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.All is violent, all is bright. [Lou & Jesse]
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



20.07.16 17:15
Le trac. Une sensation qu’il avait peu coutume d’apprivoiser, pour ne pas avoir fait des planches son métier ni enduré d’atroces récitations poétiques devant un parterre de camarades prompts à s’esclaffer au moindre blanc. Grâce à une relative carapace d’indifférence et aux habituelles manœuvres d’évitement, il avait même fini par oublier ce genre de malaise, les désagréments d’un regard qui ne cherche qu’à fuir et la moiteur de ses paumes serrées sur son pull. Il aurait aimé ne jamais avoir à ressentir ça de nouveau. Mais il savait aussi que le non-jeu en valait la chandelle, et que pour une malheureuse minute à se tordre les phalanges, il en passerait bientôt des centaines d’autres à les entrelacer aux doigts de Lou. L’envie lui venait de loin. Une lubie qu’il avait couvée durant des semaines, à se demander si c’était souhaitable, puis si c’était réalisable, à s’imaginer mille réactions dont la plupart le dissuadaient de s’y risquer et dont seules une ou deux le persuadait d’essayer. Pour autant, les choses changeaient, imperceptiblement. Il avait cessé de s’enrouler sur ses erreurs, de tourbillonner dans un vortex culpabilisant ; les fautes qu’il se trimbalait à ses basques comme une batterie de casseroles ne se fracassaient plus contre ses tympans et ses nuits ne ressemblaient plus aux volutes asphyxiantes d’un cauchemar au goût de bière rance. Cela lui avait pris du temps. Se résigner, accepter la fatalité, c‘était facile – l’outrepasser, beaucoup moins. Réapprendre les règles de ce monde, comprendre ses lois comme ses évolutions ; il avait eu l’occasion de se réinventer et, durant plusieurs mois, n’avait pourtant pas pensé à saisir cette chance, se contentant de rechercher désespérément les maigres traces de ses souvenirs. Une quête vouée à l’échec, douloureuse à souhait, dont il était sorti éreinté et frustré. À présent, plus rien ne pouvait l’empêcher d’être ce qu’il désirait.
Et ce qu’il désirait le plus, entre tant d’autres choses, serait ce soir à ses côtés.
Pour peu qu’il franchît les portes vitrées du laboratoire.

« Les personnes non habilitées ne sont pas autorisées dans ce secteur, monsieur. Est-ce que vous avez un badge ? » La secrétaire à l’entrée, dissimulée derrière une vitre bleutée sur laquelle elle faisait glisser ses fenêtres holographiques. La fin de journée se faisait sentir dans son chignon abîmé et son ton légèrement cassant, façon videur de nightclub à cinq heures du matin. Ingénu, Enoch se dirigea aussitôt vers elle tout en s’efforçant de gommer ses réflexes de fouineur, tel que jeter un coup d’œil derrière pour protéger ses arrières ou compter les ouvertures par lesquelles s’enfuir. Préserver l’effet de surprise tout en évitant l’esclandre au guichet, voilà qui nécessitait tact et délicatesse.
« Non, je suis juste venu chercher quelqu’un. Mademoiselle Sullivan. »
Tout de suite, l’étonnement dans ses yeux marais, à la limite de la méfiance. Et une inspection gratuite à travers l’écran d’une facture pour produits médicaux. Si elle espérait dénicher quoi que ce soit de primordial dans la fine silhouette de ce garçon, elle risquait toutefois d’être déçue, car il ne possédait de suspect qu’un étrange paquet kraft sous le bras, emballé à la mode antédiluvienne avec une ficelle de chanvre, en dehors de sa veste d’hiver. En ce début de décembre, il devenait en effet impératif de bien se couvrir.
« Qui dois-je annoncer ? »
Une seconde de réflexion avant de lâcher, avec une nonchalance d’individu non habilité :
« Personne. Il ne faut pas qu’elle le sache. »
Tu ne serais pas en train de te foutre de ma gueule ? sembla-t-il lire dans le sourcil rehaussé de l’employée, néanmoins elle consentit au prix d’un soupir à décrocher le tableur téléphonique pour prévenir de l’arrivée du rigolo. Oui Béa’, c’est moi. Tu sais si Lou est partie ou pas encore ? Okay, dis-lui que personne l’attend dans le hall. Non, ce n’est pas une blague. Je ne sais pas. Personne, oui, oui. Merci chou, à plus. En dépit de ses cernes et de son manque d’humour, elle avait le rare mérite de ne pas se montrer récalcitrante. La fatigue lui faisait sans doute accepter certaines excentricités de fin de semaine qu’un lundi matin aurait refusées avec brusquerie.

Il était tard pour un vendredi soir. Assez tard pour se douter qu’un surplus de travail à finir en urgence avant les congés de Noël n’avait pas été terminé et qu’il échouait probablement à Lou de s’en charger. Ou bien son chef avait encore laissé les cages ouvertes et ils étaient tous les deux en train de chasser l’écureuil dans les toilettes du laboratoire, armés d’une ventouse et d’un sachet de noisettes. Le hall n’étant pas conçu pour faire office de salle d’attente – à moins que des fanatiques de l’éprouvette n’eussent décidé d’organiser une visite guidée –, Enoch patientait dans un coin en silence. De temps en temps, la secrétaire lui lançait des œillades suspicieuses, histoire de l’empêcher de se cacher derrière la plante verte pour jouer un mauvais tour à celle qu’il attendait, mais il demeurait trop sage pour exiger une quelconque surveillance. De toute façon, ils n’allaient pas tarder à entendre des bruits de pas dans le couloir.
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evolve
Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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20.07.16 22:40
Vivement les vacances, vivement les vacances, vivement les vacances… Je crois que je vais tenir les derniers jours du mois en me répétant cela. La contemplation de mon calendrier me ravie et me navre en même temps. Les congés approchent à grand pas, ça c’est bien, et d’un autre côté, il me reste encore tellement de travail à abattre avant de pouvoir fuir pour retrouver mes proches et me faire péter le bide, ça ce n’est pas si bien.
J’ai l’impression d’être LA personne de l’étage à qui refiler le bébé dès qu’un projet bat un peu de l’aile. Un de ces jours, je vais me poser des petits RTT surprises, ils feront moins les malins… En attendant, je n’ai pas franchement le temps de mettre en place mon plan machiavélique, je dois présenter l’avancement de nos tests aux partenaires d’un de nos gros projets en début d’aprem, et rien n’est prêt.

La matinée passe à vitesse grand V, je n’ai le temps de rien, et en plus je ne peux même pas me consoler en portant un vieux jean informe et des basquets tranquilles, non, faut être présentable pour les partenaires, pour leurs beaux yeux, je suis condamnée à me trimballée toute la journée avec un pantalon de tailleur vert émeraude, une petite blouse noire, et des bottines à talon. Et oui, on a beau dire ce qu’on veut, ça fait plus pro que le pull marinière vieux de la guerre de sécession dans lequel j’aurais bien voulu me blottir toute la journée.
Sans compter que je déteste parler en publique. Heureusement, je n’ai pas choisi le haut par hasard, le noir marche très bien pour dissimuler une petite lueur qui pourrait traverser ma peau suite à un trop gros coup de stresse.

Bon, finalement ce n’était pas si terrible, comme toujours, j’ai fait beaucoup de foin pour pas grand-chose. En attendant, pas le temps de m’assoir sur mes lauriers, une pile de dossier est en train de s’amasser sur mon bureau.

Quelques litres de thé plus tard, le soleil est déjà partit se coucher, le fond de l’air se rafraichit malgré les radiateurs, et l’étage se vide petit à petit. Un coup d’œil à ma montre me fait d’ailleurs dire que je ne vais pas franchement faire long feu moi non plus. Je m’éclipse rapidement pour un passage éclair aux toilettes, après je mettrais les voiles. L’odeur de la javel dont les femmes de ménage abusent me fait froncer le nez. Tout en me lavant les mains, je n’ai d’autre choix que de m’observer dans le miroir accroché au mur. Franchement, ils devraient virer ce miroir le vendredi soir. J’ai des cernes, les cheveux en vrac, j’en ferais peur à un gosse.
Soupirant, je m’en vais boucler mes affaires et verrouiller ma session lorsqu’une de mes collègues s’approche tout sourire.

Lou, t’as Personne à l’accueil pour toi. Hein ? Visiblement, on t’attend dans le hall. A cette heure un vendredi ? C’est une blague ?! Ahah, j’en sais pas plus, c’est Isa qui vient d’appeler pour me dire de te passer le message.

Je grommèle, fourrant nerveusement mes affaires dans mon sac. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas laisser les gens partir tranquillement en week end ? Vendredi prochain, je me fais la malle à 16h, c’est peut-être bien le seul moyen pour être tranquille.
Jetant mon manteau sur mes épaules et enroulant mon foulard autour de mon cou, je descends les escaliers en maugréant. Si ce n’est pas un financeur, il est hors de question que je sois aimable et tout sourire avec l’invité surprise qui vient emmerder le monde un vendredi soir.
Béa me suit dans les escaliers, visiblement amusée par ma mauvaise humeur, elle tente de détendre l’atmosphère, lançant des théories fumeuses sur qui pourrait bien être Personne. Si ça se trouve c’est ta sœur qui t’a fait envoyer des cookies par coursier.
Je dois avouer que cette idée est assez drôle et c’est en étouffant un rire que j’arrive enfin dans le hall. Personne planté devant l’accueil, ce n’est que lorsque je balaye la pièce des yeux que je me retrouve à deux doigts de m’étrangler en tombant sur une tignasse blanche discrètement planquée dans un coin.  

Branle-bas de combat dans ma tête. Enoch ! Au boulot ? Je me stoppe net, remonte une marche, me retrouve nez-à-nez avec Béatrice. Comme une ado, j’ai envie de lui demander « de quoi j’ai l’air ? », mais je ne me rappelle que trop bien de la mine fatiguée que j’ai scruté quelques minutes plus tôt. Bon sang je donnerais n’importe quoi pour retourner dans ces toilettes qui empestent la javel, rien que quelques instants pour essayer de sauver les meubles. Je ne peux pas fuir maintenant, il m’a sans aucun doute vue, surtout que le bruit de mes talons sur les marches m’a vendue bien avant que je ne débarque.

J’ai rougit, et au sourire niais sur les lèvres de ma collègue, j’en déduis qu’elle a clairement compris qu’Enoch ne me laisse pas indifférente. Je lui souris en retour, le regard fuyant, avant de descendre à nouveau cette dernière marche.
Ce n’est pourtant pas un financeur, mais c’est tout de même tout sourire que je traverse le hall bien plus rapidement qu’à l’accoutumée. Les filles se sont rejointes à l’accueil et semblent nous dévorer des yeux. Commères comme elles sont, cette anecdote aura fait le tour du labo avant lundi midi.

- C’est toi Personne ? Ça pour une surprise.

J’ai une folle envie de déposer un baiser au coin de ses lèvres, mais j’hésite. Si lui aussi se met à rougir furieusement, on n’est pas rendus. A vrai dire je ne sais pas trop quoi faire, c’est assez flou, mes doigts cessent pourtant un instant de se tordre dans tous les sens pour venir lui caresser doucement la joue. J’ai l’impression de le bouffer des yeux, une telle apparition en fin de semaine, c’est le petit Jésus en culotte de velours.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



22.07.16 14:25
Il l’écoutait arriver, le claquement de ses talons sur les marches, soudain hésitant, maladroit, un recul peut-être, et il n’osa pas s’avancer de peur qu’elle ne rebrousse complètement chemin en l’apercevant. Est-ce qu’il n’aurait pas dû venir ? Est-ce qu’elle ne souhaitait pas le voir ? Il y avait songé mille fois, imaginé l’embarras dans ses yeux lorsqu’elle croiserait les siens, ces dizaines de mimiques éloquentes que les femmes savent s’y bien dessiner lorsqu’elle souhaitent s’enfuir. Crispé, son bras se ressera autour du paquet – il ne s’était pas encore rendu compte qu’elle l’avait déjà aperçu –, néanmoins toute son attention se concentra bientôt sur la silhouette de la rousse qui traversait le hall dans sa direction. À la seconde où il put la reconnaître, un large sourire éclaira son visage ; il perdit d’un coup dix ans par cette seule apparition et se sentit plus heureux qu’un gamin au matin de son anniversaire, qu’un moineau dans une fontaine en plein été. Malgré son minois harassé, malgré sa chevelure lessivée, il ne la trouvait pas moins belle. Une petite fée fatiguée dans ses habits verts. Cela lui donnait envie de la prendre dans ses bras, larguant son angoisse pour une pure joie. D’ailleurs, n’eussent été les deux collègues près du comptoir, façon pies bavardes devant un couple de toutereaux, il l’aurait fait tout de suite.
« Personne, pour vous servir. Satisfait ou mal remboursé. » Un domestique comique. Un comique domestique, dont le cœur tressaillit à l’instant où une main s’approcha de sa joue, timide, restreinte par les quatre pupilles qui les scrutaient à quelques mètres. Il était temps de partir, faute de quoi ils resteraient bloqués l’un en face de l’autre, gorge close et gestes immobiles. Il coula alors son bras libre autour de sa taille puis, remerciant par-dessus l’épaule l’aimable secrétaire, emporta Lou au dehors avec une impatience évidente.

Il n’en fallait pas davantage pour qu’Enoch se sentît invincible. Pas invulnérable, certes, mais envahi d’une confiance telle qu’il aurait bravé des canyons sans trembler, escaladé des montagnes à une main et brisé des coquilles de noix dans ses paumes. D’accord, il n’avait pas été le plus responsable du monde en se pointant sur un lieu de travail privé, un vendredi soir à pas d’heure, mais il pourrait toujours brandir l’excuse d’une grasse matinée le lendemain si nécessaire. Personne n’avait dit qu’il fallait en plus être irréprochable. La jeune femme collée à lui, il ne frissonna même pas à l’instant où le froid extérieur fondit sur eux.
« Oh, j’ai quelque chose pour toi », annonça-t-il une fois qu’ils furent sur le trottoir, hors du champ de vision des autres employées. Avec délicatesse, il tendit à la rouquine le paquet de papier, inquiet à l’idée qu’elle l’acceptât par politesse plus que par intérêt ou que cela ne lui fît pas plaisir ; contrairement aux Japonais qui n’ouvraient jamais un présent devant la personne que le leur avait offert, elle ne manquerait pas de défaire l’emballage sous son nez. Il ne s’agissait ni d’un Noël en avance ni d’une occasion particulière – pour quelle espèce de raison, sinon ? – mais cela lui avait pris des journées pour choisir, entre la décision même de lui offrir quelque chose puis la teneur du dit cadeau. Des fleurs, c’était un chouïa trop cavalier pour un second rencard, et carrément vieillot. Des chocolats, et on l’accuserait de vouloir la faire grossir. Pareil pour les pâtes de fruits. Des souris, elle en avait à la pelle dans son laboratoire, et elle ne saurait sans doute que faire d’un bloc-notes à l’heure des tableurs numériques. Pas de vase quand on n’a pas de fleurs, pas de tasse quand on ne partage pas le café tous les matins, pas de cosmétiques sauf message subliminal et surtout, surtout, pas de bijoux. Pas de poème enflammé sauf si l’on s’appelait Wordsworth, pas de scotch décoré avec des petits fruits, pas de sculptures en pâte à sel. En désespoir de cause, il avait demandé à Anselme qui lui avait répondu une arbalète, et l’Ancien avait raccroché en se disant que Silène lui était montée à la tête. C’était mignon. Mais il n’était pas plus avancé. Un jour pourtant, alors qu’il se rendait au travail en savourant la brise automnale, il avait eu la révélation. Toute simple, toute bête.

Une écharpe. Longue et moelleuse, plus douce que la fourrure d’un angora, d’un bleu pastel glissant vers le parme, émaillé de fil argenté. À la chaleur rassurante des cheminées d’hiver. Un vrai loukoum en laine. Il patienta, fébrile, le temps qu’elle la déballe, récupéra le papier qu’il fourra dans sa poche puis l’interrogea sur son avis. La teinte ne se mariait peut-être pas très bien à l’émeraude de son tailleur, toutefois l’essentiel était qu’elle lui plaise ; au vu des températures de la fin d’année, il vaudrait en effet mieux qu’elle portât quelque chose de plus réchauffant pour son joli cou qu’un mince foulard. À moins qu’elle n’en possédât trente-six chez elle, auquel cas une écharpe de plus ou de moins ne changerait pas le monde.
« Tu veux l’essayer ? » Question rhétorique.
Il leva lui-même les mains pour la lui passer autour de la nuque, un tour unique, laissant les extrémités retomber devant elle. Cependant il garda les doigts accrochés au tissu, là où les pointes de ses cheveux roux s’amusaient à frôler ses poignets, et le vent lui devint tout à coup indifférent et les passants et le ciel nocturne au-dessus et les néons des enseignes et la ville tout entière qui disparut à la seconde où il l’embrassa, avec toujours cette touchante maladresse, cette tendre naïveté. Dans la poitrine, le sommet du mont Fuji. Et lorsqu’il se détacha, à peine, si proche encore que leur front se touchaient, des débris de noix.
« Est-ce que tu aurais le temps pour un dîner ? »
Car il n’entendait pas la quitter tout de suite, loin de là.
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evolve
Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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24.07.16 22:09
Bon sang, j’ai l’impression d’avoir à nouveau 15 ans et de redécouvrir les premiers émois amoureux. Sa plaisanterie me fait rire, et je me sens pousser des ailes lorsqu’il m’attrape par la taille pour m’attirer à l’extérieur. Bonne initiative, j’entendais déjà les messes basses de mes deux collègues, et je dois avouer que c’est le genre de chose qui me bloque totalement.

Au dehors, l’air frais me mord les joues, qui rougissent en quelques secondes, et j’ai envie de me gronder comme une enfant en me rendant compte que mon petit foulard, certes très mignon, ne couvre pas tout mon cou.
Avant que je n’ai pu ouvrir la bouche, Enoch me tend un paquet emballé dans du papier kraft. Je le regarde incrédule, ne comprenant pas d’où sort ce cadeau, pour quelle occasion, me sentant un peu stupide, comme à chaque fois que l’on m’offre quelque chose et que je n’ai rien à donner en retour.
J’accepte tout de même le cadeau, me fendant d’un « Il ne fallait pas. » avant d’entreprendre de déchirer le papier. Gênée par un cadeau venu de nulle part, heureuse de cette surprise inattendue, curieuse de voir ce qu’il me réserve, et espérant ne pas devoir feindre joie ou satisfaction si le présent ne me plait pas, je déchiquète l’emballage en vitesse.

Mes doigts qui commencent déjà à s’engourdir et à regretter de ne pas être blottis au fond d’une poche tombent soudain sur une maille douce et chaude et s’y promènent un instant, en profitant pour se réchauffer. Mes lèvres s’étirent en un sourire alors que j’observe les nuances de bleu et de parme, mes yeux s’arrêtant parfois sur le reflet de la lumière d’un réverbère sur un fil lamé.
Elle ne colle pas franchement avec ma tenue du jour, mais à vrai dire, peu m’importe. Il me la passe autour du cou, je rentre un instant la tête dans mes épaules, enfouissant mon visage dans le tricot d’un air satisfait.

– Merci Enoch…

J’aurais peut-être bien rajouté un « elle est très belle », mais il s’approche déjà pour m’embrasser. Glissant mes doigts dans ses cheveux jusque dans sa nuque, je me laisse aller à la douceur de ce moment. Si ça ce n’est pas la meilleure façon de finir la semaine, ou de commencer le week-end d’ailleurs, je ne sais pas ce qu’il me faut.
Front contre front, je souris un peu trop bêtement à mon goût. J’ai l’air d’une de ces nanas du mauvais téléfilm du dimanche après-midi, mièvre. Mais heureuse.

– Moi qui pensais que tu venais me kidnapper pour partir en Islande… Quoi que, un dîner c’est bien aussi.

Je viens déposer un autre baiser sur ses lèvres avant d’enrouler un des longs pans de cette nouvelle écharpe autour de son cou, calant à mon tour ma main dans son dos. En ce qui me concerne, je suis prête à partir au bout du monde. Allons donc manger !
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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25.07.16 22:18
C'était trop, ces rougeurs hivernales au sommet de ses joues. C'était trop, cette brillance dans ses iris aquatiques, cette courbure rosée au bas de sa figure. Plus qu'il ne pouvait espérer. Incapable de se lasser de cette vision pourtant anodine au reste de l'univers, il la couvait d'un regard marin et affectueux tandis qu'elle faisait de l'écharpe sa nouvelle possession, pareille à l'ourson qui se blottit contre la chaude fourrure de sa mère. Il y avait là de quoi jalouser le tricot lui-même, pour se lover ainsi autour du cou de la plus belle fille de la ville, cependant Enoch ne regretta pas d'être humain lorsqu'il sentit le corps de la rouquine se rapprocher du sien, leurs vêtements pour ultime distance. Il serait bien resté dans cette position encore un moment, mais sans doute gênaient-ils les passants qui empruntaient ce trottoir et sans doute aussi risquaient-ils de se refroidir s'ils ne trouvaient pas vite refuge à l'intérieur d'un restaurant, quand bien même ils pourraient toujours se tenir l'un contre l'autre pour se réchauffer si le besoin s'en faisait sentir. Et même s'il n'y avait pas besoin, parce que les raisons importent peu d'enlacer la personne qui nous plaît.

Oups. Aurait-il dû arriver en agitant deux billets d'avion pour l'île aux volcans plutôt qu'un morceau de laine, aussi bariolé fût-il ? C'est vrai qu'il lui avait promis de l'emmener, le jour où lui-même aurait les moyens de s'offrir le trajet. Autant avouer que ce n'était pas vraiment d'actualité, quand bien même le mot « survie » pour désigner sa condition sociale avait finalement disparu au profit d'un statut certes encore délicat, mais beaucoup moins précaire ; ce qui, à ses yeux, était plus que suffisant. Un toit, un métier, un salaire, il n'en demandait pas davantage. Voilà qu'il était enfin redevenu ce petit citoyen sans histoire, cet anonyme parmi les anonymes, satisfait du peu qui lui appartenait et travaillant pour obtenir ce qu'il désirait. Docile. Bien sûr, il aurait aimé faire ce qu'il souhaitait sans avoir à se soucier de ses économies inexistantes ou briser le Mur à mains nues afin d'emmener Lou pour un tour du monde en quatre-vingt-dix vies – pourquoi se cantonner à l'Islande quand la planète entière se transformait en terrain de jeu ? Bien sûr, l'argent ne l'intéressait que pour la manière dont il pouvait le dépenser, et non par avarice ou simple goût pécuniaire. Mais il se classait parmi les revenus pauvres, et cette réalité ne l'autorisait pas pour l'instant à accomplir ses rêves. Bientôt, peut-être. Avec un miracle. Il avait bien déjà rencontré Lou, alors pourquoi ne pas continuer d'y croire ?

« Pas cette fois-ci, lui confia-t-il avec une légère moue navrée en dépit du plaisir qui l'avait envahi grâce au baiser, mais je connais un endroit où tu pourrais en avoir un avant-goût... »
Pas que la gastronomie islandaise fût des plus réputées, soit-dit en passant, à moins que la rousse n'appréciât le requin faisandé ou les têtes de moutons marinées dans du lait aigre. Des penchants sûrement inexploités pour lesquels il ne lui en aurait pas voulu, car lui-même n'avait qu'une lointaine connaissance de ces plats typiques de cette nation polaire ; sa mère n'avait pas importé sur le territoire américain ces recettes surprenantes pour un étranger, et lui-même n'était pas assez friand de viande pour réclamer à sa génitrice du boudin d'agneau ou du foie de bœuf bouilli. En revanche, il se faisait une joie de déguster du poisson, quelle que fût son espèce et quelle que fût sa cuisson, et il avait découvert récemment, à son plus grand bonheur, un restaurant qui en avait fait sa spécificité.

Le bras de Lou autour de sa taille, le sien l'imitant en miroir, ils commencèrent donc à se déplacer parmi les rues du centre-ville. Un coup d'œil préalable sur une carte interactive avait permis à Enoch de repérer la distance à parcourir entre la laboratoire où officiait l'Evolve et le petit restaurant, lieu convivial pour les initiés, de telle sorte qu'il guidait sa compagne avec précision sans cesser de flâner par la même occasion, le nez en l'air pour profiter des premières illuminations de Noël. Il faut dire que les avenues brillaient autant qu'une Lou gênée, avec certes moins de conséquences néfastes, et le garçon semblait découvrir cette période de l'année, la voir comme il ne l'avait jamais vue parce que, depuis ses six ans jusqu'à aujourd'hui, le mois de décembre n'avait fait qu'exacerber la tranchée de solitude que l'absence de son père avait creusée en lui. Ce qui l'amena à cette réflexion, qu'il lâcha à voix haute sans tenter d'en dissimuler le sous-entendu :
« Noël est arrivé si vite... Tu as prévu quelque chose pour les fêtes ? »
Une grande bouffe familiale, certainement. Classique mais indémodable, à tous les âges. Pour avoir rencontré Steve et Lucie, l'Ancien songeait d'ailleurs que l'aînée de la fratrie se serait fait taper sur les doigts si elle avait osé se désister, et des images de sapin enguirlandé agrémentés de cadeaux dorés, d'une assiette de cookies avec un verre de lait et de cheminée flamboyante se précipitèrent à son esprit tandis qu'ils patientaient à un passage piéton.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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26.07.16 10:27
Il avait l'air déçu de ne pas pouvoir me proposer une escapade sur une île lointaine et pour moi bien mystérieuse. Moi qui ne disais cela que pour la blague, j'en viens à me sentir coupable devant cette petite moue déconfite. Surtout que, quand je penses à nos boulots respectifs, ou aux vues de son appartement et du mien, j'ai surement plus les moyens que lui d'acheter des billets d'avion pour l'autre bout du monde, je ne voudrais pas qu'il en vienne à se foutre bêtement la pression pour rien, surtout que là, la question ne se pose pas, je suis bloquée à Madison.
Le sujet balayé d'un revers de main, ce voyage restera surement un rêve lointain, nous voilà partis pour... Je ne sais où d'ailleurs. Ce sera la surprise, j'espère juste que "l'avant goût" n'inclue pas des spécialités locales peu ragoutantes, j'ai beau dire, je ne suis pas franchement une aventurière de la bouffe. Tant que ça a une bonne tête et que je ne sais pas ce que c'est, je pourrais gouter à peu près n'importe quoi, mais il suffit que l'on me dise "tiens, c'est de la panse de brebis farcie" pour que je me décompose sur place.


Nous déambulons dans les rues, sous les illuminations installées à l'occasion des fêtes. Il semble savoir où il va, je me laisse guider, le nez en l'air, les yeux perdus dans toutes ces lumières. J'aime bien les loupiotes qui clignotent, je passe totalement inaperçue, même si j'en arrive à m'allumer pour une raison X ou Y. En passant devant les vitrines encore éclairées, je fais l'inventaire des présents déjà trouvés et ceux qu'il reste à dénicher. Heureusement que la famille n'est pas grande, déjà que je n'ai pas d'idée de cadeau pour ma propre sœur, alors si en plus j'avais des cousins lointains que l'on ne voit que deux fois par an...
D'ailleurs, Enoch doit être perdu dans le même genre de pensées, mettant Noël sur le tapis. Je secoue la tête, haussant les épaules.


- On ne prévoit jamais rien officiellement, mais ça fini chaque année de la même façon. Steve va récupérer notre grand mère, Lucie s'occupe d'aller chercher notre oncle un peu dingue, et moi j'aide mon père à préparer le repas, en comptant quelques assiettes en plus au cas où l'un ou l'autre nous ramène un invité surprise. Ma grand mère fera, comme chaque année, la même blague : "Lou, tu n'irais pas mettre les mains dans le sapin pour ajouter un peu de lumière?" Sans même y faire attention, j'ai pris une voix un peu chevrotante et ridicule, et au point où on en est, je continue mes mauvaises imitations. Mon oncle fera la gueule en se demandant pourquoi sa sœur a un jour décidé d'adopter un evolve : "Ne l'encourage pas, moins elle fera son... truc là, mieux on se portera".Prenant l'air d'un type bougon et renfrogné, je trouve que j'ai plutôt bien réussit la retranscription du personnage. Et quand les premier bâillements sortirons, on enverra tout le monde au lit, digérer et cuver son vin, pour être en forme et remettre ça le lendemain midi. Rien de bien fou.


Je hausse les épaules, notre routine Noël commence à être bien rodée, bien que ce soit un peu moins drôle depuis le décès de notre mère. Entre six et neuf à table en fonction des "invités surprises", ça ne s'éternise jamais vraiment, et c'est peut-être tant mieux. Se retrouver attablé pendant des plombes entre le fameux oncle anti-evolve et ma sœur qui raconte sa vie parfaite... heureusement que ce n'est qu'une ou deux fois par an.
Je m'attarde un instant à regarder Enoch, me demandant à quoi peut bien ressembler son Noël, et à vrai dire, je n'arrive pas à imaginer quoi que ce soit. J'ai beau me plaindre de ma famille, j'en ai une avec qui fêter ce genre d'événements, ce qui n'est plus son cas. J'ai d'un coup un pincement au cœur. Je me mord un instant la lèvre inférieur, me demandant si je ne lui proposerai pas la place "d'invité surprise" cette année, pensant que ce sera surement interprété de 1000 façons différentes auprès des miens, et que ça pourrait surement être gênant pour lui. Mais... Ça se tente non?


- Je ne peux pas me désister pour ce soir là, sinon mon père va tous les intoxiquer... Par contre, si tu n'as rien de prévu... Cette proposition me donne un sacré coup de stress, j'ai presque l'impression de mettre un genou à terre. Si ça te dit, tu peux te joindre à nous.



Je hausse les épaules, l'air de rien. Ca ne trompe personne.
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burn the bitch down, I never will cross that bridge again
Jesse McMillan

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Jesse McMillan
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26.07.16 11:08

C’était comme un goût de cendre dans sa bouche.
Depuis qu’il avait croisé ce type, plus rien n’était vraiment comme avant ; même la douceur de Misty, la violence de ses engueulades avec Benny ou la terreur inspirée par Aaron… Plus rien n’était vraiment pareil. Comme si la manière dont il avait accordé sa vie jusqu’à aujourd’hui se voyait désormais rempli de notes discordantes, de questions dont il ne voulait pas, d’interrogations malvenues. Il y avait quelque chose d’intrinsèquement malsain chez ce gamin, quelque chose qui poussait quelqu’un d’aussi stupide à s’accrocher à quelqu’un comme lui en sachant pertinemment que ça ne lui apporterait jamais rien de bon. Et les derniers mots tournaient dans son esprit, ces derniers éclats de haine et de douleur qu’il avait fait éclore avec rigueur. Mais ce n’était pas assez – ça n’était jamais assez. Depuis, il vivait sur le fil, se disputant avec Misty, se battant avec Benny – le bleu qui s’étalait sur son visage était assez parlant – et fuyant Aaron qui commençait à être en manque de cam et ne trouvait plus de dealer. L’atmosphère était devenue irrespirable à la planque et il s’était juste enfui. Emportant une partie de la drogue d’Aaron – il était tellement foutu. Tant pis. Il l’avait fumé dans un coin, ses yeux rougissant un peu plus, son esprit se détendant un peu plus. C’était tellement agréable, d’oublier un peu.
 
Il sourit légèrement, un peu bêtement, écrasant le joint sous sa chaussure et quittant sa ruelle. Il enfoui son visage dans l’écharpe épaisse et d’un rouge vif piquée à Misty ­de toute manière, elle était chez un de ses nombreux mecs, donc elle n’en avait pas besoin, regardant un instant autour de lui avant de commencer à bouger, se dirigeant au hasard dans les rues. Misty n’avait pas compris, quand il lui avait raconté. Pourquoi il avait tellement refusé de se confronter à ce type qui disait le reconnaître, pourquoi il ne voulait pas retrouver des fragments de ce passé qu’il avait oublié. Il lui avait expliqué, pourtant, que ça ne l’intéressait pas. Qu’importe qui il était autrefois, il était aujourd’hui autre chose et le reste n’avait plus d’importance. A quoi bon se rattacher à quelque chose qui n’avait aucun intérêt ? Sa vie d’aujourd’hui, si on pouvait appeler ça une vie, lui convenait. Il avait un endroit où dormir, il mangeait assez régulièrement, il gagnait un peu d’argent quand il le fallait et s’il n’était pas regardant ni ne posait trop de questions. Ils n’étaient pas assez normaux pour se fondre dans la masse des gens normaux. Le seul souci restait dans les gens qu’il devait côtoyer ; ces evolves le révulsait sans qu’il sache pourquoi. C’était quelque chose qui le prenait aux tripes et qui s’y accrochait, sans aucune explication logique.
 
Les mains dans les poches, il déambulait dans les rues sans aucun but, observant d’un œil vitreux autour de lui. Où allait-il dormir ce soir, qu’allait-il manger – tout ça n’était que des préoccupations superflues. Seul l’instant présent comptait. Seul avancer comptait, pour le moment. Il esquissa un nouveau sourire, bousculant une adolescente et lui prenant sans hésitation la pâtisserie qu’elle s’apprêtait à dévorer. Il l’entendit bien s’exclamer alors qu’elle tombait, puis s’indigner ; mais c’était inutile. Il était à nouveau dans la foule, croquant dans le gâteau, un sourire au coin des lèvres. Puis il le vit. Cette couleur de cheveux, cette silhouette. Et l’évidence s’imposa à lui – il voulait le revoir pleurer. C’était plus fort que lui – il y avait quelque chose d’incroyable érotique dans la manière dont les larmes naissaient au coin des yeux du type, pour venir mourir sur le coin de ses lèvres. Mais il n’était pas seul – non non non non non. Il y avait un océan roux à côté de lui, une silhouette d’un féminin gracieux dont il observa un instant les fesses et les cuisses bouger, appréciant le mouvement discret. Puis un nouveau sourire lui échappa, plus cruel. C’était comme un jeu, comme une vengeance pour avoir foutu son monde plus ou moins rangé en l’air. Le blond accéléra, tentant de ne pas les perdre de vue, ne pouvant que noter tous ces détails écœurants – une écharpe partagée, une main autour de la taille – ça puait la complicité et la niaiserie. Alors que… Alors que. Il avança encore un peu plus vite, se dressant derrière le si mignon couple et passant ses bras autour des épaules, ses mains les crochetant, menaçantes, tandis que sa voix s’insinuait dans la bulle amoureuse des deux.
 
« Tiens donc, c’est toi… Mmmh… Enoch, c’est ça ? T’as surmonté ton avis de te faire enculer par le premier mec venu et tu t’es trouvé une copine ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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26.07.16 15:37
Avec Lou, il pouvait discuter de n’importe quoi. Tout ce qui lui passait par la tête, toutes les lubies éphémères créées par association d’idées, tous les renvois momentanés vers des souvenirs inopinément tombés dans les limbes. Rien n’était futile et le moindre mot déclenchait une conversation dont il retenait chaque phrase avec soin, telle les mailles de cette large étoffe qui constituait leur relation. Il avait vite compris que, dès lors qu’elle se tenait dans son champ de vision, il captait ses intonations et son vocabulaire avec une acuité qu’il avait jadis réservée à ses enquêtes journalistiques, si bien que cet intérêt grandiose, cette passion peut-être, lui semblait parfois un peu bizarre et mal appropriée. Sûr qu’elle lui plaisait, qu’elle attisait en lui des flammèches inconnues, que c’était sans doute la première personne avec qui il ressentait ce genre de bouillon sentimental, chaleur du corps et bulles euphoriques, et qu’il lui faudrait s’y habituer s’il ne voulait pas se donner l’impression de perdre la tête. Mais tout de même. Elle exerçait sur lui un charme étrange, de quoi défaire l’ensemble de ses entraves et de ses barrières, si bien qu’il devrait faire attention de ne pas lâcher au hasard quelque aveu coupable dans le seul but d’entendre son avis sur la question. C’était si rare, de trouver quelqu’un de confiance ! Avant même de prétendre devenir sa petite amie, elle remplissait le grand rôle d’amie, plus âgée qui plus est, ce qui constituait probablement une nouveauté notable dans ses relations.
D’ailleurs, il ignorait à partir de quel moment ils se considèreraient comme un couple. S’ils devaient déjà le faire. Si c’était une obligation. Si c’était ne serait-ce qu’envisageable. Voilà un sujet sur lequel ils ne s’étaient penchés ni l’un ni l’autre, jugeant peut-être que c’était stupide de convenir à une étiquette lorsqu’il n’y avait entre eux qu’un flot limpide et agréable, bien loin des qualifications habituelles. Peut-être était-ce par crainte du regard des autres – un Evolve et un Ancien, paye ton originalité ! – ou par rejet de l’auréole qui ne manquerait pas de les entourer s’ils venaient à rendre cela public ; les mesquineries de la sœur, les grognements du frère, les soupirs des parents et les commérages des copains-copines. Non merci. Surtout qu’il y avait quelque chose d’amusant dans ce secret, dans cette sphère taiseuse à l’intérieur de laquelle ils se voyaient, à l’abri des rumeurs. Ils s’apprivoisaient à leur rythme, et cela leur convenait.

Il fallut une certaine maîtrise à Enoch pour ne pas rire des imitations de Lou alors qu’il imaginait la fameuse grand-mère, vieille biquette au monocle, proposer une nouvelle version pour l’éclairage ou bien l’oncle grognon, potentiellement bûcheron bourru dans une autre vie, la réprimander sur les initiatives de l’ancêtre. Certes, ces blagues douteuses cachaient une vérité assez malsaine, car le garçon eut l’impression que la rouquine n’était pas acceptée au sein de sa famille. Toutefois, et elle le rassura bien vite, ces plaisanteries faisaient long feu ; elles valaient autant qu’un mauvais surnom ou le retour d’un souvenir d’enfance que l’on aurait aimé brûler dans la cheminée. Jouer les guirlandes ou manger de la terre, même combat. La lèvre mordue pour s’empêcher de pouffer, le gamin acquiesça finalement à ce portrait de famille ordinaire, décrit sans rancœur aucune malgré une éventuelle distorsion interne. Après tout, si Lou assistait à ce spectacle chaque année, même à vingt ans passés, ce ne devait pas être insurmontable. Fatiguant, mais pas insoutenable.
En revanche, il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui proposa. Elle eut beau hausser les épaules, nonchalante, il la regarda comme si elle lui tendait un contrat diabolique ; sans rire, elle avait bien dit « intoxication » ? Mourir si jeune, quelle tristesse. Est-ce qu’elle lui accordait une minute de réflexion, le temps qu’il prît en compte tout ce que sa décision impliquerait ? Atterrir au milieu de cette assemblée de zouaves, composée de Steve le chevalier castagne, Lucie pipelette, le papa champion de la casserole, le tourne-disque myope et Gros Ours brun ? Vraiment ?
« Ce ne serait pas trop gênant ? »
Pour eux, pour elle surtout. Et s’ils se mettaient à balancer des conneries à tour de bras, du genre Alors comme ça, on allume ma sœur ?! ou encore Mais ils n’avaient que des lampes à huile, à son époque ! Sacré réveillon en perspective.
« C’est gentil de proposer, en tout cas ; j’y réfléchirai... »
Et je te donnerai la réponse très vite.

Il n’eut cependant pas le temps d’achever sa phrase qu’une masse heurta soudain le haut de son dos tout en s’écrasant en travers de ses épaules. Un relent d’herbe fumée agressa ses sinus et d’un coup, avant même qu’il ne puisse s’écarter de l’individu qui venait de les percuter, une terreur nauséeuse s’empara de ses sens. En quelques mots, sifflés avec cette cruauté qu’il ne connaissait que trop bien désormais, le sang quitta son visage, gela dans ses jambes et se pétrifia aux portes de son cœur, fruit sec et vulnérable. À peine eut-il le réflexe de se retourner vers l’intérieur afin de pousser le gars qu’un tremblement envahit ses membres sans plus les lâcher. Et ce n’était pas ce nom qu’il avait espéré entendre naguère qui aurait changé quoi que ce soit à sa réaction ; si Jesse se souvenait de lui, ce n’était qu’en tant que déchet, une loque gémissante à même le sol qu’il avait pris plaisir et dégoût à battre jusqu’aux larmes. D’un bond il aurait voulu s’enfuir, s’échapper hors de cet arceau d’os qui lui barrait toute retraite, détaler comme un lièvre qui aperçoit l’incendie – c’était oublier ses genoux fébriles, ses iris nerveux, au bord de la débâcle. C’était oublier Lou, qui n’avait rien demandé et qui rencontrait le monstre pour la première fois. Oublier qu’il ne pouvait l’abandonner.
« Laisse-nous tranquilles... » réclama-t-il malgré sa peur, la gorge si serrée qu’il avait l’impression qu’on l’étranglait de nouveau. Tout s’entrechoquait dans son crâne, dans son ventre ; des douleurs remontaient à la surface, aiguës, fulgurantes, un nœud cannibale qui lui dévorait les entrailles ; plus blanc que blanc, une armée de volonté lui fut nécessaire pour qu’il posât la main sur celle qui couvrait l’épaule de la rousse, dans l’intention de la détacher, tandis qu’il levait l’autre bras pour repousser le danger, une distance de sécurité qu’il était incapable d’imposer par sa seule force. À cet instant, elle lui faisait tellement défaut.
« Et je t'interdis de la toucher. »
Attaquer avant d’être attaqué ou bien se recroqueviller dans l’espoir de réduire les dégâts ? Quoi qu’il fît, il n’arriverait à rien, c’était couru d’avance. Il n’y avait aucune issue en sa faveur, dans cette histoire. Il le savait. Restait à parier sur le temps que cela prendrait pour que sa nuque rompe au bout de la corde.
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evolve
Lou Sullivan

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26.07.16 20:00
Il hésite, et c’est bien compréhensible. Être convié à passer Noël chez des gens que l’on ne connait pas, surtout vu sa première rencontre avec ma fratrie et la description peu élogieuse que je viens de lui faire du reste des convives, c’est surement un peu déroutant. Et encore, je ne lui ai pas parlé de Jim, c’est surement à lui que ça ferait le plus drôle, voir sa fille qu’il a toujours connue célibataire endurcie, étant donné que j’ai toujours refusé de leur présenter ne serait-ce qu’une de mes conquêtes, ramener un jeune homme à la maison, ça lui ferait certainement un choc. S’il n’a pas évolué depuis la première fois que Lucie lui a présenté sa moitié, il y a une paire d’années déjà, on risque de ne pas l’entendre parler de toute la soirée. La première chose à laquelle pensera mon oncle c’est que je leur ai ramené un evolve, et il y a peu de chances pour qu’il vive bien le fait d’avoir deux « monstres » à table.
Maintenant que j’y pense, cette proposition est carrément foireuse… La promesse de réfléchir à ma proposition, c’est bien suffisant pour le moment.

Je sursaute en sentant une masse dans mon dos avant d’avoir pu entendre la fin de la phrase d’Enoch. Je me sens soudainement agressée, et je ne saurais pas dire qui en est le plus responsable, la main qui m’a attrapé l’épaule, l’insulte qui vient de fuser, ou le ton menaçant avec lequel elle a été prononcée.
Je me retourne pour faire face à l’inconnu, sentant ses doigts s’enfoncer dans mon épaule. Un coup d’œil vers Enoch, il a l’air terrifié, pâle comme un mort, et même lorsqu’il prend la parole, ce n’est qu’une requête étouffée par la peur que j’entends. Je ne comprends pas. Quoi que… En remettant les quelques pièces du puzzle dans l’ordre, ce n’est peut-être pas si sorcier après tout. Il s’agirait du type dont il m’a vaguement parlé, le fameux connard violeur, ça ne m’étonnerait qu’à moitié.

Je donne un vif coup d’épaule vers l’arrière, espérant qu’il me lâche, mes ses doigts se resserrent comme un étau. C’est dans ces moments-là qu’un pouvoir d’evolve un peu badass serait le bienvenue, plutôt que ce stupide clignotement. Je ne sais pas moi, une super force, cracher de l’acide ou alors générer des ultrasons qui le feraient se rouler par terre en appelant sa mère. Mais non au lieux de ça, je suis juste obligée de calmer les battement de mon cœur qui s’emballe et espérer que la lueur qui est née dans ma poitrine restera encore cachée un moment sous mes couches de fringues.
Il est maintenant temps de se décider, il est hors de question que je laisse Enoch se démerder dans cette situation, faire la morte est exclu. Je pourrais tenter la diplomatie, mais si c’est bien le type auquel je pense, je n’ai qu’une envie, l’étriper. Le seul problème, c’est que dans la conjoncture actuelle des choses, je n’en suis absolument pas en capacité. Va falloir bluffer, prendre l’air le plus sûre de moi et arrogant que j’ai dans ma collection. L’air mauvais, le regard noir, et le dédain, je n’ai pas franchement besoin de me forcer.

- Bon écoutes mon gars, casse toi et rentre chez ta mère ou je t’arrache les couilles pour t’en faire un collier.

Il est hors de question que je me laisse intimider par ce type, j’avance d’un pas, menton levé, le défiant du regard, ne laissant rien paraitre de la trouille qui fait briller ma poitrine sous mes trois couches de vêtements.
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burn the bitch down, I never will cross that bridge again
Jesse McMillan

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Jesse McMillan
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27.07.16 21:58
Il le sentait au plus profond de ses os, gravé au feu et au sang, aux larmes et à la haine – il ne vivrait que pour l’instant fugace où la joie bascule en terreur, où l’amour bascule en colère, où le regard de l’autre change en le voyant débarquer pour foutre sa vie en l’air, encore une fois. Lui ou un autre, ça n’avait aucune importance – il n’était qu’une victime de plus, un nouveau jouet avec lequel il se délecterait avant de l’abandonner dans un coin d’une décharge, le laissant aux bons soins du temps et des autres, si quelqu’un osait vouloir ramasser un jouet cassé. Et ses doigts qui se crochetaient, comme un grappin qui attrapait son jouet ; sauf que lui ne le relâcherait jamais, jamais, même pas jusqu’à ce que le jouet réclame grâce au milieu de ses larmes. Il ne lui laisserait même pas le moindre petit espoir de s’enfuir d’entre ses griffes. Le sourire de cheshire s’agrandit un peu plus, tandis qu’il entendait avec délice cette voix tremblante lui demander de les laisser en paix, tandis qu’on lui interdisait quelque chose qui ne lui serait même pas venu à l’esprit s’il ne l’avait pas mentionné, parce qu’elle devenait une extension de lui, quelque chose qu’il pouvait faire pleurer et qui aurait des répercussions sur lui. C’était oublier que le blond n’en faisait jamais qu’à sa tête, que rien ne pourrait lui retirer cette idée étrange de la tête, que rien ne pourrait le détourner de son but si ce n’était l’ennui de l’autre – ou des ennuis plus gros, au choix. Une main se posa sur la sienne, provoquant juste une réaction contraire, enfonçant un peu plus les doigts blanchâtres du blond dans l’épaule de la délicieuse moitié de l’autre. Il lui interdisait. Et lui ricanait, son sourire plus grand que son visage dévorant jusqu’à ses yeux qui le bouffaient tout en le déchiquetant. « Tu m’interdis quoi, hein ? De la toucher ? T’as peur que je la touche de la manière dont tu me suppliais de le faire ? T’as peur que je lui arrache ses jolies fringues pour la baiser de toutes les manières dont j’aurai envie ? Voyons… Je vaux bien mieux que ça, moi. »

Mais la moitié n’avait pas l’air décidée à rester silencieuse comme la jolie poupée qu’elle aurait dû être ; préférant tenter de s’extirper de sa poigne et le menacer, ne faisant qu’attiser un brasier qui n’avait pas besoin d’être nourri, ne faisant que lui donner un peu plus d’emprise sur l’autre, voyant la pâleur inonder le joli visage, sachant que l’autre ne pensait probablement plus qu’à ce qu’il pourrait lui faire à elle. Elle qui n’était pas intéressante, pas amusante ; elle n’était pas aussi rouge que Misty, n’était pas aussi pâle que lui. Elle n’était rien dans ce petit monde à lui, juste une jolie poupée qui manquait l’occasion de montrer qu’elle savait aussi être intelligente. Le blond tourna ses yeux rougis vers elle, lui adressant son sourire presque angélique, celui qui ferait presque tomber n’importe qui dans son piège si seulement ses yeux ne la dévisageaient pas avec la plus complète indifférence. « Et avec ce joli collier, tu feras quoi quand je te fracasserai la tête sur ce mur ? », voix douce, ton presque caressant ; puis il tourna à nouveau la tête, préférant regarder sa victime presque consentante. « J’aurai cru que t’en choisirai une plus intelligente... Ou alors tu ne lui as pas parlé de moi ? Après tout ce qu’on a partagé dans cette maison poussiéreuse ? Ton érection, la manière dont tu m’as bouffé la bouche en gémissant pour que je te baise à même le sol ? Je suis tellement, tellement déçu, Enoch. »
 
Et c’était déjà presque une sentence en soit.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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28.07.16 12:19
Autour d’eux, les anonymes déviaient de leur trajet, pressentant confusément que ce qu’il se tramait entre ces trois individus ne les concernaient pas outre-mesure et qu’il était préférable de s’écarter au maximum sous peine de recevoir un éclat d’obus. La rue en elle-même était peu fréquentée car perpendiculaire aux axes principaux, aux larges avenues illuminées de toutes parts, là où les vitrines des magasins se faisaient presque un devoir d’irradier la rétine des habitants jusqu’à la cécité. À cet instant toutefois, ce qui brûlait les iris d’Enoch n’était rien de moins qu’une autre paire d’yeux, des yeux d’un rouge fou qui le transperçaient avec une joie féroce, semblant fouiller à l’intérieur de lui pour y dénicher – quoi ? il l’ignorait -, racler ses chairs, renverser ses organes, démolir l’ordre sage de son squelette, mettre sens dessus dessous cette anatomie qui n’avait rien demandé et qui se retrouvait mise à sac en un regard, si aisément, si violemment. Bientôt une brève rougeur humiliante vint remplacer sa pâleur terrifiée, un fard brutal en l’écoutant insulter Lou, la menacer sans retenue, avec juste ces deux rangées de crocs en travers de la face. Bien sûr qu’il avait peur ! Peur qu’il la blesse, qu’il l’abîme, qu’il la jette au sol et la piétine comme il savait si bien le faire ; peur qu’il la tabasse s’il découvrait sa nature, qu’il la viole, qu’il la tue ; peur de ne pouvoir agir, de ne savoir la protéger contre ce dingue, ce dément, ce démon. Peur pour elle plus que pour lui. Un iceberg dans l’estomac. D’une voix trop faible pour être perçue, il lâcha un « T’es complètement défoncé... » recouvert par l’injure fleurie de la rouquine qui, en dépit du courage qu’il lui avait fallu, s’y prenait sans doute de la pire façon qu’il fût. Ce type d’intimidation ne fonctionnerait guère avec un mec de la trempe du soldat.
Il crut, l’espace d’une seconde, que Jesse mettrait tout de suite sa menace à exécution. Qu’il n’attendrait pas pour appliquer sa sentence, que ce futur n’était qu’un présent dissimulé et qu’il comptait en faire la démonstration sur-le-champ. Son timbre mielleux, son sourire charmeur, ses pupilles enragées. Mais non. Il continuait avec des mots, toujours des mots, avec un effroyable mépris et un plaisir cruel, rappelant à Enoch ce qu’il n’aurait jamais pu oublier.

Pas besoin de cette farce pour s’en souvenir, cependant. Les images, les sons et les textures maculaient les parois de son crâne, elles en avaient fait leur demeure à la nuit tombée, bien avant que Lou ne fît son apparition pour y ramener la lumière et, en l’absence de la fée, revenaient volontiers en griffer les tunnels obscurs, pareils aux lacérations que laisse un chien sur le bois de sa niche. Le gamin vivait avec ça, avec ce qu’il avait provoqué, le rappel de cette douloureuse asphyxie qui l’avait vu s’évanouir sur le plancher de la baraque avant d’être réveillé à coup de pied dans le ventre. Il existait pourtant des raisons rationnelles à ce comportement que l’ancien militaire brandissait comme une perversion. Des justifications légitimes. Son érection ? Un réflexe biologico-mécanique causé par un afflux de sang. Les gémissements ? La souffrance mêlée aux difficultés pour respirer. Baiser à même le sol ? Il n’y avait pas de lit dans cette maudite maison – ah non, mauvaise explication. À croire que Jesse se délectait de ce mélange constant de colère et de honte qu’il avivait chez le petit Poucet ; qu’il se voulait sa mauvaise conscience, celle qui rôde toujours au coin d’une pensée, l’Ogre qui le rendait barge dès qu’il songeait à la forêt. Et Lou, la brave Lou, sa demoiselle des océans, qui ne devait pas tout comprendre de cet échange.

Pourtant, c’était bel et bien le blond qui les avait agrippés cette fois-ci, alors qu’il lui avait ordonné de tourner les talons à leur prochaine rencontre. C’était bel et bien le blond qui balançait sur la table ce sujet farouche, face auquel Enoch réagissait avec une éloquence de carpe suspendue à un hameçon. Ce dernier n’était pas venu le chercher. Il n’avait pas commis l’erreur de marcher dans son sillage, de prévoir son itinéraire ou de provoquer le destin. Il avait souhaité être seul, profiter de cette soirée en compagnie de la femme qu’il affectionnait, éclairer les murs de sa grotte grâce à l’éclat chaleureux qu’elle diffusait et lui demander si elle voulait bien de lui aussi longtemps que possible. Ou quelque chose du genre. Rien de plus. Sauf que c’était devenu impossible. Le tableau idyllique couleur marshmallow avait dégouliné sous les traits d’un vert poisse, d’un noir horreur, et il ne pouvait plus rien espérer que de se réveiller de ce cauchemar. À coup de pied dans le ventre, s’il le fallait. Même si tout, absolument tout, jusqu’à son propre prénom, ce prénom que Jesse se mettait à prononcer comme un brocard, ne servait qu’à l’ancrer dans cette réalité.
« Arrête, répliqua-t-il enfin, plus affirmé quoiqu’encore blême, avec un mouvement de fuite en arrière. Ne l’implique pas là-dedans, elle n’a rien à voir avec ça. On ne se connaissait pas. C’est du passé, tu sais, ce truc dont tu ne veux pas entendre parler, ce truc sans lequel tu te crois meilleur alors que tu...! » Le ton avait grimpé d’un cran soudain, incontrôlable, et Enoch referma aussitôt son clapet avant de franchir la limite, mordant sa lèvre en signe de coercition. Alors que tu n’es rien qu’un gros fouteur de merde. Mieux valait se taire que d’énoncer ce fait, aussi véridique fût-il. Question de survie.
« Dégage ou on prévient la milice. »
Un ultimatum bien fragile, car si les bracelets étaient probablement dotés d’un signal de détresse pour les agressions, il faudrait encore deux minutes aux Erasers pour rappliquer. Soit un délai suffisamment long pour qu’ils aient le temps de regretter cent-vingt fois leur décision, a fortiori si Jesse cachait une arme dans sa poche – hypothèse réelle à ne pas prendre à la légère. Tous rapides qu’ils étaient, les miliciens ne pourraient rien face à une carotide tranchée.
Ou arrachée avec les dents.
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evolve
Lou Sullivan

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28.07.16 20:22
Ce type est écœurant. J’aimerais que ses phrases me passent au-dessus de la tête, mais même celles qui ne me sont pas dédiées semblent m’arriver en pleine tête avec la violence d’un crochet du droit. Ses yeux rougis par ce qu’il a fumé un peu plus tôt et son sourire radieux me donnent des frissons. Comment Enoch a-t’ il un jour pu avoir affaire à lui ?
Ses mots me glacent, je préférerai ne pas entendre ce qu’il siffle. Je préférerais ne pas savoir, mais mon imagination trop fertile fait des siennes. Je ne peux pas m’empêcher d’envisager qu’il dit peut-être vrai, de visualiser la scène. Je ne veux pas que ses mots changent la vision que j’ai d’Enoch, et pourtant, je sais bien que ce sera certainement le cas. J’ai soudain envie de pleurer, j’aimerais le frapper jusqu’à ce que mes bras cessent de me répondre pour avoir rendu réel ce qui ne restait qu’une vague possibilité dans un coin de ma tête.

Enoch semble sortir de sa torpeur, haussant le ton, s’arrêtant d’ailleurs avant la fin de sa phrase. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Mais d’où ils sortent tous les deux ? Qu’est-ce qui est si important pour le blond qu’Enoch doive le taire ? Et puis… Franchement… Ok pour prévenir les erasers, mais je ne pense pas que ça l’impressionne beaucoup.


Les mots de l’agresseur tournent en boucle dans ma tête. Je m’étonne de la précision de ses souvenirs, qui, par la même occasion, font maintenant partie des miens. S’il hait autant Enoch que son regard le laisse deviner, alors pourquoi vient-il le chercher pour lui rappeler ce genre de choses ?
Et moi ? Pourquoi j’ai ce sourire qui nait au coin des lèvres ? Pourquoi j’en remets une couche ?

– Hé béh, je ne te croyais pas si accro…Lou, tais-toi… S’il te manquait tant que ça, tu pouvais appeler, c’est plus simple que d’agresser des gens dans la rue. Franchement, tais-toi ! C’est mauvais de rabâcher des souvenirs comme ça, tu devrais lâcher l’affaire, passer à autre chose…

C’est quoi l’expression déjà ? Don’t poke the bear ? Et moi qu’est-ce que je fais ? Je prends mon petit bâton et je l’enfonce encore et encore, inlassablement, entre les côtes de l’ours. Faudra pas que je vienne m’étonner si je me fais bouffer le bras. D’ailleurs, en y repensant… L’ours à l’air de porter bien plus d’attention à Enoch qu’à moi, je ne suis qu’un dommage collatéral, mais si je viens à trop l’emmerder, c’est peut-être bien le jeune homme qui en paiera le prix.
Je lance un coup d’œil à Enoch ? On ne devrait pas être ici. On devrait être tranquillement au restaurant, à rêver de quitter la ville pour parcourir le monde. Et au lieu de cela, on se retrouve dans un coupe gorge avec un dingue. Je me sens tellement désolée pour nous.

Je tire sur mon épaule, une, deux, trois fois. Mon manteau, pris entre mes mouvements saccadés et la poigne de fer m’immobilisant, s’entrouvre, laissant apparaitre la lueur déclenchée par cette sale rencontre avec ce sale type. Bah tiens, manquait plus que ça.
Un autre regard vers Enoch, comment on va se sortir de là ?
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burn the bitch down, I never will cross that bridge again
Jesse McMillan

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Jesse McMillan
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28.07.16 22:07
Quelqu’un, un jour, ailleurs, avait déjà dû dire aux deux oiseaux rares de ne pas jouer avec le feu, de ne pas réveiller le monstre tapi qui dort. Lui-même, dans une autre vie, avait dit au fantôme de son passé de ne pas le faire. Mais qu’importe – il y avait toujours ce besoin de faire remonter à la surface ces bulles de haine et de colère. Il y avait toujours une allumette à craquer pour allumer le brasier de ressentiment qui avait élu domicile depuis bien trop longtemps au creux des entrailles du blond. Et maintenant qu’il avait rallumé ces fragments de passé qui s’accrochaient aux réflexes du blond, l’autre se plaignait qu’il l’ait approché ? C’était son monde à l’envers ; il aurait dû se sentir tellement tellement flatté qu’il lui accorde cette attention pour laquelle il se serait damné quelques jours ou était-ce quelques semaines, quelques mois plus tôt. Et en attendant, il avait voulu superposer une autre présence à la sienne, quelqu’un de tellement plus doux, tellement plus parfait, tellement plus gentil que lui, mais après tout qui avait qu’il devait être doux, parfait et gentil, qui avait le premier commencé à poursuivre l’autre, qui avait le premier ouvert la porte à ce qui était devenu, la seule chose qu’ils étaient l’un pour l’autre aujourd’hui ? Mais il ne lui en voulait même pas, après tout c’était tellement normal, tellement dans la nature du petit poucet que de chercher ses petits cailloux blancs par peur que le grand méchant loup ne vienne le dévorer.
 
« Et moi ? Je ne te connaissais pas et pourtant tu t’es ramené ? J’avais fait quoi pour que tu viennes foutre le bordel, hein ? La seule chose que tu avais à faire était de tourner les talons et de partir, mais non, t’as voulu jouer au héros, à celui qui viendrait me sauver ! » Il éclata de rire, bruyamment, sauvagement ; rejetant ses cheveux blonds trop longs en arrière, savourant le bonheur de sentir ce rire gonfler dans son estomac pour être rejeté sans douceur. C’était bon, si bon. L’existence de ses malheurs prenait source dans ce passé qu’il ne parvenait plus à mettre de côté. Il avait tout, tout cassé, tout brisé. « Le truc dont je veux pas entendre parler ? Mon passé ? A quoi bon ? Le présent est tellement, tellement plus important tu sais ; là tout de suite maintenant, savoir si je fais pleurer toi ou ta chérie en premier, si tu m’emmerderas avant elle. » C’était tellement plus simple, après tout. « Ou alors cette fois où on a soi-disant déjà baisé et qui existe que dans ta tête ? » Il ricana. Encore. Puis la fille parla encore et l’envie de serrer son joli cou blanc le prit aux tripes – mais il lui sourit, encore, presque doucement, comme s’il tentait de l’amadouer alors que son discours tenait un tout autre langage. « Chérie, chérie… Sois une gentille potiche, laisse les grandes personnes discuter entre elles. A moins que tu ne veuilles vraiment que je ruine le mur avec ta tête ? » La main glissa légèrement, remontant un peu vers la nuque. Doucement. Juste assez pour être menaçante. Revenons au sujet. Ah oui, la milice. Il lui adressa un regard presque navré. « C’est tout ce que tu as ? La milice ? Me fais pas rire… T’as pas eu le cran de l’appeler la dernière fois. Un hurlement et c’aurait été fini»
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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28.07.16 23:32
Il le détestait si fort, si fort que c'en était douloureux. Si fort qu'il ne parvenait pas à détacher ses pensées de lui, à ramener sa conscience vers des rivages plus clairs, des littoraux moins escarpés. Chaque fois qu'il ouvrait la bouche pour répliquer, il prenait le risque de voir ses paroles lui échapper, ses émotions courir plus vite que sa raison et, s'il ne se refrénait pas à temps, de prononcer des sentences qu'il ne pouvait que regretter. Il le haïssait si violemment. Un sentiment viscéral, tapi au creux de ses entrailles, une pulsion sauvage attisée par l'impudeur avec laquelle Jesse déballait leurs histoires communes, cet épisode honteux inscrit sur le parquet crasseux d'une bâtisse en ruines. Et voilà que l'ancien militaire se plaignait, maintenant, qu'il jouait les vilains sans attache, les parias orgueilleux ; ne pas être sauvé, ne pas attirer la bonté des imbéciles, honnir cet innocent stupide qui lui avait fait l'affront de s'intéresser à lui, de vouloir réaffirmer ce lien entre eux, ce lien d'une époque révolue, d'un monde disparu. Plus rien ne tournait rond, ici. Tout partait en losange, en parallélépipède rectangle, tout se cognait dans des angles pas droits et son cerveau se liquéfiait sous une pression brûlante.
Il y a tant de choses qui n'existent que dans ta tête, Enoch... Oh, cette voix. Cette griffure dans l'encéphale. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas entendue ? Son regard échoua sur Lou qui s'était débattue, découvrant l'éclat lumineux dans sa poitrine. Comme s'ils n'avaient pas déjà d'inquiétants problèmes à régler, ce brusque déclenchement trahissait non seulement l'état émotionnel dans lequel se trouvait la rouquine – mais cela, tout le monde était en mesure de le constater de visu – mais leur indiquait surtout que, en cas d'activation prolongée, l'Evolve se retrouverait incapable de tenir debout. Et ça, c'était dangereux. Vraiment dangereux. Les choses s'étaient envenimées si brutalement... En moins d'une minute, la soirée entière avait basculé en un champ de bataille dont l'issue n'était guère prévisible, guère enthousiasmante d'ailleurs, et le gamin sentit son cœur se mettre à tourner, tourner, tourner, à hoqueter, tantôt vidé de son sang, tantôt excité jusqu'à la chamade, une machine partie en vrille, entraînant dans son sillage la netteté de ses sens.

Ses tympans vibraient au son des mots qui martelaient sa cervelle ; sa vue se brouillait sous les assauts de la nausée ; un goût de sang emplissait sa bouche sèche. La peur, la peur, encore, toujours. Avec cette présence au fond de lui qui faisait son grand retour, toujours aussi malsaine, mesquine, prompte à l'incendier pour sa faiblesse et à l'inciter à la haine. Lui est puissant, disait-elle, lui te domine sans peine, il lui suffit d'un mot pour que tu courbes l'échine comme un clébard pouilleux. Ce n'est pas comme ça que l'on protège les gens qu'on aime, tu sais, misérable cloporte, médiocre pantin. Il te faut frapper, frapper jusqu'à perdre le compte, sinon tu sais ce qui arrivera ? Oui, tu sais. Ton joli papillon, ton adorable chatte, elle se fera tordre le cou. Crac !
Fut-ce le bruit du craquement des vertèbres qui brisa son immobilité ? Fut-ce un mot de trop, le dernier – fini – comme une promesse qu'il désirait saisir ? Ou fut-ce de voir que Jesse ne s'arrêtait pas de toucher Lou, qu'il la menaçait avec de plus en plus d'intention ? Qu'importe la justification. Quelque chose cassa dans son torse. Un boulon, peut-être. Une durite. Un câble. Un truc. L'instant d'après, il sautait au col du soldat en hurlant « Espèce de taré !! », lui saisissait le col et, de son autre main, il envoyait son poing cogner par-dessous le menton de celui-ci, droit dans la mâchoire. Le choc le fit grimacer, car pour n'avoir jamais frappé quelqu'un auparavant, ses phalanges accusèrent le coup avec douleur, mais cela ne l'arrêta pas. Profitant de la surprise, il appuya davantage là où il tenait le blond afin de le faire reculer, lui assénant un nouveau coup, au visage cette fois-ci, puis un autre, puis encore un autre, et encore. Et tant pis s'il ne lui faisait pas assez mal, tant pis s'il ne possédait pas assez de force pour le mettre au tapis et qu'il ne pouvait espérer sonner son adversaire ; il essayait au moins de lui faire lâcher prise. Libérer Lou était l'unique objectif de cette technique kamikaze, pas du tout préparée, un peu ridicule sur les bords et hautement dangereuse. Il interrompit d'ailleurs son geste pour s'adresser à elle, alors que la fatigue s'emparait déjà de son bras attaquant et que la décharge d'adrénaline l'assommait à moitié.
« Va-t'en, vite ! Cours ! »
Et pour tout le reste, tant pis.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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22.08.16 19:27
Le ton, le sourire, la posture de ce type, tout cela est tout bonnement répugnant. J’ai beau tenter de ne pas prêter attention à ce qu’il dit plus qu’à ce que dirait un de ces fous qui hurlent dans la rue en s’adressant aux pigeons, ses mots se frayent inévitablement un chemin dans mon crâne, ternissant malgré moi la pourtant si belle image que j’ai d’Enoch.
Sa main remonte sur ma nuque, je ferme les yeux pour ne plus voir son fichu sourire. J’ai l’impression d’être une pauvre gamine entre les griffes du croquemitaine. J’aurais beau fermé les yeux aussi fort que je le peux, j’aurais beau serrer mes bras autour de moi, me terrer sous la couette, me bercer en me susurrant des mots rassurants, je continuerai à sentir sa présence, une aura pour le monstre sous le lit, une main à la naissance de mes cheveux pour ce fou dangereux.

Je sens la lumière brûler dans ma poitrine, mon cœur battre si fort qu’il m’en ferait presque mal, et tout comme notre dingue, mes yeux sont rougis lorsqu’ils se rouvrent pour chercher le visage d’Enoch. Qu’est-ce qu’on a fait pour se retrouver dans cette merde ? On… ? Qu’est-ce qu’IL a fait pour NOUS foutre dans une merde noire ?

J’ai à peine le temps de finir de me formuler cette question affreusement égoïste qu’Enoch saute au cou de notre agresseur. Je lâche un cri de surprise, ne comprenant pas ce que je vois. Lui et son micro-gabarit faisant voler ses poings sur le visage du blond.
Je ne me reprends que lorsqu’il m’ordonne de courir. Pendant une fraction de seconde, je me demande si je ne devrais pas écouter ce qu’il me dit et juste prendre mes jambes à mon cou, mais il faut croire que je ne peux pas me résigner à l’abandonner ici, entre les griffes de ce malade.

Le temps de l’arracher à ce combat perdu d’avance, tirant sur son bras quitte à lui déboiter l’épaule s’il n’est pas assez prompt à me suivre, je colle ma main sur les yeux du blond, y faisant affluer autant de lumière qu’il m’est capable de produire pendant ces quelques secondes. Avec un peu de chance, il sera éblouit suffisamment longtemps pour que l’on puisse gagner une certaine distance de sécurité.

« Vas-t’en, vite ! Cours », les mots d’Enoch résonnent dans ma tête autant que mes talons sur les pavés, saleté de pompes à talons, c’est bien ma peine. Je cours sans encore savoir vers où, serrant d’une main mon manteau sur ma poitrine pour dissimuler ma lumière, de l’autre le bras d’Enoch, m’y accrochant comme si ma vie, ou la sienne, en dépendait.
Je sens des larmes rouler sur mes joues alors que je nous guide en dehors de la ruelle. J’hésite. Passer par la grande artère nous ralentirait dans notre fuite, mais on pourrait se noyer dans la foule. Emprunter les petites rues nous permettrait de prendre plus de distance plus rapidement, je connais le coin, mais si ça se trouve, le blond également. Dans le doute, je préfère éviter les coupes gorges et opte pour la fuite dans la foule.
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burn the bitch down, I never will cross that bridge again
Jesse McMillan

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02.09.16 14:01
Il le sentait, là, tout au fond, bouillonnant paresseusement, emplissant de son amer goût de cendre le reste de son être ; cette boule de haine, cet écrin de colère qui ne demandait qu’à exploser, encore un peu, encore un peu plus ; il le sentait là, quelque part, cet amas de haine et de ressentiment qui prenait source du plus profond, gravé dans sa chair, écrit dans ses os, comme une malédiction qui lui était spécialement destiné ; cette ire qui ne ciblait que lui, que ce garçon dont le seul tort avait été d’exister, de lui adresser la parole un jour pour une question sans importance, dans un souvenir qui n’existait plus que dans une mémoire morte, ce garçon qui avait cru bien faire en passant le pas de la porte d’une pharmacie, qui pensait qu’à sauver l’Ogre il gagnerait le droit de sauver les restes effilochés du passé ; ce garçon qui avait oublié ce qu’était le blond, ce pour quoi il vivait, ce dont il était capable et se redécouvrait aujourd’hui possesseur, cette haine qu’il vouait au monde et à ses semblables, ces torrents de rage qui pulsaient au fond de ses veines, faisant se serrer ses poings et hurler son sang. Une autre vie, un autre temps, d’autres gens ; peut-être aurait-il été capable de construire quelque chose. Mais aujourd’hui, il n’était bon qu’à détruire ce que les autres avaient pris le temps et l’amour de construire.

La fille ne l’intéressait pas, ne l’avait jamais intéressé ; elle n’était qu’un pion dans ce jeu de dupes, même si la tentation de la faire pleurer, de la faire souffrir, de l’abimer à jamais était plus forte que jamais, parce qu’après tout, c’était bien le moyen le plus efficace de faire du mal à l’insecte qui avait fait irruption dans sa vie et qui se la jouait désormais sainte-nitouche pour être en paix avec sa conscience ; il n’aurait de cesse de le rendre misérable que jusqu’au jour où l’autre reconnaîtrait qu’il était la cause de ce gâchis qu’ils avaient construits à deux, que s’il avait sagement joué son rôle de gratte misère et était resté hors de son chemin, rien de tout ça n’aurait eu lieu. Non, il avait préféré s’approcher trop près, venir à portée de ses crocs, déchirer sa chair et mordre son cou si blanc, le faire pleurer, le faire saigner, le salir de l’intérieur et de l’extérieur, le marquer à jamais comme du bétail, le marquer comme mien, comme un foutu jouet, un jouet débile, un jouet cassé mais à moi moi moi moi moi. Il put voir le moment exact où le gamin craqua, où l’autre se laissa aller à sa colère et à sa haine, à tout ce qu’il appelait du plus profond de son être, écho à ce qu’il portait chaque jour à fleur de peau, au bout du cœur. Un poing s’écrasa sur son visage, une fois, deux fois, trois, quatre fois ; la prise se détacha légèrement du cou de la fille, comptant sur la lâcheté naturelle pour qu’elle fuit et les laisse mettre les scores à nul. Toutefois, il n’avait pas compté sur l’attachement ; plutôt que de fuir, la fille décida de tirer son dulciné à elle, plaquant sa main sur ses yeux à lui ; si au début il songea à rire de la stupidité de la tentative, ce fut un hurlement qui lui échappa tandis qu’une lumière éblouissante lui ravageait la rétine. « Putain de merde ! Salope ! » Sa main brassa le vide, tentant d’attraper une épaule, un bras, des cheveux. Mais rien. Le vide. Le noir. Et juste lui. Insultant.

Il ouvrit les yeux quand même, grognant de douleur tandis que les cellules sensibles mourraient lentement, sa vision se brouillant, se troublant, les larmes en cascadant tout ça à cause de cette pute, cette salope, j’aurai dû lui écraser la gueule contre le mur tout à l’heure, la faire taire, j’vais la tuer, cette connasse tandis qu’il apercevait à travers ses larmes un tourbillon roux disparaitre à l’autre bout de la ruelle. Elle allait s’échapper, il allait s’enfuir et ne pas payer pour ses crimes, c’était inadmissible, inadmissible, j’vais le retrouver, j’vais lui faire payer, j’vais le faire chialer comme il a jamais chialer, il suppliera que j’la cogne elle plutôt que lui inconcevable ; il se jeta à leur poursuivre à travers les larmes et la douleur, l’idée focalisée sur elle, sur ce qu’elle lui avait fait, sur ce qu’il allait lui faire pour le lui faire payer, pour le lui faire regretter.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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04.09.16 22:27
Tout lui avait échappé. Son calme, sa patience, son langage et son esprit. Tout était parti en fumée, envolé, annihilé derrière un mur de haine et de terreur, une insurmontable vague d'effroi qui l'emportait au large, ce flux inextinguible qui le soulevait pour mieux le projeter sur les rochers, sur les récifs où il fracasserait son squelette en myriades d'éclats. Disparu, le doux fantôme. Enfui, le gamin timide. Ne restait qu'une pelote de nerfs à vif, une névrose sur pattes, aussi agressive qu'épouvantée. Ses poings tremblaient encore des coups qu'il venait d'asséner à Jesse, et si Lou ne lui avait pas à moitié arraché le bras pour l'entraîner avec elle, peut-être aurait-il continué jusqu'à ce que sa vue se brouillât entièrement, que son poignet se rompît sous l'effort ou que l'ancien militaire, en ayant marre de ces chiquenaudes désagréables, ne lui eût écrasé le sternum en un seul impact. Mais voilà, la rouquine avait choisi de ne pas fuir en solitaire – une décision discutable – et de faciliter leur évasion grâce à son pouvoir ; comment avait-elle réussi à l'utiliser avec tant de précision et de ponctualité, il n'était guère important de le savoir tout de suite. Ce miracle pouvait bien attendre un moment plus paisible pour se résoudre, surtout qu'il était plus qu'aisé de comprendre que les émotions qui l'habitaient à cet instant justifiait sans mal cette efficacité. Maintenant, courir. Ne rien faire d'autre que courir pour leur vie, sans exagération aucune, courir pour leur survie, pour ne pas finir en bouillie d'humain, en marmelade d'Evolve.

Par réflexe, Enoch avait attrapé la main de sa fée rousse, celle qui s'était brillamment allumée et qui diffusait à présent une chaleur inhabituelle, à la manière d'un radiateur contre lequel il aurait collé sa paume – pas une température humaine, mais qu'importe. Elle pouvait bien prouver qu'elle était un extraterrestre, elle venait de leur sauver la mise et, par la même occasion, de leur infliger la pire des malédictions. Courir, loin, le plus loin possible, quand bien même le garçon aurait aimé faire taire le blond, obliger ce connard à ravaler ses insultes, cet enfoiré de sa race – mais qu'est-ce qui lui avait pris de lui adresser la parole la toute première fois ? Qu'est-ce qui était passé dans son putain de cerveau détraqué pour qu'il ne prît pas déjà la poudre d'escampette en 2012, alors qu'il ne le connaissait ni du Diable ni d'Adam, que rien au monde n'aurait dû les pousser à se rencontrer, et leur existence à tous les deux s'en serait trouvée éclaircie ? Bien sûr, c'était trop tard pour les remords. Le mal était né, irrépressible. Annuler le passé n'était qu'une entreprise vouée à l'échec, et pourtant. Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour effacer cette minute, cette seconde où son destin avait basculé pour devenir ça, cette fuite éperdue dans laquelle il s'était précipité, et Lou avec lui, le clac clac clac de ses talons comme un compte-à-rebours morbide.  

Il voulait revenir en arrière. Il voulait effacer cette erreur, étouffer sa culpabilité. Il voulait protéger son Renard, dût-il pour cela n'avoir jamais croisé sa route, n'avoir jamais été heureux en sa compagnie, et tirer un trait sur leurs sentiments. La foule autour d'eux ne suffirait pas ; aucune muraille ne serait jamais assez puissante pour les défendre contre la rage de Jesse. Ils étaient forcés de bousculer ceux qui ne s'écartaient pas assez vite, provoquant interrogations et réprimandes dans leur sillage sans néanmoins s'y attarder – pas le temps d'expliquer, pas le temps de s'excuser. Personne ne comprendrait, de toute manière. Ils devaient sauver leur peau, et pour cela faire fi de la politesse. De surcroît, l'énergie nécessaire à leur débandade consommait ses brassées d'oxygène, de sorte qu'Enoch sentait ses poumons s'embraser au fur et à mesure de leur progression, d'abord irrités, lacérés, brûlés de l'intérieur par la pression brutale qu'il leur imposait. Encore cinq minutes à ce régime, et il terminerait par terre.
« À gauche, le tram ! » finit-il toutefois par crier en apercevant, alors qu'ils se déplaçaient le long de la grand'rue, le tracé fluorescent, inscrit en perpendiculaire, qui annonçaient le passage du métro souterrain. C'était de loin la meilleure solution qui lui était venu en tête, car il ne savait que trop bien que rien n'arrêterait Jesse s'ils demeuraient à portée de sa colère – ni la milice ni le moindre refuge imminent ne constitueraient un abri sûr. Ils devaient disparaître de sa vue. Le plus vite possible. Et pour ce faire, quoi de mieux que les transports en commun ? Les quais étaient libres d'accès, la validation se faisant une fois monté dans les voitures, si bien qu'ils pouvaient se planquer dans un coin, derrière une paroi publicitaire ou un distributeur de snacks, le temps que le train n'arrivât. Une échappatoire, enfin.
Ils n'avaient plus qu'à s'engouffrer dans les escaliers et prier.

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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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20.09.16 20:45
Courir, vite, sans se retourner, ne pas prêter attention aux menaces proférées par le blond dans notre dos. Je ne sais pas concrètement de quoi ce type est capable, mais vu la tête que tirait Enoch face à lui, sa colère n’augure vraiment rien de bon.
Les doigts serrés autour de ceux de mon compagnon de fuite, j’essaie de trouver une solution. Mes yeux parcourent la foule, cherchant les chemins les plus courts, les plus libres. Entrer dans un magasin ? Ca n’arrêterait pas le type, il n’a surement rien à faire de la présence de témoins potentiels s’il veut nous démolir.
J’entraine Enoch entre les groupes de badauds qui ne se doutent pas une seconde de ce que nous sommes en train de fuir. J’ai chaud et l’impression que ma cage thoracique va exploser à chaque nouvelle respiration.

La voix d’Enoch me parait lointaine lorsqu’il me désigne le passage souterrain menant au tram. Il suffirait effectivement que l’on grimpe dans une rame, avant le fou furieux, ça nous permettrait de prendre de la distance, de se perdre dans les réseaux courant sous terre. Il sait peut-être où habite Enoch, mais une fois la distance prise, il nous serait possible d’aller se planquer chez moi.
Ecoutant son idée, je m’engouffre dans le passage menant au tram, descendant les escaliers à la volée, ralentissant à peine lorsque ma cheville se dérobe sous mon poids à la dernière marche.

J’entraine Enoch à ma suite, bifurquant vers la direction qui me ramène vers mon quartier, force de l’habitude certainement. Sur le quai, le prochain tram est annoncé dans une minute. Une longue minute… Poussant le fantôme derrière un distributeur de boissons, planque acceptable le temps de patienter, je lui lâche la main, pose les miennes sur mes cuisses, et me plie en deux pour reprendre ma respiration. Ma gorge brûle, mais je me suis éteinte sans même y penser. J’ai l’impression que ma peau se consume, tire, craquèle. Ma vision se trouble et je tremble comme une feuille. Il ne manquait plus que ça.

Attrapant le jeune homme par l’épaule, plongeant mon regard embué de larmes dans celui d’Enoch, je murmure pour ne pas attirer l’attention.

– Mais c’est qui ce type ?

Toujours haletante, je n’ai pas le temps d’attendre une réponse, le tram arrive. Il nous faut maintenant traverser le quai, espérer que le dingue ne soit pas arrivé entre temps, et disparaitre dans la rame avant que les portes ne se ferment.

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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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30.09.16 19:57
Tac tac tac, les talons de Lou, et boum boum boum, les battements de son cœur, la métrique saturée, les pulsations perturbées, bam bam bam, le sang à ses tempes et dans ses artères, flux qui s'emballe et qui vrille tel un fou. Il court comme il n'a sans doute jamais couru, la vision trouble, blanchie, sans savoir où le mèneront leurs pas, juste courir, sa main dans celle de la fée, et le soir tombant autour d'eux disparaît lorsqu'ils pénètrent les souterrains de la ville. Le ciel rosacé du crépuscule cède la place à des plafonds aux néons blafards, à un carrelage ni fait ni à faire et à des parois jalonnées de publicités vantant les mérites d'un dentifrice intelligent ou de la dernière voiture automatique ; sa vue est tellement floue qu'il peine à distinguer les typographies. Suivre la flamme devant lui, ne pas la perdre sinon c'est perdu, et ne s'arrêter que lorsqu'elle le jette à moitié derrière un distributeur, là où il se plaque contre le mur dans l'intention de s'y fondre, en vain. Ce serait bien. Traverser la brique, disparaître dans le béton. Se cacher jusqu'au lendemain en essayant d'oublier ce qui vient de se produire et dont ils ne reviennent toujours pas.
Les jambes désormais immobiles, tous les deux peinent à retrouver leur souffle, l'une pliée par-dessus ses cuisses, l'autre avec ses genoux imitant les castagnettes, et leurs gorges sont certainement aussi sèches l'une que l'autre. Et alors même qu'il sait très bien que c'est la main de Lou sur son épaule, Enoch sursaute à ce contact comme s'il s'agissait d'une horrible nouvelle. La brillance dans ses yeux bleus trahit sa violente émotion. Impossible de s'y tromper – leur course n'est pas seule responsable de son état. Ha, il est beau le mâle, quand ce n'est qu'un mâle de chien ! Tu n'es même pas capable de tenir tête à un mec shooté jusqu'à l'os, tu te tires la queue entre les jambes et tu précipites tout le monde dans ta merde. Si j'étais elle, j'me serais barré depuis longtemps – comment fait-elle pour te supporter ? C'est pas comme si tu avais la moindre qualité, t'es qu'un pervers bouffé de vers et ça se prétend innocent ? Nah, tu m'la feras pas à moi, je vois clair dans ton jeu, sac à puces, sale cabot. Rentre chez toi et chiale, c'est bien tout ce que tu es capable de faire. Et je te consolerai. Juste toi et moi, en souvenir du bon vieux temps, hein, qu'est-ce que t'en dis ?
Absolument rien. Il ne disait absolument rien, ni pour répondre à la question de la rouquine ni pour chasser ses noires pensées, l'esprit bloqué sur l'indicateur pour le prochain tram.

Le bruit de la machine remplit les cavités, les portes s'ouvrent et une volée d'étrangers sort de toutes parts pour se répandre sur le quai. Pressé de les mettre à l'abri, le garçon a cependant l'impression de traverser d'une tranchée à l'autre durant la Première Guerre mondiale lorsqu'il s'avance vers la rame, guettant l'obus qui s'écrasera à deux pas de lui pour lui déchiqueter les muscles, la bombe Jesse qui lui explosera entre les doigts quand il s'y attendra le moins.
« Plus tard, d'abord il faut le semer... »
C'est prononcé avec presque de la lassitude. Oh, il n'est pas impatient de révéler à Lou le statut de ce « type », quand bien même il sait qu'il devra le faire, ne serait-ce qu'en dédommagement ; elle a le droit de connaître tout ce qu'il pourrait la protéger un peu plus de ce monstre-là, d'apprendre à se méfier de lui comme de la peste et, indubitablement, de mépriser Enoch pour l'avoir fréquenté à un moment de son existence. Parce qu'il est évident qu'elle ne pourra pas continuer bien longtemps de le considérer comme ce jeune homme discret et rêveur qu'il montre en sa présence. La vérité éclatera ainsi que la grenade et il ne sera en aucun cas épargné par le blast. Mais il ne veut pas en parler, pourtant, il a peur de le faire, de découvrir sa réaction quand elle saura qu'il est plus coupable qu'il n'en a l'air. Il a honte de lui, aussi. C'est comme si on l'écorchait vif et qu'on l'exhibait au vu et au su de la planète entière. Bête de foire, abject animal. Comment en réchapper ?
Les portes coulissantes enfin se referment et la rame les emporte, engloutie par les tunnels obscurs de Madison. Il y a peu de monde dans les wagons, la station à laquelle ils sont montés étant le cœur de ville, là où se déversent la majorité des usagers ; ces circonstances autorisent le couple à s'installer sur des places assises – de quoi soulager un chouïa leurs mollets. Plus navré qu'épuisé, le fantôme baisse ensuite la tête en se tournant vers Lou, n'osant plus la toucher de la moindre façon bien qu'il aimerait la serrer contre lui, et ses phalanges se tordent les unes contre les autres tandis que les mots lui lacèrent la langue :
« C'est compliqué. Il s'appelle Jesse et il vient du passé lui aussi, mais il l'a oublié. Il ne se souvient plus de rien. Si tu l'aperçois, tu dois fuir. Ne réfléchis pas, garde toujours le plus de distance possible entre toi et lui. C'est vital. Promets-moi que tu le feras. »
Certes, il n'a guère répondu à l'interrogation, mais il s'inquiète trop pour l'intégrité de l'Evolve pour digresser sur la personnalité de l'Ancien, sur les motifs de sa brutalité ou sur ses accès de violence ; elle a dû s'en rendre compte toute seule, qu'il est fou, fou dangereux, qu'il a un croc contre Enoch – voire une dizaine – et qu'il est inutile d'essayer de le ramener à la raison. Les chacals se fichent de la raison. Ils mordent. Et une fois qu'ils ont refermé leur gueule sur leur proie, ils ne la lâchent plus.
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Lou Sullivan

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07.10.16 18:52
Pas de réponse… On est à deux doigts de se faire déchiqueter à coup de dents et d’ongles par un dingue, si je ne crève pas avant – pas gagné étant donné le rythme auquel bat mon cœur dans ma poitrine – et Enoch qui reste silencieux, les yeux visiblement rivés sur le décompte avant le prochain tram.
J’ai envie de le prendre par les épaules, de le secouer, d’hurler que j’ai le droit de savoir pourquoi j’ai eu l’impression qu’on allait me rompre le cou ce soir, pour quelle raison on avait risqué notre peau, pourquoi j’ai dû me taper un sprint en talons au milieu de cette foule de passants qui n’avaient pas la moindre idée des enjeux qui nous poussaient à nous époumoner ainsi. Mais non, au lieu de cela, je reste blême et tremblante devant lui, le transperçant d’un regard assassin, comme si ça pourrait le faire parler.
De toute façon, il s’est trouvé une échappatoire, le tram arrive, les portes s’ouvrent, la rame vomit son flot de passagers sur le quai. Il a d’ailleurs raison, mes réponses attendrons, mais je suis frustrée et épuisée, atteindre l’autre rive me semble être une épreuve de plus. Nous nous engouffrons dans le tram, les portes finissent par se refermer, notre agresseur ne fait visiblement pas parti des voyageurs.

La rame est presque vide, nous avons la place de nous assoir. Je valide mon abonnement de transport d’un geste machinal, la force de l’habitude, et me laisse tomber sur le siège en face d’Enoch. Tête baissée, il fait semblant de répondre à ma question, tournant autour du pot, me mettant en garde, refusant de me dire ce que je voudrais savoir.

- Il a oublié mais il semble bien se rappeler que quelques trucs te concernant…

Amer, j’enfonce les mains dans les poches de mon manteau, rentrant ma tête dans mes épaules, m’enfonçant dans le siège et ruminant ce qu’il vient de se passer.
La pression retombe, la peur et la colère se battent pour le premier rôle dans la cohue de sentiments qui m’envahie. Je me mets à sangloter, essayant au fur et à mesure mes larmes d’un geste rageur. Ce n’est ni le lieu, ni le moment, mais ce début de soirée était de trop. Et puis, j’ai mal, partout, j’ai l’impression que mes muscles se tétanisent, que ma peau va se déchirer, que ma température corporelle est anormalement élevée, que les douleurs d’estomac ne vont pas tarder à revenir. En parlant d’estomac, j’ai une sacrée dalle, mon ventre se met à gargouiller. J’ai juste envie d’une douche et de m’écrouler dans mon canapé avec quelque chose à me mettre sous la dent, et peut être de finir de pleurer toutes les larmes de mon corps pour faire baisser la pression.

Je me sens en colère contre Enoch, et en même temps, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une folle envie de le serrer contre moi, parce qu’il a sauté au cou d’un forcené pour me libérer, parce que c’était certainement bien pire pour lui que pour moi, parce que j’ai envie qu’il me réconforte.
J’essuie à nouveau les quelques larmes qui coulent sur mes joues d’un revers de manche avant de prendre les mains du jeune homme dans les miennes, faisant jouer ses phalanges entre mes doigts.

– Tu ne t’es pas fait mal ?

J’observe ses mains sous toutes les coutures, préférant analyser les hypothétiques blessures sur sa peau que de croiser son regard.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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08.10.16 11:53
Elle lui en veut, c'est clair. Plus clair que de l'eau de roche, plus clair que le bleu de ses yeux doux lorsqu'elle les posait sur lui et qui, maintenant, ne projettent qu'un blizzard féroce dont il essaie maladroitement de se cacher. Elle lui en veut et c'est légitime, il le sait, alors que toute la honte et toute la désolation qu'il ressent ne suffiraient pas à ce qu'il soit pardonné. Par sa seule faute, sa seule négligence, il l'a mise en danger de mort – et ce mot n'a rien d'exagéré – sans qu'il ne puisse la protéger d'une quelconque façon. Inutile et impuissant, pathétique, répète la Chimère, ravie de savoir sa marionnette encore plus navrante que ne le sont les aubes rimbaldiennes. Et lui s'enfonce dans ces remous poisseux, il surnage tant bien que mal entre une vague terreur et un flot panique, ourlé d'une écume rageuse qui se dissipe si tôt qu'elle s'est formée. Parce que Lou est là, transie d'effroi, elle n'a sans doute plus la force de lui crier dessus même si c'est probablement ce qu'il faudrait faire pour sortir le garçon de cette torpeur affolée dans laquelle il vient de se réfugier, de se blottir en espérant que le reste du monde disparaîtra s'il ferme les paupières assez fort. Mais non. Il n'y arrive pas ; demeurent le ronronnement gourd du tramway, le souffle métallique de la ventilation, le salmigondis des conversations autour d'eux et les paroles de la fée sur sa banquette, si vraies, si justes, incisives malgré elles, qui enfoncent leurs griffes dans le cœur du fantôme.
Quelle erreur avait-il accompli en apportant des souvenirs là où il n'en avait plus ! Quelle aberration que de combler un vide serein, un néant paisible qui les aurait éloignés à jamais l'un de l'autre, Jesse et lui, et entre leurs corps qui ne se rencontreraient plus, la promesse d'une vie ordinaire, hors de portée du danger. Il faut croire que c'était trop beau pour être possible. Qu'envisager une telle issue aurait trop dépité l'Ancien ; à reculons, il ne comprenait toujours pas pourquoi il y était allé. Pourquoi il avait tenu à se montrer, à se brûler, à se salir – rien que pour ça.

Puis Lou laisse échapper ses sanglots, et c'est encore pire. Elle qui prouva sa fierté, sa bravoure en ripostant contre les assauts de son agresseur, maintenant se recroqueville autour de sa douleur, petite pelote rousse et frissonnante, les joues rougies par la tempête de sentiments qu'elle doit endurer à cet instant, pendant qu'Enoch hésite entre se détourner pour respecter ses larmes ou bien la serrer contre lui afin de lui assurer son soutien. Médiocre soutien, d'ailleurs. Il doute que cela soit utile d'une quelconque façon ; les circonstances quémandent un super-héros, pas un nabot incompétent, encore trop timide pour ne pas être gêné lorsque la fille de ses rêves lui attrape les mains. Sur l'ourlet de ses manches, il remarque la mince tache humide, là où elle a écrasé ses pleurs, se mord la lèvre, referme ses doigts sur ceux de la rouquine, rage en silence. Après tout ce qu'il lui est arrivé par sa faute, elle trouve encore la délicatesse de s'enquérir de son confort, d'inspecter son épiderme à la recherche de marques ou de plaies bénignes, ignorant que la souffrance se cache ailleurs – dans la contraction de ses nerfs, dans le frémissement de son torse.
« Lou..., appelle-t-il comme à travers une gaze épaisse. C'est toi qui dois avoir mal. »
Et pour cause, c'est elle qui a utilisé son pouvoir pour les tirer d'affaire. C'est elle qui a invoqué son don à la rescousse, dusse-t-elle en endurer le contrecoup ; si elle n'affichait pas une telle détresse, peut-être le jeune homme lui aurait-il reproché de tenter de camoufler ses propres maux, de s'effacer devant lui. À la place, il compatit, se renfrogne en se maudissant et, incapable de résister plus longtemps à son désir, attire Lou contre lui tout en se calant contre la paroi de la rame. La posture a beau être désagréable, il garde son bras autour des épaules de la fée, l'autre glissé le long de ses côtes, à demi-prisonnière de l'étreinte qu'il souhaiterait n'avoir jamais à rompre, parce qu'il fait si bon de sentir sa chair d'alouette palpiter contre la sienne, son visage dans la chevelure de flamme, si doux qu'il en oublierait presque les raisons de son geste. Il prend alors une profonde inspiration, abandonne un soupir qui l'est tout autant et, les phalanges serrant le manteau qu'elles enlacent, murmure ainsi que l'on ferait pour un adieu :
« Je suis tellement désolé que tu aies eu à supporter cela, que tu te sois retrouvée mêlée à cette histoire. Je répondrai à toutes tes questions dès que nous serons en sécurité, c'est promis. Même si... » Un temps. Il voulut s'enfouir davantage parmi les mèches chatoyantes qu'il respirait. « Même si tu dois me détester ensuite. » Parce que, à ses yeux, il était évident qu'il ne pouvait en être autrement. Il s'y préparerait. Il se préparerait même à ce qu'elle décide de ne plus le revoir – pour la protéger, il y était déterminé.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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16.10.16 12:19
Je voudrais retourner en arrière, peut-être pas jusqu’au moment où l’ancien a rencontré l’autre fou, ni même au moment où il a visiblement ranimé quelques souvenirs, mais juste au moment où nous avons quitté mon travail. Retarder notre départ de quelques minutes, changer de chemin, enfin bref, juste se débrouiller pour ne pas tomber sur Jesse le tortionnaire.
Jesse… Pourtant c’est mignon comme prénom, ça ne sonne pas psychopathe sanguinaire, plutôt gamin inoffensif. Comme quoi…


Enoch semble vouloir détourner mon attention de ses mains, qui n’ont d’ailleurs rien de bien vilain, mais je n’ai aucune envie de me pencher sur mon propre cas. Il m’est bien plus simple de m’enquérir de l’état des autres que de faire face à tout ce qui ne tourne pas rond chez moi. Et pourtant, oui, j’ai mal, mais me lamenter sur mon sort dans cette rame de métro ne nous avancera en rien.

Un bras vient entourer mes épaules, un autre se caler contre mes côtes. Je ne sais pas si j’ai réellement envie de répondre à cette étreinte. Au départ un peu tendue, je me laisse finalement faire, enlaçant à mon tour, timidement, Enoch que je devine être dans une position particulièrement inconfortable.
Les yeux perdus dans le vague, je calme les battements frénétiques de mon cœur et le tremblement de mes mains, reposant ma tête sur le jeune homme, respirant profondément, son odeur couvrant celle du métro.

Les portes s’ouvrent et se referment, régulièrement, j’observe distraitement les passagers monter et descendre. J’ai un peu peur de fermer les yeux, qu’en les rouvrant ils tombent sur le blond qui se précipiterait dans la rame.
Enoch me promet des éléments de réponse, je ne sais même pas si j’ai envie de tout savoir ce soir. Plus tard, quand nous serons au calme, en sécurité comme il dit. Je soupire en secouant la tête.

– Ne décide pas à ma place de quand je dois te détester.

En entendant le nom de l’arrêt précédant le mien, je me redresse, quitte ses bras, prends sa main et me lève pour attendre face aux portes. Je ne peux toujours pas me résoudre à le regarder en face, mon regard fuit même son reflet dans les vitres face à nous.

Un dernier soubresaut lorsque la rame s’arrête, je quitte me métro, remonte à la surface, et guide le fantôme sur 500m, en silence, jusqu’à arriver en bas de chez moi.
Mes mains se sont remises à trembler, j’ai du mal à ouvrir la porte du bas. Mes jambes commencent elles aussi à faire des leurs, les deux étages me paraissent interminablement longs, j’en aurais presque envie de faire des pauses en chemin. Après des efforts démesurés par rapport à ce qu’ils auraient dû être, j’ouvre enfin la porte de mon appartement. Je laisse le soin de la refermer à Enoch, me débarrassant de manteau, écharpe, pull sur le porte-manteau, et chaussures dans l’entrée. Je meurs de chaud.


Je traverse la pièce à vivre pour aller me servir un verre d’eau fraiche dans la cuisine, que je bois en chemin, lui en tendant un à lui aussi.

– Fais comme chez toi, on devrait être tranquilles ici je pense…

Je m’en vais m’assoir sur mon canapé, en tailleur, blottie entre les gros coussins de l’assise et l’accoudoir. Alors que je reprends haleine - c’est pas possible d’être épuisé comme cela après en avoir fait si peu – je me décide enfin à le regarder. Comment un garçon comme ça a pu trainer avec un… Jesse ? Qu’est-ce qui les a liés ? Qu’est-ce qui a déclenché une telle haine chez le blond ?

Machinalement, je récupère un pot de crème dans le vide-poches sur la table basse qui me fait face, et commence à en passer sur mon buste, puis sur mes mains. Ma peau a commencé à craqueler, les fissures sur mes doigts, principalement autour de mes ongles, ont commencé à saigner. Rien d’alarmant, je n’ai encore pas de gros symptômes. En parlant de gros symptômes… Mes yeux se posent successivement sur mes mains et sur Enoch. Je repense à la myriade de tests que l’on me fait passer plus ou moins régulièrement, notamment ceux pour mesurer ma radioactivité. J’espère ne pas l’avoir irradié lorsque j’ai ébloui notre agresseur…

– Heu… Si… Si tu te sens mal dans les jours à venir, où que tu as des soucis de santé que tu ne t’explique pas, vas à l’hôpital… Et appelles moi, je leur donnerais quelques pistes.

Maintenant que je viens de lui laisser entendre que j’ai peut-être pourri sa santé, je ne me vois pas vraiment lui demander des explications avec l’air sévère que je lui réservais.
J’espère sincèrement qu’il ne développera rien, je m’en voudrais affreusement s’il tombait malade par ma faute, lui aussi…
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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05.11.16 11:46
Comme le temps passe lentement, dans cette rame, et comme il a l'impression de ne jamais s'éloigner assez de l'épicentre du désastre, de la zone où continue de rôder le blond ! Il lui semble qu'il ne pourra aucunement s'échapper tout à fait, qu'il éprouvera toujours cette sensation collée à l'épiderme, cette crainte de voir surgir son cauchemar à n'importe quel angle de rue, maintenant qu'ils savent se reconnaître, et que toutes les fois où cela arrivera, il y aura du sang et des larmes pour en témoigner. Il aurait dû le savoir. Il aurait dû se rendre compte à l'aube de leur relation qu'elle ne serait qu'une nuit perpétuelle, un voile opaque et poisseux où ne filtrerait pas une lumière, pas une lueur affective ; il n'avait pas voulu y croire. Il avait persisté jusqu'à récemment, soutenu qu'il existait chez Jesse des qualités cachées, insoupçonnables au premier abord, et qu'il s'était mis en tête de découvrir. L'ancien militaire s'était révélé une énigme aussi passionnante que dangereuse, un jeu de pistes violent que le fantôme, dans toute sa naïveté, avait espéré mettre au jour. Mais rien. Rien de beau, rien de pur en lui. Et tout cela pour quoi ? Une malédiction greffée aux basques, des remords accrochés à ses épaules, les crocs si profondément enfoncés dans son échine qu'il les sentait frotter contre ses cervicales et alourdir le poids de son corps. À présent, il était fatigué. Fatigué d'avoir couru après des chimères, d'avoir tenté – non pas de le changer – mais de l'apprivoiser. De le comprendre là où, sans doute, personne n'avait essayé, par peur, par raison.
Et Enoch comprenait, maintenant.
Il comprenait les paroles du soldat, lorsque celui-ci lui avait craché qu'il n'avait pas demandé à être sauvé, qu'à jouer les héros il ne récolterait que des coups, que tout ce bordel n'était que la juste conséquence de ses intentions christiques – l'absoudre, tel un Jésus blanc en Converses, de cette nature démoniaque qu'il se trimbalait depuis l'enfance. Quelle connerie. Il aurait été si simple de tirer un trait ! Si simple, oui, tellement qu'il n'y parvenait pas. Il se sentait comme un lâche, un salaud qui abandonne sur le bas-côté un individu en difficulté, et il s'en voulait. Stupidement. Une émotion nauséeuse l'avait envahi dont il ne pouvait faire part à Lou, parce qu'elle le traiterait sûrement d'idiot, lui demanderait d'arrêter de faire une fixette sur ce dégénéré ou d'en effacer de sa mémoire jusqu'à la moindre trace. Elle aurait probablement raison. Mais il ne saurait la prendre au mot.

En attendant, ils quittent enfin le tram – pas de batte de baseball à droite, pas de tronçonneuse à gauche, on peut traverser – et se dirigent vers l'appartement de la rousse ; Enoch se laisse d'ailleurs guider, plaçant en sa compagne toute la confiance qu'il saurait lui vouer, à la fois inquiet qu'on les retrouve et curieux de découvrir où loge la fée. Depuis qu'ils se fréquentent, l'Ancien n'a en effet jamais mis les pieds chez cette dernière, et il regrette presque que cela se produise dans de telles circonstances et non, comme l'on pourrait s'y attendre, à l'issue d'une soirée tout ce qu'il y a de plus tranquille et complice. Ce logis dans lesquels ils se retrouvent en prend aussitôt une symbolique toute particulière ; avant d'être un cocon agréable, il est une forteresse, une citadelle où ils seront en sécurité et où le garçon, une fois entré, ne sait pas où se mettre. D'un regard pudique, il embrasse l'espace autour de lui, conserve ses affaires sur le dos malgré l'injonction de la jeune femme et accepte son verre avec un hochement de tête reconnaissant avant de rester planté en retrait, dans un coin du salon, à l'instar d'un commis attendant des ordres. C'est qu'il n'a pas changé en quelques mois – toujours timide, toujours maladroit – et le contexte d'aujourd'hui ne saurait lui ôter la prudence embarrassée qu'il peut ressentir à l'idée de se trouver chez Lou. Alors il l'observe tandis qu'elle s'applique de la crème, comprenant tout de suite pourquoi ce rituel est nécessaire et pourquoi une pointe de culpabilité le transperce face à ce geste. Sa peau le démange aussi, derrière la nuque, mais il ne croit pas qu'il y ait de rapport direct ; il se frotte la zone ainsi qu'il le ferait pour traduire sa gêne sans s'y intéresser davantage, et lâche un « D'accord » peu convaincu. Retourner à l'hôpital encore une fois, quelle plaie. Bien sûr, l'Evolve se préoccupe de sa santé – et à juste titre, puisque lui a du mal à le faire – et il ne voudrait lui causer du tort en refusant de suivre ses conseils. Surtout qu'elle s'y connaît sûrement mieux que lui quant aux effets secondaires de son don. Mais l'hôpital. Il possède trop de mauvais souvenirs lié à cet endroit pour s'y pointer en toute sérénité. Il promet cependant.
« Je ferai attention, ne t'en fais pas. » Ce qu'il n'irait pas omettre ou mentir pour lui éviter de se tracasser de trop. Même si c'est un pari perdu d'avance.

Avec douceur, il finit par s'approcher d'elle, bien qu'il n'aille pas jusqu'à s'installer à ses côtés sur le canapé ; il a autre chose en tête pour l'instant, quelque chose qui les concerne tous les deux et, loin de vouloir repousser à tout prix le moment des explications – enfin si, peut-être un peu, parce que ce sera sans aucun doute très douloureux – il annonce :
« Il y a un chinois au coin de ta rue ; ça te dit que j'aille nous commander quelque chose ? Ce ne sera pas comme un vrai restau', certes, mais on n'aura pas à cuisiner et tu pourras te reposer. » Non, cela ne rattrapera pas cette invitation ratée, néanmoins, si Lou pouvait éviter d'avoir à se relever ou à se fatiguer durant les prochaines heures, ils seraient tous les deux gagnants. Ne reste que son approbation pour dresser la liste de ce qui lui met déjà l'eau à la bouche rien que d'y penser ; toutes ces émotions lui ont terriblement creusé l'appétit. Sitôt fait, et recueilli les plats désirés, il vient l'embrasser sur le front, faisant fi de toute possible irradiation parce qu'il s'en fout, au fond, qu'elle puisse le faire tomber malade. Tant qu'il peut continuer de la toucher, de lui témoigner son affection par ces mille et un gestes tendres et malhabiles.
« Attends-moi, je reviens vite. »
Oui, vite. Le temps d'un aller-retour – elle n'aura même pas le temps de dire son nom qu'il sera rentré.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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14.11.16 22:42
Enoch reste planté dans mon appartement comme s’il se trouvait en face de la reine d’Angleterre. Ne se débarrassant même pas de ses affaires, il est là, devant la porte, debout, son verre d’eau stoïquement accepté dans la main…
Je m’en veux un peu, j’aimerais pouvoir le détendre, lui dire que ce n’est pas grave, que rien de ce qu’il vient de se passer n’est de sa faute, que je ne lui en veux pas… Mais moi-même je n’y crois pas franchement. Je ne suis pas du genre à me prendre longtemps la tête sur des petits incidents, j’ai plutôt tendance à laisser couler, à planquer les faits gênants sous le tapis et à faire comme si de rien n’était. Et pourtant, là, même moi je ne peux pas.

Et puis, j’ai la nette impression que même s’il se mettait à vomir un magma noirâtre il n’irait pas forcément à l’hosto, et je m’en veux encore d’avantage. Je l’ai bêtement mis en danger, il y avait surement une autre façon de le défaire à l’étreinte de Jesse, une façon qui ne nécessitait pas de les irradier tous les deux.

Bien qu’il se rapproche de moi, Enoch semble vouloir fuir encore d’avantage, proposant d’aller chercher à manger chez le chinois du bout de la rue. J’ai l’estomac noué, je rechigne un peu à la tâche lorsqu’il faut choisir quoi prendre. J’ai un peu l’impression qu’il va profiter de l’occasion pour fuir, ne jamais remettre les pieds chez moi, et s’éloigner le plus possible de cette nana qui le fout dans la merde.
Quoi que… C’est plutôt lui qui nous a foutu dans la merde au départ.
J’ai envie de le retenir, de lui dire de laisser tomber le chinois, que s’il a faim on peut tout aussi bien faire des pâtes, mais qu’on ferait mieux de parler de ce qu’il vient de se passer, et pourtant, je reste muette comme une tombe. Il s’en va, là encore j’aurais pu lui intimer la prudence, ne sachant pas où se trouve l’autre dingue, mais je rester dans mon fichu mutisme.

La porte claque derrière lui et je suis secouée d’un sanglot venu de nulle part. La fatigue de la semaine, les émotions fortes que l’on vient de subir, la peur qu’il lui arrive malheur à l’extérieur, ou qu’il ne revienne pas, et le fait que je lui en veuille qui m’empêche de lui faire part de mon inquiétude pour lui…
Pleurnichant, je quitte mon canapé pour me réfugier sous ma douche. Ça ne fera pas mal. Je tremble comme une feuille des pieds à la tête, me jambes flageolent lorsque je passe la porte de la salle de bain, je vacille, ma vue brouillée par les larmes s’assombrie, je me suis levée trop vite… Je veux me rattraper au lavabo et me mange le coin du meuble haut dans le front par la même occasion.

La douleur a au moins le mérite de me faire cesser mes pleurnicheries. Accrochée au lavabo comme si c’était la seule chose palpable autour de moi, j’attends que le monde cesse de tourner, reprenant mon souffle, calmant mon cœur, jusqu’à ce que je puisse retirer mes vêtements et me glisser dans la douche. C’est toute une aventure, c’est à se demander s’il ne me faudrait pas un déambulateur.
J’ai honte d’être incapable de me gérer moi-même, l’impression d’être un fardeau pour les autres, et puis… Je n’ai toujours pas eu mes explications concernant la catastrophe de tout à l’heure.


L’eau est gelée, c’est bien, je n’ai plus l’impression d’être à deux doigts de la combustion spontanée. Je m’applique à bien me laver les cheveux même si garder les bras levés est un calvaire. Je me lave des pieds à la tête comme si chaque frottement sur ma peau permettait de remonter un peu plus le temps et d’effacer les événements de ce soir. Au fur et à mesure, je fais disparaitre de mon corps le souvenir des mains de Jesse, son souffle, j’essaie d’effacer ses mots et le souvenir de ses yeux fous, mais j’ai bien peur qu’il me faille bien plus de douches pour cela.

Coupant l’eau, je m’enroule dans une grande serviette et retourne me tenir à mon lavabo, le temps que mon corps comprenne que se laver n’est pas un effort surhumain. Mon reflet dans le miroir tire un peu la gueule. Mes cheveux mouillés coulent sur mes épaules, j’ai les yeux rougis par mes pleurnicheries, une petite coupure au-dessus de l’arcade suite à l’attaque du meuble de salle de bain, j’ai la chair de poule bien que je trouve encore qu’il fasse un peu chaud.
Ca fait combien de temps que je brave les éléments pour me décrasser ? Peut-être bien assez pour qu’Enoch soit revenu si tel était son intention. Surprise.

J’ouvre la porte de ma salle de bain, tenant ma serviette d’une main. Quoi qu’il en soit, la première étape est de rejoindre ma chambre pour enfiler des vêtements.
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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06.01.17 18:44
Pourquoi est-il parti, déjà ? Pourquoi s'est-il enfui, avec toute la lâcheté du monde, loin de celle qu'il aime, loin de prétendus problèmes qui n'ont fait que le suivre et enfler au fur et à mesure qu'il s'éloignait de Lou, comme si elle était capable, par il ne sait trop quel miracle, d'estomper les soucis, de flouer les tourments. Elle n'est plus là à cette seconde, et lui-même ne sait plus pourquoi il est à cet endroit, la rue est partout autour de lui, étrangement oppressante, suintant d'une frayeur qu'il redoute de voir se concrétiser en une silhouette familière ; il lui faut retrouver ses repères, reprendre ses marques ainsi qu'au sortir d'un cauchemar – où est-il, que fait-il, qui est-il ? Avec lenteur, pareil au long déroulement d'un tourbillon, les éléments se désolidarisent les uns des autres, se décortiquent peu à peu pour récupérer leurs formes et leurs significations initiales. L'univers, le système solaire, la planète Terre, le continent nord-américain, les États-Unis, le Maine, Madison, le centre-ville. Le trottoir où il s'est pétrifié durant un laps de temps indéterminé, parce qu'une ombre lui était glissée dessus et qu'il n'y avait pas reconnu la sienne. Figé de peur sur l'asphalte. Terrorisé à la pensée que Jesse l'ait retrouvé ou, pire, qu'il ait découvert où habitait Lou et s'y soit précipité. Scénario d'épouvante. À l'intérieur de son thorax, Enoch entend le fracas de son cœur.
Il tient dans la main une poche pleine de ce qui semble, à l'odeur, de la nourriture exotique. Mélange de coriandre, de poivre et de caramel, un sucré-salé qui se rappelle à sa conscience et témoigne de ses intentions avant qu'il ne s'égare pendant les deux cents mètres qui séparent l'appartement de la rouquine du restaurant où il a pris commande. Comment y est-il parvenu, d'ailleurs ? Mystère. Son cerveau aux abonnés absents sera à l'évidence passé en mode automatique durant une fraction de secondes, de quoi mener à bien la mission de ravitaillement. Et maintenant, il faut rentrer. Une quinte de toux le secoue jusqu'aux tréfonds, tel un sinistre augure.

Il y a longtemps qu'il se sent faible, qu'il se doute que quelque chose lui dévore inexorablement les poumons sans qu'il puisse lui donner un nom – c'est là, cette masse qui l'empêche parfois de respirer, qui obstrue ses bronches et bloque son souffle. L'Angoisse. Celle qu'a réveillé l'ancien militaire par son unique présence, celle qui couve en lui depuis qu'on lui a injecté une Chimère par intraveineuse, et qui se développe dans ces circonstances propices, dans le terreau nourricier de ses terreurs. Il veut rentrer chez lui, pouvoir se mettre en boule dans un coin et y attendre la fin du monde. Il voudrait n'avoir plus à bouger, plus à penser, plus à vivre, mais il y a Lou, quelque part, à qui il a promis son retour. Il y a Lou qui s'inquiète pour lui alors qu'elle ferait mieux de le laisser tomber, ce garçon mal fichu, lui le débraillé, le dégénéré. Pas besoin de réfléchir beaucoup pour s'en convaincre ; s'il n'existait pas, jamais la fée n'aurait eu à rencontrer le monstre qu'est Jesse, à endurer ses insultes et ses brutalités. Cruelle conscience. Même s'il est désormais trop tard, mieux vaudrait qu'il disparaisse de sa vie afin d'éviter de futurs remords. Et pourtant. Ses pas le ramènent, de plus en plus vite, de plus en plus fort, vers le logis de la sirène.

Profitant de l'entrée d'un couple dans l'immeuble, Enoch se faufile dans la cage d'escalier sans sonner à l'interphone, grimpe les marches quatre à quatre, manque de trébucher sur le palier et ouvre grand la porte du hall, à la fois surpris et rassuré que la propriétaire n'ait pas fermé à clef derrière lui. À moins que ce ne soit la preuve que sa hantise s'est accomplie ? Qu'il est revenu trop tard et que la tragédie s'est jouée en son absence ? Il appelle, d'une voix presque panique :
« Lou ?! »
Nulle trace d'effraction, néanmoins. C'est censé le rassurer, mais il n'en a cure – il ne le sera pleinement que lorsqu'il la verra face à lui, saine et sauve, lorsqu'il entendra sa voix et que, d'un simple geste, elle chassera l'anxiété dont il s'est revêtu. Il appelle encore.
« Lou ! »
Enfin, il tombe sur elle. Ou plutôt, lâche son paquet et se jette dessus, tente toutefois de réprimer son élan, en vain, puis l'attire à lui, l'étreint presque avec force, abaissant son visage dans la courbe de son cou où subsistent quelques gouttes parfumées. Si l'émotion ne lui comprimait pas tant le cœur, il aurait rougi de son impudeur, de sa brutalité, mais derrière ses paupières closes rôdent toujours l'ombre de Jesse, et il serre plus fort encore comme pour s'assurer qu'il n'enlace pas une image. Fébriles, ses phalanges se pressent sur le tissu puis remontent vers la figure de Lou alors qu'il se détache à peine, et viennent l'encadrer en bousculant ses cheveux mouillés.
« Pardon, pardon, je n'aurais pas dû partir comme cela... » commence-t-il dans un murmure. Ses pouces se mettent à caresser les joues de la jeune femme. « Tu n'as rien ? Qu'est-ce que c'est ? Quelqu'un t'a blessée ? » Sous son regard bleu trouble, l'écorchure sur le front de Lou compose une guerre entière, une déraisonnable promesse de mort. Il a beau savoir qu'il ne s'agit sans doute que d'une bête égratignure, il s'imagine toujours le pire. Et l'étreint de nouveau, plus doux qu'auparavant. « Excuse-moi. J'ai cru... J'ai eu peur qu'il te soit arrivé quelque chose. »
Quelque chose dont ils sont deux à deviner la teneur, et qu'à la plus infime évocation, Enoch se sent frissonner.

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