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Journal

22 juillet 2213, cinq heures du matin, QG de la milice Eraser, Centre des Congrès, Madison
La salle d'interrogatoire était meublée du minimum, une table et deux chaises soudées au sol. Un moyen d'éviter que le mobilier ne se transforme en arme... Pourtant malgré cette précaution, le tueur portait encore une lourde paire de menottes, magnétisable d'une simple commande vocale. Au premier signe d'agressivité, ses mains se retrouveraient alors collées à la première surface métallique venue.

Varig alla s'asseoir sur la chaise destiné à l'interrogateur, et observa l'homme à l'autre bout de la table. Fidèle à son attitude depuis son arrivée, Seth Tucker le défiait du regard. Pourtant l'agent lisait aussi une profonde fatigue dans ses yeux bleus, et le manque de sommeil ne suffisait pas à l'expliquer.

-Alors c'est toi qu'ils envoient maintenant? lâcha-t-il d'un ton ironique.
-En effet inspecteur.
-"Inspecteur"... Micky, tu me joue quoi là le gentil flic?

L'agent s'abstint de relever le surnom.

-Je viens parler, tout simplement. Autant le faire de façon civilisée, non?

Seth se laissa aller en arrière, un sourire méprisant sur les lèvres, et posa ses pieds sur la table.

-Je suis de la maison tu te rappelles? Les interrogatoires, je connais. Alors tes gros sabots et tes questions à la con, tu peut te les carrer dans le cul. Si le balais qui y est déjà laisse assez de place.

En face de lui, Varig ne relevait toujours pas, se contentant d'observer son visage en silence. Tenter de faire réagir l'interrogateur, d'imposer quelque chose et prendre l'ascendant pour s'assurer un minimum de confort psychologique était une réaction défensive répandue. Briser cette première résistance revenait souvent à s'assurer de la soumission de l'intéressé. Montrer qui commandait...

-Quoi tu veux ma photo? On va se regarder longtemps comme deux putains de clébards ou tu vas comprendre que ça sert à rien de m'causer et te barrer?

L'agent sembla réfléchir quelques secondes puis se leva et se dirigea vers la porte.

-Sans déconner? Trop facile, lâcha Seth d'un ton réjouit.

La main de Varig s'avança vers la poignée mais dévia vers un pad intégré au mur.
Il pianota sur l'écran, désactivant les caméras et les micros de la salle.

-Et voilà, lâcha-t-il en retournant s'asseoir. Maintenant nous sommes seuls.
-Tu vas faire quoi maintenant, me tabasser ou m'embrasser? Je te préviens tout de suite t'es pas mon genre. Je préfère les coups.

L'agent soupira et croisa les mains devant lui.

-Arrête tes conneries Seth. C'est agaçant et inutile.
-Comme toi. Et tes questions.
-Je ne suis pas venu poser des questions. Juste parler.
-Parler de quoi Micky? demanda Seth avec ironie.

Varig planta ses yeux dans les siens, sûr de faire disparaître le sourire arrogant de l'Eraser en un instant.

-De qui plutôt. Je suis venu parler de Nora.


Quelques heures plus tard, dans le quartier résidentiel du centre-ville

La matinée commençait doucement quand Varig se présenta devant l'appartement de Nora. Il n'avait finalement pas vraiment dormi, se contentant de vagues sieste de quelques minutes et d'une douche pour garder apparence humaine.
Entrer ne lui aurait pas pris longtemps, mais il ne comptait pas forcer la porte de l'Eraser. La nuit avait été suffisamment longue et éprouvante.

L'agent se contenta donc de sonner et d'attendre, un grand gobelet de café dans les mains. Avec un peu de chances cela suffirait à amadouer un peu la jeune femme; mais cette fois cela ne suffirait sûrement pas à la mettre dans de bonnes dispositions.

La porte s'ouvrit au bout d'un moment.

-Salut, lança-t-il. J'ai du café et des réponses à tes questions. Tu me laisses entrer?

Pas la phrase l'accroche la plus subtile, mais il aurait put faire pire. En espérant que ça suffise à le faire entrer et à entamer la discussion...

A partir de quel moment sa vie à commencer à foutre le camp ? C’était la question qui passait dans l’esprit de la jeune femme pendant des heures. Comment était-elle arrivée au point de se voir mettre à pied à cause d’une connerie pourtant parfaitement évitable ? Si encore c’était pour insubordination, elle aurait comprit, c’était dans sa nature d’en faire qu’à sa tête du moment que la situation l’exigeait. Mais là, il s’agissait simplement d’un service rendu qui avait faillit lui faire perdre son insigne et l’enfermer en taule. Elle soupira, une énième fois de la nuit, à cette réflexion –qu’elle s’était déjà faite plus d’une fois au cours des dernières heures. Comment avait-elle pu être aussi conne et ne pas voir le jeu de Seth ? Elle connaissait la réponse et ce n’était pas pour lui plaire. Bien au contraire. Elle n’avait aucune excuse à présenter devant un juge, elle devait assumer pleinement sa connerie.

Après une petite heure de sommeil –même fatiguée son esprit l’empêchait de pleinement profiter des bras de Morphée- et une douche, elle reprit sa place sur la chaise de sa cuisine, juste assez près de la machine à café pour pouvoir se servir dès que sa tasse était vide. Vêtue d’un short noir et tee-shirt de la même couleur, il était clair qu’elle n’était pas habillée pour recevoir quelqu’un. Alors quand la sonnette de son appartement se fit entendre, elle mit plusieurs longues secondes avant de se décider à bouger. Non pas que sa tenue soit un problème pour voir quelqu’un, mais c’était son envie d’avoir de la compagnie qui n’était pas présente. Elle voulait être seule, continuer à se ronger les méninges sur ce qu’elle devait faire pour son avenir. Parce que même en ayant passé la grande partie du reste de la nuit à tergiverser sur la question, elle n’avait pas encore trouvé de réponse.

Elle grogna vaguement avant de se décider à aller ouvrir –après avoir regardé l’écran de surveillance et découvert l’identité du visiteur. Devait-elle être étonnée de le voir là ? Allait-il encore jouer un jeu pour lui soutirer quelques informations que ce soit ? Allait-il se foutre d’elle ou était-il là en tant qu’ami ? Même si l’appellation laissait un peu à désirer.

« Salut. »

Son organisme devait posséder plus de caféine que de sang mais elle s’empara du gobelet sans se faire prier et tourna les talons pour rentrer dans son appartement, lui laissant le champ libre pour faire de même.

Elle n’était pas certaine qu’il puisse réellement avoir toutes les réponses à ses interrogations mais s’il en possédait quelques unes, ce serait déjà un début. Elle déposa le gobelet sur la table de la cuisine et alla sortir une tasse pour lui servir un café, qu’elle lui tendit.

« T’as une sale tête. »

Même si elle ne devait pas être mieux, elle le savait parfaitement. C’était un peu une manière abrupte de lui offrir un café de si bon matin. Elle le dévisagea en se demandant ce qui l’amenait vraiment ici et la question finie par s’échapper de ses lèvres.

« Première question : question que tu fous ici ? »

Après s'être emparée du gobelet de café -elle acceptait l'offrande, bon signe- Nora retourna à l'intérieur de l'appartement. Varig l'y suivit jusque dans la cuisine, où la jeune femme se dirigea sans hésiter vers la cafetière, déjà bien entamée avec une tasse posée à côté. Elle abandonna le gobelet pour sortir une seconde tasse d'un placard et le servit avant de la lui tendre.

-T’as une sale tête, observa-t-elle alors qu'il prenait la boisson.
-Si tu voyais la tienne... Je crois qu'on devrait éviter les miroirs pour un temps, répondit l'agent avec sérieux avant de prendre une gorgée trop chaude qui eu au moins le mérite de le réveiller.

Varig souffla sur la tasse brûlante. L'Eraser avait des cernes sous les yeux et semblait habillée comme pour dormir, mais elle ne devait pas l'avoir fait à en juger par la fatigue qu'il lisait dans ses yeux verts et la quantité de liquide manquant dans la cafetière. Seuls ses longs cheveux brillaient encore légèrement à la lumière du soleil matinal, trahissaient une douche récente.

-Première question, attaqua-t-elle. Qu'est-ce que tu fous ici?

L'agent haussa les épaules.

-Je te l'ai dit, tu mérites des explications après tout ce qui c'est passé cette nuit... J'imagine que tu veux savoir ce qui va se passer pour toi?

Il attendit un hypothétique assentiment avant de poursuivre.

-J'ai expliqué que tu avais compris que je t'avais mise sur écoute et décidé de te pointer chez Tucker pour enregistrer ses aveux. Étrangement ils ont avalé ça sans sourciller... Même moi je me demande si ce n'est pas la vérité? Bref le major Strauss a exigé qu'on lève toutes les charges. Tu vas t'en tirer avec un blâme. Tucker, lui va plonger.

Varig observa sa réaction avec soin. Il avait interrogé Seth et réécouté plusieurs fois leur dialogue de la veille; il y avait eu quelque chose de fort entre-eux. Elle ne pourrait pas s'en tirer sans casse.

« Si tu voyais la tienne... Je crois qu'on devrait éviter les miroirs pour un temps. »

Pour un peu, elle aurait sourit à cette réplique et cet air si sérieux. Elle savait qu’il avait raison : à peine avait-elle aperçu son reflet dans la salle de bain qu’elle avait détourné le regard pour ne pas en voir plus. Mais Nora ne sourit pas. Elle n’avait tout simplement aucune envie de le faire pour le moment. Il allait lui en falloir un peu plus pour voir réapparaitre ce genre de chose sur son visage ; déjà que ce n’était pas dans son caractère de sourire.

Elle s’installa sur son siège –qui avait à peine refroidit- et l’écouta. Elle l’invita vaguement d’un signe de tête à poursuivre. En fait, elle était partagée. Oui, elle désirait savoir ce qu’on avait décidé pour elle, pour son cas. Mais en même temps, elle craignait la sentence, ce qui semblait être logique vu les circonstances. Et dans les deux cas, elle était encore incertaine de sa propre décision. L’idée de démissionner dans la journée était encore bien présente dans son esprit.

Un vulgaire blâme ? Pour une attitude totalement fausse. Bien sûr que non, elle n’avait pas comprit qu’il l’avait mise sur écoute. Auquel cas, elle ne serait pas allé voir Seth ; ce qui lui aurait couté très cher quand on voyait le résultat de leur entrevue. Elle était stupide, elle s’était faite à cette idée, alors oui, elle n’aurait pas mené la milice sur son ex de cette façon. Son regard se baissa et plongea sur le gobelet chaud entre ses mains. A croire que l’évidence de la non-réponse de la caféine n’avait pas encore fait son chemin dans son cerveau, Nora s’obstinait à lorgner sur ce liquide noir pour trouver quelque chose. Quelque chose à dire, à penser tout simplement.

« Ils ont avalés cette histoire alors que j’étais dans leur collimateur depuis le début ? Tu es un véritable manipulateur, bravo. »

Sa voix ne contenait aucun reproche ou accusation. Juste un fait. Elle soupira et releva le regard sur lui. Dans le fond, elle fuyait les choses depuis trop longtemps pour continuer sur sa lancée.

« Je ne l’avais pas comprit sinon je ne t’aurais pas mené à lui. Pas comme ça en tout cas. » Une courte pause avant de reprendre sans se faire prier –étrangement. « Mais je suppose que ça m’a sauvé le cul. »

Peut-être même la vie ? Probablement oui.  

« Il va falloir que tu arrêtes de me le sauver, je ne pourrais pas te rendre la pareille autant de fois. »

Elle ne savait pas si c’était une bonne chose qu’il lui suive autant la mise, même si elle ne se leurrait pas : il devait forcément avoir une idée derrière la tête. L’aider dans son entreprise à retirer cette puce tueuse dans son crâne, par exemple.

« Qu’est-ce qu’il a dit ? Quels étaient ses motivations ? Combien de personne a-t-il tué ? »

Oui, elle voulait les détails. Essayer de comprendre comment il avait pu dériver à ce point sans qu’elle ne s’en rende compte. Y avait-il des indices du temps où ils étaient ensemble ? Les avait-elle loupées à cause de leur attachement ? C’était des questions qui la hantaient depuis ces aveux. Et si ça donnait confirmation qu’elle n’était pas si indifférente qu’elle lui avait laissé croire, tant pis. Pour l’heure, Nora en avait assez des faux semblants.

Nora fixa son café, silencieuse un moment. Finalement elle lâcha:

-Ils ont avalés cette histoire alors que j’étais dans leur collimateur depuis le début ? Tu es un véritable manipulateur, bravo.

Professionnel, faillit ajouter Varig, qui pourtant s'abstint. Le mot était un reproche en lui-même, sans doute le rappel implicite de son comportement avec elle. Difficile de lui donner tord...
Convaincre les différentes parties que l'action de l'Eraser n'était qu'une erreur de jugement n'avait pas vraiment nécessité de talent. L'unité avait son tueur, et Strauss voulait garder un de ses meilleurs éléments, prenant fait et cause pour elle. En fait il n'avait pratiquement rien eu à faire.

Nora leva soudain les yeux de son café.

-Je ne l’avais pas comprit sinon je ne t’aurais pas mené à lui, avoua-t-elle avec franchise. Pas comme ça en tout cas.

Encore une fois l'agent ne fit pas de commentaire. Elle l'aurait protégé, peut-être pas jusqu'au bout, mais au moins le temps d'avoir sa version... Et après? Est-ce qu'elle aurait put le dénoncer? Ils ne le sauraient jamais, et sans doute était-ce mieux ainsi.

-Mais je suppose que ça m’a sauvé le cul, ajouta-t-elle soudain, usant de son habituel langage fleuri.

Cette fois, Varig haussa les sourcils.

-Te connaissant, je prends ça pour un merci, lâcha-t-il, un pale sourire sur le visage.
-Il va falloir que tu arrêtes de me le sauver, répliqua aussitôt l'Eraser, sans qu'il sache si elle était sérieuse. Je ne pourrais pas te rendre la pareille autant de fois.

L'agent reprit une trop grande gorgée de café, et manqua de s'étouffer. Trop fort, évidemment. Si il y plantait une cuillère, elle tiendrait probablement à la verticale. Tout en reprenant la parole, il posa la tasse sur le plan de travail.

-Bah, ça m'occupe. Que veux-tu savoir d'autre?

La jeune femme sembla hésiter quelques secondes.

-Qu’est-ce qu’il a dit? Quels étaient ses motivations? Combien de personne a-t-il tué?

Varig la scruta avant de répondre. Elle n'avait pas besoin de préciser de qui elle parlait; sa voix laissait entrevoir une vive douleur intérieure. Elle souffrait, c'était évident.

-L'unité a identifié avec certitude quatre victimes du même tueur, lâcha l'agent avec circonspection. Mais il y en a peut-être plus.

Il s'arrêta, et marcha jusqu'à la baie vitrée, observant la ville. La vue était banale, mais la hauteur la rendait impressionnante.

-Je sais déjà ce que tu vas me répondre, mais je dois te le demander, lança-t-il. Tu es sûre de vouloir te plonger là-dedans? Seth t'a parlé la nuit dernière, il t'a dit ce qu'il avait à te dire. Peut-être que tu dois simplement l’accepter et avancer. Fouiller le passé ne changera rien à ce qui s'est produit, et ça risque de te blesser encore plus.

L'agent regarda l'Eraser à travers le reflet de la vitre. Certains instants comptaient dans la vie d'une personne, et les prochaines heures allaient encore définir beaucoup de choses. Pour eux deux... À moins qu'elles ne soient déjà en marche, et que les événements ne fassent que les confirmer.

Il releva ses lunettes et passa une main gantée sur son visage. La fatigue commençait à peser sur son humeur... À moins que ce ne soit la détresse de la jeune femme qui le touche plus qu'il ne voulait l'admettre.

Bien sûr que ça en était un mais l’Eraser n’était pas encore en état de l’avouer à voix haute. Elle n’avait plus vraiment d’idées suicidaires alors qu’on lui sauve la mise lui allait parfaitement. Seulement, elle n’avait jamais apprécié ça. Elle avait toujours préféré se démerder seule. Mais il fallait croire que les temps étaient en train de changer. Elle ne pourrait sans doute pas toujours gérer tout en solitaire. Et quand elle regardait l’homme en face d’elle, Nora pouvait se dire qu’il y avait pire comme partenaire. Il avait ses secrets, elle l’avait comprit depuis longtemps et ça ne la dérangeait pas. Tout ce qu’elle demandait, c’était qu’il ne la prenne pas pour une conne et ne l’utilise pas. Une condition sur les deux était déjà foireuse. Elle allait devait composer avec.

Elle leva à moitié les yeux au plafond face à sa réponse concernant ce passe-temps, quelque peu douteux, il fallait le dire. Elle avait plus de défauts que de qualités pour mériter qu’il s’occupe de cette manière. Aussi, elle ne répondit rien et s’amusa intérieurement de son abandon de tasse. Peut-être aurait-elle dû moins le corser ? Elle les aimait noirs et forts et ça l’avait gardé éveillée quelques heures. Elle but celui qu’il lui avait apporté. Le jour où elle dédaignerait ce nectar, elle serait bonne à enfermer. Nora l’observa et sentit sa gorge se serrer face à ces révélations. Elle faillit ouvrir la bouche pour demander des détails sur les meurtres mais finalement, elle s’abstint. Ce n’était surement pas le moment et elle savait qu’elle pourrait toujours demander à Ethan pour lui choper les infos le cas échéant. L’Eraser observa son visiteur déambuler dans son appartement, se demandant ce qui était en train de se passer dans son esprit. Si elle avait pu troquer son pouvoir contre celui de lire dans les pensées, elle l’aurait fait. Il aurait été nettement plus utile que le sien.

Ses prochaines paroles ébranlèrent légèrement la jeune femme. Accepter et avancer. Des concepts faciles à énoncer mais qui étaient difficiles à mettre en œuvre pour le moment. Elle acceptait doucement certaines choses, certains aspects de sa nouvelle condition. Mais…

« Pour le moment, je ne sais pas où je vais. J’apprends à accepter d’être devenue un monstre que je haïssais tant. J’apprends à voir avec ses yeux. Mais je suis incapable de savoir où ça va me mener. Avancer n’est plus si clair aujourd’hui. Alors fouiller le passé est ce que je peux faire de mieux pour ne pas refaire les mêmes conneries. »

Quant à savoir si ça la blessera plus ou non, c’était son problème. Qu’est-ce  qui pouvait être pire que ce qui avait été dit dans cet appartement, avec tant de colère dans sa voix ? Oui Seth ignorait ce qu’elle était et dans le fond, elle doute que cela aurait changé quelque chose. Du moins, pas dans le bon sens. Peut-être l’aurait-il accusé de l’avoir manipulé ? De lui avoir caché ses pouvoirs ? Peut-être aurait-il essayé de la tuer comme il avait tué ces autres Evolves.

« Puis tu sais, niveau souffrance j’pense que je suis rodée. Surtout dernièrement. Alors ne me ménage pas, j’aurai l’impression d’être faible. »

Un état qu’elle détestait évidemment. Qu’elle ne partageait avec personne.

« Alors s’il a dit autre chose, dis-le-moi. J’aurai accès à son dossier même si je démissionne. »

Merde. Etait-elle fatiguée au point de laisser lui échapper ce genre de commentaire ? Elle but une autre gorgée de café pour ne pas refaire la même erreur, pour essayer de garder l’esprit clair. Et avec un peu de chance, il ne relèverait pas ? Hypothèse stupide. Pour ce qu’elle connaissait de lui, Nora savait qu’il ne laissait rien passer.

L'avertissement de Varig ébranla plus la jeune femme qu'il ne l'aurait cru. Elle chercha un peu ses mots avant de répondre avec franchise.

-Pour le moment, je ne sais pas où je vais. J’apprends à accepter d’être devenue un monstre que je haïssais tant. J’apprends à voir avec ses yeux. Mais je suis incapable de savoir où ça va me mener. Avancer n’est plus si clair aujourd’hui. Alors fouiller le passé est ce que je peux faire de mieux pour ne pas refaire les mêmes conneries. Puis tu sais, niveau souffrance j’pense que je suis rodée. Surtout dernièrement. Alors ne me ménage pas, j’aurai l’impression d’être faible.

L'agent hocha la tête en silence. Il s'y attendait; mais reculer n'était pas dans la nature de Nora, quelques soient les obstacle qu'on plaçait sur sa route.

-Alors s’il a dit autre chose, dis-le-moi. J’aurai accès à son dossier même si je démissionne.

Cette fois son coéquipier fut surpris, et la scruta un instant par dessus son épaule. Envisageait-elle vraiment de quitter la milice? Les événements de la nuit l'avaient vraiment secouée. Mais quel avenir aurait-elle au-delà de cette solution?
Non elle l'avait sans doute imaginée en se pensant mise en cause dans l'affaire des meurtres en série. Une façon de sortir avec les honneurs. Cela lui ressemblait déjà plus.

-Ce n'est pas dans le dossier, répondit-il finalement. Le seul enregistrement existant de notre conversation est là.

Il ôta ses lunettes et les replia avec douceur avant de se tourner vers elle. L'agent marcha ensuite jusqu'au plan de travail et fit mine de les poser. Il suspendit son geste au dernier moment, plantant ses yeux dans ceux de Nora.

-C'est souvent plus simple de ne pas trop connaître un ennemi. Comment combattre avec la même détermination ceux dont on finit par comprendre les raisons? Dis-moi, est-ce que tu regrettes ton attitude face aux Evolves aujourd'hui que tu sais ce que représente en être un, et l'épée de Damoclès qui pèse sur eux? Est-ce que tu n'aimerais pas revenir en arrière si c'était possible?

Il soupira et lâcha les lunettes avant de se redresser.

-Tu n'es pas obligée de faire ça maintenant, lâcha-t-il. Je ne dis pas ça en tant que coéquipier. Je parle en tant qu'ami. Donne toi le temps du deuil.

Allait-elle écouter son conseil? Il en doutait. Pourtant au delà de la logique elle-même, il continuait à essayer. Il était venu le lui donner après tout; alors pourquoi ces reculades?
Peut-être qu'elle n'était pas la seule à trop vouloir la vérité. Lui aussi avait creusé, sans se soucier des conséquences pour lui-même, et il  ne pouvait jamais effacer ce qu'il apprenait. Jusqu'à présent il se raccrochait aux dernières rares certitudes qu'il avait, et Nora en faisait partie. C'était sans doute pour ça qu'il avait tant de mal à lui donner les lunettes et ce qu'elles contenaient. Il n'avait pas besoin d'enregistrement; il lui suffisait de fermer les yeux pour se rappeler chaque mot de sa conversation avec l'Eraser.

-De qui plutôt. Je suis venu parler de Nora.

L'expression de l'Eraser se figea un instant, mais Varig n'aurait pas su dire s'il avait vraiment visé juste ou s'il voyait ce qu'il s'attendait à trouver.

-C'était juste le pigeon de la farce, lâcha-t-il. Un bon flic. J'aurais dut savoir qu'elle finirait par comprendre.
-Je n'ai pas posé de question, remarqua son interlocuteur. Je te l'ai dit, je ne suis pas là pour ça.

Cette fois il ne pouvait pas se tromper. Le simple prénom de la jeune femme avait suffit à provoquer une réaction immédiate. Défensif.

-Qu'est-ce que tu fous là alors? répliqua Seth, soudain nettement plus agressif.

Il le tenait.

-Parler. Une de mes collègues adore les chiffres, vois-tu, lâcha-t-il d'un ton calme. Et elle a remarqué certaines choses, mais comprendre l'humain... Ça c'est plutôt ma spécialité.
-T'es quoi, un genre de psy?

L'agent poursuivit, sans tenir compte de l'interruption.

-La première chose qu'elle a vérifié, c'est la possibilité matérielle. Et effectivement tu n'étais pas en service lors des meurtres.
-Wahou, vous méritez tous les deux le badge Sherlock junior pour avoir trouvé ça. Vous avez aussi compris que j'avais une arme? railla Seth.
-Patience. Là où ça prend son intérêt c'est quand on sait que Nora ne l'était pas non plus sur pratiquement tous les meurtres. Intéressante coïncidence non?
-On couchait ensemble espèce de crétin. Alors on a...
-... Synchronisé vos repos, oui je sais. Signe évident que vous faisiez un plus que coucher ensemble, d'ailleurs.

Soudain l'Eraser éclata de rire.

-Je viens de comprendre, c'est trop drôle. Tu veux te la faire ou tu l'as déjà sautée? T'es jaloux en fait!

La réplique ne perturba pas Varig outre mesure, qui poursuivit tranquillement.

-Ensuite il y eu ce cheveu, que tu lui avais demandé de retirer des preuves. Or tu avais énormément de moyens de justifier la présence de ton ADN sur cette scène de crime. Mes collègues pensent que c'était un moyen de faire porter le chapeau à Nora, de te venger peut-être. C'est elle qui a rompu?
-Va te faire foutre.
-Sauf que, poursuivit l'agent, Juste après tu as posé un jour, et commis un meurtre, en plein dans les horaires de travail de ton ex. Ça c'est très très con, même pour toi, non? Sauf si vous conspiriez ensemble depuis le départ.

Seth grimaça un sourire.

-Si c'était le cas elle vous aurait pas mené à moi.
-C'est bien mon avis. Alors cette histoire de cheveu... Ça me travaille vraiment. Et puis c'est un long, trop pour être un des tiens. Ça pourrait coller à Nora mais... Pourquoi serait-elle allée le retirer elle-même alors au lieu de prétendre qu'elle était sur les lieux et la faire classer? Non franchement ça ne colle pas.

L'Eraser croisa les bras, silencieux, le défiant du regard.

-Tout ça c'est un foutu bordel. Mais j'ai une théorie qui explique tout ça. Tu n'étais pas seul lors des meurtres. Un binôme de tueurs, une femme et un homme. La première attire sa victime dans un lieu isolé, le second frappe par surprise.
-Conneries. Nora n'a pas fait ça...
-Je ne parle pas d'elle. Quelqu'un à qui tu tiens assez pour plonger tout seul pour tous les meurtres n'est pas très dur à trou...

Sans avertissement, Seth bondit sur la table, cherchant à agripper Varig à deux mains. Mais ce dernier bondit en arrière, lançant un chiffre à haute voix. Aussitôt les menottes de l'Eraser se trouvèrent comme collées à la table; il s'acharna quelques secondes en grognant comme un animal, sans succès.

-Ta sœur Alice et toi vous militez au MRE depuis des années, le parti anti-Evolve, poursuivit l'agent impitoyable. Elle travaille à l'infirmerie de la milice. J'ai vérifié ses plannings, et là tout concorde. Tu vois, je sais déjà tout. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre c'est comment un flic de la crim et une infirmière deviennent des tueurs en série.

L'Eraser leva les yeux vers lui.

-Tu ne peux pas comprendre. Les types dans ton genre préfèrent se vautrer dans leur hypocrisie, comme si on pouvait garder ces monstres sous contrôle, comme si ils acceptaient ça... Mais c'est moi qui ramasse les cadavres derrière. Alors ma sœur et moi on a fait ce qu'il fallait, le sale boulot que personne ne voulait faire. Nora aurait compris, elle, si j'avais pu lui expliquer... Elle sait de quoi ils son capables.

Varig se rapprocha et chercha le regard du tueur.

-Tu ne sais rien de moi. En revanche, moi j'en sais beaucoup sur l'art de tuer. Vous faites du travail propre, net, précis. Pas une attaque raciale brouillon, du boulot de profesionnel.
-Je suis un pro.
-Tu étais un flic de la crim, pas un assassin. On vous a entraîné à ça. Alors pourquoi? Qui?

L'Eraser grimaça un sourire.

-Je croyais que tu étais pas là pour poser des questions. T'as l'air très fort en déductions alors je te laisse deviner.
-Ta sœur est déjà dans une salle d'interrogatoire. Si tu coopère, on réduira peut-être votre peine, sinon...
-Nous ne sommes pas des criminels. Tous ces Evolves allaient causer un carnage, tôt ou tard. Nous sommes des héros de l'humanité!

Varig tourna les talons.

-Garde tes discours pour le procès Tucker. Et pour tes compagnons de cellule. Tu auras de longues années devant toi pour les convaincre.

Il posa la main sur la poignée de la porte, quand Seth l'apostropha à nouveau.

-Que va-t-il arriver à Nora?

L'agent se retourna et le toisa froidement.

-C'est un peu tard pour y penser, tu ne crois pas?

L'Eraser lui rendit son regard sans ciller.

-Je ne lui ai jamais parlé de ce que nous faisions. Mais avec ce cheveu d'Alice... J'ai paniqué. C'était la seule à pouvoir m'aider. Quand j'ai compris pour nos plannings, c'était trop tard. Crois le ou non, c'est la vérité.
-Je te crois.

Il baissa les yeux.

-Je ne sais pas ce qu'elle représente pour toi, mais s'il te plais, ne lui dis pas ça. Dis lui juste que... En fait ne lui dis rien. C'est mieux comme ça.

L'agent le scruta de longues secondes avant de lâcher:

-Oui, ce serait mieux ainsi.

Un enregistrement que personne d’autre ne possédait ? Nora sentit sa gorge se serrer légèrement. Ca ne présageait jamais rien de bon, ce genre de chose. En général, c’était des aveux ou des conversations qui ne devaient pas être entendu par n’importe qui. Qu’avait-il conservé et gardé à l’abri de leur supérieur ? L’Eraser commençait à s’attendre au pire. Seth déclarait-il être encore plus extrémiste qu’il ne l’avait été dans ses paroles, la nuit précédente ? Se sachant être dans le camp des cibles de son ex, elle ne pouvait que prendre personnellement ses propos. Encore plus alors qu’elle l’avait aimé.
Elle le regarda s’avancer, se retenant de justesse de lui dire de se magner à activer l’enregistrement. Mais rien ne la pressait. Encore moins avec le regard de son partenaire. Ce n’était pas bon. Elle était sûre qu’elle allait regretter ce qu’elle allait entendre. Pourtant, il était hors de question qu’elle ne le fasse pas. Quel qu’en soient les conséquences, elle voulait savoir. Elle préférait vivre avec des remords plutôt que des regrets.

Nora soutint son regard et réfléchit sérieusement à ses interrogations. Elles étaient justifiées et elles amenaient une réflexion qu’elle avait déjà eue au cours de la nuit. Elle le regarda déposer ses lunettes devant elle et hocha la tête en entendant son conseil, touchée malgré elle qu’il emploie le terme d’ami.

« Si tu ne voulais pas que je l’écoute, tu ne m’en aurais pas parlé. Je te remercie mais je dois savoir. »

Ce n’était pas qu’une simple affaire où elle avait été embarquée malgré elle. C’était une affaire qui concernait une personne qui avait compté pour elle. Et quoi qu’ils soient devenus aujourd’hui, elle ne pourrait jamais nier ce qui les avait liés. Ce qui les lierait encore si elle n’avait pas été aussi conne. Mais avant d’enclencher la lecture de l’enregistrement, elle répondit à ses questions.

« Je ne regrette pas ce que j’ai fait par le passé. Ni mon attitude, ni mes choix. Je ne serais pas ici sinon. » Elle ne serait pas en train de ramasser son être à la cuillère en tout cas. « Je regrette peut-être simplement d’avoir été aussi fermée d’esprit, de ne pas avoir comprit qu’effectivement, ces pouvoirs peuvent vous tomber sur la gueule sans prévenir. Et qu’en plus, ils peuvent être réellement incontrôlables ; j’ai toujours pensé qu’il y avait une part d’implicite dans ces déclenchements funestes. Mais je me trompais. » Elle prit les lunettes entre ses doigts, de la main droite et ajouta. « Ce qui confirme mes craintes : un Evolve est un danger pour la population. »

Elle était elle-même un danger pour les autres. Elle le savait et pourtant, elle refusait de se voir cataloguée comme monstre par ses collègues. Elle refusait toujours l’idée de la puce. Comme tous ces illégaux qu’elle traquait.

L’Eraser soupira et finit par activer l’enregistrement. Non, elle ne porterait pas les lunettes. Pas pour une première lecture. Elle ne savait pas ce qu'elle allait découvrir et elle voulait se protéger un minimum. Si au départ elle regardait son interlocuteur pendant que les répliques fusaient entre les deux hommes, elle finit par baisser les yeux sur les lunettes entre ses mains. Elle aurait bien sourit à l’idée de coucherie entre Varig et elle. Une chose qui n’arrivera jamais. Il n’y avait pas de ça entre eux. Et c’était aussi bien. Mais l’échange entre Seth et l’agent la laissait de marbre –extérieurement. Intérieurement, les intonations de voix de son ex étaient un calvaire. Elle le connaissait assez pour imaginer le visage qui allait avec, pour entendre le moindre changement dans son timbre, même les plus infimes. Elle ferma les yeux et serra les lunettes un instant lorsqu’il parla de leur rupture. Effectivement, Varig voyait juste. Probablement qu’il ne devinerait pas la raison, mais l’incident avait été assez marquant pour les deux partis pour que la réaction de Seth lui serre le cœur. Le fait qu’il la défende était douloureux à entendre également et ne collait pas avec son attitude dans l’appartement. S’était-elle faite avoir par son jeu ? Quand le nom d’Alice arriva sur le tapis, elle releva les yeux, totalement surprise, vers Varig. C’était une blague ? Elle connaissait la jeune femme, pour l’avoir fréquentée dans et en dehors de la milice. Et au bruit de la réaction de Seth, le sujet était le bon. Elle entendit son partenaire poser la question qui lui brulait les lèvres. Comment étaient devenus des tueurs en série ? C’était impossible aux yeux de l’Eraser. Elle connaissait évidemment leurs idéaux, pour les avoir partagé mais jamais de là à passer à l’action de cette façon.

Elle serra de nouveau les lunettes lorsque Seth prit la parole et son regard se focalisa de nouveau sur l’objet. Comme si en plus du son, les images allaient avec. A moins que ce soit simplement pour éviter le regard de Varig. La suite ne fit que renforcer son mal être. Elle ne cautionnait évidemment pas les meurtres commis par son ex mais elle comprenait pourquoi il l’avait fait.

« Imbécile. »

Le murmure brisa le silence qui suivit les derniers mots enregistrés. Et si au cours de la nuit ça ne lui était pas arrivé, elle ne put retenir quelques larmes. Elle se détestait évidemment de craquer. Surtout devant témoin, mais même pour elle, c’était la goutte d’eau de trop dans cet océan de merde qui la submergeait.

« Fais chier. Putain. »

Comme à son habitude, la colère commençait à arriver. C’était le sentiment qu’elle appréciait le plus, qui ne la faisait pas se sentir faible. Sauf qu’aujourd’hui, il pouvait se montrer dévastateur. Elle se leva de sa chaise haute d’un bond, embarquant les lunettes qu’elle ne voulait pas lâcher, et commença à faire les cent pas dans son appartement. Elle ruminait contre Seth. Pourquoi n’était-il pas venu la voir ? Elle l’aurait écouté bordel ! Elle ruminait contre elle également. Elle avait mené l’homme directement en taule, sans pouvoir comprendre. Allait-il pouvoir voir sa sœur avant d’être enfermé, probablement à vie ? Ses questionnements ne l’aidaient pas à se calmer, au contraire. Nora jura de nouveau et se planta devant Varig. Ses yeux étaient toujours luisants mais la lueur habituelle de colère était présente.

« Tu as parlé de quelqu’un qui les a entrainé à ça. Vous avez des pistes ? »

Il était plus facile de parler d’une tierce personne plutôt que de Seth. Mais elle savait que sa réaction l’avait trahit. Elle qui pensait ne plus rien ressentir pour lui, était remise à sa place par ce simple enregistrement et les propos de son ex. Cet homme lui resterait dans la peau.

Comme chaque fois où il fallait agir, les propos de Varig étaient durs et sans appels. Il n’y avait pas de demi-mesure. Pas de gant en dentelle pour exposer les faits. Et ça convenait à Nora. D’autres que lui auraient laissé couler l’affaire un moment. Ils ne se seraient pas contenter de lui dire de prendre son temps pour faire le deuil, mais ils l’auraient obligée à le prendre. Une différence qui n’échappait pas à la jeune femme, qui de toute façon, l’avait laissé entrer chez elle avec une vague connaissance de ses méthodes. Elle regarda son poing avant de lever les yeux vers lui tout en posant ses jointures contre celles de l’agent.

« Je ne cherche pas la vengeance mais la justice. »

Seth était assez grand pour prendre ses propres décisions, elle se le répétait assez pour tenter de s’en convaincre. Elle ne pouvait pas venger quelqu’un qui s’était lui-même jeté dans les emmerdes. Mais si elle pouvait éviter qu’une telle chose recommence, elle était prête à agir.

« Est-ce que je peux te faire confiance ? Je me doute que tu te sers de moi, tu ne m’aurais pas donné cet enregistrement sans connaître ma réaction, ou au moins la supposer. Tu te doutais que j’allais t'aider. »

Tout comme il l’avait fait avec Marie. Il lui avait toujours laissé le choix de ses actions mais Nora était persuadée qu’il le connaissait avant même qu’elle ne prenne une décision. C’était étrange non ?

« Je n'aime pas ta supérieur mais elle a raison sur un point : je suis devenue Eraser pour protéger. Que je sois une ... Evolve aujourd'hui n'y change rien. »

Mettre ce nom sur sa personne était difficile pour Nora mais si elle voulait vraiment avancer, elle le devait.

« Mais je veux m'assurer que tu ne me laissera pas tomber une fois que je ne serais plus utile. »

C'était une demande qui lui coûtait de faire mais tout foutait tellement le camp dans sa vie qu'elle avait besoin de cette certitude. Elle avait besoin de quelque chose de tangible à laquelle elle pouvait se raccrocher pour continuer à avancer. Varig se douterait forcément qu’elle mettait de côté son égo pour parler ainsi, pour ne pas totalement se cacher derrière un masque qui faisait croire que tout allait bien. Parce que ce n’était pas le cas. Et elle espérait sincèrement pouvoir compter sur lui et pas uniquement parce qu’elle avait une quelconque utilité ponctuelle.
Elle enchaina après sa réponse, comme pour ne pas rester trop longtemps sur un sujet qui l’exposait trop.

« Quand tu dis "on" tu parles de qui exactement ? La milice ou Sofia ? » Elle attendit d'avoir la réponse et lança. « Je vais commencer à croire que tu ne peux plus te passer de mes talents. »

Si Nora essayait l'humour ? C'était un peu ça. Même si aucun sourire ne s'affichait sur ses lèvres. Au moins, sa colère s'était calmée. Elle laissa retomber sa main. Ce simple contact lui avait fait du bien. Peut-être aurait-elle préféré un câlin mais c’était une option inenvisageable avec qui que ce soit. Elle ne se montrerait pas aussi vulnérable. Devant personne.

Nora n'hésita pas longtemps avant de venir placer son poing contre le sien.

-Je ne cherche pas la vengeance mais la justice, lâcha-t-elle avec détermination.

La frontière entre les deux était souvent ténue... Mais le moment était mal choisit pour le faire remarquer.
L'agent rendit son regard à la jeune femme, qui semblait avoir retrouvé un peu de son assurance, en apparence au moins. À l'intérieur elle continuerait sans doute à souffrir; mais sa peine deviendrait supportable avec un objectif pour la masquer.

-Est-ce que je peux te faire confiance? demanda-t-elle soudain. Je me doute que tu te sers de moi, tu ne m’aurais pas donné cet enregistrement sans connaître ma réaction, ou au moins la supposer. Tu te doutais que j’allais t'aider.

Comme toujours, Nora était d'une franchise extrême, mais elle réussit à surprendre son coéquipier. À le désarçonner même.

Il ne lui avait pas donné l'enregistrement pour la convaincre de l'aider, pourtant il y avait pensé. Son esprit analysait, calculait, tournait chaque mot et chaque phrase pour amener l'autre où il le voulait, sans même qu'il y fasse attention; avec le temps ça en devenait naturel. Maladif.

Pourtant il se souciait sincèrement du sort de Nora, la seule personne en qui il voit aujourd'hui une amie. Cette mission, c'était un moyen de l'aider à sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouvait avec son pouvoir caché; il avait passé les dernières semaines à y penser, et profité des événements pour mettre en place une sortie.
Mais c'était aussi ses objectifs qu'il servait. Il avait besoin d'une alliée.

Non. D'une amie. De quelque chose à quoi se raccrocher, de moins glacial que le devoir ou la certitude qu'il faisait ce qu'il fallait.

Il faillit le lui expliquer, mais les mots ne venaient pas. Et puis Sofia ou un de ses sbires écoutait sûrement via son fichu implant. Alors il évita la question:

-Honnêtement, je dois t'avouer que je m'attendais à ce que tu te lance dans une croisade solitaire quoi que je dise. Le rôle de vengeur t'allait assez.

La jeune femme haussa les épaules.

-Je n'aime pas ta supérieur mais elle a raison sur un point : je suis devenue Eraser pour protéger. Que je sois une ... Evolve aujourd'hui n'y change rien.

Elle avait craché se mot péniblement, douloureusement même.

-Mais je veux m'assurer que tu ne me laissera pas tomber une fois que je ne serais plus utile, ajouta-t-elle.

L'agent la fixa droit dans les yeux une longue seconde. Cet aveux devait lui coûter.

-Non, lâcha-t-il enfin. Je ne te laisserais pas tomber. Tu dois aller à mon enterrement, tu te rappelles? Hors de question de te laisser y passer avant moi.

Il hésita une longue seconde.

-Tu es un bon flic et quelqu'un sur qui on peut compter, ajouta-t-il. Et on a justement une ville à sauver.
-Quand tu dis "on" tu parles de qui exactement ? La milice ou Sofia ? demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.

Varig haussa les épaules.

-Disons un peu les deux.
-Je vais commencer à croire que tu ne peux plus te passer de mes talents, ironisa Nora avec le plus grand sérieux en baissant le poing.

L'agent croisa les bras avec un sourire amusé. Il allait répondre sur le même ton quand une voix familière résonna dans sa tête.

-J'aimerais parler à Nora. Dis lui de mettre les lunettes.

Avec un parfait timing, l'objet s'illumina dans la main de l'Eraser.

-C'est pour toi, expliqua Varig. Sofia. Je vais attendre dehors si tu veux.

Il y avait quelque temps, elle aurait surement agit de la sorte : seule de son côté. Sauf qu’un aspect non négligeable avait changé depuis : elle. Son pouvoir s’était déjà déclenché sans qu’elle ne le veuille pendant sa mission précédente avec lui. Nora ne pouvait pas se permettre de faire cavalier seul aujourd’hui. Elle détestait cette idée, bien évidemment, mais elle était encore assez lucide pour ne pas vouloir mettre des vies en jeu pour ses propres objectifs. Et Varig était la seule personne à être au courant pour son nouveau statut. La seule personne en qui elle avait confiance pour partir en mission et savoir qu’il saurait gérer au mieux la situation. Une chose qu’elle n’aurait pas fait avec Seth, même sans ses actions extrémistes : il ne chercherait pas à sauver des vies inconnues en premier lieu mais la sienne et ce n’était pas un concept acceptable pour la jeune femme. Elle ne voulait pas mourir –plus maintenant- mais elle vivrait difficilement avec l’idée d’être responsable de pertes humaines suite à son pouvoir. Varig lui, saurait. C’était une certitude rassurante. Presque apaisante.

Entendre parler de son enterrement fit légèrement grimacer la jeune femme. Elle n’avait pas oublié cette promesse mais elle ne tenait pas forcément à la respecter. Elle n’avait pas envie de le faire, pas envie de se dire qu’il avait disparut. Parce qu’honnêtement, ça la ferait bien chier, quand bien même elle ne le lui dira pas. Alors elle garda le silence mais son regard parlait pour elle : elle le remerciait.

Pour la suite, elle regarda les lunettes dès les propos de l’agent.

« Pas la peine. Reste. »

Il était inutile de le mettre dehors pour une conversation avec sa supérieure. Il pouvait squatter quelques instants son canapé pour se poser et se reposer un peu. Il avait l’air d’en avoir besoin. D’ailleurs, elle tapota le haut du canapé pour le lui faire comprendre tout en mettant les lunettes et en lâchant un :

« C’est un timing de sorcière. »

L’instant où les lunettes se posèrent sur son nez lui donna un tout autre décors que son appartement. Une chance qu’elle était retournée s’assoir sur sa chaise, le café entre ses mains. La chaleur du gobelet était quelque chose de réconfortant pour elle.

« Le timing c’est justement mon travail Nora. Le timing et l’information ; je suis désolée de ce qui est arrivé avec votre ami. »

Nora resta de marbre face à cette réponse alors qu’elle détaillait les lieux : sans doute était-ce le bureau de Sofia. Sobre et ordonné. Elle n’obtiendrait aucune information sur l’occupante des lieux dans un endroit pareil, alors même qu’elle devait y passer bons nombres d’heures dans la journée. Tant pis.

« On va faire comme si vous étiez sincère et que je vous croyais. C’est pour quoi cette fois ? »

La supérieure de Varig pouvait bien lui sortir des formules de politesse, elle n’avait pas besoin qu’on la brosse dans le sens du poil. Elle se sentit quelque peu perturbée en voyant Sofia l’observer. Ça donnait réellement l’impression d’être dans son bureau. La voyait-elle également comme elle était dans son appartement ? En tenue décontractée et avec un visage zombifié ? L’Eraser espérait que ce ne soit pas le cas, sinon jouer les costauds ne servirait pas à grand-chose.

« Vous ne m’aimez pas. Je peux le comprendre, vu les circonstances de notre dernière conversation, alors allons droit au but. L’agent Cross a proposé de vous associer à sa mission, et par proposer je veux dire lourdement insisté. Mais vous, qu’est-ce que vous voulez ? »

Si elle n’avait pas les lunettes sur le nez, Nora aurait très probablement regardé dans la direction de l’intéressé. Il ne devait pas avoir laissé tombé ce qu’ils s’étaient dit dans l’ascenseur de la milice et l’Eraser comprenait sans trop de mal cette insistance. S’ils ne bossaient plus ensemble, il n’y aurait plus de raison qu’ils se côtoient et elle ne pourrait pas l’aider.

« On n’a pas besoin de s’aimer pour coopérer. » Sofia pouvait être une sale garce avec du pouvoir, pour ce qu’elle en savait. « Je veux continuer à aller sur le terrain le plus longtemps possible mais dans l’état actuel des choses, je ne fais confiance qu’à l’agent Cross pour être mon partenaire. »

Pour le coup, peut-être aurait-il été préférable qu’il ne soit pas resté chez elle. Tant pis. Après tout, c’était la vérité et elle lui avait déjà parlé dans ce sens. Ce n’était donc pas un secret.

« Commençons par résoudre votre problème avec la milice. Vous allez être découverte, tôt ou tard. » Nora retint une grimace à cette annonce. Elle le savait parfaitement, elle jouait avec le feu à rester dans la milice tout en étant devenue une Evolve au pouvoir actif. « Et c’est un risque que je ne peux pas prendre. Vous allez donc tout avouer au capitaine Hobbes, le supérieur de Cross-Wagner. »

Bien sûr. Tout déballer à un membre d’une autre branche de la milice, voila qui règlerait tous ses problèmes.

« Pardon ? Et c’est censé m’aider comment ça ? Parce qu’on se le dise clairement : je ne vous donne pas ma peau sans garantie d’en ressortir sans trop de casse. »

Il y en aurait forcément. Il y en avait toujours. Mais elle voulait limiter au maximum et protéger ses arrières : elle ne voulait pas de cette putain de puce.

« Entendons nous, ma chère ; m’aimer ne sert à rien, mais vous devrez apprendre à me faire confiance. Votre carrière prendra fin dès qu’ils sauront. Autant prendre les devants. La brigade spéciale cherche à infiltrer les réseaux pro-Evolve depuis des années, mais ils peinent à gagner la confiance des groupes plus… Fermés. Mais une Evolve jamais déclarée, volontaire et entrainée, ça change vraiment la donne. Pareille aubaine ça ne se refuse pas; c’est Cross qui a… Suggéré cette idée. »

C’était une blague ? Nora se figea et resta silencieuse, sans même lâcher une injure après cette annonce. Changer de section ? Quitter sa branche pour infiltrer un groupe d’individus qu’elle détestait depuis des années ? Et Varig avait proposé cette idée… Elle allait finalement peut-être le tuer.

« J’ai des difficultés à faire confiance aux personnes qui tiennent toutes les rennes. » Trop de coup fourrés qu’elle ne pourrait pas prévoir. Enfin clairement, elle ne pourrait jamais rien prévoir de la part d’une femme et d’une organisation dont elle ne savait rien. « Comment allez-vous expliquer ça à mon supérieur ? Je vais passer de suspecte de meurtres à atout d’une groupe dont j’ignore tout. Je manquais justement de prise de risque dans ma vie. »

L’idée même de changer de section lui foutait la trouille. Mais… est-ce que cette solution ne pourrait pas être ce qu’elle cherchait ? C’était sa chance de pouvoir continuer à avancer sans être fichée –pour l’instant ?-, continuer à être un Eraser sans distinction avec son pouvoir. Ce serait foutrement plus risqué, évidemment mais… pourquoi pas ? Avait-elle réellement quelque chose à perdre dans l’histoire ?

« Je ne vais rien présenter, vous le ferez. Pour eux, vous serez une Eraser venue faire son devoir, une volontaire pour infiltrer les pro-Evolve. Nous vous appuieront mais en secret. Cela dit, je comprends vos réserves et la nuit a été longue. Prenez quelques jours pour y réfléchir. Sachez juste une chose : un carnage s’annonce, cent fois, mille fois pire que la Red Week. J’ignore qui sera responsable, j’ignore quand ou comment mais je sais que ça dépassera tout ce qui a secoué Madison. Les pro-Evolves les plus radicaux ne se laisseront pas approcher par un humain et vous êtes ma meilleure candidate. Souvenez vous notre précédente conversation, je vous l’avais dit : vous pouvez sauver beaucoup de gens. »

Nora s’était figée de nouveau sur son siège et elle fixait son interlocutrice. Elle ne pouvait pas imaginer une seconde Red Week. Elle avait bossé dur pour intégrer la milice pour lutter contre ce genre de choses. Pour traquer les Evolves dangereux.

« Vous vous foutez de moi ? Vous me balancez ça et je devrais prendre quelques jours pour réfléchir ? Bordel mais c’est tout vu. Si ya une chance d’éviter ce carnage… Je signe. Et pas la peine de jouer sur ma vocation, je n’ai plus rien à perdre aujourd’hui. »

« Fidèle à vous-même Nora… Vous savez, au fond, je vous aime bien. Et j’étais sincère pour votre ami. Si Cross a raison, nous trouverons. Désormais, je vous place sous sa responsabilité, et la milice fera de même, vous verrez. Ah et une dernière chose avant que j’oublie. Gardez les lunettes. »

Il fallait qu’il ait raison, il ne devait pas en être autrement.

« Ne faites pas comme si vous me connaissiez en ayant simplement lu mon dossier. Ça m’irrite. Pour le reste, c’est entendu. »

Être sous la responsabilité de Varig l’amusait au fond. Elle n’avait jamais été un cadeau pour ses supérieurs. L’Eraser était l’une des meilleures sur le terrain mais aussi l’une des pires en terme de suivit des ordres. Quant aux lunettes, elle ne prévoyait pas de les rendre à qui que ce soit.

« Alors à très bientôt Nora. »

L’instant d’après, son appartement lui revenait devant les yeux. Et elle chercha aussitôt du regard Varig.

« Je suis dès à présent sous ta responsabilité. Tu sais à quel point je peux être insubordonnée n’est-ce pas ? »

Elle défie les lunettes mais les garda en main. Il allait lui falloir un petit moment avant qu'elle ne parvienne à s'en séparer.

L'agent avait suivi l'échange entre les deux femmes en silence, assis sur le canapé, observant les réactions de Nora. Il craignait qu'elle repousse catégoriquement l'idée d'infiltrer des Evolves rebelles, mais Sofia trouva les mots justes. Elle ne se contenta pas d'accepter; elle voulait désormais le faire. Un vrai tour de force.

-Je suis dès à présent sous ta responsabilité, lança la jeune femme en cherchant son regard. Tu sais à quel point je peux être insubordonnée n’est-ce pas?
-Laisse tomber ça. Elle veut juste dire que c'est moi qui vais te tenir au courant et essayer de te garder en vie. Je ne serais pas ton supérieur, Dieu m'en préserve.

Une fois n'est pas coutume, l'agent ponctua sa remarque d'un sourire amusé avant de poursuivre.

-Bien, les prochains jours risquent d'être chargés. Commence par demander quelques jours à Strauss, après tout ce qui s'est passé ça ne devrait pas poser problème. Tu devrais te reposer aujourd'hui; il va falloir préparer ta reconversion et crois moi sur parole, ce ne sera pas facile.

Il se leva et sortit une seconde paire de lunettes de sa veste qu'il enfila, adoucissant son visage et son expression.

-Si je peux te donner un premier conseil de pro... Porte tes lunettes. On a toujours l'air moins menaçant avec ça sur le nez.

Voila une bonne nouvelle : il n’y aurait pas de hiérarchie entre eux. Parce que ça devait être une réponse automatique de la jeune femme : elle trouvait toujours à redire quelques ordres de ses supérieurs. A moins que ce n’était qu’un esprit de contradiction un peu trop poussé ? Elle descendit la fin de son café. Elle pouvait dire qu’elle allait mieux, son esprit était vaguement apaisé comparé à ce qu’il était avant que l’agent ne pénètre son appartement. Elle s’autorisa même un faible sourire pour la fin de sa réplique. Dieu n’aurait jamais son mot à dire là-dessus mais ça montrait combien Varig n’aimerait pas être mis dans cette situation.

« Je préfère ça. »

Depuis qu’ils bossaient ensemble, il ne fallait pas se leurrer, Nora avait conscience qu’il était celui qui l’aidait à ne pas crever. Ca ne changerait donc pas grand-chose. Elle écouta la suite, en se rendant compte que son ancienne vie prenait doucement fin. Côtoyer des Evolves ne serait pas facile, même avec toute la bonne volonté du monde, elle les avait détesté depuis trop longtemps pour oublier ce sentiment du jour au lendemain. Et ensuite, il n’y aurait plus de retour en arrière. Peut-être même était-ce sa dernière mission. Mais ce n’était pas très important, elle savait qu’en faisant ce boulot il y avait des risques. Ca resterait dans la logique des choses.
Elle fit apparaitre un clavier holographique sur son plan de travail ainsi qu’un écran. Elle se montrait bien docile en envoyant cette fameuse demande de congé mais si elle ne le faisait pas maintenant, il se pouvait qu’elle ne le fasse pas du tout.

« Je me doute que ce sera difficile. Sur le papier, je suis p’tre une bonne candidate pour le poste mais sur le terrain c’est autre chose. J’en ai conscience. »

Elle était surement trop franche, trop brutale et parfois trop honnête pour foutre les pieds dans cette mission sans un minimum de préparation. S’en rendre compte était une bonne chose en soi. Une façon de se prouver que même dans un moment difficile, elle ne perdait pas totalement les pédales. Nora le regarda faire avant de jeter un œil aux lunettes. C’était une bonne chose, ça lui évitait de demander à les garder. Par contre, elle afficha un sourire amusé à son explication.

« Je suis une femme, plus petite que la moyenne. Tu me croises dans la rue, penserais-tu que je suis dangereuse ? »

On avait tendance à la sous-estimer, elle le savait. Mais elle savait aussi que son partenaire savait ce qu’il disait et elle retiendrait ce conseil. Mais pour l’heure, dans son appartement, elle n’avait pas besoin de paraitre moins dangereuse. Elle les porterait une fois qu’il sera parti, pour voir cet enregistrement.

« Merci. » Lâcha-t-elle soudainement, se rappelant le terme qu’avait employé Sofia pour qualifier la demande de son partenaire à la faire intégrer la mission. « Cette mission va surement avoir ma peau mais merci de me la donner. »

D’une façon ou d’une autre, elle n’en sortirait pas indemne. Elle le pressentait. Mais bon, ça l’occuperait pendant quelques mois au minimum. Et maintenant ? Il avait ce qu'il était probablement venu chercher : son accord pour cette mission, alors il n'avait plus de raison de rester. L'Eraser ira probablement se glisser sous sa couette après son départ, un oreiller entre les bras et le visage de Seth devant les yeux. Mais avant, une dernière question franchit ses lèvres.


« Tu penses que je pourrais lui parler ? »

Pas la peine de donner un nom pour savoir de qui il s'agissait.

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