge. Il ne voulait pas mourir, pas maintenant, il était trop jeune, pas ici, peu importe où il était, il ne voulait juste pas mourir. Seulement, qui s’amuse à combattre la mort ? Les fous et les inconscients, malheureusement ils étaient tous morts parce que la mort est implacable, froide et définitive. Personne ne pourrait rien y changer, certainement pas Fred. Alors, peut-être dans un dernier élan de survie, au fond de son esprit, le désespoir se mêla à la peur et des sanglots secouèrent ses épaules, remplaçant les tremblements. Sa respiration se coupa pour mieux repartir, soulevant son torse un nouveau rythme quoique toujours incontrôlable pour l’adolescent.
Il fallut attendre de longues minutes avant que les larmes ne se tarissent, que sa respiration ne se calme. Doucement, il prit conscience qu’il empoignait désespérément Enoch, il sentit le regard des passants s’attarder sur lui et son compère pour les juger. Que ce soit par compassion ou dégoût, ça importait peu : Fred se sentait vide, lessivé physiquement et émotionnellement. Ses doigts engourdis étaient parcourus de picotements alors il relâcha sa prise sur le haut de l’Ancien pour laisser ses mains reposer mollement contre son torse. Les muscles de son visage étaient dans le même état, inutilisables et il décida de rester caché contre l’épaule de son aîné. Après ce genre de crises, il réfléchissait au ralentit, son visage était figé, ses muscles engourdis et si ce n’était pas pour Enoch qui le maintenait fermement dans ses bras, Fred ne réussirait pas à se tenir debout sur ses jambes encore flageolantes. Aussi, l’adolescent profita sans vergogne du soutient physique et émotionnel à disposition.
Mais il fallait bien admettre que la situation avait un avantage : leur amitié n’aurait pas pu plus mal commencer. Si la poursuite avec l’Eraser donnait un avant goût du quotidien du jeune Evolve, les crises de  panique et de larmes étaient heureusement bien moins fréquentes. Peut-être parce qu’il y avait très peu de personnes au courant de la situation de Fredigan et donc peu de personnes qui pouvaient apporter des ennuis à sa famille. Maintenant, il ne rester plus qu’à savoir si Enoch voulait bien rester avec quelqu’un d’aussi  fragile, faible et instable que l’adolescent. Ce dernier soupira avant de s’adresser au plus vieux d’une voix basse que la fatigue et l’hésitation avaient rendue presque trainante.

« Désolé pour… ça. Ca arrive pas souvent, promis. » Il marqua une hésitation avant de reprendre pour clore la discussion précédente. « Et, je comprendrais si tu ne voulais pas travailler avec ma famille. La situation est… Particulière. C’est juste que je pensais que ce serait une chance à saisir. »

Un aboiement aiguë, le fit sursauter et  l’empêcha de continuer. Quelques instants plus tard, Fred sentit quelque chose d’humide contre son tibia. Il s’éloigna un peu d’Enoch pour s’apercevoir qu’un chiot les fixaient des ses yeux marrons, presque noirs. La majorité de son pelage était d’un violet sombre comme une aubergine, tandis que deux petites tâches bleu persan surplombaient ses yeux comme une paire de sourcils. Cette couleur s’étalait sur son museau  et en dessous de ses yeux. Un très fin de poils couleur parme s’étirait de sa truffe jusqu’entre ses oreilles triangles ou il s’élargissait un peu.
Fred se baissa doucement pour finalement s’agenouiller devant le chiot qui posa ses pattes sur un genou du jeune Evolve. Il tendit une main vers l’animal, le laissant la renifler en espérant ne pas l’effrayer. Le pelage de ses pattes avant et de son ventre étaient aussi parme. La couleur envahissait la poitrine et semblait même faire le tour de son cou. Une fois Fred identifié, le jeune animal se tourna vers Enoch. L’adolescent pu donc voir que le pelage aubergine qui colorait son dos descendait, comme sur les pattes avant, jusqu’à la moitié de ses pattes arrière qui, elles, étaient bleu persan. Sa longue queue aubergine se terminait par un panache de poils aubergines. A vu de nez, Fredigan se dit que le chiot devait avoir deux mois. Il était déjà assez haut sur pattes mais conservait cette allure pataude et maladroite des jeunes chiens. En plus, ses poils en désordre le rendaient absolument adorable. D’après le jeune Evolve, il s’agissait d’un berger australien. Petit, il avait harcelé ses parents pour avoir un chien, mais les adultes avaient toujours refusé, avançant qu’ils étaient trop occupés avec la joaillerie et qu’ils n’avaient pas de jardins. Pour calmer leur fils, ils lui avaient acheté un livre sur les chiens que l’enfant s’était empressé de télécharger sur son bracelet pour pouvoir l’emmener partout avec lui.
Après son investigation, Fred finit par s’assoir en tailleur à même le sol et leva la tête vers Enoch pour lui lancer un sourire timide et mal assuré.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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01.07.15 19:41
Qu'il était pataud à l'instant, ce fantôme, et qu'il se sentait idiot et maladroit à tenter de rassurer le chiot apeuré qui sanglotait entre ses bras ! S'il avait eu la moindre connaissance d'une méthode pour calmer les pleurs d'un adolescent, il en aurait usé pour sûr, mais ce n'était pas le cas pour sûr, alors il déblatérait ce qui lui semblait des inepties sans nom dans le simple espoir que Fredigan cessât de lui tremper l'épaule. Enfin, il exagérait un chouïa sur les proportions. Néanmoins, il aurait vraiment apprécié de posséder un diplôme de grand-frère prodige, une attestation de consolateur ou, soyons fous, d'avoir suivi une formation auprès du Paraclet lui-même, car cela lui aurait été bien utile, là tout de suite, tout en l'exemptant de cette sensation de ridicule incapable. D'autant que, avec un Evolve sans aucune maîtrise de son don, il fallait presque s'attendre à apercevoir le service en argent de la grand-mère se précipiter vers eux d'un moment à l'autre. Ce à quoi Enoch ne réfléchissait pas du tout, en fin de compte, puisqu'il était bien trop embarrassé par le présent contact prolongé – qu'il avait initié de son propre chef, rappelons-le – et par sa propre maladresse à gérer la situation en bon adulte sûr de lui et tout le blabla qu'il avait oublié de potasser. À moins qu'en vérité, il n'avait jamais suivi les cours. Peu importe, il ne savait qu'une seule chose ; quelque part, loin, très loin dans les abysses de son thorax, il se savait responsable, et cette même culpabilité s'était muée en un devoir auquel il n'aurait pu déroger. Parce qu'il était l'aîné, parce qu'il avait causé du tort en blâmant les parents du garçon, parce que sa langue pour une fois trop vive avait précipité cette situation, il se devait de rectifier le tir. De se comporter en, comment dit-on cela déjà, ah oui, en ami.

Fredigan avait glissé d'une terreur glacée à une détresse ruisselante, pareille à la fonte des neiges ; ses frissons s'étaient mués en une cascade de sanglots tandis qu'il s'accrochait follement à un roc qui essayait tant bien que mal de rester stable malgré les apparences, un roc qui l'étreignait toujours en refusant de le laisser chuter au fond du gouffre, parce qu'il n'aurait pas accepté d'être de ces racines qui rompent sous la pression au moment où l'on a besoin d'elles. Juste une fois, même un instant, Enoch souhaitait que le jeune Evolve ait la conviction d'avoir trouvé quelqu'un qui ne le rejetterait pas, non pas à cause de son don et des cataclysmes allant de pair, mais à cause de cette vulnérabilité omniprésente qu'il s'efforçait pourtant de refouler en permanence. Il se demanda alors si celui-ci avait jamais exprimé ces émotions auprès de quelqu'un d'autre, une personne qu'il avait l'habitude de fréquenter dans la vie de tous les jours, un confident attentif qui n'ait pas dix-neuf comme premier nombre de son année de naissance. Était-il donc seul à ce point ? Non, parce qu'il vaudrait peut-être mieux le prévenir que choisir le fantôme pour soutien spécial, façon Totoro, c'était ouvrir la porte à certaines bizarreries, à un décalage singulier qui ne manquerait pas de les surprendre l'un l'autre. Mais si c'était décidé en connaissance de cause, il ne restait plus qu'à signer en bas du contrat, « bon pour accord » et adjugé vendu. Félicitations, vous avez fait l'acquisition d'un Ancien pour la modique somme de douze larmes, trois sanglots et un moment de faiblesse. Satisfait ou non-remboursé.

Le petit poucet s'apprêtait à répondre qu'il désirait toujours saisir cette chance lorsqu'un mouvement soudain de la part de son compagnon le coupa dans son élan. Il crut alors qu'il s'agissait d'un avertissement afin qu'il se taise, un pressentiment qui l'inviterait à garder le silence, de telle sorte qu'il laissa le temps filer sans bruit un instant de plus. Ils durent finalement leur séparation à l'arrivée de ce qu'Enoch, au premier abord, pris pour un ourson tombé dans un pot de peinture ; une masse pelucheuse, en quête de câlins, venait de jeter son dévolu sur Fredigan – par instinct identitaire, peut-être – et montrait des signes d'enthousiasme. L'Ancien, qui esquissa un mince recul en vue d'étudier la bestiole, ne sut trop comment réagir. En peu de temps, il s'était habitué à ces couleurs particulières que revêtait le pelage des animaux domestiques, lubies génétiques dispensées par une vieille mode dont les conséquences plus loufoques que nocives avaient donné lieu à ce genre d'arc-en-ciel animal. Et lorsqu'il voyait certains spécimens, il songeait qu'il était préférable pour eux qu'ils n'aient pas conscience de ces bariolures, au risque d'éprouver honte et indignation. Comment agir, donc ? Fournir les caresses demandées par ces sombres yeux d'animal ? Prétexter une allergie et s'enfuir ? Aboyer pour entrer en communication ? L'Evolve, lui, opta pour l'attente, espérant sans doute que son ami enclenche la suite des opérations. Mais quand il passa de l'adolescent au chien et du chien à l'adolescent, Enoch eut l'impression durant une seconde d'avoir assisté à une inversion d'âme ; Fredigan l'observait par les pupilles du chiot et le chiot lui souriait, assis en tailleur à ses pieds. Toutefois, malgré l'étrangeté de cette vision, il s'accroupit, main tendue vers la bête, l'autorisant à la renifler avant qu'elle n'y frotte le haut de son crâne.

À cette initiative le jeune homme hésita, et la surprise lui aurait fait retirer sa paume s'il n'avait pas croisé le regard tendre du petit brun, comme s'il l'incitait à accepter le contact. Alors ses traits se détendirent un soupçon, puis ses doigts allèrent gratter la fourrure violette entre les deux oreilles. Il n'en fallut pas davantage pour que, à l'autre bout de la colonne vertébrale, le panache de sa queue se mette à s'agiter en douceur, et le fantôme, d'abord mal à l'aise, osa un léger sourire.
« Il n'a pas l'air d'avoir de maître. Ou bien il s'est enfui. » Quelle que fût la réalité, elle sonnait d'une façon chagrine ; livré à lui-même, prêt à suivre n'importe qui lui accordant de l'attention, cet animal ne manquerait pas de tomber entre de mauvaises mains ou de finir renversé par un imprudent. C'est que cela lui faisait penser à quelqu'un d'autre, en plus. « Tu ne trouves pas qu'il ressemble un peu à... » Non, quand même pas. Mais si, si, avec ses deux taches bleutées au-dessus des yeux, et ses poils tout désordonnés, son museau joufflu. « ...Un muffin. » Un aboiement couronna la comparaison, tandis qu'Enoch courbait la tête en réprimant un rire. Il finit par se redresser pour revenir à une discussion qu'il savait plus grave, quoique nécessaire.
« Et pour le travail, tu me mets le pied à l'étrier ; je me vois mal refuser une telle aide. Promets-moi juste que cela ne te pose pas de problème, que tu ne me le proposes pas par dépit. Ta famille – les mots se firent soudain plus lourds dans sa gorge – voit les choses d'une certaine manière et elle a des raisons sérieuses, sans doute. Mais j'ai aussi les miennes pour penser différemment. Nous éviterons le sujet, c'est tout. » Plus facile à dire qu'à faire, néanmoins. Même si, dans un premier temps, Enoch doutait que son futur employeur l'interroge sur la condition evolvienne comme critère de recrutement ou qu'il lui demandât des conseils sur la façon de traiter une progéniture dotée de capacités surnaturelles. Oui, dans un premier temps, il échapperait au sujet qui fâche. Sa voix se radoucit, alors qu'il tendait sa main vers Fredigan pour le redresser. « Enfin, nous ne sommes pas obligés d'y aller maintenant. Allons plutôt voir si quelqu'un a perdu son chien. »
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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04.04.16 14:41
Lorsque Fredigan vit Enoch se pencher vers le chiot, son regard s'adoucit et son sourire s'agrandit. C'était juste un de ces moments qui vous réchauffent le cœur, si simples qu'ils vous rappellent que les petites choses de la vie sont souvent les meilleures. Il ne savait pas si c'était l'enthousiasme contagieux de ce petit chien ou le simple fait qu'une nouvelle distraction ait pointé le bout de son museau pour couper court à un sujet un peu trop lourd, mais Fred se sentait revigoré, prêt à partir à la conquête des rues avec ses deux nouveaux compagnons. Courir sur les pavés inégaux pour le simple plaisir de sentir le vent le décoiffer, oublier ses problèmes, se comporter comme un gamin insouciants. En y réfléchissant un peu ce n'était peut-être pas la meilleure des idées, Enoch était sûrement trop vieux pour faire des farces aux passants, après tout, on ne se remettait pas si facilement après avoir pris deux cents ans d'un seul coup.

Alors que l'Ancien s'attristait sur le sort du chiot, Fred ne put s'empêcher de constater l'empathie dont celui-ci faisait preuve. Le jeune Evolve ne l'imaginait pas capable du moindre mal, en tout cas pas volontairement, et ce trait de caractère lui avait sûrement apporté bien des ennuis auparavant, à force de vouloir prendre des gens sous son aile alors qu'il n'en avait pas les moyens. Son sourire se fana alors qu'il prenait en compte la possibilité que cette empathie soit à l'origine de ce petit bout d'amitié qui commençait à se construire entre eux. Et si ce n'était pas le cas, après les événements de cette après-midi, Enoch se sentirait certainement obligé de faire attention à ses paroles, obligé de rester aux côtés du jeune garçon pour ne pas le laisser entièrement seul. Alors, Fred se fit une promesse, il n'abuserait pas de la gentillesse de l'Ancien. Il lui prouverait qu'il n'est pas si fragile que ça et il s'endurcirait un peu, juste assez pour être quelqu'un sur qui on peut compter.
Il ramena son attention sur la conversation juste pour entendre Enoch accepter son offre et éviter le sujet des Evolves avec ses parents. Une vague de soulagement le parcouru, sans vraiment savoir à quelle partie de sa phrase elle était due. Le sujet était enfin clos, du moins pour l'instant. Il ne restait plus qu'à espérer qu'ils ne rouvriraient ce vilain tiroir pour en finir avec cette situation précaire.

Fredigan attrapa la main qui lui était tendue, remerciant rapidement le propriétaire avant de jeter un regard circulaire aux alentours. Quelques boutiques décoraient la rue où ils s'étaient arrêtés, vendant pour la plupart des produits alimentaires. Il y avait quelques passants mais pas de quoi empêcher quelqu'un de voir où son chien était parti. Lorsque Fred croisa le regard d'un homme et que celui-ci détourna les yeux, le plus jeune se rendit compte qu'il venait de se donner en spectacle. La gêne lui chauffa les joues alors qu'il baissa les yeux vers ses chaussures.
Quel imbécile ! Et ce pauvre Enoch qui avait dû supporter le regard de tous ces étrangers sans broncher, Fred n'osait pas croiser son regard. Mais avant qu'il puisse s'excuser correctement, il remarqua que le chiot à ses pieds, le fixant comme s'il attendait que Fred se penche pour le prendre dans ses bras, n'avait pas de collier autour du cou.

« Enoch... Je suis presque sûr qu'il appartient à personne. Il a pas de collier, même si maintenant c'est surtout pour décorer vu que tous les animaux de compagnie ont une puce GPS, t'as besoin d'une poignée et d'un collier, même pour une laisse sans fil. » Il se redressa légèrement pour pouvoir regarder Enoch avant de le tirer à sa suite « Si ça fait déjà quelque temps qu'il est ici les propriétaires des alentours devraient être au courant, surtout qu'il n'a pas l'air d'être mal nourri. Je pense qu'on devrait d'abord demander au boucher ou à l'épicerie, je suis sûr qu'ils vendent des croquettes.  »

Il s'arrêta un instant pour se tourner vers Enoch et avoir son avis. Il avait peut-être décidé de prendre les choses en charges, mais il allait peut-être vite en besogne et il ne voulait pas voir cet adorable petit chiot à la rue, seul. Il méritait mieux et Fred comptait bien s’assurer que ce chien grandirait correctement dans le meilleur environnement possible.
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Enoch Livingston

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09.04.16 22:49
Repartir sur de bonnes bases. Oublier les précédents tourments, les moments de déroute, les incertitudes et les angoisses. Cette situation familiale à laquelle il n'appartenait pourtant pas, et avec elle les problèmes généraux liés aux Evolves et à l'apparition d'un mutant dans un groupe social, poussait Enoch à réfléchir sur son parti. Certes, il avait affirmé à Fredigan qu'il avait sa propre opinion favorable sur le sujet, sous-entendant que jamais, au grand jamais, il ne considérerait comme discriminant le fait de posséder un gène altéré. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher, par-derrière, de se transposer dans la fratrie Kliff et de s'imaginer confronté à ce genre de révélation parmi ses proches. Oh, bien sûr, à cette époque la question de l'entourage ne se posait plus des masses. Mais avant ? S'il avait encore été au vingt et unième siècle et s'il avait continué de fréquenter sa famille ? Même en élargissant le cercle pour y intégrer, par exemple, Alexander en tant que frère aîné ; le fantôme aurait-il offert au grand brun ce même sourire qu'il esquissait devant l'adolescent, l'assurant de sa fraternité éternelle en dépit de ces capacités extra-terrestres ? Il ne se souvenait plus très bien non plus de sa réaction face aux aveux de Shane, quand bien même il était certain qu'il n'avait ni hurlé au monstre ni sauté au plafond en se signant. Alors qu'est-ce qui pouvait bien avoir changé entre ce passé antérieur et ce futur proche ? Rien, sans nul doute. Sa méthode analytique était impropre aux brusques amalgames, aux classifications abusives, aux analogies aveugles. Il avait eu affaire à des mutants dangereux, des tueurs en herbe. Il avait aussi eu affaire à des évolués compatissants, des pâtes à crème. Le pouvoir ne faisait pas l'homme – seule l'âme importait. Et il aurait mis sa main au feu que celle du lycéen était d'une nature identique aux marshmallows.
À ses pieds, un muffin poilu sur pattes sembla l'approuver par télépathie.

Attentif au constat de Fredigan, l'Ancien acquiesça en silence, les yeux portés sur l'échine de l'animal. Cette mention de la puce GPS lui rappela désagréablement celle que son meilleur ami lui avait montré, presque avec indifférence, alors qu'on la lui avait incrustée sous l'épiderme ; la vue de ce léger renflement à cheval sur ses cervicales lui avait arraché un frisson, un sursaut de colère et d'écœurement que les circonstances de leurs retrouvailles avaient rapidement effacé. La métaphore du chien pucé et de l'Evolve tracé était si évidente qu'Enoch préféra ne rien dire, gardant pour lui les mots qui lui brûlaient le cœur. Lorsque le petit brun lui avait tendu la main, il avait clairement aperçu une excroissance similaire au creux de sa paume, la minuscule tache de circuits électriques à l'endroit de sa cicatrice. La discussion était close, avaient-ils dit. Il devait faire l'effort de respecter cette décision et ne pas imposer plus que de raison sa curiosité malsaine à son cadet.
« Un sac de croquettes risque de nous encombrer. Allons plutôt voir pour un bout de carcasse chez un boucher. »
Évidemment. Dans le souvenir du spectre, la majorité des bouchers-charcutiers conservaient leurs déchets afin de les donner à certains clients qui les réclamaient pour leurs animaux de compagnie. N'en n'ayant jamais eu lui-même, ou seulement des chats de gouttière aux caprices passagers, Enoch n'avait pas eu à demander tel ou tel os pour un éventuel Médor, en revanche il connaissait cette pratique. Plutôt qu'un sachet de croquettes, difficile à transporter, trop grand pour être terminé en une journée, mieux valait pour l'instant qu'ils se rabattent sur des aliments de consommation instantanée – d'autant qu'ils ignoraient si le chiot avait une faim de loup ou tentait juste de trouver de nouveaux compagnons de jeu. Ceci étant, la véritable explication à cette décision tenait davantage au vide intersidéral de son compte en banque, vide probablement similaire chez celui de Fredigan, et moins à une préférence logistique. S'ils pouvaient ne pas avoir à payer la ration alimentaire d'un animal, alors que lui était déjà incapable de se payer la sienne, ce serait une épine en moins dans le porte-monnaie.

Il ne fut pas compliqué de distinguer l'enseigne de l'artisan désiré le long de ces rues essentiellement commerçantes. À deux cents mètres, entre la façade d'un opticien-prothésiste et une chocolaterie, le motif holographique de deux lames croisées au-dessous d'une vache stylisée indiquait sans mal la présence d'un boucher ; cependant ils ne la virent qu'après s'être mis en mouvement dans cette direction, tant les informations publicitaires parasitaient un large pan de l'espace. Ce fut durant ce court trajet qu'Enoch questionna son compagnon sur leur nouvelle mascotte :
« S'il décide de nous suivre un moment, tu peux lui trouver un nom ? Ce sera toujours mieux que ''le chien''. » Ou toutou. La honte. Bon allez, quel pouvait bien être le héros à la mode cette année ? Un énième chevalier blanc descendu sur Terre pour la pacifier ? Un justicier nocturne hybridé avec un koala ? Une nana en justaucorps moulant amatrice d'arts martiaux greco-plutoniens ? Le genre de personnages qui inspirent les gosses lorsqu'il s'agit de trouver des noms à leurs animaux de compagnie ; pour autant, le fantôme doutait que Fredigan soit de ce genre de gosses. Il était d'ailleurs curieux d'entendre ses idées là-dessus. Une couleur pareille, si elle était plus répandue que prévu, pouvait certainement lui valoir des propositions fruitées. Myrtille, prune. Aubergine peut-être. Ou tomate, pour les comiques. Non. L'adolescent lui trouverait sans doute quelque chose qui résumât à la perfection le caractère affable de la bestiole, surmonté de son museau joufflu.
Prochaine étape : rentrer dans la boucherie pour demander des restes de viande. Malgré lui, Enoch ne put retenir une secousse horrifiée en envisageant les crochets métalliques suspendus au-dessus des vitrines, et la présence de l'Evolve juste en-dessous. Tout se passerait bien.
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Fredigan Kliff
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15.04.16 11:16
Maintenant que son aîné le mentionnait, Fred ne se voyait pas vraiment traîner un sac de plusieurs kilos en ville, de jour comme de nuit jusqu'à ce que cette petite boule de poils le finisse, ce qui prendrait une éternité dans la tête du jeune Evolve au vu du gabarit de l'animal. Le boucher serait certainement une meilleure option si ils pouvaient avoir une pièce de viande gratuitement, quitte à y revenir. Le problème c'est que de la viande de boucher coûte souvent plus cher et en plus, ses invendus sont-ils toujours consommables ? Ou plutôt, pourquoi donner de la viande encore fraîche à deux inconnus qui ont clairement l'air de ne pas être en capacité de prendre soin d'eux-mêmes, mais qui en plus veulent prendre un chien sous leur aile ? Ils seraient chanceux que le boucher ne crie pas à la maltraitance animal.
Il faudrait aussi penser à la fréquence des repas. Ils ne pouvaient pas venir frapper à la même porte tous les jours, au risque d'abuser de la gentillesse de l'artisan et de voir son étale se fermer définitivement sur leur nez. Il y avait bien entendu plusieurs bouchers en ville, mais Fred ne savait pas vraiment où ils se trouvaient. Il avait son idée, mais de nuit les enseignes des commerçant s'éteignaient et même les publicités diminuaient en nombre, pour économiser l'énergie et limiter le réchauffement climatique, quelque chose comme ça.

« Je pense qu'on devrait aussi chercher d'autres boucheries dans les alentours. Je suppose que les propriétaires seront plus enclins à nous donner de la nourriture gratuitement qu'un employé dans une supérette. Du coup, même si celui-là ne veut pas nous donner de quoi nourrir cette petite boule de poils, on pourra toujours toquer à une autre porte ? Enfin je suppose qu'on cherche quelque chose de gratuit, personnellement je roule pas vraiment sur l'or en ce moment. »

Il sortit la dernière phrase après un petit moment de silence gêné. Fedigan s'attendait bien à ce qu'Enoch parte du principe qu'il n'avait pas d'argent, après tout il n'avait même pas encore l'âge légal pour travailler et même sans ça, il aurait besoin de l'accord de ses parents et autant dire qu'ils ne seraient pas vraiment ravis de laisser un danger public travailler et blesser ses collègues ou clients, volontairement ou non. Mais il était hors de question de laisser l'Ancien payer seul. Ils étaient dans cette galère ensemble. Il baissa son regard sur le chiot à ses pieds, l'examinant de tout son long.

« Et pour son nom... » Le plus jeune s'accroupit pour soulever le chiot qui lui lança un regard interrogateur. Son pelage était tout doux sous ses mains. Son museau, ses pattes... Il était encore tout en rondeur, un peu pataud, mais tout à fait adorable, tellement adorable que Fred avait envie de le câliner et il était persuadé que s'il commençait, il ne pourrait pas s'arrêter. En plus cette lui filait le sourire. Sans regarder Enoch, il lui jeta sa proposition sans beaucoup d'assurance, l'adressant plus à la petite bête entre ses mains qu'à son compagnon. «  Muffin ? » A peine ce mot avait quitté sa bouche que Fred fronçait déjà les sourcils, pas tout à fait satisfait. Le chiot remuait la queue, le nom semblait lui plaire, mais il manquait quelque chose pour le jeune Evolve. Après tout, une fois à sa taille adulte, ce chien ne serait plus si petit, au contraire. En plus il devrait vivre dans la rue avec les désagréments que ça peut apporter. Fred voulait que son chien soit fier, qu'il puisse toiser ses ennemis de toute sa hauteur si jamais il avait à se battre avec d'autre chien. Il devait inspirer le respect.
Il savait comment il voulait l'appeler, alors il reposa le chiot par terre et releva son regard vers Enoch, plein de fierté et de détermination. « Monsieur Muffin. »

Fred se releva et s'avança vers la porte de la boucherie, la main posée sur la poignée. Il attendrait l'avis d'Enoch pour entrée. Ils seraient dans une drôle de situation si l'artisan leur demandait le nom de leur animal et que les deux n'étaient pas d'accord. Mais le plus jeune ne comptait pas vraiment laisser le choix à son ami, il avait trouvé le nom parfait et puis c'était l'Ancien qui lui avait demandé de le nommer.
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Enoch Livingston

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18.04.16 10:14
Être un chien à la rue est sans doute plus aisé qu'être un humain à la rue, songeait Enoch alors qu'il réfléchissait aux méthodes pour nourrir l'animal à plus ou moins long terme. En effet, un cabot pouvait se contenter de fouiller dans les poubelles à la recherche de déchets, dormir à l'ombre des arbres en été et dans les recoins chauds et puants en hiver, sous les ponts ; il urinait n'importe où, déféquait dans les caniveaux s'il était sage et devant les porches de maison s'il ne l'était pas, réclamait l'affection de ses congénères ou de ces grands bipèdes très bruyants qui sentent bizarre ; et puis fin. L'existence canine par excellence. Manger, digérer, pioncer. Du point de vue d'un humain, c'était tout de suite plus difficile puisque, si les différents besoins vitaux ne différaient pas tant, les hommes avaient depuis des millénaires érigé des remparts et des herses sociaux en vue de contrer ces comportements bestiaux – la pudeur, la bienséance, la courtoisie, le respect, autant de murailles dressées entre l'état de nature et l'état de culture, un infranchissable fossé pour celui qui aurait trop baigné dans une quelconque civilisation. Parce qu'il l'expérimentait depuis plusieurs semaines – et encore, il s'était au moins vu offrir un toit, même minuscule, au confort minimum – le fantôme connaissait cet embarras permanent entre ce qu'il devait et ce qu'il lui était possible de faire. Toutes les activités de la vie quotidienne lui étaient devenues comme étrangères, presque inatteignables. S'instruire, se nourrir, se laver, la moindre satisfaction d'un besoin correspondait à une foule d'inconvénients et d'affres d'un degré d'accessibilité variable. Et c'était sans compter sur la honte qu'il ressentait chaque jour à l'idée d'aller demander des restes dans les restaurants mal famés de l'Entre-deux ou la frustration qui l'envahissait lorsqu'il rebroussait chemin devant la numérithèque municipale à cause de son allure dégueulasse. Bon, là aujourd'hui ça allait, mais l'établissement était fermé. Pas de chance.

Enoch acquiesça aux réflexions du jeune Evolve. Changer de terrain, varier les approches, renouveler les espaces était une des règles de la rue. Dès lors que l'on demeurait au même endroit, les risques d'être chassé, dépouillé ou agressé augmentait proportionnellement au nombre de jours écoulés en un lieu identique, comme si revendiquer tacitement une parcelle de trottoir durant plus de soixante-douze heures équivalait à une déclaration de guerre envers les autres squatteurs. La propriété, c'est du vol, ou quelque chose du genre. Les sans-domiciles semblaient des communistes dépourvus de places communes, des communistes sans commun en somme, individuels et charognards, dont la fréquentation tenait à un jeu de pile ou face ; pile ils souriaient, face ils mordaient. Impossible de prévoir qui se sentirait agressé de vous voir assis à tel endroit pour la troisième journée consécutive.
Désolé, l'Ancien secoua doucement la tête quand Fredigan fit mention de l'or qu'il ne possédait pas. À l'entendre, ils étaient dans le même panier percé, si tant est qu'il fût plein à un moment dans leur vie, et sans rentrée d'argent régulière ils ne pouvaient prétendre à s'occuper ni d'un chien ni d'eux-mêmes. Ce constat chagrina Enoch, qui se garda néanmoins de l'énoncer à voix haute ; inutile de briser aussi vite les rêves de son ami – quelque part en lui, il espérait que la bestiole violette ne s'échappât pas sitôt rassasiée et décidât de rester auprès de l'adolescent pour se faire son compagnon de chaque instant. Ainsi ne se sentirait-il peut-être plus aussi seul.

Muffin. Un sourire furtif naquit sur ses lèvres. Voilà qui était mignon. Mais voilà qui ne paraissait pas convenir tout à fait au gamin, dont les mimiques du visage couplées à sa gestuelle ne tardèrent pas à signifier qu'il avait déniché mieux. Monsieur Muffin. Excusez du peu. Une ancienne image lui vint en tête, une histoire de cochon dans la savane ou quelque chose du genre, il n'en retrouvait plus l'origine, toutefois cet ajout lui rappelait cet instant princier. Monsieur. Ou comme rajouter du galon à un nom qui en est dénué. Avec cela, nul doute que le chien saurait terroriser tous les vauriens qui l'approcheraient, et protégerait Fredi' comme un vaillant Pokémon. Il y avait de quoi être rassuré, dis donc !
« Alors demandons un banquet pour Monsieur Muffin », lança-t-il enfin sur le seuil de la boucherie, un soupçon amusé par l'optimisme du fils Kliff, tandis qu'un signe de tête l'enjoignait à ouvrir la porte. Personne à l'intérieur, si ce n'est le – la bouchère, une petite dame à la longue tresse d'un blond passé, qui tranchait du jambon sur une machine à la lame fluorescente. Délicatement, le faisceau venait tailler la viande en fines lamelles qui tombaient ensuite sur un papier plastifié, occupation qu'elle cessa dès qu'elle entendit la sonnerie de la boutique retentir. En se retournant, elle dévoila une figure aussi joufflue que celle de l'animal, la fourrure en moins mais aux rides marquées au coin des yeux et du nez, celles du bonheur. Elle les apostropha avec enthousiasme, les mains froissant énergiquement son tablier.
« Salut les p'tiots, qu'est-ce qu'y vous faut ? »
Oh, vu leur carrure à tous les deux, ils devaient donner l'impression de s'être trompés d'enseigne ou de n'avoir jamais mangé de protéines de leur vie. Si l'artisan s'en fit la réflexion, elle évita néanmoins de la partager. Enoch, la main sur la porte pour garder la sortie ouverte et laisser apercevoir Monsieur Muffin qui patientait sur le palier, langue pendante et queue agitée, fit alors un pas en avant :
« Bonjour madame. Nous aurions voulu savoir si vous aviez quelques os de côté pour notre chien. S'il vous plaît. » S'est-il trop avancé en disant « notre » ? La bouchère les renverrait-elle d'où il venait en arguant qu'elle connaissait la bestiole et qu'elle traînait dans les rues ? Avait-elle ces restes en réserve ?
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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19.04.16 23:34
Toutes les inquiétudes du jeune Kliff s'envolèrent lorsque la petite bonne femme se retourna pour saluer les deux jeunes hommes. Son allure, son attitude, sa manière de parler, Fred ne put s'empêcher de sourire légèrement à cette vue : elle respirait la bonne humeur, on métier devait lui plaire. Il fallait bien avouer qu'elle pouvait sembler un peu bourrue, mais en contrepartie il était presque certain qu'elle avait le cœur sur la main. L'idée d'avoir trouvé quelqu'un pour nourrir Monsieur Muffin le rassurait vraiment. Toutes ses inquiétudes ne partait pas réellement, mais résoudre un problème et sentir le moindre poids se soulever de ses épaules était indéniablement un sentiment très agréable.

Il ne fallait pour autant pas oublier que le jeune Evolve n'avait jamais su juger correctement les gens, ne comprenant pas l'intérêt des faux-semblants. Heureusement pour lui, il n'y avait rien à craindre il comptait sur l'Ancien à ses côtés pour défaire les mensonges de leur interlocutrice si nécessaire. La présence d'Enoch avait en effet quelque chose de rassurant pour Fred. Il ne savait même pas si il pouvait lui faire confiance avec son ''secret'', après tout ils ne se connaissaient pas beaucoup, et pourtant... Pourtant il avait l'intime conviction que tout se passerait bien, que Fred pourrait tout lui dire la prochaine fois qu'il aura un problème. Peut-être pensait-il ainsi à cause de la similarité de leurs situations ? A la différence près que Fredigan savait parfaitement se servir des technologies actuelles et que sa famille restait accessible d'une certaine manière. En fait, leur point commun semblait être la rue et si c'était tout ce qu'il fallait pour que Fred accorde sa confiance à quelqu'un, il y avait une véritable armée qui attendait de pouvoir le dépouiller là-bas. Oh, mais Enoch était différent, il avait fait preuve de compassion. Faites preuve d'un peu d'humanité et ça y est vous avez un Evolve qui vous court après pour vous faire plaisir. C'était étonnant que les choses n'aient pas déjà mal tourné pour lui.

Et malgré tout ça, il ne pouvait pas s'empêcher de tirer une certaine fierté du fait qu'Enoch ait dit 'notre chien'. Peu importe ce que leur imposerait le futur, ils auraient toujours ce petit chien en commun, une raison de s'entraider. Mais quelques part, Fred était presque certain que son nouvel ami ne le laisserait pas avant que sa situation s'améliore et si jamais cela arrivait, Fred ferait tout son possible pour l'aider. Peut-être que c'était ça l'amitié après tout, être là quand l'autre en a besoin, et il devrait simplement arrêter de se prendre la tête avec ça, même si cette relation était toute neuve et risquait d'en voir des vertes et des pas mûres ? Et surtout, il n'avait pas besoin de trouver un soucis supplémentaire.
Le plus important à l'heure actuelle étant les ''négociations'' avec l'artisan car aucune bataille n'est gagnée d'avance. Si le jeune Evolve voulait nourrir Monsieur Muffin, il lui faudrait certainement faire plus que sourire et hocher simplement la tête, lui aussi allait être responsable de cette petite vie. C'est pourquoi il s'attendait à tout, ou presque, lorsque la bouchère repris la parole après avoir examiner leur chiot.

« Mais ce s'rait pas lui qui perçait mes poubelles? »

Sur ses mots, Fred se retourna vers Monsieur Muffin à l'entrée, le regard inquiet. Ce n'était rien de ce qu'il redoutait, mais ça ne démarrait vraiment pas la discussion en leur faveur. Il avait presque envie de prendre la petite bête violette à part pour lui faire un discours sur les mille et une raisons pour lesquelles ces poubelles... Non, les poubelles en générales, n'étaient pas des cavernes remplies de bonnes choses faciles d'accès. Toute l'éducation était à revoir et il n'avait aucune idée de ce que représentait le dressage d'un chien. Quoique, en y repensant un peu plus, le jeune homme se rendit compte que le chiot avait en fait de plutôt bonnes manières pour l'instant, il ne les avait même pas suivi dans la boutiques, il n'aboyait pas plus que de raison et restait au pieds de Fred ou Enoch lorsqu'ils étaient dans la rue.
Comme s'il savait qu'ils parlaient de ses ''exploits'' passés, M.Muffin aboya joyeusement. Le plus jeune avait envie de passer une main sur son visage et de jeter un regard noir au chien, non, ils n'étaient vraiment pas aidés pour le coup. Malgré tout, il se doutait que le chiot avait jappait parce que tout le monde était tourné vers lui et qu'il était simplement heureux de l'attention. En plus, cette petite boule de poils était trop adorable pour que quiconque reste fâchée contre elle. La bouchère devait être du même avis puisque l'instant d'après son rire résonnait dans la petite boutique, rassurant le jeune homme. Ce fut de courte durée alors que la propriétaire croisait les bras, l'air plus sérieuse.

« Mais vous pouvez p'tete m'expliquer pourquoi il fouillait mes poubelles pour trouver à manger? »

Fred n'allait pas mentir, la question jeta un malaise, du moins de son côté, mais il se reprit rapidement : en effet, Monsieur Muffin avait dû s'occuper de lui-même tout seul jusque là et peut-être qu'ils avaient pris une décision un peu irréfléchie pour l'adopter seulement, le plus important c'était ce qu'il allait se passer à partir de maintenant, c'était la manière dont ils géreraient la situation, c'était le fait qu'il n'était plus seul.

« En fait, on l'a trouvé aujourd'hui et on s'est dit qu'on ne pouvait pas le laisser tout seul dans la rue. On va s'en occuper. » Il s'était redressé, la voix pleine de conviction. Dans ces moments là, il ressemblait à son père, le côté intimidant en moins. Cependant, entre ça et le fait qu'il était presque impossible de le faire changer d'avis, il avait vraiment l'air sûr de lui et persuadé que tout irait dans son sens. Malheureusement, la réalité est rarement aussi simple et Fred aura bon vouloir ignorer ses problèmes jusqu'à ce qu'ils disparaissent , ils ne partent jamais vraiment bien loin.

« Et vous pensez avoir les moyens de le faire ? Parce que j'laisserait pas une p'tite bête comme ça s'faire maltraiter »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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24.04.16 15:16
La boutique sent la mort et le propre, la chair fraîche et les produits d'entretien parfum citron. Le long de l'étalage principal, au milieu des bouquets de persil frisé et des décorations théâtrales, les morceaux de viande ont été disposés avec soin selon la race de leur animal d'origine, du plus petit au plus grand – tout est d'importation, la plupart provenant des fermes texanes ou d'Argentine, hormis la partie traiteur au-dessus de laquelle un néon animé indique : « Les produits cuisinés sont préparés par nos soins dans notre boutique avec les ingrédients du jour pour toute commande veuillez réserver au moins 48h à l'avance renseignements complémentaires à la demande si vous... » Et cela continue ainsi, Enoch n'a pas le temps de lire l'intégralité de l'annonce que la bouchère lui répond, ou plutôt leur adresse une question car le doute vient de s'insinuer dans son regard. Elle ne semble pas hostile à l'apparition du chiot, néanmoins elle l'observe avec une nette suspicion, comme si le reconnaître influencerait sa décision future, et avec elle le sort des deux garçons qui l'accompagnent. Certes, ce n'est pas leur existence entière qui sera chamboulée par un refus, mais ils partiront avec la confiance en moins de réussir à nourrir la bestiole et, même si un non ici ne signifie pas forcément un non ailleurs, ils partiront sur une défaite, ce qui n'est pas extra pour le moral. De toute façon, ils partiront mal puisque l'artisan a terminé son scanner facial et leur annonce sans concession les antécédents quelque peu malpropres de Monsieur Muffin. Perçage de poubelles, votre compte est bon, mon gaillard. Pas d'os pour vous ! L'Ancien voit déjà l'entrecôte s'envoler vers d'autres cieux plus cléments, alors que le principal concerné témoigne de sa joie par un aboiement ravi.
Cependant, l'atmosphère se détend aussitôt que la bouchère laisse échapper un rire aussi bref que massif, symbole d'un caractère jovial et peu enclin aux interrogatoires musclés. Au contraire, elle semble disposée à accéder à leur requête, à condition qu'ils lui expliquent pourquoi leur chien se permet de fouiner dans les déchets des commerçants pour trouver de quoi se sustenter – à moins qu'il n'ait jamais été élevé, auquel cas ils sont bons pour un sermon sur l'éducation animale et la responsabilité de l'homme vis-à-vis de son meilleur compagnon. Pris de court, le fantôme se repose sur Fredigan pour répondre à l'interrogation, de manière à ce qu'ils orientent le propos tour à tour, en équipe, et que l'un d'entre eux ne se charge pas de prendre toutes les décisions à l'arrachée, sans se concerter. Et puis, il croit sincèrement que la franchise de l'adolescent ne sera pas un mal dans cette situation ; au contraire, ils ont plus de chance de s'attirer la bienveillance de la femme s'ils ne lui cachent rien et assument leur intention. Chose que le petit brun accomplit avec la conviction nécessaire, en adulte, loin de la silhouette tremblante qu'il avait montré à Enoch quelques temps auparavant. Si la présence du chien est capable d'ainsi augmenter son assurance, en quoi le garder pourrait-il être une mauvaise idée ? Ils grandiront, mûriront ensemble.

Nouvelle question de la bouchère. Si elle se soucie tant que cela du bien-être de ce clébard, pourquoi ne l'a-t-elle pas adopté le jour où elle l'a découvert en train de fourrager dans ses poubelles, au lieu de les prendre pour de futurs bourreaux en culottes courtes ? Ont-ils vraiment le faciès d'abrutis qui s'amusent à balancer les chats contre les murs pour ensuite publier les vidéos sur Internet ? Bien que la réflexion agace l'Ancien, il n'en montre rien et reprend le flambeau, la voix posée et l'iris déterminé dans son mensonge :
« Si nous voulons nous en occuper, c'est justement pour éviter qu'elle ne tombe sur d'autres personnes mal intentionnées. Nous promettons de veiller sur elle pour qu'elle ne manque de rien, ni soins ni nourriture, et qu'elle ait un vrai abri. »
Bon, d'accord, hormis pour les aliments, ils repasseront pour les soins et le toit. Mais la commerçante n'est pas obligée de savoir qu'ils sont tous les deux à la rue et que le refuge qu'ils ont à proposer est aussi précaire que les leurs, que leur compte en banque frôle le zéro absolu et que l'avenir est un vaste gouffre noir où semblent s'enfoncer toutes promesses de bonheur. Non, elle n'a pas à le savoir, ils peuvent mentir aussi dur que possible jusqu'à ce qu'elle les autorise à garder le chien – ce n'est même pas le sien, après tout, qu'est-ce que cela peut lui faire ? – et pour cela, le fantôme est prêt à prendre la responsabilité. Cela ferait tellement plaisir à Fredigan d'avoir un compagnon de chaque instant que, même si elle refuse, c'est décidé, l'Ancien luttera bec et ongles pour qu'on ne lui retire pas la possibilité de s'en occuper. Il renchérit d'ailleurs à cet effet :
« Nous en avons les moyens. Néanmoins, nous pensons que lui donner des os à rogner et de vrais bouts de viande lui sera plus bénéfique que des croquettes industrielles. C'est encore un chiot, il est en pleine croissance. »
Si ce n'est pas de l'argument choc, ça. Allez, dis oui, dis oui. Je te ferai même des puppy eyes pour t'amadouer. Nous serons sages, très très sages. Dis oui Mère noël en habits de charcutier, et tu rendras un enfant et un chien heureux. Ce sera ta b.a. de la journée.
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Fredigan Kliff
Fredigan Kliff
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08.05.16 21:33
Le mensonge d'Enoch le surpris plus qu'il ne le choqua. Pris de court, Fred laissa la surprise prendre place sur son visage avant de se reprendre. Il était toujours trop ouvert, facile à lire et sans beaucoup de retenue, c'est pourquoi il espérait sincèrement que toute l'attention de la bouchère était tournée vers l'Ancien, autrement le changement ne risquait pas de passer inaperçu. Il se tenait aussi droit qu'auparavant, mais la différence entre l'assurance qui relevait ses épaules un peu plus tôt et la tension que tendait ses muscles, la retenu dont il essayait de faire preuve pour ne pas être percé à jour, était flagrante. Si le jeune Evolve ne se reprenait pas, le peu de crédibilité qu'ils avaient réussi à obtenir aux yeux de la propriétaire fondrait comme neige au soleil pour laisser une flaque de boue et il devrait repartir tenter du porte à porte.

Le pire serait certainement le sentiment d'avoir tout fait pour obtenir ces fichus os tout en sachant que ce n'était pas suffisant. Enoch était même allé jusqu'à mentir avec l'aplomb de ceux qui ont l'habitude, de ceux qui n'y accordent plus d'importance et quelque part Fred lui en voulait. Ce n'était pas le mensonge qui l'atteignait vraiment, d'après lui la vérité finissait malheureusement toujours par remonter malgré toutes les couches de prudence, de mensonges et de non-dit sous lesquelles on voulait l'enterrer. Non, ce qui l'embêtait vraiment c'est que l'Ancien l'ait fait sans comme s'il pensait qu'ils n'avaient de toute manière aucune chance s'ils s'en tenaient à la vérité. Tout ça lui donnait l'impression que son compagnon ne les croyait pas capable de faire suffisamment bonne impression, ne les croyait pas capable de prendre soin de Monsieur Muffin.
Mais peut-être n'avait-il pas tord : comment deux gars sans le sous, à la rue, à peine capable de prendre soin d'eux-mêmes allaient s'occuper d'un autre être vivant ? Ils ne pouvaient pas offrir un toit à cette petite bête, seulement un peu de compagnie et, égoïstement, l'adolescent espérait que ce serait assez.

Malheureusement, la bouchère ne semblait pas de cet avis alors quel jetait un regard suspicieux aux deux « clients ». L'instant où son regard croisa celui de Fred, il savait qu'ils n'avaient plus aucune chance de s'en sortir sans payer. La propriétaire de la boutique se redressa, croisant les bras sur sa poitrine, pour mieux toiser l'adolescent qui commençait déjà à se faire tout petit. C'est pour ça qu'il n'aimait pas les mensonges : il se faisait toujours prendre la main dans le sac même si ce n'était pas les siens. Il n'osa même pas jeter un coup d’œil vers Enoch pour s'excuser, son regard tombant sur le bout de ses chaussures pour la énième fois de la journée.

« Donc j'suppose que vous aurez pas de problèmes à payer pour une p'tite portion d'os d'boucher? Autrement j'compte bien contacter la SPA, qu'ils trouvent une vraie famille à ce chiot. »

La dernière phrase tomba sèchement, telle une sanction irrévocable, laissant un instant de flottement pour que les deux jeunes gens puissent en comprendre toutes les implications. Fred n'avait jamais été du genre intellectuel et pourtant, il était là à réfléchir aussi vite qu'il pouvait pour trouver un compromis. Enoch avait certainement les poches complètement vides à l'heure actuelle, après tout, pas d'emploi donc pas de salaire. L'adolescent en contrepartie avait la chance de devoir aller au lycée et ses parents continuaient de payer les frais de scolarité de leur fils. Autant dire qu'il avait au moins cinq repas assurés par semaine et si la faim se faisait trop sentir il pourrait toujours demander à son grand-père de faire passer un ou deux sandwich en douce. S'ils se faisaient prendre, le jeune Evolve aurait certainement des problèmes, mais il n'était pas question de laisser Monsieur Muffin être enfermer dans une cage et traité comme du simple bétail.

Un regard vers la boule de poils en question et la décision était prise. Et si dans sa tête Fred était déterminé, il n'était en réalité pas très sûr de lui. Le regard de l'artisan le mettait mal à l'aise, comme si elle savait qu'il allait lui laisser ses quelques ressources pourtant bien maigres, comme si elle l'avertissait d'un simple regard de ce qu'il risquait à se conduire ainsi. Alors, il détourna son regard pour se concentrer sur la caisse, sur la situation présente, laisser les conséquences à plus tard. Plus tard, quand il aurait réglé tout ça, quand tout irait mieux. Plus tard.

« Je vais payer. »

La bouchère partit un instant dans l'arrière boutique avant de revenir poser un paquet sur le comptoir et d'indiquer à Fred où placer son poignet pour laisser échapper quelques précieux dollars. Ce n'était pas la fin du monde et avec toute cette affaire, l'adolescent pensait que ça lui reviendrait bien plu cher. Ils ne s'en sortaient pas si mal finalement. Sans attendre plus que ça, il se retourna vers Enoch, l'attrapa par le bras et sortit, jetant un simple 'Au revoir' par-dessus son épaule. Il n'était pas fâché de sortir de là, surtout lorsque Muffin lui sauta dans les pattes flairant sûrement déjà de la nourriture. Il se décontracta avec un soupir seulement après s'être un peu éloigné de la boutique. C'est seulement là qu'il se rendit compte qu'il avait traîné Enoch derrière lui sans lui demander son avis.

« Désolé ! J'avais juste hâte de sortir. Elle avait l'air gentil au départ cette dame, mais j'avais vraiment juste l'impression qu'elle me jugeait. Et puis, elle était pas obligée d'être aussi difficile pour quelques bouts d'os. » Il s'arrête un instant, marque une pause pour essayer de ne pas vexer l'Ancien, sa voix saunant plus comme une excuse qu'un reproche. « D'ailleurs, tu penses vraiment que c'était nécessaire de lui mentir ? Je suppose que tu auras remarqué que je... hum... gère pas bien ce genre de situations ? Donc, ouais, à éviter pour plus tard. Ou alors me mets pas dans la confidence ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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16.05.16 17:08
La bouchère n'avait pas encore sorti le crochet pour les foutre dehors – premier bon point. Elle ne leur avait pas non plus ri au nez, façon cause toujours tu m'intéresses – second bon point. Toutefois, le regard dubitatif qu'elle adressait aux deux compères ne signifiait rien de bon, comme s'ils n'allaient pas tarder à répondre de leurs actes devant un tribunal populaire pour une faute qu'ils n'imaginaient pas en être une. Qu'y avait-il de mal à vouloir nourrir un animal abandonné, après tout ? Le sentiment d'accomplir quelque chose de juste, ou tout du moins d'avoir l'intention de réaliser cette action généreuse, suffisait à renforcer la détermination d'Enoch, aussi demeurait-il impassible, en attente du verdict, la tête droite et les mains rassemblées devant lui, patient. En revanche, la silhouette qui se tenait à ses côtés, à la périphérie de sa vision, n'en menait pas large ; Fredigan semblait presque sur le point de tout avouer, y compris le mensonge peu scrupuleux de l'Ancien, afin de chasser la mauvaise conscience qui le taraudait. Sa sincérité, son ingénuité était un défaut dans le cas présent, c'était évident, mais il lui était sans doute difficile de bafouer ce principe inhérent à sa personnalité. Se taire et accepter de se montrer complice d'une tromperie éhontée devait lui paraître insupportable et, cependant, il s'y pliait tant bien que mal. Jusqu'à ce que la réponse de la commerçante éclaboussât d'indécision leur attitude – que faire ? Approuver cette règle de la vie en société selon laquelle tout possède un prix et qu'il faut payer pour obtenir ce que l'on désire ? Tente de négocier une gratuité qui mettrait en exergue le fait qu'ils n'eussent pas de quoi s'occuper du chiot, soit tout le contraire de ce qu'ils essayaient d'affirmer ? La femme jouait là-dessus, d'ailleurs, si bien qu'Enoch eut envie de s'excuser auprès du jeune brun puisque ce qu'il avait cru être une stratégie salvatrice se retournait à présent contre eux. Mauvais plan.

Même quelques dollars, le fantôme ne pouvait pas les donner. Par la force des choses, il était obligé de s'en remettre à l'Evolve tout en sachant que celui-ci ne baignait pas dans les lingots, et cette injustice qu'il avait précipitée en se croyant plus malin que tout le monde le rendait coupable d'une gaffe qui le laissait penaud. Entendre Fredigan annoncer qu'il allait payer – pour un sac de déchets, en plus – avec limite le ton du condamné qui part pour l'échafaud, c'était pénible. Ils auraient pu rebrousser chemin, reconnaître qu'ils n'avaient pas les moyens mais que cela ne changeait rien à leur volonté et quitter la boutique pour espérer tomber sur un artisan plus sympathique, mois inquisiteur surtout, la prochaine fois. Sauf que la menace de la fourrière sonnait vraie, implacable, et les avait coincés. Ah, les adultes et leur rapacité ! N'avait-elle pas honte d'exploiter un enfant sur la base de sa gentillesse ? À croire qu'il s'était fourvoyé en la pensant charitable.
Il n'eut pas davantage de temps pour songer à ses erreurs que le garçon l'entraînait dehors avec impatience, Muffin piaffant dans ses pattes pour réclamer son dû dont l'odeur alléchante lui emplissait probablement les sinus depuis un moment. Sitôt à l'extérieur qu'ils se décalèrent sur le trottoir afin de ne plus être visibles à travers la vitrine, cependant que Fredi' expliquait sa précipitation tout évidente. Enoch acquiesça ; il n'avait pas besoin de se justifier, au fond, l'Ancien avait eu des réflexions similaires quant au caractère de la bouchère. La suite, par ailleurs, l'étonna à demi – non qu'il fut surpris d'apprendre cela de la bouche de son compagnon, puisque sa nature authentique n'échappait à personne, mais le coup de la nécessité de mentir... S'imaginait-il en venant frapper à la porte des boutiques en clamant haut et fort qu'il était sans abri, sans le sou et en charge d'un chien, que les gens lui offriraient la larme à l'œil des provisions ? Il suffisait de voir la réaction de la bonne dame pour comprendre qu'il ne faisait pas bon être miséreux et que, pour certaines choses, il valait mieux ruser. Même si le résultat n'était pas toujours à la hauteur des espérances.

« Je ne crois pas que la mendicité soit plus appréciée que le mensonge... Elle aurait appelé les services animaliers si elle avait su que nous n'avions même pas de toit. Ou pire. » En effet. Un jeune homme de vingt-deux ans perdu dans une autre époque, on ne pouvait pas vraiment y toucher, mais un gosse de seize piges qui fait la manche, Evolve en plus de cela, il n'y avait pas que le cabot qui risquait d'être embarqué. « Je sais que cela ne te plaît pas, j'aurais dû te prévenir. Mais parfois, oui, c'est nécessaire. Et si un jour mentir peut te tirer d'affaire, il faudra que tu le fasses. » Encourageant, tout ceci. Il lâcha un soupir dépité ; il n'aimait ni faire la morale – d'autant que cette éthique-là n'était pas franchement recommandable – ni demander à quelqu'un dont il respectait les principes de balayer ceux-ci pour si peu. Parce que lui aussi aimait la franchise, la vérité. Il avait juste appris à la détourner lorsque cela l'arrangeait, telle une arme réversible. « De toute manière, ce n'est pas comme si nous allions la revoir », rajouta-t-il en guise de conclusion, un piètre réconfort.
Son regard déclina alors sur le chien bleu qui se fichait comme d'une guigne de leur discussion ; tout ce qui l'intéressait était la poche que Fredigan portait au bout de son bras, et qu'il reniflait en agitant la queue, les pattes avant levés sur le pantalon de l'adolescent pour l'inciter à le nourrir. Cette vision, tendre par son innocence, lui fit hausser les épaules. Tant pis pour le sérieux.
« Est-ce qu'il y aurait un parc dans le coin, histoire de s'arrêter le temps qu'il dévore ? »
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