Les événements de ce RP prennent place 5 ans avant le contexte actuel du forum.

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Joey ne voyait pas vraiment cette soirée d’un bon œil. Aaron, son frère aîné, lui avait assuré que le moment serait agréable et que ça ne pouvait que leur faire du bien, à tous les deux, de sortir du cercle familial extrêmement réduit qu’il s’étaient créé tous les deux. Pas faux. Il n’empêche qu’un terrible sentiment de frustration s’était emparé de l’estomac de la jeune fille, le tordant et le broyant à plaisir.

Ca n’étaient pas des Evolves qu’Aaron avait pris la peine de convier dans leur humble demeure, non. Des Erasers. Des « collègues » et « amis ». Rien qu’à les imaginer souiller le seuil de la maison familiale, avec leurs grosses bottines de militaires et leurs pas de soldats (une métaphore évidente), elle en éprouvait des nausées. Bien sûr, elle n’était pas idiote. Ils avaient tous été invités en tant qu’individus libres. La vérité, c’est qu’elle leur enviait ce dernier qualificatif. Sa liberté, à elle, elle l’estimait factice et mensongère.

Mais puisqu’il s’agissait de personnes en qui son frère avait cru bon de placer sa confiance, elle ferait des efforts. Aaron n’était-il pas celui qui la protégeait le plus ? Plus encore, le lien fraternel qui les unissait n’avait cessé de croître jusque-là. Pas dupe pour un sou, et habituée à la façon de faire de l’aîné, la cadette avait rapidement compris qu’en dehors du divertissement, cette soirée s’apparentait à un test : garder son sang-froid face aux représentants de la loi et de l’ordre, ça, c’était du défi. Un défi qu’elle relèverait avec audace. Parce qu’ils se connaissaient parfaitement bien, Aaron avait estimé que c’était là le meilleur moyen de vérifier que sa sœur tenait ses résolutions quant à son comportement dangereux – pour elle plus que pour les autres.

C’est sa voix qui sortit la jeune fille de ses songes. Les assiettes avaient été disposées sur la table par ses soins, parfaitement alignées et encadrées de couverts qui n’avaient d’argent que l’apparence brillante.

« Joey, tu pourrais surveiller le four pendant que je vais me changer ? »

« Est-il vraiment nécessaire de te changer ? », aurait-elle voulu lui demander, le sourcil haussé. Mais le dos d’Aaron disparut déjà dans l’entrebâillement de la porte. Pas de doute, son frère avait un côté coquet en toutes circonstances. Elle plia les genoux jusqu’à apercevoir les roulades maisons de son frère dont la pâte commençait déjà à dorer à la chaleur tournante de la machine. Elle jeta un œil au thermostat –geste futile étant donné les talents culinaires de son frère- avant de se caler dos contre la porte du frigo et de souffler sur une mèche rebelle qui lui tombait sur le front.

Il y a deux ans de cela, déjà, elle était allongée dans un lit d’hôpital, son frère versant de chaudes larmes sur les draps hypoallergéniques fournis par les infirmières. Aujourd’hui, la fratrie ne montrait plus aucun signe de cet incident. La bonne humeur ambiante était revenue, et les rires fusaient à travers les différentes pièces, du matin jusqu’au soir. Derrière son apparente mauvaise foi, Joey espérait cependant qu’il en serait de même durant cette soirée. Parce que son frère le méritait. Parce que si ces gens s’invitaient à sa table ce soir, c’était aussi de sa faute.

L’odeur alléchante des « bouchées-à-la-reine-façon-améliorée-par-Aaron-le-king-de-ces-cuisines » commença à embaumer la kitchenette et la blonde se surprit à s’en lécher les lèvres. Une main immense s’abattit sur le haut de son crâne dans le but lâche et malheureux de lui ébouriffer la crinière.

« - Pas de traitement de faveur : tu y goûteras en même temps que tout le monde !
- Le surveillant de la cuisson n’a même pas droit à un avant-goût ?
- Même pas en rêve, petite tête. Par ailleurs, tu ferais mieux d’aller te changer, toi aussi. On risquerait de croire que t’as été adoptée. »

Un coup de poing dans le ventre plus tard, la blonde retourna à pas lestes dans sa chambre, souriant à l’entente du juron étouffé de son aîné. C’est vrai qu’ils n’avaient pas grand-chose en commun, physiquement parlant – bien que leurs caractères furent assez dissemblables aussi. Si la physionomie de leur visage était la même, le mètre quatre-vingt-six de d’Aaron enterrait sa pauvre petite stature féminine. Sans parler de cette classe naturelle qu’il dégageait. A côté de lui, Joey ressemblait plus à une enfant qu’à la jeune fille de dix-huit ans qu’elle était pourtant.

Face à son miroir, elle enfila un jean serrant et un chemisier de couleur vive. Passant une main dans sa tignasse indomptable et glissant dans une paire de baskets, elle estima que c’étaient les seuls efforts nécessaires pour ce soir. La mode, ça n’avait jamais été sa tasse de thé.

Les chiffres digitalisés sur son radio-réveil lui indiquèrent qu’il était bientôt l’heure. Elle décida malgré tout de s’accorder un moment de répit et s’allongea sur le dos par-dessus les draps entremêlés de son lit. Ses yeux s’attardèrent longuement sur sa main, dressée face à son visage et dont les jointures rougies et écorchées prouvaient qu’elle avait encore tenté de tester sa force. Elle ne se battait plus – ou très peu, contre des racketteurs sans vergogne du coin – mais s’obstinait à se jauger. A s’améliorer. Parce qu’au fond d’elle, Joey était toujours persuadée que si elle avait reçu ce pouvoir, c’était pour servir à quelque chose. Oui, mais quoi au juste ?

La sonnerie de la porte d’entrée n’avait pas retenti depuis trente secondes que l’énergique énergumène sautait sur ses pieds et rejoignit son frère dans la cuisine. Ce dernier se démenait tant bien que mal avec ses ustensiles dispersés sur le plan de travail. Il avait toujours été du genre bordélique…

« - Tu ne voudrais pas aller ouvrir à ma place, petite tête ?
- Ai-je vraiment le choix ?, répondit-elle en passant derrière son dos pour rejoindre le hall d’entrée. »

Elle n’avait pas pu s’empêcher de remarquer qu’il lui avait demandé ça comme l’aurait fait une mère. Posément. Avec une autorité sereine. Avec cette vibration dans la voix qui fait penser que l’on a plutôt intérêt à faire bonne impression à moins de se faire botter les fesses. Rien que pour ça, elle l’aurait bien laissé dans l’embarras, tiens !

Face à la porte, elle souffla un grand coup, prête à assumer son rôle de sœur modèle jusqu’au bout de la soirée. Son plus grand sourire sur le visage, elle posa la main sur la poignée métallique et ouvrit la porte d’un geste sûr, découvrant le visage des nouveaux compagnons d’Aaron.

« Bienvenue ! »

« - Tu devrais vraiment mettre une robe rouspéta Wendy. »

Mais ses remontrances tombèrent dans le vide puisque sa grande sœur lui accorda simplement un sourire moqueur, qui voulait parfaitement dire « cause toujours ». Lâchant un soupir, la cadette secoua la tête, s'avouant ainsi vaincue. A chaque fois c'était pareille. Lorsque sa sœur sortait avec des collègues ou des amis, elle ne faisait jamais attention à ses conseils vestimentaires, qui pourtant étaient très bons ! Lexus serait vraiment magnifique en enfilant cette robe aux nuances violettes plutôt que ses éternels pantalons. Mais non, elle ne l'écoutait et restait dans ses habitudes, ça en devenait vraiment frustrant.

« - Tu pourrais faire un effort quand même !

- Roh mais ils me vont très bien ces vêtements non ? répliqua l'Eraser en croisant les bras. Je ne vais pas à un dîner romantique ni même dans un hôtel de luxe, inutile de porter quelques chose de sophistiqué.

- C'est pas sophistiqué, c'est joli.

- Peu importe, j'ai pas envie de changer un point c'est tout. »

Wendy lâcha un long soupir avant de sortir de sa chambre, la laissant ainsi libre. Bien qu'agacée par son comportement, l'aînée ne pouvait s'empêcher de sourire face à un tel entêtement. Peut-être même qu'elle se refusait à enfiler des robes simplement pour embêter encore plus sa jeune sœur mais ça, elle ne lui avouerait sans doute jamais. Ça gâcherait le plaisir.

Une dernière vérification dans le miroir et elle quitta sa chambre pour traverser le salon, où ses parents discutaient tranquillement. Elle leur accorda un signe de main avant de quitter la maison, atterrissant ainsi dans les ruelles de l'Entre Deux plongées dans l'obscurité. A cette heure, il n'était évidemment pas recommandé de sortir mais Lexus connaissait son quartier comme sa poche et ses résidents aussi : tous savait qu'il ne fallait pas venir lui chercher des ennuis auquel cas ce sera un aller simple au poste. Mais généralement, il n'y avait aucun problème. La majorité des habitants du quartier étaient bons, ne faisaient que vivre leur vie malgré leur environnement précaire.

Progressant entre les bâtiments, elle appréciait le calme que créait l'obscurité. Marcher dehors une fois la nuit tombée était vraiment agréable, avec cette ambiance sereine, les bruits de la ville qui paraissaient lointain. Parfois, l'ancienne blonde s'octroyait quelques sorties nocturnes afin de se vider l'esprit. Tout allait bien pour elle, bien que le monde ne tournait toujours pas rond, mais elle avait réussit à entrer dans la milice de Madison il y a un an déjà. L'engouement passé, elle avait vite finir par découvrir que cet univers était loin d'être rose. Certains de ses collègues ou même ses supérieurs étaient insupportables. Le genre de personne que la jeune femme ne pouvait encadrer mais malheureusement, elle était obligée de travailler avec eux. Alors elle prenait sur elle autant qu'elle le pouvait et gardait toujours son objectif en tête. Objectif qui se retrouvait ébranlé en même temps que ses convictions puisqu'elle ne s'attendait pas à faire face à de tels problèmes chez les Erasers. Néanmoins, rien qui ne lui paraissait insurmontable. Et puis, il y avait quand même quelques collègues avec qui elle s'entendait très bien, comme ceux avec lesquels elle allait dîner. Cette fois-ci, c'était chez Aaron, un homme plus âgé qu'elle connaissait depuis quelques mois. Les deux s'étaient rapidement entendus. Contrairement à d'autres il avait pris le temps de lui donner quelques conseils sur le métier. Ainsi, ils avaient commencé à échanger et ils se retrouvaient régulièrement durant les soirées organisés par d'autres camarades.

Après quelques minutes de marche et de transport en commun, la jeune militaire était arrivée dans le centre ville, un peu à l'écart du cœur de l'activité mais toujours assez dynamique. Jetant un coup d'oeil au bracelet sur son poignet, Lexus vérifia le reste du trajet qui lui restait à parcourir. Encore quelques pas et elle y serait. C'était la première fois qu'elle allait chez Aaron et elle était curieuse de découvrir son chez-soi.

Une fois devant la demeure, dont la façade semblait fort sympathique, l'ancienne blonde fut rapidement interpellée par une voix qui lui était familière. Se retournant, elle découvrit Cael, un homme d'une trentaine d'années qui se laissait pousser la barbe, une carrure plutôt imposante et avec une voix grave qui le plaçait automatiquement en tant que fumeur. Comme à son habitude, il avait une cigarette au bec, un léger sourire sur les lèvres.

« - Hey, t'es en avance lui lança sa cadette en venant lui faire une embrassade.

- Ouais pour une fois, il va neiger ironisa-t-il avant de jeter sa cigarette dans un petit appareil ovale qu'il avait sortit d'une poche de sa veste. Bon allez, je crève la dalle, j'espère qu'Aaron sait s'y faire aux fourneaux.

- Il ne peut pas être aussi nul que toi.

- Surveille tes paroles gamine répliqua-t-il mais nullement vexé. »

Les deux compères s'avancèrent donc vers le porche de la demeure et y sonnèrent, attendant patiemment qu'on vienne leur ouvrir. Quelques secondes après, une jeune fille à la chevelure blonde se dessina dans l'encadrement de la porte, leur souhaitant la bienvenue. Aucun doute, ce devait être Joey, la petite sœur d'Aaron. Ce dernier en avait déjà parlé à Lexus, notamment du passé assez compliqué qu'elle avait, ainsi elle portait un jugement mitigé sur la plus jeune. Après tout, elle avait mis son frère dans une situation pas possible, ce n'était pas rien.

Cael fut le premier à saluer Joey, toujours dans une embrassade chaleureuse digne des Etats-Unis et l'ancienne blonde l'imita avant d'entrer dans la bâtisse. Immédiatement, une bonne odeur vint lui chatouiller les narines, faisant remuer son estomac comme pour dire qu'il était prêt à engloutir tout ce qui lui tomberait sous la main. L'intérieur était également très agréable et décoré avec goût. Pas très grand mais après tout, pour deux personnes, ils n'avaient pas besoin de plus. A chaque fois qu'elle se retrouvait dans un de ces dîners, elle avait l'impression de prendre plusieurs années. Projetée d'un seul coup dans le monde des adultes. Étrangement, elle ne ressentait pas cette drôle de sensation au travail, trop concentrée sur ce qu'elle faisait sans doute. Mais ici, il n'y avait qu'elle et des adultes, toujours pus âgés qu'elle. Puisque oui, au sein de leur joyeuse petite bande, elle était la plus jeune et ils avaient tendance à la charrier sur ça. Le bleu, tout ça, normal dans ce genre de milieu.

Joey les guida dans le salon une fois leurs manteaux retirés et les invita à s'asseoir sur le canapé, profitant de l'absence de son frère pour lâcher une petite blague à son sujet, expliquant également qu'il n'allait pas tarder à venir les saluer. Au moins elle ne manquait pas d'humour, c'était déjà un bon point. Un bon point pas suffisant pour rentrer dans les bonnes grâces de l'Eraser qui comptait bien profiter de cette soirée pour analyser cette jeune sœur anciennement turbulente. Qu'aurait-elle fait si ce cas s'était reflété chez sa propre sœur ? Un remontage de bretelle en bonne et due forme sans doute, même si cela ne devrait pas suffire dans pareille situation.

« - Hey Aaron, tu nous avais pas dis que t'avais une sœur aussi serviable ! lança Cael, assez fort pour que son camarade l'entende et en accordant un clin d’œil à l'intéressée. Tu me la prête dis ? »

Secouant la tête, Lexus ne put tout de même s'empêcher de sourire. Et voilà, il était lancé celui-là. A chaque fois il ne pouvait se retenir ce genre de blagues, à l'humour presque douteux mais ce n'était pas un mauvais gars pour autant. C'était sa façon de rigoler et de bien commencer une soirée.