Un trou noir… Une sensation de flottement… La sensation de ne pas savoir où nous sommes, l’impression que le temps ne s’écoule plus, que nous ne sommes qu’un simple esprit pour lequel il est impossible de se mouvoir. Et pourtant une sensation si agréable, comme si tous les soucis de la routine n’existait plus. Comme si rien ne pouvait nous atteindre, et comme si nous n’agissions sur rien. L’impression que seules les ténèbres les plus profondes nous entourent, que la lumière ne reviendra jamais. C’est ce que Shane ressentait à ce moment précis.

Malgré tout, un élément nouveau vint perturber la structure entière de cette fondation surréaliste, comme l’onde d’une pierre jetée au milieu de l’eau. Il s’agissait d’un son pour commencer. Très faible, presque inaudible, mais bien présent. Puis ce même son répété plusieurs fois, formant une chaine, un petit clapotement redondant qui allait et venait…
Maintenant une sensation, telle un léger picotement même s’il n’en était rien. Quelle était-elle ? Un coup que l’on prenait ? Non… C’était bien trop faible… Un frisson du à une chute de la température ? Plus proche, mais pas encore ça… Soudain la réponse apparu de façon presque trop simple. De l’humidité ! Comment avait-il fait pour ne pas s’en rendre compte plus tôt ? Mais d’ailleurs… Où avait-il ressenti de l’humidité… Sur ses membres ? En avait-il déjà possédé ? Sa mémoire et son analyse lui revenait. C’est vrai, il avait des membres, il avait encore un mal fou à les bouger mais il les sentait distinctement. Les signaux électriques à l’intérieur de son corps reprenaient leurs droits et parvenaient à lui transmettre ses sensations, lui permettant en retour de se mouvoir. D’abord un doigt, puis un bras… Son esprit avait réintégré son corps et celui-ci lui indiquait qu’il avait froid et qu’il était de plus en plus mouillé. Nul doute possible…

Shane finit par ouvrir les yeux. La lumière du jour, pourtant si peu intense, fit fondre les ténèbres qui l’avait entourés de manière tellement brutale, qu’il dut refermer ses paupières presque immédiatement et s’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir les rouvrir pour de bon. C’est bien ce qu’il lui semblait. Ce qui l’avait ramené à la réalité n’était autre que la fine pluie qui lui tombait à présent sur le visage. Toujours allongé sur son lit d’herbe, il se redressa en position assise avant de scruter autour de lui. Il se trouvait sur une petite colline d’herbe et devait être au milieu d’un parc, un chemin serpentait entre plusieurs colline du même type que celle sur laquelle il était assise. Peu loin de là, se trouvait une aire de jeu pour enfant, jonché de bancs. Il entendait au loin les fanfares des klaxons, lui indiquant que durant son sommeil, le monde ne c’était pas arrêté de tourner. Il n’y avait personne, mais personne n’aurait eu envie de rester dans un parc alors que le temps s’annonçait aussi menaçant.

Mais que faisait-il, lui, ici ? Il avait le vague souvenir d’être venue s’allonger dans un parc pour profiter de la caresse du vent et des rayons du soleil. Rayons du soleil à présent masqués par de sombres nuages qui s’étendait à perte de vue. Il ignorait combien de temps il était resté dans cet état d’inconscience, mais une chose était certaine, cela avait du durer un moment pour que le temps ai pu passer d’un tel extrême à l’autre. Et puis pourquoi s’était-il endormi ? Il ne se souvenait pas avoir été envahit par le sommeil. Un gargouillement s’échappa de son ventre. Beaucoup de questions restaient sans réponse mais une chose était claire : il avait faim !

Shane se releva lentement, étira ses membres endoloris un à un, tapota légèrement son jean pour le débarrasser des résidus d’herbes qu’il pouvait encore y trouver, puis, se mit en tête de chercher une épicerie où il pourrait apaiser son appétit en attendant de pouvoir prendre un vrai repas. Il commença à marcher le long des rues pour trouver un commerce où trouver son bonheur. Les personnes qui marchaient sur l’avenue lui jetaient des regards, interrogateur, surpris ou encore consternés. Pourquoi à ce passant précis parmi tant d’autre ? L’explication était simple : il était sans doute le seul passant vêtu d’un tee-shirt noir et d’un jean mauve, se baladant, sans même un parapluie alors que l’intensité de la pluie ne faisait que s’amplifier. Shane n’avait pas pour autant l’intention de se presser d’avantage, il marchait à son rythme et peu importait le fait d’être mouiller, de toute manière vu le temps qu’il avait passé dessous, il ne pouvait l’être plus qu’il ne l’était déjà.

Enfin il aperçu une épicerie. Il se lança à l’assaut de celle-ci, en commençant par passer la porte et le portillon. S’il voulait quelque chose pour manger dans la seconde, il fallait bien qu’il cherche un rayon adapté. Les surgelés… Les légumes… Ah ! Les sucreries. Il n’avait pas pour projet de dévaliser le magasin de ce qui faisait parti de la consommation principale des américains, mais il lui en fallait un peu pour pouvoir lui-même subvenir à ses besoin caloriques, il s’agissait après tout des produits les mieux placés pour lui apporter le sucre dont il risquait de manquer.

C’est alors que sur sa droite, une silhouette capta son regard. Il s’agissait là d’une personne fine, assez petite, portant un manteau relativement long muni d’une capuche lui couvrant l’intégralité du visage. Ce qui l’avait cependant le plus choqué n’était pas l’apparence de la personne, mais plutôt son attitude. Elle prenait à peine le temps de regarder le prix de ce qu’elle jetait littéralement dans un panier qu’elle tenait de son autre main. Enfin il existait sans doute des gens pressés par le temps. Il avait déjà rencontré ce type de personnes, elles venaient, savaient ce dont elles avaient besoin, le prenait, et partait telle une tornade ravageant une ville et disparaissant soudainement. Il ne s’en préoccupa donc pas et tourna à nouveau son regard vers les étagères qui lui faisait face, hésitant entre deux barres de céréales. Du moins, jusqu’à ce que la fameuse silhouette ne se heurte à lui…

Le choc ne fut pas particulièrement violent, loin de la même, mais cela suffit à arracher Shane à ses pensées. Il tourna la tête en direction de la personne qui venait de le bousculer. Elle sembla dire quelque chose, mais d’une voix trop basse pour que Shane puisse comprendre quoi que ce soit. L’inconnu avait l’air tendu et il pu voir une mèche blonde dépasser de son manteau. Il se recula et au léger mouvement de la capuche, Shane pu se douter qu’il avait jeté un regard en direction de la sortie avant de se tourner à nouveau vers lui. Cette réaction était peut-être un peu disproportionnée, Shane n’allait pas agresser quelqu’un simplement parce qu’il s’était fait tamponner. Il releva alors la tête et Shane pu s’apercevoir que « il » était en fait « elle ».

Une beauté tout ce qu’il y a de plus simple. Son visage était fin, très fin. Encore une personne qui mangeait peu si Shane en croyait sa propre expérience. Des yeux d’un vert émeraude le fixaient avec une telle intensité qu’ils lui auraient presque fait détourner le regard. Enfin, celle-ci lui lança un pâle sourire, sans doute pour présenter des excuses, mais ce sourire avait quelque chose d’étrange, même si Shane ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui n’allait pas. Celui-ci inclina donc la tête pour faire signifier qu’il ne lui en voulait absolument pas pour ce désagrément et pour appuyer ce geste, tenta de répondre par un sourire qu’il voulait rassurant.

-Ne t’inquiètes pas, ce sont des choses qui arrivent.

Il le pensait sincèrement. Lui-même, il lui était déjà arrivé de bousculer des gens involontairement, d’ailleurs, ça ne c’était pas toujours bien finit… Jugeant impoli de la laisser avec cette simple explication, et pour briser un peu la glace avant de la laisser partir de son côté, il décida de lui demander un service.

-Pourrais-tu me dire où se trouve le rayon surgelé ?

Bon, il venait de passer devant même pas cinq minutes plus tôt et connaissait donc la localisation de celui-ci, mais il se dît qu’avec un peu de chance, cela retirerait la gêne que la jeune fille pouvait ressentir, et lui permettrait ainsi de se détendre avant de reprendre son activité.

La jeune fille changea du tout au tout, comme le jour et la nuit. Elle qui était si tendu à peine quelques secondes auparavant, se relâcha si soudainement que Shane en aurait presque tressaillit. Et bien, son objectif était accompli, la jeune fille n’était plus aussi stressée et s’était même permis un sourire, qui, soit dit-en passant, lui allait vraiment bien. Shane ignorait si cela était du à l’effet qu’il avait voulu dégager, si c’était parce qu’elle l’avait identifié comme quelqu’un de moins dangereux qu’elle ne le pensait, ou encore si c’était pour une raison tout autre qu’il ignorait. Mais peu l’importait, elle était devenue naturelle et c’était bien là l’essentiel.

Au sujet de la question qu’il avait posée auparavant, elle sembla réfléchir quelques instants pour ne pas lui dire de bêtises, puis elle lui indiqua la direction du rayon surgelé devant lequel Shane était passé un peu plus tôt. C’est d’ailleurs à ce moment que Shane vit avec étonnement que l’effet engendré par sa question avait été radical. La jeune inconnue qui avait l’air d’avoir peur ne serait ce que d’exhiber la moindre parcelle de peau. Celle qui avait été dans cette position que l’on pourrait nommer de « tortue », c'est-à-dire complètement rétracté sur soi-même. Cette même personne laissait maintenant aller librement ses mains tel un chef d’orchestre qui mènerait une mélodie de bout en bout d’une main de maître.

Shane ne savait plus quoi penser. Il s’agissait là encore d’une personne qu’il n’arrivait pas à cerner et qui sait pourtant qu’il appréciait de savoir à quel genre de personne il s’adressait pour éviter tout sujet sensible. C’était là déjà la deuxième personne qu’il n’avait pas pu comprendre. Il en avait croisé une autre plus tôt qui avait été… Pas mal en son genre.

Une fois ces explications terminées la jeune fille lance un dernier sourire à Shane avant de se retourner et de réajuster sa capuche pour recouvrir son visage et redevenir cette silhouette que l’on pourrait considérer comme une ombre. Shane, tout de même heureux de sa bonne action détourna les talons pour faire mine de se diriger en direction des surgelés. Il y resterait le temps que la fille sen aille puis partirait à son tour, après tout, lui voulait juste ses barres de céréales. Il jetta donc un dernier regard derrière lui mais… C’est là qu’il le vît.

Il avait été très concentré sur la jeune fille durant toutes ces indications précédentes, mais en suivant ses signes de mains, il l’avait déjà aperçu. Un homme au regard suspect commençait à suivre la jeune fille. Qui était-il ? Il était vêtu de la manière la plus basique qui soit et avait l’air d’un homme honorable. Alors, pourquoi suivre ainsi une jeune fille ? Ce n’était pas l’une de ses connaissances sinon il l’aurait déjà interpellé. Et puis une connaissance ne resterait pas aussi loin d’une personne, même pour vérifier que l’on ne ce serait pas trompé… Pas de doute, qui que soit cet homme aux cheveux bruns et à la grande corpulence, il ne suivait pas l’inconnue pour des raisons amicales.

Et c’est alors que cet homme allait s’approcher de la jeune blonde que Shane fit marche arrière et, à grands pas, posa sa main sur l’épaule de la fille en la tirant vers l’arrière et, devançant par la même occasion son agresseur potentiel. Il la ramena à l’arrière du magasin. Sa main était solidement ancrée, et son regard s’était raffermit. Il ne lui fallu que très peu de temps pour atteindre le fond de la boutique avec la jeune fille sous la main. Il n’avait pas senti de résistance particulière, sans doute était-ce du à la surprise, ou peut-être simplement n’y avait-il pas fait attention. Cependant, il fallait rester le plus naturel possible vis-à-vis des autres personnes dans le magasin, il ne voulait pas qu’on croit que c’était lui l’agresseur. Il se permit donc de dire :

-Excuse-moi j’aimerais avoir ton opinion sur la qualité de ces surgelés.

Bien sûr, il s’agissait là d’un mensonge grossier, mais c’était la première chose qui lui était venu à l’esprit, et il ne fallait surtout pas attirer l’attention. Peut-être que cette simple action suffirait à convaincre l’homme d’abandonner tout projet…

Shane se méfiait grandement de cet individu, et même s’il essayait de ne pas trahir son regard, il ne pouvait s’empêcher de regarder dans sa direction.

- Tu mens, tu n’en à pas grand chose à faire de la qualité des surgelés.

Il lâcha un soupir consterné de sa propre incapacité à mentir.

-C'était si évident...?

Pourtant, Une telle rapidité à répondre ? D’accord ce mensonge aurait pu être décelé par un enfant de cinq ans, après tout, Shane ne savait pas mentir sauf exception, mais de là à répondre avec une telle rapidité… Le jeune homme ne put s’empêcher de lancer un regard interrogateur à sa petite protégée. Il pu alors apercevoir que son capuchon c’était en partie relevé et laissait voir à présent distinctement son beau visage. Il pu même apercevoir un grain de beauté juste sous son œil, mais il y avait bien plus urgent pour le moment.

Il semblait que l’encapuchonnée avait remarqué la présence de l’homme duquel Shane venait de l’éloigner, mais, malheureusement et comme Shane le redoutait, celui-ci ne lâchait pas l’affaire. Il vint dans leur direction. Et cette fois-ci, à sa grande surprise, ce fut Shane qui fut entraîné à la suite de l’inconnue. Elle lui agrippa le poignet avec une force qu’il n’aurait pas soupçonnée pour un corps si frêle, et ils passèrent dans le rayon suivant. Cependant, cet endroit atteint, elle le lâcha machinalement l’air gêné. Sans doute un reflexe de sa part.
En la regardant réajuster sa capuche, il pu observer qu’elle tremblait. Shane en fut profondément énervé. Ces parents lui avait toujours appris à être gentil avec les filles, et le fait de voir cet homme la traumatiser comme si de rien n’était ajoutait à sa colère. Cependant, il devait garder son sang froid.

- Je suis désolée d’avoir parlé si brusquement et de t’avoir entrainé avec moi, c’est un réflexe, ne m’en veut pas si ça recommence.

Comment aurait-il pu lui en vouloir, elle était paniquée et ça se voyait, et l’on sait que, dans la panique, le seul système qui fonctionne est l’instinct. Shane n’aimait pourtant pas agir par instinct, il préférait pouvoir réfléchir avant de faire quoi que ce soit, mais des fois ces sentiments prenaient le dessus. La seule chose qui faillit le faire sourire, alors même que la situation était urgente, était la fin de la phrase. Si elle savait que ça pouvait recommencer, ne pouvait-elle pas se maîtriser ?

Le bruit de pas se rapprochant l’arracha à sa transe. Incroyable que cet homme est autant de cran pour vouloir insister alors même qu’il avait été repéré. Pourquoi ? Quelque chose échappait à Shane, quelque chose d’important et il avait beau faire tourner son cerveau à plein régime, impossible de trouver quoi… L’homme se rapprochait encore. Que faire ? Se mettre en travers de son chemin ? Mauvaise idée, il serait balayé d’un simple mouvement de bras… S’accrocher à l’homme du mieux possible et demander à la fille d’en profiter pour partir ? Non… Elle avait l’air bien trop effrayé pour réagir avant de se faire rattraper… La prendre avec lui et se mettre à courir vers le poste de police le plus proche ? Lui serait assez rapide, mais elle ?

Tandis que Shane se posait toutes ces questions, l’homme s’était rapproché assez près pour que Shane comprenne ce que ressentaient les fourmis à côté de la statue de la liberté… Il se mit sur la défensive, un bras devant la jeune fille qu’il ne voulait pas laisser tomber, mais il savait pertinemment que cela prendrait autant de temps à l’homme de l’écarter de son chemin, que de marcher tranquillement vers la jeune fille. Cependant, à sa grande surprise, l’homme se stoppa net. Pourquoi ? Pourquoi ne pas continuer ? S’il s’apprêtait à faire du mal à la frêle blonde, il n’était plus à ça près que de cogner un avorton faisant mine de la protéger. Il était en position de force. Alors pourquoi ?

L’homme avait apparemment un doute sur le visage et plissait les yeux pour regarder Shane… Où plutôt la jeune fille qui se trouvait derrière Shane. Ses grands yeux sombres firent d’abord des mouvement de bas en haut pour finalement se stopper net au niveau du visage de la demoiselle encore mal caché, n’avait-elle pas eu le temps de réajuster sa capuche correctement ?

-Pas de doute possible… C’est la fugitive ! Appelez la police !

Une fugitive ? Qui donc ? Shane lança un regard partout autour de lui, une femme tenant son enfant par la main, un homme penché sur le rayon et attrapant une boite, un vendeur et un client ayant stoppé la conversation, tous avait l’air aussi surpris que Shane et regardaient dans leur direction. D’ailleurs, pourquoi dans leur direction ? Shane réalisa alors ce qui se passait. Le fait que la jeune fille soit couverte, son stress permanent, l'homme qui s'était stoppé, l'état d'empressement de sa protégée... Impossible, ça ne pouvait pas être…

Shane le savait à présent et pourtant, dans sa tête, il refusait d’y croire. Elle ne pouvait pas être recherchée, cette même personne qui, lorsqu’elle lui avait parlé, semblait tellement vivante… Il devait y avoir une erreur. Lui-même s’était dit plus tôt qu’il s’agissait de quelqu’un d’insondable, mais pas à ce point. Fugitif était un grand terme. Il s’agissait là de quelqu’un qui fuyait pour un crime commis et, pour que tout le monde ai l’air de la reconnaitre aussi facilement, ce n’était pas un quelconque vol. Elle devait avoir commis un crime hautement plus grave… Mais… C’était impossible… Il devait simplement s’agir là de quelqu’un qui lui ressemblait…

Shane jeta un regard en direction de l’homme lui faisant face avant d’entendre derrière lui ces quelques mots qui aurait pu le faire crouler sous leurs poids.

- Je suis vraiment désolée de t’avoir entrainé là-dedans.

Pourquoi ? Pourquoi ne pas leurs dire à tous qu’ils se trompaient, qu’elle n’était pas celle qu’ils pensaient… Pourquoi…? Pourquoi était-il aussi naïf… Ce n’était pas les agissements de quelqu’un qui aurait pu faire quelque chose de terrible, mais il ne la connaissait pas. Ce n’était qu’une parfaite inconnue. Qui sait peut-être jouait-elle un rôle profitant de sa naïveté naturelle pour s’en servir contre lui. Puis il sentit le contact délicat de doigts serrant l’arrière de son T-shirt… Shane ne pu s’empêcher de tourner sa tête vers celle de qui il doutait, et pu observer ce qu’il aurait appelé du désespoir dans son attitude. Elle semblait songeuse peut-être même triste… Shane se mit à réfléchir intensément. Ce n’était pas l’attitude d’un vrai fugitif, mais plutôt de quelqu’un qui était dos au mur. Dans cette histoire, il y avait quelque chose d’étrange, et même si la plupart des points étaient devenus clairs, il n’en restait pas moins, pour autant, de points obscurs.

Il repensa à tout ce qui s’était produit depuis leur rencontre. Elle l’avait d’abord heurté, puis c’est lui qui avait enclenché la conversation. Ensuite, c’est lui qui avait écarté la fille de l’homme qu’il jugeait dangereux et c’est aussi lui qui avait pris position pour la défendre… C’était bien ça, à aucun moment la jeune fille n’avait tentée de le faire agir comme bon lui semblait, il était responsable de tous ses actes. Si quelque chose l’avait trahi ce n’était pas cette personne mais bel et bien son cerveau, ayant sauté trop vite aux conclusions.

La fugitive se recula de quelque pas mais se stoppa aussi net lorsque son bras fut tendu au maximum. Elle semblait hésiter. Shane était-il la cause de cette hésitation qui pourrait pourtant lui coûter cher ? En tout cas c’est ce que lui ressentait. Il se sentit honteux de causer des problèmes alors que tout ce qu’il avait voulu à la base était d’aider quelqu’un.

- Désolée, il faut courir, j’essaierais de t’expliquer d’accord ?

La jeune fille voulait s’échapper. Il aurait aimé lui dire de se rendre aux autorités, qu’il prendrait alors sa défense et que tout irait pour le mieux, mais en voyant son regard, il vit que celle-ci avait déjà pris la décision de s’en aller. Il lui fallait maintenant prendre la sienne. Allait-il rester ici et laisser cette inconnue s’en aller ? De toute façon, elle pourrait sans doute se débrouiller. Ou alors allait-il la suivre et risquer de devenir complice de quelqu’un qu’il venait juste de rencontrer ? La réponse était évidente… Mais… Il fit l’erreur de croiser son regard. Un regard presque implorant. Il ne pouvait pas se résoudre à la forcer de lâcher prise. Ces quelques moments qu’ils avaient partagés faisaient partie des moments les plus intenses qu’il avait eu l’occasion de tester depuis son arrivée en ville. Il n’était qu’un étranger, et à l’heure actuelle, il était moins attaché à la ville entière qu’à cette personne qui venait de lui attraper la main. Il n’eut pas la force de se dégager d’une telle étreinte et du se résoudre à laisser ses jambes le porter derrière la jeune fugitive.

Ils sortirent à une folle allure du magasin et commencèrent à courir un peu au hasard sous les hurlements de certains passants et la crainte d’autre. La jeune demoiselle tenait un rythme effréné, Shane aurait pu passer devant, il était un tout petit peu plus rapide, mais il décida de se laisser porter mollement par cette frêle blonde pour laquelle il devait représenter un boulet. Il était temps pour lui de mettre les choses au clair sur sa situation.

Il venait de choisir de suivre une fugitive qu’il avait protégée quelques temps auparavant. Même si il s’arrêtait maintenant, il allait devoir expliquer bien des choses aux forces de l’autorité publique qu’il ne pourrait sans doute pas justifier. Il prenait également le risque de retarder la jeune fille et de la faire capturer elle aussi. Il avait un second choix, il tenait la main d’une fugitive, il suffisait de la lui serrer et de s’arrêter brutalement pour participer à sa capture… Mais c’était littéralement hors de question ! Sinon il devrait vivre ave ce regret sur la conscience durant toute sa vie, surtout qu’il ne comprenait toujours pas les agissements de la jeune femme. Il s’y refusait plus que toute autre chose. Il lui restait la dernière possibilité de courir, la mettre à l’abri pour devenir encore plus complice qu’il ne l’était déjà et, en ce cas, au moins l’un des deux serait sauvé. S’il résumait, il pouvait ne sauver personne, ou sauver l’un d’entre eux… Il savait à présent ce qu’il allait faire mais les explications, qu’il attendait, allaient devoir tenir la route, sinon il l’abandonnait à son sort.

Il raffermit donc la prise de sa main, qu’il avait laissée ballante tout ce temps, et choisit de prendre la tête de la course entraînant la jeune fille à sa suite. Ils avaient de la chance dans leur malheur, la fine bruine qui tombait auparavant s’était transformé en véritable torrent. Le nombre de piétons sur la voie avait diminué et cette pluie participait au fait de dissimuler leur visage. Il devait maintenant se rendre quelque part où ils seraient en sécurité ne serait-ce que quelques instants, le temps de récupérer de leurs émotions et qu’il puisse enfin entendre la vérité.

La course qu’ils avaient entreprise ne s’arrêtait pas. La pluie lui fouettait le visage mais, dans l’instant, il y avait plus important. Ne sachant si la fille derrière lui parvenait à le suivre, il la regarda. Elle… Pleurait ? Non c’était sans doute la pluie qui faisait cet effet. Il ne fallait pas la prendre en pitié avant que les choses ne soient plus claires. Il tourna sa tête à nouveau devant lui pour regarder où il allait, l’esprit peu clair. Que se passait-il bon sang ? Il ressentit alors la main de sa complice presser la sienne. Par reflexe, il regarda dans sa direction pour voir qu’elle lui faisait signe en direction d’un passage visiblement vide. Il regarda autour de lui pour vérifier que personne ne faisait attention à eux, puis voyant que la seule personne suspecte était un vieux monsieur muni d’un parapluie qui avait du mal à faire un pas devant l’autre, il se précipita à la suite de la fille trempée.

Ils se stoppèrent alors dans cette ruelle transversale totalement vide où même la pluie se raréfiait. Shane encore haletant fixa intensément la jeune fille, il attendait des explications et leur sort dépendrai de celles-ci. Il vit alors un mouvement de sa main pour essuyer ses yeux. Alors il n’avait pas rêvé, elle pleurait réellement. Peu importe à quel point elle pouvait être bonne comédienne, si jamais tout ça était vraiment de la comédie, il lui discernerait un oscar dans la seconde, surtout qu’il voulait croire en elle. Il le voulait de tout son cœur. Il releva la tête, passa la main sur ses cheveux aplatit et posa la question fatidique.

-Alors que se passe-t-il ?

Shane était on ne peut plus sérieux, la curiosité le taraudait et il redoutait la moindre réponse de la part de cette fille qu’il allait à présent connaitre mieux.

- Encore une fois je suis désolée... Je... ne suis pas dangereuse ! C’est une longue histoire, mais je sais que je te dois des explications.

Effectivement, Shane s’en doutait, il avait du mal à l’envisager comme une criminelle. Mais inutile de faire durer la chose, il désirait des explications sérieuses de sa part, et, si elle voulait rester convaincante, elle avait intérêt à le regarder dans les yeux sans détourner le regard. Cla aurait pu le surprendre, mais elle fit exactement ce qu’il attendait de lui et d’un regard décidé, leurs yeux se rencontrèrent et se fixèrent mutuellement. Et enfin, il pu apprendre la vérité.

La fille lui expliqua le pourquoi du comment. La météorite, les étranges évènements qui y étaient liés et sa propre vie. Elle était la victime d’un pouvoir qu’elle n’avait jamais voulu avoir et cela l’avait bannit de la société. Il n’eut aucun mal à la croire pour deux raisons. La première est que Shane croît quelqu’un qui a l’air convainquant si tout ne prouve pas le contraire. La seconde, cela apportait de nombreuses explications aux phénomènes qu’il avait pu observer en arrivant en ville. La présence du campement militaire, une arrivée soudaine de scientifique, et surtout ces avis de recherches placardés un peu partout montrant des personnes qu’il n’avait jamais vu dans sa ville précédentes. La ville de Madison étouffait toute histoire sur ce qui se passait au sein de celle-ci à l’étranger. C’est aussi pour ça que de telles procédures de sortie étaient nécessaires pour échapper à la ville… Cette jeune fille disait la vérité. Apparemment, son « pouvoir » lui permettait de détecter tout mensonge cependant, elle l’obligeait à faire part de sa constatation. Et bien, c’était dur d’avoir une vie privé avec elle. Mais ça à part, comme Shane l’avait imaginé, il ne s’agissait là que d’une frêle jeune fille seule contre le monde, et emplie de désespoir. Ne demandant que de pouvoir vivre.

La pression de Shane retomba d’un coup. Il avait eu raison de lui faire confiance, et il avait eu raison de l’aider. Il regarda la jeune fille puis, eu un petit rire, qui grandit au fur et à mesure. Il essuya une larme au coin de son œil. C’est alors qu’il remarqua qu’il tenait toujours en main ces barres de céréales et qu’il avait toujours aussi faim. Il culpabilisait un peu de les avoir volées mais il ne s’en était pas rendu compte, alors autant ne pas les gâcher. Il lança l’une de ces barres à la fille et son air se raffermit.

-Tiens, mange ! C’est la seule chose que je ferai pour toi ! Je ne t’aiderai plus, tu n’es qu’un monstre terrifiant, je ne peux pas avoir confiance en toi !

Bien évidemment il mentait, il avait parfaitement confiance en cette jeune fille mais quoi de mieux pour détendre l’atmosphère que de se servir de son pouvoir qui lui avait fait tant de mal, pour lui signifier que celui-ci pouvait aussi l’aider elle, qu'il n'était pas forcément maléfique. Après qu’elle se soit rendu compte du pot-aux-roses, il lui lancerait un sourire rassurant, et il réfléchirait ensemble à comment la sortir de la ville sans attirer l’attention en mangeant leurs barres de céréales. Il était sûr d’une chose, hors de question de la laisser dans cet endroit tant qu’elle ne serait pas en sécurité.

Comme il l’avait pensé, presque immédiatement, la jeune fille avait deviné son mensonge et l’avait fait éclater au grand jour. Elle s’était même affalée par terre. Pourtant, alors qu’il s’attendait à ce qu’elle se détende, sa mine s’assombrit. Avait-il mal agit ? Il avait pourtant pensé bien faire. Mais à sa réponse, il comprit pourquoi tout sourire avait quitté son visage.

- Tu sais, tu pourrais dire aux autorités que je t’ai forcé à me suivre, par du chantage ou encore que tu ne te doutais pas de qui j’étais. Cela pourrait t’aider, je sais que je t’ai mis dans une situation embarrassante.

Elle s’inquiétait donc pour lui ? Après tout les malheurs qu’elle avait pût rencontrer jusque là elle s’inquiétait pour lui ? Il s'agissait vraiment d'une personne foncièrement gentille. Il prit la peine de réfléchir à ses propos. Le chantage… Impossible, il était celui qui l’avait trainé hors de porté de l’homme peu de temps auparavant, et celui-ci pourrait en témoigner. Le fait de ne pas se douter de qui elle était en revanche était la vérité et, il pourrait sans doute s’en servir pour retirer les soupçons. Du moins en cachant la fin des évènements.
Elle venait d’ouvrir la barre de céréales que Shane lui avait lancée. Shane fit de même et la dévora en quelques bouchées avant d’enfoncer le résidu papier dans sa poche.
Alors comment allait-il faire par la suite ? À la limite, la question de comment répondre à l’interrogatoire des autorités se poseraient plus tard. Elle avait sans doute quelque part où se cacher sinon elle ne serait pas rester sans se faire trouver pendant une si longue période. Il allait donc devoir la ramener jusque là bas… Du moins c’est ce qu’il croyait avant qu’elle ne se relève, tenant son petit panier dans sa main, et ne lui annonce :

- Merci pour tout, vraiment, tu peux sortir par le bout de cette ruelle je passerais par l’autre, je ne veux pas t’apporter plus d’ennuis que tu n’en as déjà.

Était-elle sérieuse ? Il croyait vraiment qu’il pouvait l’abandonner à son sort comme ça maintenant qu’il savait qu’elle n’était qu’une malheureuse victime de tout un tas d’injustice. Oh que non ! Il ne pourrait plus se regarder dans la glace s’il devait le faire. C’est alors que lui vint une idée. Elle ne lui plaisait pas trop mais elle serait sans doute efficace, il était sûr que la jeune fille ne pourrait pas s’échapper aussi facilement s'il mettait à exécution son plan. Tandis qu'elle commençait à s'éloigner, il s'appuya au mur derrière lui et murmura de façon à peine audible.

-Excuse-moi par avance, mais tu ne me laisse pas le choix.

Il se devait de l’aider, et pour ça il devait lui faire comprendre qu’elle allait devoir compter sur lui. C’était quitte ou double.

-J’aimerais que tu répondes à cette question de façon à ce que, ma situation mise à part, tu me dises ce que toi tu penses égoïstement. Veux-tu vraiment te séparer de moi comme ça et partir seule ? Ou alors veux-tu rester à mes côtés ne serait-ce qu'un peu plus longtemps en me demandant mon aide ?

Ce qu’il faisait était bas, il savait pertinemment que la jeune fille ne pouvait pas lui mentir. Et, alors qu’avant il voulait lui montrer que son pouvoir n’était pas maléfique, il le retournait à présent contre sa propriétaire. Mais il fallait qu’il en ait le cœur net. Était-elle comme il le pensait une personne solitaire qui s’éloignait de lui uniquement pour le protéger et auquel cas, il ne pouvait l’abandonner ? Ou bien voulait-elle vraiment rester seule de son côté et en ce cas, il la laisserait faire ce qu’elle voulait ? Shane le savait, cette simple question allait changer son futur ou le faire retourner à sa routine.

Elle s’était interrompue dans son élan. La belle blonde ne voulait toujours par lui faire face. Il attendait donc sa réponse, à la fois curieux, mais aussi impatient. L’espace d’un instant, Shane ne discerna plus que le bruit de la pluie tombant lentement tout autour de lui, et le son de leurs deux respirations, comme une scène figée. Et l’échéance finit par tomber.

- Non, je n’ai pas envie de partir et oui j’aimerais rester avec toi, mais te demander de l’aide encore une fois c’est te mettre plus en danger que tu ne l’es déjà.

C’est exactement ce qu’il pensait, elle voulait de l’aide mais ne voulait pas l’impliquer. Elle était solitaire mais ne voulait pas le rester. Elle se tourna lentement pour lui faire face à nouveau. Après une telle réponse, elle ne pouvait sans doute pas partir aussi facilement. Son plan avait fonctionné. Elle souriait toujours de manière aussi triste. Il ignorait si un jour il pourrait voir un vrai sourire de bonheur sur ses lèvres, mais il le souhaitait vivement, il devait-être magnifique.

- Tu as pensé à toi ? Si tu restes, même encore un peu, avec moi tu pourrais avoir des soucis et je ne veux vraiment pas que ça arrive.

Est-ce qu’il avait pensé à lui ? Oui et non… Disons qu’il savait qu’il serait difficile de s’en tirer avec de simples excuses. Mais si personne ne les voyait plus que ce qui était déjà fait, il ne risquait pas grand-chose en complément. Par contre si effectivement quelqu’un le voyait encore en sa compagnie, il serait sans doute plus délicat de s’en tirer… Mais ça, il pourrait le voir après avoir atteint son objectif non ? Seul le futur le lui dirait.

-Oui je suis parfaitement conscient des risques que ça implique, mais si tu refuses l’aide d’une des rares personnes à laquelle tu as sans doute jamais parlé, qui t’aidera ? Et puis dis-toi bien une chose, je ne me sacrifie pas, je compte bien m’en tirer après, j’agis juste de manière purement égoïste pour satisfaire ma propre conscience.

C’était la vérité, de toute façon rien ne servait de mentir, il n’avait juste pas précisé qu’il éprouvait de l’affection pour cette personne qui, au risque de rester seule, préférait se sacrifier pour sauver ceux qui l’entourait. Il en avait été profondément touché et jugeait qu’elle aussi méritait du bonheur, et ne méritait pas de vivre l’enfer qu’elle côtoyait.

Il fallait maintenant réfléchir à où s’enfuir. Elle le savait probablement, mais lui n’en avait pas la moindre idée. Il fallait qu’il obtienne ce peu d’informations qui lui manquait et pouvait faire pencher la balance en leur faveur. Cependant, il repensa à une chose, il ne voulait surtout pas qu’elle lui révèle la position de sa cachette si elle ne le voulait pas. Il fallait qu’il formule la question de manière indirecte pour respecter sa volonté.

-J’aimerais savoir si cela te gênerai de me dire à quel endroit tu pourrais-être à nouveau en sécurité, et si oui, donne-moi au moins un endroit où je pourrais te laisser l’esprit tranquille.

Ainsi, il pouvait lui permettre de répondre selon ses désirs.

-Ah mais au fait, si on continue d’être ensemble ne serait-ce que quelques minutes de plus, on ne sera plus de parfaits inconnus, pas vrai ? Alors autant me présenter, je m’appelle Shane. Est-ce que cela te gênerai de me donner ton nom ?

Il n’y a pas à dire, il fallait vraiment qu’il tourne les questions vers sa volonté pour ne pas qu’elle soit obligé de lui répondre de façon directe. Ainsi, ils auraient une conversation normale avec ce qui est caché et ce qui ne l’ai pas, même s’il ne pouvait pas se mentir.

La jeune fille c’était mise à rire, sans doute nerveusement, non ? Ou alors elle se moquait de lui. Mais Shane ne prêta attention qu’à une chose, le sourire qui se dessinait sur les lèvres de son interlocutrice, il vit ce qu’il avait voulu voir juste un peu avant et n’imaginait pas que cela aurait pu lui arriver si tôt. Il fut réellement heureux de pouvoir assister à ce spectacle, il s’agissait pour lui d’un aboutissement.

- Hm, je pense que l’endroit le plus pratique pour que je puisse rentrer en sécurité serait à la lisière de la forêt, de là je pourrais rejoindre le réseau de grottes dans lesquelles j’ai organisé mon campement, c’est là-bas que je vis.

La forêt, hein ? Il allait donc devoir retourner là où il avait fait sa première rencontre, peut-être lui en parlerait-il plus tard… Sinon, cela ne l’étonnait pas vraiment, la forêt était sans doute le meilleur endroit pour se cacher, il repensa à cette fois où il s’était complètement perdu, de plus, c’était non loin de leur position, logique. Quelle personne recherchée irait dans un magasin à l’autre bout de la ville ? Il nota également que celle-ci lui avait indiqué le lieu où elle se cachait, enfin pas la localisation précise, mais tout de même des informations délicates qui pourrait la mettre en danger si elles étaient révélées. Elle avait donc choisi de lui faire confiance à ses propres risques. À présent, il tenait chacun le sort de l’autre entre leurs mains pour ainsi dire, si jamais le jeune garçon s’y prenait mal, il faisait capturer la jeune fille, mais si la jeune fille se faisait capturer et révélait son cas, le garçon passerait lui aussi sous l’échafaud.

Elle lui lança un sourire sincère avant de lui donner son propre nom. Alors elle s’appelait Alice ? Il ne put s’empêcher de penser au fameux conte portant le même nom en se faisant la réflexion que, comme dans celui-ci, la jeune fille vivait un véritable cauchemar. En d’autres circonstances, il aurait même pu trouver ça drôle. Mais c’était en d’autres circonstances…

La jeune fille replaça son capuchon, pour redevenir l’ombre qu’elle était dans le magasin, et pourtant, elle prit la peine d’ouvrir le long manteau qu’elle portait révélant le pull et le jean qu’elle portait. Shane tendit une main au niveau de sa tête, il était vrai qu’il c’était cessé de pleuvoir. Un frisson le parcouru lorsqu’il se rendit enfin compte qu’il était vraiment découvert. Alice se pencha alors vers son sac et sorti deux petites bouteilles d’eau et en tandis une à Shane qui se pressa de s’en emparer. Après tout le chocolat de la barre avait étanché sa soif déjà causé par la course qu’ils avaient faite. Il retira le bouchon avec soin pour pouvoir ingurgiter le fameux liquide, mais c’est à ce moment précis qu’Alice se décida à lui poser une question.

- Je ne te fais réellement pas peur ? Je suis plutôt habituée à d’autres réactions de la part des gens habituellement.

Il avala de travers et failli s’étouffer. Il retira rapidement la bouteille de sa bouche et fut pris d’une toux, qu’il tenta tant bien que mal de contrôler. Une fois qu’il se fut un peu calmé, il se tourna à nouveau vers celle qui avait failli être responsable d’un crime involontaire. Est-ce qu’elle lui faisait peur ? Cette jolie jeune fille ? C’était une blague, n’est-ce pas ? Elle pensait quoi au juste ? Bon d’accord on ne pouvait rien lui cacher et il était dur d’avoir une conversation « normale » avec elle. Enfin ça aurait été le cas pour des gens normaux. Mais Shane avait déjà de base tendance à dire tout ce qui lui passait par l’esprit, il ne dissimulait rien, et détestait plus que tout l’idée d’être hypocrite. Alors qu’elle possède ce fameux pouvoir ou non, cela ne faisait pour lui aucune différence. Il entreprit de lui répondre.

-Non, je ne pense pas vraiment avoir peur de toi. Si vraiment c’est ton objectif, alors tu as intérêt à grandir, prendre du muscle, et tenter de me menacer. Là à la limite je pourrais commencer à avoir peur.

C’est alors qu’il s’imagina le résultat de la description qu’il venait de faire sur la fille qui lui faisait face. Il ne pu s’empêcher d’étouffer un rire, puis finalement, de laisser celui-ci éclater. Après s’être ressaisit, il repensa à leur cas à tous les deux, ils auraient tout le temps, ou presque, de rire une fois arrivé dans la forêt mais avant, mieux valait qu’il ne reste pas trop longtemps au même endroit. La question était maintenant de savoir comment faire. La pluie venait de cesser, leur visage serait donc plus visible, cependant, avec les trombes qui étaient tombés auparavant, le nombre de personne dans la rue devait avoir largement diminué. La jeune fille portait quelque chose qui pouvait la dissimuler mais lui ne possédait rien de ce genre. S’ils se mettaient à courir dans la rue, ils ne seraient pas discret outre mesure. Il fallait donc que lui trouve quelque chose pour le dissimuler un minimum, et qu’ils accèdent à la forêt au pas pour éviter tout soupçons…

Shane remarqua alors les deux grosses bennes à ordure qui se trouvaient sur sa droite. Peut-être que… Il se mit alors à ouvrir l’une d’entre elle et plonger ses mains dans les ordures qui pouvait s’y trouver, il pourrait peut-être y faire une découverte intéressante, après tout, dieu seul sait que les pays développés aimaient à gâcher tout un tas de choses utiles. Et dans chaque benne se trouvait l’équivalent d’un bâtiment de déchets. Les trouvailles pouvait être intéressantes… Bon par contre il devait passer pour un fou auprès d’Alice mais si la conséquence était si faible comparé au gain. Il prenait le risque.

Dans la première poubelle il trouva beaucoup de déchets ménagés et aussi des fond de nourritures, rien de bien intéressant en somme et il venait de se salir les mains d’un restant de sauce pour rien… Il entreprit donc d’attaquer la seconde, à peine ouverte, il y trouva une casquette « NY » que l’on avait découpé au centre d’un bon coup de couteau. Ces guerres pour savoir quel était le meilleur club de baseball était vraiment puéril, mais elles allaient lui servir, il la saisit, l’ajusta à sa taille avant de l’enfiler sur sa tête. Il ne stoppa cependant pas sa recherche et parvint même à trouver une veste pour fille « I <3 NY » rose, une taille trop haute pour lui et avec capuche. C’était parfait ! Il la récupéra, l’enfila et ajusta la capuche de sa veste par-dessus sa casquette pour couvrir les cheveux noirs qui n’était pas cachés. La veste était évidement tachée de graisse, mais même si le tout faisait un costume ridicule et complètement débraillé, il restait plausible de porter cette tenue et c’était bien là l’essentiel. Il se rapprocha d’Alice en espérant que celle-ci ne soit pas trop dégoûtée par la tenue vestimentaire qu’il venait de récupérer, puis d’un même mouvement, enroula son bras autour du sien, avant de lui souffler :

-Allez Alice, on y va !

Puis il entreprit de reprendre le chemin en marchant en direction de la forêt. Il eut même une idée. Pour justifier sa tenue, il se mit à prendre une attitude légèrement tremblante en faisant en sorte de mimer une personne ivre. De toute façon, vu leur tenue, les gens allaient les dévisager, alors autant qu’ils essaient de détourner leurs regards par crainte d’avoir des problèmes. Seul petit défaut de la manœuvre, ils avaient intérêt à ne pas tomber sur la police.

Après le rire de la jeune fille, et leur entreprise de reprendre la route qui les séparaient de la forêt, les deux jeunes adolescents marchaient à découvert, l’une supportant le poids de l’autre qui jouait la comédie. L’effet fut radicale, les personnes les dévisageaient, allant même jusqu’à changer de trottoir lorsqu’il partageait le leur. Shane se rendit aussi compte du second intérêt de la chose, qu’il n’avait pourtant pas soupçonné. Il connaissait le chemin pour accéder à la forêt, mais il s’agissait là du chemin le plus direct. Sa jeune complice avait l’air de suivre un itinéraire bien précis, et comme elle le supportait tandis que lui éloignait les curieux, elle pouvait aussi le guider sans que cela ne ce voie.

L’urgence de la situation mise à part, Shane s’amusait comme un petit fou. Il n’avait jamais eu l’occasion de tester une telle expérience et voir que les gens le fuyaient ainsi avait quelque chose de drôle. Enfantin n’est-ce pas ? Pourtant, En tentant de se dandiner comme un vieil ivrogne, il faisait en sorte, tout de même, d’avancer un minimum, le temps pressait.

Ils passèrent une porte cochère dont Shane ignorait l’existence, puis commencèrent à la longer. Shane le sentait, ils touchaient au but, et une fois la forêt atteinte, Alice serait en sécurité. Il ressentit une profonde excitation, bientôt il pourrait être satisfait d’avoir aidé cette jeune fille dans le besoin, bientôt, il pourrait rentrer chez lui avec un sourire de satisfaction sur le visage… Et pourtant ce qui devait arriver arriva…

-Vous deux là-bas ! Ne bougez plus !

Ils se stoppèrent net par pur reflexe, du moins, en ce qui concernait Shane. Il tourna la tête et pu apercevoir la tenue d’une personne des forces de l’autorité publique. C’était pas vrai ! Ils étaient si proches de la forêt qu’il pouvait la voir à l’autre bout du chemin ! Mais il ne pouvait pas faire un pas de plus avant de s’assurer qu’ils s’étaient préparés à courir. Il se crispa et tourna légèrement plus la tête pour observer cette personne derrière lui, tout en gardant la même attitude d’ivrogne pour ne pas laisser tomber sa couverture. Il s’agissait d’une femme… Seule ? Étrange, en temps normal, ils étaient toujours à deux minimum d’autant plus qu’il s’agissait là d’une policière.

-Que faites vous par ici, et surtout dans cet état ?! Vous là au manteau vert ! Livrez-moi cet ivrogne !

La jeune femme faisait de grands mouvements, mais elle se rapprochait lentement, en effet il ne s’agissait là que d’une arrestation de bas étage. Du moins en théorie... Shane repensa à une chose, d’un geste vif mais discret, il plaqua immédiatement sa main droite sur la bouche de sa coéquipière, il ne savait pas si son pouvoir considérait les mots de la policière comme une question, puis, en prenant appuie de sa main gauche sur l’épaule droite d’Alice, il fit semblant de se redresser pour se mettre à sa hauteur. Il lui chuchota alors dans l’oreille :

-On court !

Et on était reparti pour une autre course poursuite. Il prit la main d’Alice et se mit à accélérer si soudainement qu’ils plantèrent la jeune femme derrière eux, complètement prise au dépourvu. En même temps, il fallait la comprendre, qui aurait pu penser qu’un simple ivrogne pourrait courir aussi vite et sans la moindre difficulté ? Après ce léger temps de réaction qui leur fit gagner une distance précieuse, la policière se lança à leur poursuite. Heureusement qu’ils étaient non loin de la forêt. Mais, alors qu’il croyait enfin à leur chance, un policier, noir et chauve, surgit de cette même forêt en direction de laquelle il se dirigeait, remontant sa fermeture éclair.

Il ne fallu pas longtemps à Shane pour comprendre l’erreur qu’il venait de faire. La jeune policière attendais en fait son collègue partit se soulager plus loin, c’est pour cela qu’elle était seule ! Un hurlement survint de derrière lui :

-Clark ! Attrape ces gosses !

L’homme eut d’abord un air surpris, mais en observant la situation, deux adolescents qui couraient précédés par sa collègue, il ne se posa pas de question et s’élança vers eux. Ne s’étant pas à une seule seconde arrêté de courir, Shane comprit le guet-apens dans lequel ils venaient d’atterrir. Coincé ! Ils étaient complètement coincés et c’était de sa faute ! Pris en sandwich, ils n’avaient aucune alternative aucune rue parallèle dans laquelle s’engouffrer, ils étaient perdu et c’était à cause de lui. Il était celui qui avait proposé le plan qui avait attiré l’œil de la policière. Il était celui, qui alors qu’ils auraient peut-être pu s’en tirer en dialoguant avec elle, s’était mis à courir. La culpabilité le rongeait et il entreprit même de sauter sur l’homme, déjà moins impressionnant que celui du magasin, pour laisser à sa partenaire l’occasion de fuir. Le désespoir l’avait envahit.

-Désolé…

Il se tourna vers elle et il cru lire de la tristesse dans ces yeux. Ce qu’il entendit par la suite le fit réfléchir, et il dut revenir sur sa première idée. Son cœur se resserra, visiblement, s’il choisissait cette option, aucun d’eux deux ne s’en tirerait, et elle aurait plus de problèmes par la suite, que lui. Il raffermit son regard, apparemment, il ne pouvait pas abandonner. Il était hors de question de laisser cette fille pâtir de ses erreurs ! Et encore moins de la laisser se faire capturer ! Alors que ces pensées envahissait son esprit, et que le policier n’était plus maintenant qu’à quelques mètres, l’incroyable se produit.

La scène sembla se dérouler au ralentit. Shane venait de lancer sa jambe vers l’avant pour continuer sa course, il tirait du mieux qu’il pouvait le bras d’Alice qui courrait à grands pas elle aussi. Le policier les bras tendu vers l’avant sembla près à les intercepter, et pourtant, son pied sembla se dérober sous lui, comme si celui-ci venait de trébucher sur un objet invisible. Il commença à tomber à la renverse, tête la première, et se heurta violement au sol, ses pieds rejoignant le haut de sa tête. Le choc avait été violent et le policier gisait inconscient. En d’autre circonstances, le jeune garçon se serait accroupi à côté de lui et aurait appelé une ambulance, mais c’était là une occasion qu’il ne pouvait pas laisser échapper, continuant de courir. Pourtant lorsqu’il fit un pas de plus un horrible choc électrique, une douleur intense, lui parcouru la jambe droite et dans un cri de douleur, il tomba à genoux à son tour. Pourquoi avait-il aussi mal ? C’était-il froissé un muscle en faisant un faux mouvement ? Ce n’était pas le moment pour ça, ils étaient presque à l’abri…

Shane n’arrivait plus à se concentrer sur autre chose que la douleur qui lui parcourait le mollet. Sa jambe entière tremblait, il était comme paralysé par la douleur lancinante qui la lui traversait alors même qu’il ne bougeait celle-ci que de quelques centimètres. Pourtant, sa volonté lui dictait de continuer de ne surtout pas se laisser rattraper par la femme qui arrivait derrière lui, mais son corps en avait décidé autrement. Dans un état second, il ne sentit même pas Alice qui avait toute les peines du monde à le hisser sur son épaule, et à le trainer après elle pour ne pas le laisser se faire capturer. Celle-ci faisait preuve d‘un courage remarquable, ne laissant pas la pression de se faire rattraper, aveugler son jugement.

Ils avançaient lentement, très lentement. Chaque petit pas était pour Shane un véritable supplice et si Alice ne l’avait pas supporté, il serait sans doute tombé à plusieurs reprises. Pourtant, une nouvelle fois la chance leurs avaient souri. L’agent derrière avait préféré resté auprès de son collègue afin de vérifier son état, que de suivre les deux adolescents qui s’en allaient tant bien que mal. Alice, pu alors les mener sous les premiers arbres et finalement les dissimuler derrière un fourré. Mais ils le savaient sans doute tout deux, les forces de police allait sans doute arrivées sous peu et la policière connaissait leur emplacement. Si elle entendait ne serait-ce qu’un signe de renfort à proximité, elle ne tarderait pas à les rejoindre et à les appréhender. Ils ne pouvaient pas rester là.

Alice permit tout de même à un soupir de soulagement de lui échapper. Il était vrai qu’ils venaient de frôler la catastrophe… Elle s’était maintenant tournée à nouveau vers Shane pour contrôler son état. Elle semblait inquiète mais qui ne l’aurait pas été.

- Ça va aller ? Tu as mal où ? Tu veux que j’appelle une ambulance ? ... Ah non oublie. Je peux faire quelque chose pour toi ?

En d’autre circonstance, Shane aurait rit de sa réflexion sur l’ambulance, malheureusement, la douleur était toujours aussi importante et ne semblait pas vouloir fléchir, et là où il aurait voulu pouvoir répondre par un sourire, il ne put que grimacer. Il laissa échapper un grognement, se tenant toujours le mollet, avant de tenter de formuler une phrase complète, qu’il dut contre sa volonté entrecouper.

-Malheureusement, ça ne va pas si bien… Mon mollet me fait mal, je ne sais pas comment c’est arrivé… C’était si soudain… Tout ce que je peux te dire, c’est qu’à l’heure actuelle, même boiter me paraît difficile.

En tenant ces mots, il avait laissé s'échapper un petit rire nerveux. Rien ne servait de mentir, cela n’arrangerai par leur position et leur ferai perdre du temps. Mais il fallait se remettre en mouvement, trouver un coin plus tranquille où récupérer. Shane leva la tête, l’une de ses paupières close, et fixa au loin. La situation n’était de nouveau pas à leur avantage, il allait avoir du mal à bouger et bientôt la forêt serait envahit de personnes à leur poursuite. Shane aurait aimé qu’elle le laisse ici et qu’elle continue seule, elle aurait ainsi toutes les chances de s’en tirer mais essayer de la convaincre était peine perdue… Comment le savait-il ? Parce que, contre toute attente, il avait remarqué que cette fille lui ressemblait et qu’il savait que si les rôles avaient été inversés, il n’aurait pas pu se résoudre à l’abandonner.

-Tu connais mieux la forêt que moi, ne connaitrais-tu pas un endroit où nous pourrions nous cacher ? Un endroit hors d’atteinte au moins pour une petite demi-heure, où même deux heures, le temps qu’ils abandonnent les recherches ?

Si elle parvenait à faire l’exploit de trouver cet endroit et que lui parvenait à accomplir un second exploit qui serait de tenir sur ses jambes, ils pouvaient s’en tirer. Il fallait garder espoir. En chancelant à moitié, il se redressa, sa douleur à la jambe le relançant, mais cette fois, du moins pour l’instant, son esprit avait le dessus. Il savait cependant qu’il allait encore devoir utiliser l’épaule de la frêle jeune fille…

Alice pensait apparemment à un lieu particulier, cela le rassurait. Il ne pouvait qu’espérer que, comme le disait la jeune fille, ce ne soit pas trop loin. Il priait aussi pour que les antis-douleurs qu’elle lui avait fournit fassent effet le plus rapidement possible. À peine relevé, comme si elle avait lu ses pensées, sa compagne de fuite c’était immédiatement placé de manière à le supporter. De manière extrêmement habile, elle attendit qu’il commence à marcher à son rythme pour essayer de s’y adapter et ainsi lui causer le moins de peine possible.

- Dis le moi lorsque tu as trop mal on pourra s’arrêter un peu, ce n’est pas loin d’ici mais je suis désolée il faut quand même marcher un peu.

C’était tout le contraire, Shane ne voulait pas s’arrêter. Ce n’est pas qu’il n’avait pas mal et, s’il n’écoutait que sa jambe, il n’aurait jamais quitté la première de leur cachette, mais s’ils s’arrêtaient, il avait peur qu’il ne puisse plus se relever. Alors il ne faisait que faire un pas devant l’autre machinalement ne se concentrant que sur la douleur pour lutter contre elle.

Cela faisait combien de temps qu’ils marchaient maintenant… Des heures ? Shane savait pertinemment que ce n’était pas le cas, mais sa notion du temps l’avait quitté. Pour peu, il en avait presque oublié sa situation, sa fuite, et si celle-ci n’était pas régulièrement en contact avec lui, il en aurait presque oublié Alice. Il reprit conscience de ce qui l’entourait, ils étaient à présent arrivés sur un chemin, non pas un chemin du à de nombreuse trace de pas, mais bel et bien un chemin qui, à en juger par son état, ne devait pas être souvent fréquenté. Ils durent encore trainé le pas pendant cinq bonnes minutes avant qu’ils ne parviennent au bout de celui-ci.

Là, Shane aperçu au loin, de son regard vitreux, un petit baraquement, comme un chalet, dont les vitres étaient brisées. Il n’y avait plus de toit et une partie des planches tenant l’édifice n’était plus présente. Qu’importe ce qui s’était abattu sur cette maison, elle en avait souffert. Mais, en la regardant de plus près, il en déduisait que la maison était inoccupée depuis un bon moment à présent. Il aurait pu demander à la personne qui l’empêchait, lui, de s’effondrer comment elle connaissait cet endroit ? Si vraiment il ne craignait rien… Mais les questions n’étaient rien. Il avait compris que la fille voulait les mener jusque là bas, et, enfin, il pourrait se reposer.

Ils progressèrent jusqu’à la cabane, et tandis que Shane s’adossait au mur de la bâtisse, Alice fit grincer la porte en la poussant. Shane attendit quelques secondes après qu’elle est pénétrée pour la rejoindre. Là, il se laissa tomber sur le plancher en tendant sa jambe au maximum, n’ayant plus la force de tenir debout. Il avait du faire un effort incroyable pour parvenir jusque là. Et… Ses nerfs craquèrent. Il ne pu retenir un sanglot et empêcher ses larmes de couler. Maintenant que le stress et la pression étaient retombés, il ne pouvait que rester comme ça, par terre à pleurer. Ah, il était beau l’homme qui quelques temps plus tôt jouait les fiers en voulant aider une personne pour laquelle il n’aura finalement été qu’un boulet ! Il baissa la tête de honte, il voulait fuir le regard de la jeune fille. Son attitude était déplorable, elle avait toutes les raisons du monde de pleurer, lui n’en avait aucune. Il n’en avait pas le droit, lui pouvait encore entreprendre de retourner à son quotidien, elle, plus jamais elle ne pourrait vivre de façon heureuse à rester ainsi cachée dans l’ombre…

-J-Je suis désolé, du début à la fin…

Et voilà qu’il s’enfonçait… Mais bon sang ! Non seulement il n’arrivait pas à présenter des excuses correctes, mais en plus il se ridiculisait… Vraiment Shane aurait préféré resté le jeune homme souriant en toute circonstance et sur lequel on pourrait compter, mais finalement, c’est lui qui comptait sur les autres comme il l’avait toujours fait. Il fallait vraiment qu’il se ressaisisse.

Les pensés de Shane se bousculaient tellement dans sa tête que celui-ci n’arrive plus à réfléchir posément. Il s’en voulait tellement… Il sentit alors la main de la jeune fille se poser sur son épaule, de manière très douce.

- Je pense plutôt que c’est à moi de m’excuser pour tout ça, c’est moi qui t’es entrainé là dedans aux dernières nouvelles. Je suis vraiment désolée, j’aurais du partir plus tôt.

Shane releva la tête pour saisir son regard. Elle avait l’air elle aussi de culpabiliser pour ce qu’il lui arrivait… Dans certaines circonstances, les personnes tendaient à se renvoyer la pierre, pour soulager sa responsabilité et éviter les soucis. Mais dans le cas présent, Shane et Alice essayait de prendre tout le malheur de l’autre pour s’en attribuer la faute. Du moins c’est ce que Shane cru deviner après ces quelques mots. Il ne s’était jamais senti aussi proche de quelqu’un depuis son arrivé en ville.

Il ne comprit pourquoi que lorsque la fille se releva et lui tourna le dos.

-Kathy… ?

Ce murmure imperceptible avait franchi ses lèvres comme s’il s’agissait là d’une évidence et qu’il s’agissait du nom de la jeune fille. Son illusion allait même jusqu’à le pousser à imaginer sa grande sœur lorsqu’elle saisit un torchon et enveloppa les glaçons qu’elle était parti chercher au réfrigérateur, chance qu’il fonctionne encore. Il dut cligner des yeux plusieurs fois tandis qu’il restait bouche bée devant cette apparition et pu enfin récupérer ses sens. Non, ce n’était pas sa sœur. Elle lui ressemblait, gentille, attentionné, douce, mais aussi possédant une grande force d’esprit et un grand courage. Elle avait aussi une profonde aversion pour le mensonge. Ah, non, c’était son pouvoir qui faisait cet effet, Shane l’avait oublié. Cependant, ces pensées l’avaient apaisé et il pu se remettre à réfléchir.

Les antis-douleurs avaient probablement fini par faire effet eux aussi. La douleur semblait à présent nettement moins cuisante. Pourtant, Alice n’arrêta pas ce qu’elle avait commencé. Elle appliqua la poche de glace arrangée qui lui fait un bien fou. Puis, elle courut chercher des coussins pour l’installer de la manière la plus confortable possible. Elle sembla s’installer de nouveau à côté de lui pour plaquer la poche de glace sur sa jambe, mais son esprit était trop occupé à vagabonder pour prêter attention à quoi que ce soit. Il se tracassait encore plus pour les problèmes qu’il avait causés à Alice depuis qu’il l’avait confondu avec sa sœur. Il était empli de regret. Il l’entendit alors.

- Une sacrée journée n’est-ce pas ?

La réplique était tellement inattendu que surpris, il ne pu s’empêcher de relever la tête vers la personne à ses côtés. Celle-ci pouffa de rire, réaction surprenante après tous les problèmes qu’ils avaient pu s’attirer. Mais en y repensant, c’est aussi comme ça qu’il aurait pu agir. Il la vit regarder un vieux cadre posé sur une table. Il se tourna à son tour vers cette photo. Il lui sembla y voir Alice dans un costume de serveuse. Sur la photo, elle avait l’air de partager de bons moments avec les collègues qui l’entourait… Shane fut touché par l’attention qu’elle pouvait lui porter, alors que la nostalgie l’avait sans doute engloutie. Il se tourna à nouveau vers elle, et, dans un sourire qui s’étira naturellement sur ses lèvres, lui dit ces deux seuls mots :

-Merci Alice.

En y repensant, ils avaient partagés de très mauvais moments mais ils y avaient aussi certains des meilleurs instants qu’il avait vécut depuis son arrivée en ville. Il se concentra maintenant sur la douleur de sa jambe. Celle-ci n’est pas tout à fait guérie mais la douleur est nettement moins intense. Il préfère cependant, par prudence, rester dans sa position un peu plus longtemps. Lorsqu’il pourrait se remettre debout, il n’aurait plus de raison de la déranger, elle était en sécurité. Il retournerait lui aussi de là où il venait. Étrangement, son cœur se serra à cette idée. Il ne voulait pas perdre tout contact avec la jeune fille. Peut-être que c’était pour cela qu’il n’essayait pas de bouger de sa position ? Pour pouvoir retarder l’échéance… Lui-même ne le savait pas. Mais bon… S’il devait rester dans cette position, autant en profiter pour combler le vide pesant qui risquait de s’installer.

-Alice ? Que penses-tu faire après ça ? Ça risque de devenir risqué pour toi de retourner en ville, non ?

Ce n’était peut-être pas la meilleure question pour passer le temps, mais elle lui démangeait vraiment l’esprit. Qu’allait-elle devenir ? En fait, peu importe ce qu’elle allait pouvoir lui répondre, il ne resterait plus à rien faire maintenant qu’elle était devenu l’une de ces personnes auxquelles il s’était le plus attaché dans cette ville encore étrangère.