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La cadence des émotions est une chose complexe [PV Enoch Livingston] [-18]
robotic engineering
Chaze Ross
Chaze Ross
robotic engineering



19.09.15 20:01
La cavalcade au sein des couloirs de l’hôpital arborait une allure de course d’endurance, à défaut d’une vulgaire fuite en avant. Depuis combien de temps courait-il au juste ? Combien de couloirs, de pièces, de portes avait-il dépassés ? La panique l’empêchait de réfléchir correctement pour le déterminer avec précision, si toutefois, il avait le temps pour le faire. Ajoutée à cela, la paranoïa engendrée par l’éternelle peur de mourir en bon agneau sacrifié pour que le reste du groupe connaisse la joie d’être sauvé par un remède miraculeux, rendait l’individu vraiment instable. L’annonce de sa fuite avait atteint les oreilles des miliciens postés ci et là dans l’immense bâtiment. Comble de malchance, ils n’avaient pas été assez réactifs pour bloquer un périmètre entier afin d’encercler le fuyard mais désormais ce dernier ne rencontrait plus que des couloirs pratiquement déserts. L’information d’un Evolve présumé dangereux se répandait comme une traînée de poudre parmi le personnel de l’hôpital, dont les membres s’empressaient d’enfermer leurs autres patients dans leurs chambres respectives. La menace d’une possible contamination de masse n’était pas à prendre à la légère et le regard fou du fuyard achevait de terroriser les rares visages qui croisaient encore son chemin. On s’écartait prestement de sa route pour refermer une porte sur soi ou on s’écrasait contre le mur, la respiration bloquée et la crainte de le voir subitement s’en prendre à sa personne. Des prières silencieuses étaient adressées par dizaines. Et parfois…

« Halte ! On ne bouge plus ! »

Un groupe de trois miliciens venait de surgir au bout du couloir emprunté par hasard. Malgré le désordre causé par la fuite imprévue – et impensable de l’Evolve – les Erasers gagnaient du terrain : les principales sorties étaient d’ores et déjà bloquées et l’on mettait tout en œuvre pour faire reculer le fuyard vers un secteur moins fréquenté de l’hôpital, afin de faire primer la discrétion de sa future neutralisation. Détail qui échappait bien entendu à la compréhension du principal concerné. Ce dernier cligna des yeux, son cœur manqua un battement. La sueur qui perlait à grosses gouttes sur son front lui voilait la vue. Son état ne s’améliorait pas et ces salauds s’en contrefoutaient ! Rick leur fit un doigt d’honneur, l’unique chose bien droite chez sa personne.

« Allez vous faire foutre ! » beugla-t-il sans tenir compte des postillons qui se répandaient dans l’air autour de sa bouche.

Passée la démonstration de son refus de se soumettre à l’autorité incarnée par la milice, l’Evolve pivota brusquement sur lui-même pour repartir en sens inverse. Il bouscula une infirmière qui hurla, terrorisée comme pas deux. Son instinct de survie lui commandait de trouver une sortie au plus vite. Mais s’il n’y parvenait pas ? Ces enflures étaient armées ! Sur un coup de tête, il enfonça une porte sur sa gauche, ignorant les bruits de bottes qui retentissaient dans son dos. Rick balaya la salle d’un regard, l’écume aux lèvres. Il devait certainement faire très peur dans cet état mais il ne tint pas compte des réactions des personnes présentes dans la pièce. Son attention s’était posé sur un garçon maigrichon, un peu pâle, certainement en raison de l’une de ces maudites prises de sang censées déterminer le mal dont vous souffriez. L’homme se dirigea aussitôt vers sa cible et malgré les cris qui fusèrent droit vers ses oreilles, l’empoigna par le bras pour le traîner avec lui. Un bras passé autour du coup de son otage improvisé, il ressortit de la pièce, juste à temps pour apercevoir le premier des trois Erasers débouler au coin du couloir.

« Stop ! Bougez plus ! J’ai un otage ! J’le tue si vous m’laissez pas partir ! J’veux pas mourir comme un chien p’tain ! Vous avez un antidote, j’le sais ! »

Tout en parlant, il reculait lentement, son otage bien en évidence devant, tel un bouclier humain. Il était passé dans le coin auparavant, alors Rick connaissait l’emplacement d’une salle dans laquelle il pourrait facilement se retrancher. Curieusement, son cerveau reprenait des forces à une vitesse sidérante, seulement il n’élaborait encore que des plans quelque peu tordues en définitive… Voyant que le commando ne faisait pas mine de le suivre, l’Evolve gagna en assurance et franchit une première porte vitrée sur toute la partie supérieure. Voilà qu’il gagnait un secteur pratiquement désert, destiné aux analyses de prises de sang justement. Plusieurs salles pouvaient être verrouillées, le devaient même, lorsqu’il était question de conserver à une faible température certains échantillons de sang ou d’urine. Il en allait de même pour les produits injectés aux patients. Fier du renversement de situation, Rick mit un pied dans l’une de ces pièces, prêt à s’enfermer dedans avec son otage. Mais il trouva le temps d’hurler à l’intention de ses poursuivants.

« J’veux cet antidote ! Envoyez moi un putain d’scientifique ! Pas d’Erasers, j’ai pas confiance ! Et si vous essayez d’m’avoir j’le bute compris ?! »

Depuis la salle de contrôle des différentes caméras de surveillance réparties partout dans l’hôpital, Stanvey soupira bruyamment. En tant que chef provisoire de la section d’Erasers rattachée à la surveillance des Evolves captifs, il endossait les erreurs de ses subordonnés. L’affaire aurait pu être bouclée en moins de deux s’il avait donné l’ordre de tirer à vue et à cause de son empathie à l’égard du fuyard, voilà que la situation prenait une allure encore plus compliquée ! Le temps qu’il se décide à accepter l’idée que le retentissement de cette bavure franchisse les murs de l’hôpital pour ensuite contacter le département d’études pour qu’ils lui envoient quelqu’un, l’autre fou avait largement le temps de péter les plombs en tuant son otage par la même occasion. Et Stanvey voulait éviter que cela se produise bien évidemment.

« Chef ? Qu’est-ce qu’on fait ? »

« A votre avis ? Il demande un scientifique, vous en voyez un dans cette pièce vous ? »

« A vrai dire chef, on en a peut-être un… » expliqua son subordonné en argumentant son hypothèse en désignant l’un des écrans.


« Mais puisque je vous dis que ça ne fonctionnera pas ! Je travaille au département technologique ! »

« Pourquoi ? Vous êtes bien un scientifique non ? »

« Oui mais… ! »

« Alors c’est tout ce dont nous avons besoin. Qu’on lui donne une blouse et un échantillon de vaccin. »

Avant même que Chaze n’ait le temps de protester une nouvelle fois, il se retrouvait avec une blouse blanche dans les bras. Le regard torve, il l’enfila de mauvaise grâce. Il était inutile de discuter avec ce genre d’individus, il le savait pourtant ! Qu’est-ce qu’il s’était imaginer en l’ouvrant ainsi, au risque de compromettre sa couverture ? Que ses interlocuteurs allaient prendre en compte son avis sur la question ? La blouse était à peine à sa taille et le jeune homme se sentait à l’étroit dedans.

« Elle me donne un air gauche cette blouse… »

Toutefois, il se garda bien d’en faire la remarque par la suite. Chaze se retrouva presque propulsé dans le couloir à coups de pied dans le derrière, fiole verdâtre en main, direction le fou furieux. Il se risqua quand même à une dernière question pendant que l’Eraser responsable de ce plan foireux était encore en vue :

« Vous dites que c’est un Evolve ? Quel est son pouvoir ? »

« Ne vous en faites pas pour ça, il ne vous tuera pas avec. » répondit Stanvey avec un drôle de sourire que le jeune scientifique ne sut comment interprêter.

« C’est censé me rassurer ?... »

Sa progression se fit de plus en plus lente et prudente à mesure qu’il s’éloignait du groupe de miliciens. A présent qu’ils ne pouvaient plus espérer exercer la moindre pression sur lui, Chaze essayait d’imaginer ce à quoi il avait vraiment affaire. Pourquoi l’envoyer lui s’il n’était pas dangereux ? Sérieusement…

« Dire que mon horoscope m’avait promis une belle journée avec rencontre à la clé… Si j’avais su je ne me serai pas levé. »

Ronchonnant à demi-mots, le jeune homme progressait toujours, jetant des coups d’œil furtifs aux alentours et plus particulièrement aux portes, faussement closes selon lui. Il revoyait cette scène finale dans le film World War Z, celle tournée dans le laboratoire de recherches déserté et uniquement habité par les zombies en sommeil. A tout moment, il s’attendait à ce qu’un bras décharné, couvert de chairs en décomposition jaillisse d’une porte que l’on croyait fermée à double-tour pour l’attraper et l’entraîner à l’intérieur. Prenant son courage à deux mains, Chaze héla les alentours, trop silencieux à son goût.

« Il y a quelqu’un ? J’ai l’antidote… »

« Alors par pitié, ne m’envoyez pas de boules de feu dans la tronche ! J’ai une femme et des enfants ! Mais qu’est-ce que je raconte moi ?... »

Aller, amis zombies, montrez-vous ! Que Brad Pitt version brune mais pas moins virile pour autant ne vous fasse votre fête ! Ou pas en fait.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



19.09.15 22:50
Il avait peur. Horriblement peur. Mais ce n'était pas la même peur qui l'avait assailli depuis qu'il s'était retrouvé dans ce monde, ou plutôt cette époque, et pourtant elle lui ressemblait quelque peu. Tous les effrois s'imitent, paraît-il, celui-ci sans doute mieux qu'un autre. Plus épais, plus dru, plus glacial aussi ; cette peur-là ne se contentait pas de le recouvrir comme d'une pelisse, ni de s'infiltrer jusqu'entre ses os pour se nicher contre son cœur, non. Elle se montrait plus brusque, sans sournoiserie aucune, brute, intacte. Elle lui confirmait le torse et lui brisait net les rotules, réduisant ses jambes à deux vulgaires baliveaux incapables de se tenir droit. Elle l'étranglait, de la gorge aux jarrets, pour ne lui abandonner qu'un ruisseau de souffle et une brassée de sanglots trop secs pour s'épancher au bord des yeux. Il l'avait déjà rencontrée, jadis, il s'en souvenait. Ou peut-être avait-ce été une de ses cousines, un chouïa plus douce et cependant aussi implacable, lorsqu'il avait dû fricoter avec des receleurs illégaux sur le chantier ou lutter pour son innocence dans le manoir de Kennewick. À chercher ce genre de similarités, il tomba sur le fait que, depuis qu'il avait mis les pieds dans ce Madison futuriste, il ne lui était arrivé que des tuiles. Le sort, puisqu'il doutait que cette misère pût s'appeler autrement, n'avait cessé de le précipiter de tourments en tourments, s'amusant à nourrir les affres qui rôdaient autour de lui, pareils aux harpies contre la coque d'Ulysse. Il avait ainsi connu toutes sortes d'épouvantes, les pernicieuses, les obstinées, les fulgurantes et les malhabiles. Mais celle-là était unique. Celle-là le dévorait entièrement.
Il ne l'avait pas vue venir. La coïncidence avait voulu qu'il se trouvât à cet endroit pour un simple examen, une prise de sang banale en ces temps agités d'épidémie. D'ailleurs, il se sentait chanceux de ne pas être victime de ce mal incongru, lui qui n'avait jamais eu le système immunitaire prompt à réagir en cas d'attaque virale ; il expliquait cette fortune par son isolement plus ou moins forcé de la société, causé par son statut précaire d'Ancien. Certes, il avait récemment obtenu un petit emploi grâce aux parents de Fredigan, un pas-grand-chose qui, peu à peu, le remettait sur les rails d'une existence normale. Certes, il avait enfin ouvert un compte bancaire pour y déposer son petit pécule et, pour la première fois, son bracelet électronique lui donnait l'impression de servir à quelque chose quand il allait s'acheter son déjeuner. Mais il demeurait encore tributaire de la cabane des enfants au fond des bois, cet abri d'exil, sa caverne sylvestre loin de tous les miasmes contaminants de la cité. Il n'était pas malade. S'il l'avait été il en serait probablement mort, parce que ni ses globules blancs, ni son organisme de souriceau n'aurait formé de barrières suffisantes pour le protéger du fléau. Alors il se sentait chanceux aujourd'hui, même si la politique publique l'avait contraint à ce dépistage éclair entre deux sirènes d'urgence.

Jusqu'à lors, il n'avait croisé que peu de monde dans cette aile de l'hôpital. Sans doute les médecins écartaient-ils au maximum les infectés afin de minimiser les risques de contagion, et il serait bien le dernier à leur reprocher cette prudence. Assis sur une banquette d'un vert douteux, il patientait le temps que l'infirmière – une grosse dame fort peu aimable – lui rapportât son dossier avec une autorisation expresse de déambuler dans les rues tel le fringuant jeune homme qu'il présentait. La blague. D'un air distrait, il frottait l'usure de ses coudes à travers le tissu élimé de son pull, un vêtement deux cent ans d'âge qui résistait tant bien que mal à toutes les péripéties de son propriétaire. Il l'aimait bien, ce pull gris, un des derniers souvenirs de son époque, vintage à coup sûr et revendable des millions sur la toile. Manque de bol, tant qu'il n'aurait pas assez d'argent pour constituer une garde-robe de plus de deux pièces, il avait besoin de cet habit. Cela dit, ce n'est guère notre propos. Enoch usait donc, une fois n'est pas coutume, les fibres de ses fringues lorsqu'un vacarme ne tarda pas à se faire entendre de l'autre côté de la porte. Ce furent d'abord des claquements de battants, puis de semelles sur le linoléum des couloirs. Ensuite vinrent les invectives, qui lui firent redresser la tête et prier pour que le vacarme ne se dirige pas vers son asile, et enfin la reddition pure et simple de la porte qui le séparait du reste du monde. Et avec elle, le début des emmerdes.
Le garçon n'était ni le plus courageux, ni le plus leste de sa génération. Avant même qu'il ne pût protester ou, au mieux, se planquer derrière une plante verte, le forcené avait foncé sur lui sans lui laisser l'embarras de la fuite. Un vieillard, qui faisait le piquet à ses côtés, se mit à geindre en agitant ses bras, attirant par ses couinements l'attention de l'infirmière qui rappliqua dare-dare, juste à temps pour s'apercevoir qu'elle aurait mieux fait de rester dans son bureau. Devant cette démonstration de folie elle fut bien impuissante, et c'est sous le regard médusé d'une grasse madone et d'un Joseph arthritique qu'Enoch, plus transi encore qu'une feuille morte sur le point de quitter sa branche, fut strangulé et emporté, pour un aller simple au bout de sa vie.

Il avait peur. Et il ne comprenait absolument rien à tout ce qui se produisait autour de lui, à ces braillements dans ses oreilles, à ces odeurs de sueur et d'antiseptique, à ces mouvements brutaux qu'on lui imposait pour le déplacer de çà de là, à travers des passages désertés quoique bruyants, où l'écho de ses pulsations se mêlait aux vociférations de son bourreau. Brièvement, il saisit des mots comme « antidote », « scientifique » ou « confiance », mais le sens réel des phrases se perdit bientôt dans un brouhaha féroce au fur et à mesure qu'ils bougeaient, jusqu'à ce que le taré se réfugie dans une salle vide, envahie de placards vitrés dans lesquels s'entassaient des rangées d'éprouvettes. Pour un peu, le petit poucet aurait cru qu'il y découvrirait des fœtus humains ou ce type de déco macabre appréciée des chirurgiens, mais non. Juste des fioles, partout des fioles, inutilisées pour la plupart ou bien remplies de fluides aisément reconnaissables selon leur couleur. Rouge, brun, jaunâtre ou translucide, il s'étalait là des centaines d'échantillons en attente d'expertise parmi d'autres à jeter aux ordures. Sitôt rentré, Enoch fut poussé sans ménagement vers l'angle opposé à la sortie pendant que la voix hargneuse du malade le frappait dans le dos :
« Avance dans l'coin et ferme-la, compris ? J'te préviens, si tu m'obéis pas, ça va très mal s'passer pour toi ! »
De quoi faire disparaître l'envie de jouer les rebelles. Dans les circonstances, le jeu n'en valait pas la chandelle et le fantôme obéit, non par plaisir, mais parce que c'était le meilleur moyen de mettre le plus de distance possible entre lui et ce fou en tablier. À le voir ainsi, il paraissait éreinté, fiévreux sûrement, et cette démence qui lui grippait l'esprit était probablement encouragée par l'affection qui pourrissait à l'intérieur de ses veines ; un homme en crise, qui n'avait rien à perdre et à peine plus à gagner, voilà ce qu'il était. Voilà ce qui justifiait ses élans nerveux, ses mouvements saccadés à travers la salle, ses ongles raclant son crâne où graissaient des mèches poivre et sel. Il ouvrit des tiroirs sans les refermer, dégagea des plans de travail pour n'y rien déposer, juste contraint par une ébullition interne, un bouillonnement des organes. Son visage, empourpré comme celui d'un coureur de marathon, évoquait tour à tour une détresse sans fond et une rage violente. De temps en temps, il laissait échapper un mot ou deux, des grognements plus que des syllabes, avant de jeter sur son otage des iris hagards, et on eut dit qu'il hésitait entre le buter sur-le-champ ou le relâcher. Ni l'une ni l'autre de ces solutions ne l'enchantait, à l'évidence.

Il s'écoula plusieurs minutes d'ici à ce qu'une voix extérieur ne se fît entendre. Entre temps, le malade – qui portait une étiquette Rick sur sa robe d'hôpital – avait organisé la pièce à l'instar d'une citadelle, déplaçant les meubles pour en restreindre l'accès et masquant l'objectif des caméras de surveillance avec le sang contenu dans certaines fioles. Malgré les protestations de son captif, il l'avait attaché à une remontée de chauffage au moyen de cordons en plastique, de telle sorte qu'Enoch ne pouvait espérer s'enfuir sans détraquer la climatisation ou, tout du moins, sans s'arracher la peau des poignets sur des tuyaux originellement destinés aux dons de plaquettes. De toute manière, plus il se faisait discret et plus Rick se désintéressait de lui, ce qui l'arrangeait bien, et il se serait bien gardé d'attirer l'attention sur ses piètres tentatives pour se libérer. Il lui fallait être patient. Les Erasers enverraient quelqu'un à la rescousse, le fameux scientifique avec le non moins fameux antidote, et à coup de compromis, l'histoire serait réglée en deux cuillerées à pot. Ha. Si seulement. Parce que c'était bien beau, cette prise d'otage, cette demande de rançon insolite, ce grand chambardement chez les médecins, mais il y avait un hic dans la balance. Un sacré hic, d'ailleurs. Du genre génétique. Du genre mutant. Et cela, le gamin en fit les frais alors même qu'il entendit l'appel de son possible sauveur, quelque part de l'autre côté du mur.
« Pas trop tôt... » grommela Rick, qui s'empressa d'entrouvrir la porte pour y glisser un œil. Si ce qu'il vit ne parvint pas à son otage, ce dernier néanmoins écouta avec soin ce qui déterminerait ses prochains instants à vivre.
« Z'êtes seul ? Filez l'antidote et dégagez ! »
Réponse étouffée.
« Vous essayez d'me duper, hein, c'est ça ? Ça march'ra pas ! »
Nouveau murmure.
« Ça, ça dépend d'vous ; si z'êtes clean, j'lui f'rai pas d'mal ! Sinon, j'serai pas seul à crever ici ! »
Recroquevillé sur lui-même, les bras accrochés au conduit au-dessus de sa tête, Enoch se mit à frissonner. La discussion s'annonçait houleuse, Rick étant borné, réticent à céder le moindre morceau de terrain tant qu'il n'aurait pas l'assurance d'être tiré d'affaire. Sans doute s'interrogeait-il sur la véritable teneur du remède ; les miliciens auraient pu lui refiler un faux antidote histoire de le calmer, pour mieux l'attraper ensuite. En dépit de son état instable, il ne leur ferait pas cette joie.
« Si c'est l'bon sérum, j'veux qu'vous l'testiez d'abord ! Pas sur vous, parc'que vous vous êtes sûrement immunisé avant d'venir. Donnez-le au gosse, et s'il s'passe rien, j'le prendrai ! »
Tout de suite, le gosse leva les yeux vers l'embrasure. De là où il se trouvait, il ne distinguait des deux hommes que le dos immense de son geôlier et une touffe brune par-dessus son épaule, peut-être les cheveux du scientifique qui dépassaient, rien d'autre.
Mais il entendait. Et ce qu'il entendait ne le réjouissait plus du tout. Il ne voulait pas gober n'importe quoi. Surtout pas un antidote présumé poison fourni par un inconnu présumé immunisé contre cet antidote présumé poison. Non. Plutôt rester attaché là jusqu'au soir. Il avait bien trop peur. Et pourtant il était incapable d'élever la voix pour se rebiffer, ne serait-ce que pour traduire sa frayeur et son embarras. Alors il devait paraître stupide, à fixer les silhouettes devant lui, les yeux humides et les joues étonnamment roses sur sa figure livide.
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Chaze Ross
Chaze Ross
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20.09.15 14:27
Un silence vicelard répondit à sa question. L’angoisse monta d’un cran, faisant s’accélérer les battements de son cœur, organe que le jeune scientifique essayait en vain d’apaiser. Tâche plus ardue qu’en apparence. Et si l’Evolve avait déjà rendu l’âme ? Chaze s’aperçut alors qu’il ne connaissait rien de sa situation, celle qui l’avait contraint à tenir tête aux Erasers en emportant un malheureux otage avec lui. Si le type en question était suffisamment désespéré comme ça, alors son état devait être critique. L’épidémie avait fait des ravages et continuait d’en faire de surcroît. Il n’y avait rien d’étonnant à ce que l’un des malades pète un câble de temps à autre. Non, ce qui était davantage stupéfiant, ce fut que les miliciens aient laissé la situation se dégrader à ce point. Merde quoi ! Le jeune homme ne voulait subitement plus découvrir la cachette de son mystérieux interlocuteur, de crainte d’apercevoir un, si ce n’était, deux corps étendus sur le sol, sans vie. Tant parce que l’otage n’y était pour rien dans toute cette histoire, que parce que le geste de l’Evolve était purement désespéré. Il le comprenait, à la différence des Erasers qui l’avaient envoyé comme médiateur improvisé. Soudain, il y eut du mouvement un peu plus loin sur sa gauche et l’instant d’après, une porte pivota légèrement sur ses gonds, dévoilant un œil unique, plutôt effrayant étant donné la lueur de folie qui régnait en son sein. Chaze prit sur lui pour ne pas tourner les talons et s’enfuir en courant.

« Du nerf, il en va de la vie de l’otage bon sang ! »

D’autres que lui n’auraient eu aucun scrupule à abandonner ledit otage et dormir le soir même sans la moindre difficulté. Sauf qu’il n’était pas de ces gens-là. Malheureusement ou heureusement, il n’en savait encore trop rien. Son sens de l’humanité lui avait attiré plus d’emmerdes que de bonnes choses au final. Mais pour une obscure raison, le jeune scientifique ne souhaitait pas changer ce trait de caractère. La voix de l’Evolve le ramena au moment présent. L’heure des négociations tendues était venue : pas question de céder du terrain désormais mais il ne fallait pas non plus énerver son interlocuteur, déjà bien surexcité.

« Je vais partir, calmez-vous. Je vous donne cet antidote et vous laissez partir votre otage. D’accord ? »

Le timbre de sa voix était volontairement calme et posé. Chaze s’efforçait au maximum d’articuler chaque syllabe lentement, pour s’assurer que l’homme en face de lui n’aurait aucun mal à le comprendre, tout en veillant à ne représenter aucune menace à ses yeux. Le don de médiation n’était pas vraiment dans ses aptitudes. Il craignait qu’à force d’exprimer ainsi, l’autre croit qu’il le prenait pour un demeuré – un fou furieux à la rigueur – et ne s’emporte davantage. Tandis qu’il écoutait les nouvelles vociférations de l’Evolve, le jeune scientifique eut soudain très chaud. Ce ne fut pas immédiat comme sensation, elle se fit plutôt de manière progressive mais le constat était là. Il se sentait mal en présence du patient. Enfin, mal était peut être exagéré. Disons qu’il avait conscience d’un changement chez lui, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Chaze lutta contre l’envie de fermer les yeux et de soupirer bruyamment, ramenant ses pensées sur l’otage en question.

« Je n’ai pas l’intention de vous duper. Je suis venu vous donner cet antidote en échange de votre otage. Laissez-moi voir comment il va. Acceptez le deal et tout le monde s’en sortira indemne. »

Bien qu’au fond de lui, le jeune homme en doutait très fortement. Même en supposant que le contenu verdâtre de sa fiole soit efficace sur le pauvre bougre ou que les miliciens avaient l’intention de le récupérer sans utiliser la force autant que possible, Chaze savait qu’aucun vaccin attesté n’avait été trouvé en réalité. Au mieux, celui-ci ne ferait qu’apaiser les troubles psychotiques du patient, au pire, il l’achèverait dans l’heure. Ce constat lui serra la gorge. Le chantage de son interlocuteur acheva de lui nouer la trachée. Tester ce truc ? Même un enfant de 5 ans refuserait de le boire si on le lui demandait en échange d’un bonbon ! La raison ? Sa couleur pardi ! Semblable à du vomi fraîchement délivré, avec un peu d’imagination, on pouvait presque discerner les restes à moitié digérés d’un repas avalé la veille. Bien sûr, la fiole ne contenait aucune trace d’aliments, peut-être même que ce n’était que de l’eau mélangée à un sirop à la menthe qui sait ? A la menthe extraite du compost… Devant le regard de Rick, le jeune homme sut qu’il n’avait guère d’autres choix pour le moment. Il se contenta d’un hochement de la tête avant de pénétrer à l’intérieur de la forteresse aménagée en hâte par le patient. Le gosse portait bien son titre. En découvrant le gamin recroquevillé dans un coin de la pièce, Chaze sentit une bouffée de colère l’envahir. Pas bon. Il le savait. Mais la vue d’un gosse malmené de la sorte, complètement paumé et qui allait devoir mettre sa vie en danger pour satisfaire à la paranoïa justifiée d’un malade, le rendait vraiment furieux. Profitant que l’Evolve demeurait un peu en retrait pour refermer la porte sur lui, sans manquer de jeter de nouveaux coups d’œil à l’extérieur, le jeune scientifique s’accroupit devant l’otage présumé. Il avait une sale mine. Pâle, chétif avec les joues étonnamment roses, en contraste avec le reste de son teint. Fiévreux peut-être ? Ce qui justifierait sa présence dans un tel endroit.

« Tout va bien. » lui murmura-t-il à voix basse, de sorte que Rick ne put l’entendre.

Le mouvement de recul du gosse s’interrompit net quand les mots franchirent ses lèvres. De toute évidence, il s’était attendu à ce que Chaze s’empresse de lui faire avaler une partie du contenu de la fiole, dans le but de convaincre l’Evolve, mener à bien sa mission et rentrer chez lui, avec le sentiment du devoir accompli. Les dommages collatéraux ? Aucune importance. Le jeune scientifique ne desserrait pas les dents pour autant. Il aurait voulu plus de temps pour s’assurer que l’otage allait vraiment bien. Ce n’était pas l’impression qu’il avait et ça le démangeait de porter sa main au front du gosse pour évaluer l’étendue de sa fièvre. Etait-ce en lien avec le fameux pouvoir de Rick ? Le chef des Erasers lui avait dit un mot à ce sujet. Lequel déjà ? Pourquoi avait-il eu soudain chaud en présence du patient ?

« Alors ?! Ça vient ? »

La voix mélodieuse de l’Evolve lui parvint dans son dos, comme pour le presser à agir. Il lui fallait trouver une parade et vite. Puisqu’il ne connaissait pas le degré de dangerosité du prétendu antidote, il était impensable de l’administrer à l’otage. Plus depuis qu’il était parvenu à établir une confiance toute relative entre eux. Le gamin savait qu’il ne le trahirait pas là-dessus, alors il ne pouvait pas revenir sur sa parole.

« Avec un tel regard adorable, qui pourrait- Hein ? Qu’est-ce qui me prend ? N’importe quoi ! »

Un peu troublé par ce qui venait de lui traverser l’esprit, Chaze secoua faiblement la tête. Il n’était vraiment pas bien du tout depuis sa brève entrevue avec le patient. Lequel hurlait de nouveau dans son dos pour connaître la raison de sa soudaine immobilité. Réfléchir. Ignorer le regard du gosse. Trouver une solution. Prétendre qu’il refuse de boire ? Rick trouverait bien une seringue dans le coin pour injecter de force le contenu de la fiole à son otage. Alors quoi ? Vite. Une idée. N’importe laquelle !

« Le bouchon est trop serré, je n’arrive pas à l’ouvrir… C’est bête hein ? Haha… » déclara-t-il soudain en se passant une main dans les cheveux, l’air embarrassé.

Jouer les idiots était devenu comme une seconde nature chez lui, bien utile lorsqu’il était question d’écarter les soupçons qui pesaient sur votre personne. Attitude qui n’avait rien de bien flatteur en réalité, considérée comme la parade des faibles par certains. Pourtant, le jeune scientifique se risqua à tourner la tête en direction de l’Evolve, au risque d’offrir son visage aux poings de ce dernier s’il venait à considérer cette affirmation comme une énième moquerie à son égard. Au lieu de ça, un bruyant soupir agacé se fraya un chemin entre les lèvres de Rick.

« Filez moi c’truc ! » grogna-t-il en tendant la main.

Le poisson mordait à l’hameçon. Chaze n’eut pas une hésitation avant de lui remettre la fiole alors que son interlocuteur le poussait sans ménagement sur le côté, manquait de peu de le faire radicalement tomber sur ses fesses, faute d’équilibre suffisant pour se rattraper. Les manières n’étaient pas encore là, elles. Le regard du jeune homme se posa alors sur la nuque de Rick, tandis que ce dernier occupait désormais la place de l’intéressé quelques secondes plus tôt. Contrairement à ce que Chaze avait prétendu, le bouchon n’offrit aucune résistance particulière sous la pression du pouce de l’Evolve, finalité qui offrit un nouvel essor à l’égo du principal concerné. Il y alla même tellement fort, qu’il faillit renverser une partie de la fiole sur le sol au passage. Et maintenant ? Rick lui apporta rapidement la question, venait attraper fermement le bas du visage de son otage, pressant les joues de ce dernier afin de lui ouvrir la bouche dans le but de lui faire avaler un peu du prétendu vaccin.

« Aller mon mignon, ouvre grand l’gosier ! »

Devant le refus de coopérer évident du gamin, l’humeur de l’Evolve ne tarda pas à s’assombrir de nouveau. Le coup partit, faisant naître une teinte plus foncée sur l’une des joues de l’otage. Pas le temps de s’attarder sur le geste et sa brutalité, que Rick revenait déjà à la charge :

« T’as intérêt à avaler p’tit merdeux ! Sinon t’vas souffrir ! »

La situation prenait un tour plus problématique encore. Chaze ne pouvait se résoudre à laisser le patient malmener davantage son otage, d’autant que le regard paniqué de ce dernier en disait suffisamment long sur sa capacité à tenir face à la menace qu’incarnait physiquement Rick. En parlant de l’énergumène, toute son attention était dirigée à cet instant sur les lèvres du gosse, il ne s’intéressait pas plus à ce que la troisième personne présente dans la pièce comptait faire, ou ne pas faire. Et son corps agit avant l’ordre de sa conscience, laquelle hurlait de peser le pour et le contre. Le jeune scientifique tomba sur l’Evolve, l’attrapant par sa robe d’hôpital au niveau des épaules avec l’intention de l’écarter violemment de son otage. La surprise de Rick joua en sa faveur dans les premières secondes, mais une fois que ce dernier réalisa ce qui se passait, il ne tarda pas à se mettre debout. Toisant d’un regard mauvais, le bouclier humain aux cheveux bruns qui se dressait entre lui et sa cible. Sa lèvre inférieure se mit à trembler, comme parcourue de tics nerveux alors que le reste s’étirait en un rictus mauvais, lequel n’annonçait visiblement rien de bon.

« Toi l’savant fou, t’vas m’le payer ! »

« Attendez ! On peut discu- ! »

L’autre ne lui laissa pas le temps de terminer sa maigre tentative pour renouer avec la médiation oratoire. Restait celle physique. Rick chargeait déjà comme un bœuf, non sans avoir brisé la fiole entre ses doigts sous l’effet de la fureur. Deux filets, l’un rouge et l’autre verdâtre, se mêlaient et coulaient le long de sa main pour toucher le sol mais Chaze n’eut pas le temps d’apprécier le spectacle. La charge de l’Evolve l’atteignit en plein dans l’estomac, lui coupant net la respiration sous la violence du choc. Emporté par son élan, le patient l’entraîna dans sa chute et ils tombèrent tous les deux, roulant au milieu des débris de verre et autres ustensiles propres aux laboratoires. Même malade, Rick demeurait un adversaire féroce. Sa force se trouvait décuplée par la colère et la peur de mourir, ce qui obligea le jeune scientifique à défendre chèrement sa peau. En plus d’essayer d’éviter les débris de verre pour ne pas se blesser lui-même, tout en s’empêchant de fournir à l’Evolve de nouvelles armes pour prendre l’avantage, Chaze devait lutter contre une main poisseuse de sang verdâtre qui se pressait contre ses lèvres hermétiquement closes, tant il était révulsé à l’idée d’ingérer la moindre goutte de ce double poison que représentait le liquide coloré.

« Ah mon salaud ! Bouffe ça un peu pour voir ! T’vas savoir c’qu’c’est d’crever comme un chien ! » hurlait-il son adversaire avec une voix de dément.

Une foule de répliques se succédaient dans l’esprit du jeune scientifique, qui dut résister à l’envie d’ouvrir la bouche pour les balancer au visage de son agresseur. Ce serait tomber dans le piège que lui tendait grossièrement Rick. Sauf que ce dernier avait négligé un détail : en brisant la fiole entre ses doigts, il s’était ouvert la paume, permettant à une partie du produit de s’infiltrer dans ses veines. Le temps de la lutte dura jusqu’à ce que le poison ne remonte jusqu’au cerveau du malheureux. Sans le savoir, l’Evolve venait de signer sa reddition sous l’effet de la colère. Un tremblement l’agita entièrement et Rick cligna des yeux, l’air soudain hagard. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Pourquoi il se sentait aussi faible tout d’un coup. Chaze mit ce changement inespéré au profit d’un retournement de situation et passa un bras autour du coup de son adversaire. Il serra, pas au point de le tuer, simplement pour l’étrangler, s’efforçant d’ignorer les soubresauts de sa victime, parfois ponctués de gargouillis atroces. Au bout de longues minutes aux allures d’éternité, le jeune scientifique sentit la résistance de l’Evolve céder brutalement, preuve étant que ce dernier venait de sombrer dans l’inconscience. Sans perdre un instant, il lâcha sa victime et jeta un regard autour de lui. Il ignorait ce qu’on avait glissé dans la fiole mais la pièce dans laquelle il se trouvait devait bien comporter quelques véritables antidotes non ? Mettant à profit ses maigres connaissances dans le domaine, Chaze vérifia le contenu de plusieurs tiroirs, obtenant une seringue vierge de toute précédente utilisation, ainsi que plusieurs flacons aux noms barbares. Cependant, il avait déjà vu faire certains de ses collègues du département d’études, lorsqu’il était question de mettre en sommeil le pouvoir d’un Evolve jugé trop dangereux. Il ne perdit pas son temps à jeter un coup d’œil en direction de l’otage et s’empressa d’administrer une dose suffisante du produit en question dans le corps d’un Rick inconscient, non sans tâter régulièrement le pouls de ce dernier. Son entreprise terminée, il jugea de ne pas être en mesure de pouvoir faire autre chose pour le moment et se tourna alors vers le gamin, resté en retrait pendant tout ce temps.

« Est-ce que ça va ? »

Lui-même n’avait pas conscience d’offrir un triste spectacle avec son visage bariolé de trois couleurs différentes, lesquelles tâchaient également sa blouse, jadis d’un blanc impeccable, sans compter la large coupure sous l’œil qu’il s’était offerte. Un peu plus et il perdait l’usage d’un œil ! N’attendant pas la réponse du gamin, Chaze vint à sa rencontre et fit ce qui le démangeait depuis un bon moment maintenant : il posa sa main sur le front de l’otage. Il était brûlant. A quel point la fièvre avait-elle gagné du terrain pendant tout le temps de sa captivité ?

« Je vais te sortir de là. Les médecins prendront la relève. » ajouta-t-il naturellement en s’attaquant aussitôt aux liens du garçon.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



20.09.15 17:58
Le conciliabule qui s'était déroulé à deux pas de lui s'était conclu sur l'entrée loin d'être fracassante – quand bien même il aurait pu se fracturer le genou sur l'un des meubles placés en plein milieu du chemin – d'un scientifique tout ce qu'il y a de plus improbable, l'air un peu paumé, visiblement guère habilité à gérer ce genre de situation. Lorsque leurs regards se croisèrent, Enoch n'y vit rien de rassurant quoique rien de dangereux non plus, mais de façon automatique il se méfia. Les deux interlocuteurs s'étaient certes convenus de lui faire avaler un truc bizarre répondant au doux nom d'antidote, or, distinguer cet échantillon couleur de gerbe végétarienne entre les doigts d'un fac-similé de médecin ne lui disait véritablement rien qui vaille. Il en avait pourtant mangé, des aliments curieux, depuis qu'il avait mis les pieds dans le futur ; les poubelles qu'il avait fouillées durant quelques semaines lui avaient offert une gamme de produits étranges, de bouillies douteuses, de cacahuètes au goût de menthe et de fruits reconstitués à partir de débris organiques. Il va sans dire que la majorité des denrées qu'il avait récupérées avaient davantage vidé que rempli son estomac, mais il avait fini par s'habituer à ces compositions chimiques qui auraient été visionnaires au vingt et unième siècle. Sauf que là, il aurait fallu le payer pour ingurgiter cette chose à moitié vivante, et même payé, il n'en aurait pas voulu. Ce refus catégorique devant s'inscrire en taille trente-six dans ses iris. Pourtant l'étranger s'approcha, et à l'instant où il s'accroupit devant le gamin, celui-ci eut un sursaut brûlant.
Non, tout n'allait pas bien. Il eut beau se convaincre que ces mots n'étaient que pure rhétorique, une piètre tentative pour le réconforter avant la mise à la mort, il ne parvenait pas à y croire. Même s'il risquait moins d'être blessé à cause de cet homme que de l'autre fou furieux, jamais il n'acquiescerait devant ce malentendu. Il n'allait pas bien, de sûr il le sentait, mais pas de la manière à laquelle il s'attendait. Au vu du contexte, Enoch s'était imaginé que le tohu-bohu de ses organes était dû à l'adrénaline qui se déversait à haute dose dans ses artères, et sans doute cela l'était-il jusqu'à un certain point. Mais il y avait autre chose. Un autre mal, dont il ignorait d'ailleurs si ce terme pouvait s'y rapporter avec justesse ; un trouble sans cause, sans origine connue, qui s'étendait à l'ensemble de ses nerfs. Ce n'était guère douloureux, à peine un élancement dans le ventre, mais dieu que c'était horrible. Et pour lui qui n'avait connu qu'une unique fois pareil vertige, il mit longtemps à en retrouver la provenance.

Pendant ce temps, Rick s'impatientait. Cette hésitation de la part du scientifique conforta le gosse dans l'idée que le prétendu remède n'en était pas un, et que lui administrer sans précaution comprenait des risques à ne pas prendre à la légère ; qu'à cela ne tienne, il irait dans le sens de la raison en accordant sa confiance au brun, quitte à le regretter par la suite. De toute façon, ce n'était pas comme s'il pouvait réfléchir à autre chose qu'aux pulsations effrayées de son myocarde, et ce d'autant plus que le malade ne possédait pas une réserve d'indulgence expansive. La tentative du bouchon-trop-serré leur ferait gagner dix secondes, tout au plus, dix secondes durant lesquelles il leur faudrait trouver un plan qui tînt la route, avec évasion à la clef. Le délai était beaucoup trop court. De plus, ce bref répit avait eu pour effet de ramener l'Evolve auprès d'eux tout en augmentant son irritation, ce qui au premier abord ne servait pas les intérêts des deux complices d'infortune. Contrairement au faux-médecin, Rick n'y alla pas avec le dos de la cuillère quand il fut question de faire avaler le fluide, et Enoch ne put résister à sa poigne brutale. Comme s'il allait l'ouvrir de gaieté de cœur ! Pour sûr, il se fourrait une poutre dans l'œil, celui-là. Mais jouer les fortes têtes en gardant les lèvres closes – une parole de protestation et il aurait été piégé – ne lui amena qu'une réaction plus violente encore que le scientifique ne fut pas en mesure d'empêcher. Tant pis.
La claque lui embrassa la joue avec un bruit mat, libérant une plainte étouffée de la part de la victime, aussitôt suivie des menaces qui seyait mieux à la situation. De « mignon » il devenait « merdeux », et de la tendance paternaliste du dégénéré l'on passait à un exemple de rage pathologique. L'épisode s'envenimait de seconde en seconde. Alors, face à la dangerosité grandissante du patient qui croissait proportionnellement à la terreur de l'otage, le médecin malgré lui eut la fabuleuse idée de revêtir le costume de catcheur non-professionnel pour ensuite se lancer dans la bagarre. À l'évidence, il s'agissait de l'idée la plus folle qui soit, compte tenu de l'aménagement de la pièce et du rapport taille-poids des deux compétiteurs, mais il faut croire que le brun ne manquait pas de culot ni d'audace. Peut-être le désespoir avait-il aussi son mot à dire dans l'histoire, bien qu'Enoch ne cherchât pas à tergiverser sur les réelles justifications. On venait à son secours, c'était tout ce qui importait.

La bataille se présenta d'emblée en défaveur du scientifique. La fureur n'armait pas son bras, pas plus que la maladie ne le rendait implacable ; ses motivations seules ne constituèrent pas une barrière tenace contre l'assaut du forcené, et ils partirent ensemble à la renverse sous le regard éberlué du gamin dont le maigre gabarit lui parut à ce moment encore trop imposant. Il aurait aimé rentrer dans le mur, se confondre avec l'angle où il se blottissait afin d'éviter de prendre un coup perdu. L'amas de muscles qui s'affrontaient et roulaient à deux centimètres de lui le plongeait dans une panique profonde, illustrée par ses tremblements de plus en plus forts, de plus en plus irrépressibles. Quelque chose se répandait au cours de cette lutte grossière, un il-ne-savait-quoi d'inodore, d'incolore, mais dont il sentait les vapeurs s'infiltrer à l'intérieur de son organisme et s'y greffer en douceur. Son esprit suivait tant bien que mal le déroulement du combat, cependant sa peau commença elle aussi de se débattre contre un ennemi invisible qui peu à peu gagnait du terrain, grignotait ses chairs et envahissait sa pensée.
Les crissements du verre brisé, les heurts dans les coins des meubles et les halètements des combattants donnaient à la pièce des allures d'arène, le sable et les clameurs de la foule en moins, si tant est qu'Enoch pût représenter une foule à lui tout seul. Loin de chercher à encourager ou à mettre en garde, il assista au dénouement de la bataille de façon hachée, incapable de se réjouir correctement de la victoire de son allié. Il le suivit toutefois des yeux durant ses déplacements, comprenant bientôt qu'il avait en effet échappé à une tentative d'empoisonnement, et que le scientifique imposteur s'y connaissait un minimum en procédures médicales ; un pur novice n'aurait en aucun cas pris semblable initiative en inoculant au malade n'importe quel produit chipé dans un tiroir. Cela dit, la salle ressemblait désormais à un champ de guerre réduit plutôt qu'à un entrepôt pharmaceutique, avec toutes ces fioles éclatées, leur contenu dégoulinant sur les plans de travail jusqu'au sol dans un sanglant désordre. Le brun à son tour présentait des taches similaires, sur sa figure comme ses vêtements, ce qui lui conférait une aura de Frankenstein humain qui contrasta avec sa question.

Si cela allait ? Mais évidemment que oui, pourquoi donc ? Évidemment que non. Toujours aussi perturbé, le gosse ne sut s'il fallait hocher la tête ou la secouer, si bien qu'il fit les deux, l'un après l'autre. Oui, ça allait puisqu'il était intact et sauf. Sauf que cela n'allait pas puisqu'il n'était pas sain. Il ne l'était même pas du tout à cet instant, et la sensation empira encore quand il sentit le contact d'une paume un peu moite sur son front. Sa prime réaction fut de plisser les paupières comme s'il craignait une nouvelle gifle ; cependant il constata qu'être aveugle décuplait aussitôt ses autres sensibilités à outrance, ce qui rendit la proximité de l'homme encore plus asphyxiante, de sorte qu'il se força à rouvrir les yeux tandis que des mots privés de signification frôlaient ses tympans. Effrayante sensation que de ne capter que les vibrations tièdes de la parole, les ondes doucereuses d'une communication plus animale qu'humaine. Parce que c'était là, le nœud du problème. Enoch sentait que son humanité lui coulait entre les doigts, que sa conscience jusqu'à lors aiguisée n'était plus maintenant qu'un ramassis d'impulsions mal coordonnées, de vivacité irrationnelle, une pelote de communications nerveuses en ébullition. Au profit d'une lucidité fugace, il mit néanmoins le doigt sur l'époque où il avait éprouvé cet état, la première et unique fois de son existence. Une époque lointaine et pourtant proche, dont il conservait un vif, trop vif souvenir. Presque mordant. Et il sut.

Il sut trop tard. Trop tard pour avertir son sauveur, trop tard pour refuser la délivrance. Tandis qu'il cherchait fiévreusement dans sa mémoire, les entraves à ses poignets se déliaient avec patience, et ses mots et ses gestes subirent un irrévocable décalage.
« Ne faites pas ça... » gémit-il en tentant de se maîtriser. Mais déjà ses mains bondissaient sur les épaules du brun, et avec elles tout son buste bascula vers l'avant, comme un ressort que l'on détend, comme un diable sort de sa boîte. Ce démon-là ne grimaçait pourtant pas. Il n'avait rien de mesquin ni de méprisant, et sans doute était-il moins dangereux que les cerbères et autres mythes à crocs. Sauf qu'il se montrait éminemment plus insidieux que ses confrères, usant d'une force que le gamin ne put contrôler. En un soupir, le gamin profita de la posture bancale de l'homme pour le renverser, insouciants des éclats de verre sur le carrelage, avant de le recouvrir à quatre pattes, les phalanges toujours ancrées dans ses clavicules. En dépit de son élan inattendu, il restait parcouru de secousses, de légers spasmes qui lui bloquaient les jambes et l'empêchaient de se redresser, ce qui l'obligea bientôt à s'asseoir tant bien que mal sur le scientifique. Grave erreur. Cette fois encore, ses mots se bousculèrent après ses gestes.
« Pardon, ce n'était pas... » Ce n'était pas quoi ? Il n'arrivait même plus à définir les choses, à désigner les concepts. Même son excuse se liquéfia dans sa gorge lorsqu'il déglutit. Ses coudes se mirent à flageoler, menaçant de rompre la distance qu'ils maintenaient avec peine entre leurs deux torses, alors que des yeux il cherchait la masse inerte de Rick, allongée non loin, en guise de prétexte. « Il... » Parler n'avait jamais été aussi difficile. Il le fallait, pourtant, ne serait-ce que pour reporter l'attention ailleurs, pour éloigner la tension dévorante. « Il est mort ? Que... Qu'est-ce qu'il voulait ? » Il connaissait déjà la réponse à ces questions ; elle n'étaient là que pour faire écran au reste de ses pensées, pour dévier leur cours trop tôt tourné vers l'anatomie étendue sous la sienne. Dans un état second, pour ne pas dire troisième, il essaya de quitter sa position. Échec cuisant. Si seulement c'était la seule chose qui cuisait chez lui, il s'en serait contenté sans mal. Il posa alors ses yeux troubles sur son sauveur dans le vain espoir d'y trouver le véritable antidote, mais ce qu'il y vit ne fit qu'augmenter sa fièvre. Il n'aurait pas dû. Et il devait s'enfuir, tout de suite, attiser sa part humaine avant que son propre instinct ne le trahisse, avant qu'elle ne soit gangrenée par une tout autre envie. « Je n'arrive pas à bouger. C'est... à cause de lui ? »
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robotic engineering
Chaze Ross
Chaze Ross
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21.09.15 18:59
Le plus paradoxal dans l’attention particulière qu’il portait à la santé de l’ex otage, était le fait que Chaze ne savait pas lui-même s’il allait si bien que cela. La bouffée de chaleur, laquelle aurait pu sembler bénigne pour une femme, ne lui paraissait pas normale. Son esprit, toujours soumis aux affres de la peur ressentie plusieurs dizaines de minutes auparavant, n’avait de cesse d’imaginer les pires effets possibles dus au pouvoir de l’homme qui se trouvait présentement allongé sur le sol, inconscient. Normalement, les Evolves n’étaient pas en mesure d’utiliser leur pouvoir s’ils n’étaient pas conscients. Alors ces picotements désagréables auraient dû disparaître en même temps que la conscience s’enfonçait dans les ténèbres de Rick non ?! Ce qui inquiétait de plus belle le jeune scientifique, fut qu’il ne soit pas capable de sortir lui-même le gosse de cette pièce. S’il perdait connaissance ou se mettait à péter les plombs, Chaze souhaitait que le gamin ait le temps de quitter les lieux, histoire d’éviter d’avoir à en subir les conséquences directes. Elle ou la vengeance d’un Rick dont l’égo venait d’être piétiné, réduit en bouillie. Choisir entre les deux était une tâche ardue de son point de vue. Alors dans l’esprit paniqué du garçon, ce devait être encore plus compliqué ! Une faible voix lui parvint alors et plus que le ton, ce furent les mots eux-mêmes qui lui firent relever la tête. Juste à temps pour voir son interlocuteur se redresser légèrement, les mains tendues dans sa direction.

« Hein ? »

L’imprévisible réaction de l’ex otage, en totale opposition avec celle qu’il s’attendait à affronter - soit la vision d’un gosse complètement paumé - ne permit pas à son cerveau de faire le lien entre le mouvement et les intentions de ce dernier. Avant de réaliser ce qui se passait et d’avoir ainsi l’occasion de retenir le geste du gamin en suspens, Chaze se sentit basculer en arrière. Il subit le mouvement sans réellement avoir une quelconque prise sur celui-ci. Il se vit tomber plutôt qu’il ne se sentit réellement plaqué au sol par son interlocuteur, lequel n’avait plus trop l’allure d’un gosse paumé avec un peu de recul. Mais quelles que furent ses véritables intentions, son expression et son regard trahissaient une certaine incompréhension de ce que lui-même entreprenait. Les excuses qui franchirent ses lèvres passèrent royalement au-dessus de la tête du jeune scientifique. En effet, toute son attention était à présent portée sur le second point de contact que venait de créer le gamin en s’asseyant sur lui. C’était, une sensation horriblement familière bien qu’incongrue à ses yeux. Les indices se multipliaient dans sa tête pour définir ce qu’il se refusait toujours à reconnaître comme tel. Pour l’avoir déjà expérimenté à plusieurs reprises, Chaze ressentait une violente attirance pour ce gamin. Sans pouvoir la comprendre, ni même la justifier. Elle existait, comme une entité propre et indépendante de sa volonté. Etait-ce parce qu’il était à croquer craquer avec ses joues rosies par un sentiment d’embarras teinté d’autre chose du point de vue du jeune scientifique ? A bien des niveaux, il ressemblait à ces femmes trop timides pour s’abandonner complètement mais qui pourtant parvenaient à se montrer un tantinet entreprenantes, de peur de laisser filer l’objet de leurs convoitises.

« Mais merde ! Ce n’est qu’un gosse ! Et un mec en plus ! »

Sursaut de conscience. A travers le voile du désir qui recouvrait ses yeux, faussant sa vision des choses, Chaze venait de fouetter mentalement. Il était hétéro. Ce n’était pas naturel qu’il soit ainsi attiré par un homme ! Un gamin de surcroît. Pour un peu on allait le considérer comme un pédophile qui venait d’élargir son terrain de chasse ?! La comparaison lui fit froid dans le dos. Malheureusement pas assez pour le détourner de ses envies et ses mains vinrent à la rencontre des hanches de l’ex otage. Poser les mains sur lui contracta violemment son bas ventre, toujours plus fort à mesure qu’il les remontait, entraînant le pullover dans son mouvement. Quelques secondes plus tard, ses doigts entraient en contact avec la peau de son interlocuteur, caressant celle-ci avec un plaisir difficilement contenu. A cet instant, il ne désirait plus qu’une chose. Non pas continuer la lente progression de ses mains pour atteindre sa nuque et exercer une légère pression dessus pour le rapprocher de lui, ça non. Le jeune scientifique rêvait silencieusement de poser ses mains plus fermement sur les hanches mises à nue du garçon après qu’ils aient échangé leurs positions respectives, de sorte à ce qu’il puisse se frayer un chemin en lui. Il voulait le posséder entièrement, élargissant son petit cul blanc de puceau jusqu’à le faire chialer de douleur.

« Mon Dieu… Je ne me reconnais plus… »

Dans une vaine entreprise pour se reprendre et éloigner de son esprit de telles pensées, Chaze secoua la tête avec énergie. S’il comprenait désormais ce qui se passait, il ignorait la raison d’une telle débauche sexuelle ! Son corps ne lui répondait que partiellement, la preuve étant que ses mains se mouvaient d’elles-mêmes, exerçant un mouvement de va-et-vient sur le bassin du garçon, de manière à ce qu’il se frotte davantage contre sa propre entrejambe. A ce rythme, il allait bander… Si ce n’était pas déjà le cas… Heureusement, la voix de son interlocuteur retentit de plus belle, hachée certes mais c’était tout ce dont le jeune scientifique avait besoin pour se concentrer sur autre chose que le corps du gamin.

« N-Non… Simplement, inconscient… Hum, est-ce que tu pourrais arrêter de… Non, rien… »

Comme si c’était l’initiative du gosse de se presser contre la preuve de sa virilité ! Bon d’accord, il avait été le premier à lui sauter dessus mais… Chaze pouvait encore s’affirmer l’adulte dans cette pièce – à l’exclusion de Rick bien entendu – alors il lui fallait reprendre les choses en main. Et surtout éviter de baiser ce pauvre gosse au milieu des débris de verre. Bonjour le traumatisme sinon !

« J’en sais rien… Peut-être… Il faut qu’on… bouge… »

Chaque mot était une épreuve pour lui et il put être fier de parvenir à en aligner autant, de manière aussi régulière. Dans un dernier sursaut de conscience, le jeune scientifique le fit basculer sur le côté, inverser les rôles. Dire qu’il n’avait même pas songé aux éventuels éclats de verre brisé qui pouvaient se trouver à proximité lorsqu’il exécuta sa manœuvre. A vrai dire, il ne se préoccupait plus de ce genre de détails depuis de longues minutes à présent. Péniblement, Chaze se redressa et tituba en arrière, trouvant le bienvenu support du mur dans son dos, contre lequel il ne tarda pas à s’adosser. Et maintenant ? Son regard dériva en direction du corps de l’Evolve. Le souvenir du sourire étrange du chef des miliciens lui repassa brièvement devant les yeux et le jeune scientifique dut fermer les siens pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Il avait encore du mal à croire que c’était l’œuvre de Rick. Même s’il n’avait pas de meilleure explication pour le moment. Ce fut donc à contrecœur qu’il reprit la parole, ayant plutôt envie de se laisser glisser au sol en attendant la fin de la tempête d’émotions contraires qui lui étreignait le torse.

« On ne peut pas rester ici. Lève-toi. Sinon… Et bien, je te porterai… »

Telle une princesse ? Les mots ne franchirent pas sa bouche à la suite des premiers. Chaze se surprit à espérer que le gamin ait compris la gravité de la situation au point de faire l’effort de se reprendre également. Dans une tentative pour se montrer plus aimable, il tendit une main en direction de son interlocuteur, laissant le soin à ce dernier de juger bon de s’en saisir ou non. Malheureusement, le gosse n’avait pas menti en affirmant ne pas arriver à bouger. Ses jambes tremblaient comme deux grosses guimauves étirées à l’extrême et le jeune scientifique se résolut à employer une table à roulettes pour la traversée de l’hôpital. Une chance qu’un tel dispositif soit utilisé dans cette partie de l’établissement. Ce ne fut pourtant pas gagné d’avance : même assis sur la table en question, l’ex otage constituait encore une très forte tentation aux yeux de Chaze. Il fallut beaucoup de détermination à ce dernier pour ne pas interrompre leur progression et retourner le gamin sur la table pour le défroquer dans la foulée. A croire qu’il aimait jouer avec le feu…

« Chef ! Le scientifique vient par ici avec l’otage ! » s’exclama un Eraser, non sans un certain degré de stupeur dans la voix.

L’information ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et Stanvey leva immédiatement la tête pour la tourner dans la direction indiquée par le doigt brandi de son subordonné. Passée la surprise de constater que leur plan avait fonctionné – par on-ne-savait quel moyen – le chef des Erasers s’approcha d’un pas rapide des deux individus. Le froncement de sourcils qu’occasionna la vue de leurs visages rougies à tous les deux, un peu comme s’ils venaient de courir un marathon, ainsi que l’absence évidente de l’Evolve dans le tableau, valut à Stanvey de les dévisager avec étonnement, avant d’ouvrir la bouche pour exprimer verbalement son interrogation. Chaze fut plus rapide que lui :

« Je l’ai neutralisé. Il est inconscient dans la pièce où il s’était retranché avec l’otage. Il est à vous, moi je m’occupe du gosse. »

Un compromis qui parut convenir parfaitement à son interlocuteur, bien qu’une légère suspicion brilla furtivement au fond de son regard. Des ordres furent aboyés et plusieurs hommes s’avancèrent vers eux, les dépassant sans un regard en arrière pour aller cueillir l’Evolve comme le plan le prévoyait à la base. Le jeune scientifique espérait que ce dernier ne finisse pas trop en mauvais état. En dépit de la violence qu’il avait manifesté à leur égard, Chaze comprenait bien que l’individu avait agi par désespoir plutôt qu’autre chose. Malheureusement, son cas n’était pas isolé, bien au contraire. Ce qui faisait que les Evolves étaient à ce point craints. Mieux valait mettre les voiles avant qu’on ne se rende vraiment compte de ce qui s’était passé dans cette fameuse pièce et qu’on ne vienne les importuner avec des questions gênantes. Profitant de l’attention détournée des miliciens et de la reprise progressive du service médical, le jeune scientifique entraîna l’ex otage hors de l’hôpital. La chance voulut que personne ne les arrêta en cours de route. Ce fut à peine si on leur jeta quelques regards indiscrets, mêlant étonnement et méfiance. A croire que la vision d’un homme en blouse maculé de couleur d’origine douteuse poussant un garçon sur une version éloignée d’un mix entre brancard et table d’opération, était devenue chose courante au sein de ses murs. Chaze nota dans un coin de son esprit bouillonnant de ne plus accorder autant de crédit au personnel de l’hôpital dorénavant. Comme de nombreux taxis stationnaient à proximité de l’établissement, il n’eut aucun mal à en occuper un.

« Conduisez nous à l’adresse qu’il vous communiquera. » déclara-t-il simplement au conducteur sans oublier de désigner le garçon d’un mouvement vague de la tête.

Pour couper court aux protestations de l’homme, lequel prétendait que son véhicule était réservé uniquement pour l’admission de patients en urgence – prétexte tout relatif – le jeune scientifique ne chercha pas à tergiverser en virant aussitôt une avance sur le compteur monétaire du taximan. A présent, on voyait clairement s’afficher le 0km, suivi de 50 dollars. Seul un pigeon aurait accepté de perdre autant pour si peu en retour mais Chaze n’était plus vraiment en état de raisonner sur le court comme le long terme. A mesure que le véhicule les conduisait vers leur destination, il se faisait violence pour ne pas jeter de coups d’œil en direction du second passager. Bordel. Voilà qu’ils se retrouvaient dans un lieu trop clos pour que cette proximité contrainte n’éveille pas de nouvel élan de désir. Pourtant, il lui fallait tenir. Il en allait de sa conscience ! En dépit de sa résistance éperdue, le jeune scientifique ne tarda pas à arrêter le taxi en avisant un hôtel pas loin :

« C’est bon, laissez-nous ici. »

« Mais… ! »

Le paiement intégral de la course, rajouté à l’avance gracieusement offerte à l’hôpital, acheva de décourager le chauffeur, lequel leur adressa son plus beau sourire édenté en leur souhaitant à tous les deux « Une bonne fin de journée Messieurs ! », politesse qu’aucun des deux individus en question n’eut l’intention de lui retourner. L’air frais ne lui fit pas autant de bien qu’il ne l’aurait espéré, après avoir enduré les effluves sucrées et louches qui émanaient de l’intérieur du véhicule, une odeur de renfermé, accentuée par toutes celles que les divers clients avaient laissé au cours de leurs voyages précédents. Chaze attrapa la main du gamin pour l’entraîner avec lui en direction de l’hôtel. Ce n’était pas bon. Toute sa conscience hurlait de cesser immédiatement, que c’était immoral, immonde et j’en passe et des meilleures. Cependant, ni les directives désespérées de celle-ci, ni le regard stupéfait du maître d’hôtel à l’accueil de l’établissement ne parvinrent à le détourner de sa route.

« Une chambre pour deux personnes s’il vous plaît. »

« Vraiment Monsieur ? Je ne vois p-… » commença son interlocuteur avant de s’interrompre brusquement.

Il venait d’apercevoir la petite silhouette cachée par celle du brun à la blouse horriblement sale. Et si cet étrange liquide peu ragoûtant venait tâcher la moquette de la chambre… ? Pire, les draps ? Parce que si deux personnes venaient louer une chambre en pleine journée, c’était évidemment pour ça. Que ce soit deux hommes ne le choqua pas davantage que le premier constat. Ce fut tout de même avec un peu de réticence qu’on leur fournit une clé, sans oublier de préciser le numéro de la chambre. Aucune importance : Chaze s’éloignait déjà, son regard fiévreux posé sur la clé en ébène qui portait le numéro de sa prochaine destination. L’intérieur de la chambre n’était pas très grand mais confortable. Tout comme le laissait deviner le meuble principal de la pièce, à savoir, l’immense lit deux places. Seulement, ce n’était pas l’objectif premier du jeune scientifique à cet instant précis.

« Va te passer sous l’eau glacée et restes-y un bon moment. Ça devrait te remettre les idées en place. Mais t’avises pas de choper un rhume hein ! »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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22.09.15 23:05
En vain cherchait-il une explication à ses émotions, une origine à ces courants électriques qui le parcouraient en long en large et en travers sans jamais vouloir s'estomper, une justification à ces secousses nerveuses qui l'ébranlaient de la tête aux pieds. En vain essayait-il de détourner son esprit de ces considérations purement corporelles qui l'assaillaient, à condition déjà de réussir à retrouver un semblant d'esprit tout court, chose des plus malaisées au vu de la situation présente. Il savait, au fond, que si le principe même de son état provenait de l'homme étalé à un mètre de lui, tout le reste – c'est-à-dire quatre-vingt-dix pour cent de l'histoire – trouvait sa cause dans son propre comportement et dans ces heurts, tantôt subtils, tantôt appuyés, envers le scientifique. Qu'il n'en soit pas le premier coupable ne lui effleura guère le cerveau, organe placé au rebut depuis plusieurs minutes, et à dire vrai il se contrefichait de connaître le véritable responsable de ces si plaisants ressentis. C'était comme se découvrir un double obscène à l'intérieur de soi, un alter ego dénué de pudeur et de sang-froid. Une part de lui raccrochée à l'intellect résistait à ces tentatives de lâcher-prise, mais la part de l'autre, lovée contre son bassin, vibrait avec emphase sous les caresses du grand brun, pareille à un animal qui refuse la chaîne et bondit de plus belle devant la promesse d'une meilleure récompense. Même si, en l'occurrence, ces simples frôlements constituaient davantage un doux supplice, loin, très loin de ce que le gamin oserait jamais réclamer.
Bouger. À croire que ce prétendu toubib n'avait pas du tout entendu ce qu'il venait d'exprimer avec tant de peine. Il ne pouvait pas bouger. Ne s'en sentait pas capable, du moins. Se hisser sur ses rotules lui semblait aussi inconcevable que grimper l'Everest à mains nues ou quelque autre connerie du genre, un effort inhumain pour lequel il n'exaltait nul courage ni ambition. Là, tout de suite, l'unique acte qu'il prévoyait de faire à l'exception de mourir de honte ou d'envie consistait à s'allonger sur le sol, à s'y recroqueviller et à attendre que quelqu'un de compétent vînt le sortir de cette tourmente qui lui bouffait les entrailles comme on mord dans de la gelée. Parce que justement, dès qu'il s'imaginait des dents, il revoyait avec une clarté effrayante les impulsions carnassières d'une certaine personne et se sentait faiblir encore un peu plus, cédant sa défense au démon de la perversité. Cependant, le petit poucet finit par se faire violence pour agripper la main qu'on lui tendait, car il pressentait que demeurer assis au rouge milieu d'éprouvettes fracassées n'était pas très indiqué lorsque, à l'instar de sa personne, l'on souffrait de troubles anxiogènes. En plus, maladroit comme il était, une coupure pouvait si vite se produire... Preuve en est sur le visage du scientifique, désormais serti d'une griffure de chat sous l'œil. Et puis, toute considération d'orgueil écartée, il se voyait mal porté en koala ou en amazone par un gars qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, vêtu d'une blouse maculée de fluides tous plus dégueulasses les uns que les autres. Même s'il n'était plus vraiment maître de lui-même, Enoch se refusait encore à abandonner ses derniers soubresauts d'amour-propre. Il devait se lever.

Tenter de faire fonctionner correctement les deux cotons-tiges qui lui servaient de jambes fut plus compliqué que prévu, de sorte il apprécia le support inopiné que dénicha son sauveur. Lui assis sur le métal froid de la table, l'autre poussant l'ensemble au prix d'un effort visible, ils quittèrent la pièce en se gardant bien de fanfaronner. Ce n'était guère le moment, et le gamin se rendit vite compte en posant à son tour sa main sur son front qu'il chauffait de manière quasi alarmante. Pourtant il tut ses angoisses, car il songeait que son cavalier cherchait à l'amener dans une chambre d'hôpital où il pourrait enfin se reposer, récupérer ses analyses sanguines et fuir cette fournaise où il risquait tôt ou tard de rendre l'âme. Chaque élément du décor s'était transformé en danger. L'exclamation des Erasers. L'agitation des soldats autour et l'irruption d'un autre scientifique dans son champ de vision. Le roulis saccadé de la table à laquelle il s'accrochait d'une main, l'autre écrasant son pubis avec une gêne palpable. Il ne voulait qu'une chose : disparaître. Fuir cette oppressante attention, ces regards interrogateurs sur sa personne, comme si tous les yeux le scrutaient de bas en haut afin de déceler, dans son attitude, les empreintes de la honte. À cet égard, l'intention de son complice lui convint tout à fait, si bien qu'il ne s'en étonna pas ; celui-là devait penser que le calme composait le meilleur remède pour se remettre de ses émotions, et ce n'était pas le gosse qui l'infirmerait.
Il se montra un tantinet plus circonspect lorsqu'ils franchirent les portes vitrées de l'hôpital, l'air à moitié voleur, pour s'engouffrer dans un véhicule posté à la sortie. À partir de cet instant, le garçon commença de douter, mais il n'aurait pour autant osé remettre en question l'autorité d'un médecin qui, de surcroît, avait limite envoyé bouler son supérieur en s'éloignant de la scène de crime. Il ne s'en était peut-être pas rendu compte jusqu'à présent, à l'observer en train de rouler par terre ou de remuer les jambes pour se défaire de l'emprise de Rick, mais Enoch lui reconnaissait une aura respectueuse, ou du moins une certaine estime, sans doute parce qu'il avait été le seul à courir au devant de l'Evolve pour lui venir en aide. Bon, il avait quand même dû être un soupçon contraint par sa hiérarchie, ce qui ne le dépréciait toutefois pas aux yeux de l'ex-otage.
Il fut quelque peu dérouté lorsqu'il fallut indiquer une destination au conducteur du taxi. Une adresse de résidence aurait été la solution la plus communément acceptée mais, manque de chance, il en était dépourvu. De résidence. Et de chance aussi. L'espace d'une seconde, il lança à son acolyte un regard désemparé dans l'espoir qu'il prît l'initiative, sauf que personne n'aurait su relever l'allusion derrière ces prunelles pluvieuses et, par défaut, il fournit la localisation de son nouveau lieu de travail. Là-bas, il connaissait des gens en qui il pouvait avoir confiance. Non qu'il n'accordât pas la sienne à son binôme, bien entendu, seulement il visait un environnement stable même une fois qu'il se retrouverait séparé de celui-ci, pour palier d'éventuels et malencontreux effets secondaires. Alors, au prix d'une impressionnante, pour ne pas dire outrageante, ils prirent tous deux la poudre d'escampette.

Malgré leur inconfort et leur mutisme, le trajet fut bref. La figure tournée vers l'extérieur, Enoch contemplait les façades luminescentes, les hologrammes publicitaires et la végétation plastifiée sur le bord de la route tout en s'efforçant de respirer profondément pour se calmer. Il en était sûr, désormais : le malade avait détraqué sans aucune réserve sa sensitivité. Et même s'il était maintenant hors d'état de nuire, les effets de son don ricochaient encore sous l'épiderme du gamin, prêt à se hérisser au moindre frôlement étranger. Le seul souvenir de ces paumes sur ses hanches attisait en lui un curieux mélange de bien-être et de désagrément, une sensation aigre-douce qu'il se prenait d'envie d'éprouver une nouvelle fois, pour être sûr. Comme le goût des airelles. Confus par ses propres lubies, il secoua la tête tandis que le véhicule ralentissait dans une rue qu'il ne reconnaissait pas.
« Où sommes-nous ? » pensa-t-il tout haut sans guère obtenir de réponse. Qu'à cela ne tienne, son guide avait dû opérer un changement de programme de dernière minute, probablement en prenant conscience qu'il avait un coup de téléphone à passer ou un patient à prévenir. Après tout, tant qu'il ne l'abandonnait pas à l'angle des bas quartiers en lui souhaitant bon vent, le gosse le suivrait. Il n'eut par ailleurs pas eu le temps de peser le pour et le contre de ce soudain arrêt, car il fut aussitôt entraîné dehors puis dans le hall d'un hôtel aux allures de maison de passe améliorée, une structure hybride entre la station essence et le motel haut-de-gamme, moquette brune à l'appui et hôte d'accueil en veston. Il flottait dans l'air les odeurs feutrées d'un cendrier plein, du rôti servi au déjeuner et de l'adoucissant à la pêche utilisé pour les draps, conférant à l'atmosphère une étrange familiarité. Perdu dans ses réminiscences, Enoch ne contesta ni la réservation d'une chambre ni les soupçons du réceptionniste ; il cherchait ce souvenir particulier qui lui faisait observer la scène avec une sensation de déjà-vu. Un écho ténu, en un autre lieu, une autre époque, et cependant presque similaire. Il fallait qu'il mette le doigt dessus. Il se pressentait.

Le tour de clef dans la serrure, le chuintement des gonds, le bleu sombre du dessus-de-lit. Et puis les ordres, enrobés d'attention amicale, avec cet éclat d'humour qui ne le fit pas rire. Cela ne ressemblait pas à ce qu'il cherchait dans la caverne de sa mémoire, en dépit de ses convictions. Il répondit cependant, par politesse plus que par nécessité :
« D'accord. »
Plus conciliant, tu meurs. En vérité, il n'avait juste pas envie de contester ou de faire le difficile, alors même que l'idée de prendre une douche glacée ne l'enchantait pas des masses. Néanmoins, il obéit sans tarder et se glissa dans la salle de bain avec prudence, comme s'il craignait d'être assommé par le pommeau de douche. Là, il retira son pull qu'il laissa choir à ses pieds avant de défaire sa ceinture, contrit de découvrir son entrejambe un peu moite. Un soupir de dégoût accompagna la chute de son pantalon, lui qui n'avait jamais vraiment porté son regard sur cette partie de son anatomie, par désintérêt plus que par pudeur, si bien qu'il s'empressa de rentrer sous la douche pour y laver sa confusion. L'eau froide, qui lui arracha un petit cri de stupeur au moment de couler sur sa nuque, eut pourtant des conséquences contraires à celles espérées. Plutôt que de détendre ses muscles, de refroidir ses ardeurs et de soulager son esprit, le jet réveilla une peau amollie par la récente chaleur, vivifia des nerfs moribonds et exacerba ses pensées. Plus le liquide se fracassait sur ses épaules et plus, une trentaine de centimètres en dessous, se manifestait une roideur inopportune. D'abord anxieux d'une telle réaction, puis irrité devant ce relent bestial, le gamin se décida finalement à dissiper le problème dans le vacarme de la douche. Profitant de ce qu'il ne s'entendait même plus penser – et du fait que son accompagnateur ne l'écoutait pas non plus – il vint s'emparer de la rébellion avec la ferme intention de la mater en bonne et due forme, afin de lui éviter le procès pour outrage aux bonnes mœurs que n'oublieraient pas de lui filer les gérants de l'hôtel s'ils le prenaient en flagrant délit. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Parce que lorsque l'on méconnaît son ennemi, il n'est jamais bon de se jeter à corps perdu dans la mêlée.
Il était déjà trop tard quand Enoch comprit son erreur. Trop tard pour lever les mains et clamer son innocence, trop tard pour dénicher des excuses à une situation qui n'en autorisait aucune. Dès lors qu'il s'apprivoisa, il eut du mal à s'arrêter. Enfin, du bien. Et le fait de se sentir mal pour quelque chose de bon, ou même d'éprouver une gêne furieuse pour un instant d'égarement, le plongea dans une perplexité totale. Voilà qu'il se souvenait, en observant le blanc d'œuf cru s'écouler entre ses doigts, de cette contradiction fatale à l'intérieur de lui, de ce moment de rupture irréparable qui l'avait conduit dans les bras de Jesse. Tout à coup, la fièvre d'il y a deux siècles revint l'envahir, s'empara de ses membres et se greffa à ses os ; elle s'enroula contre sa colonne, s'insinua par tous les pores de sa peau et érigea une domination passagère sur son encéphale. D'un bond, le gamin s'extirpa de la cabine, arracha une serviette propre à un portant près du lavabo, s'en fit un pagne, rouvrit la porte de la salle de bain.

Ses cheveux mouillés dégouttaient le long de son cou, ploc ploc, jusqu'à tomber au sol pour s'abîmer dans les peluches de la moquette. Des mèches lui collaient au front, courant sur l'arrête de son nez ou sur ses tempes. Nonobstant les pitoyables reliefs de son corps, à l'enveloppe lunaire et aux rivières bleutées, il se tenait droit dans l'embrasure, un feu insoupçonné couvant dans ses iris, comme s'il guettait la seconde propice pour s'imposer définitivement. Alors, prenant son courage à deux mains, il agrippa le regard du grand brun qui occupait l'espace et, d'une voix qu'il s'efforçait de gainer, lança :
« Je n'ai pas trouvé le savon. »
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Chaze Ross
Chaze Ross
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27.09.15 20:56
Tournant en rond dans la pièce principale de la chambre, tel un lion en cage, le jeune scientifique essayait de clarifier la situation malgré un esprit pris au piège dans quelques vapeurs sensuelles. Il ne savait plus s’il espérait que les brumes se dissipent à l’intérieur de son crâne, de peur de découvrir ce que les tréfonds de son âme abritaient comme obscurs penchants. Ce n’était qu’un gosse ! Un mec en plus ! Chaze comprenait mieux pourquoi personne ne s’était hasardé à se lancer dans une explication poussée du pouvoir de l’Evolve à l’origine de tout ce désordre. Comment garder son sérieux en détaillant la manière qu’avait Rick de titiller les hormones de ses interlocuteurs ? Enfin, titiller était faible comparé à ce qu’ils étaient en train de subir tous les deux, chacun vivant l’expérience de son côté jusqu’à maintenant. Oui mais c’était sans compter sur la hardiesse du gamin. En entendant sa voix, plus qu’il ne sentit sa présence dans l’encadrement de la porte de la salle d’eau, le jeune scientifique releva la tête vers lui. Las de faire les cent pas dans la chambre, sans savoir s’il devait sortir s’aérer l’esprit tout en s’allumant une cigarette, ou au contraire, s’il devait sagement attendre son tour pour accéder à la salle de bain, Chaze s’était accroupi à l’opposé de celle-ci, le dos à peine en équilibre contre le mur derrière lui. L’envie de fumer était plus forte que jamais, même si cela traduisait simplement le désir de fuir loin de la personne qui se trouvait dans la pièce adjacente à la sienne. Et cette même personne se tenait désormais à quelques mètres de lui, dans le plus simple appareil et sa gorge se dessécha instantanément : son esprit confus pouvait deviner ce qui se cachait sous la serviette, comme si celle-ci ne faisait office que de décoration, bonne à être arrachée d’un moment à un autre. Même s’il s’efforça de planter ses yeux dans ceux du garçon, Chaze comprit que c’était également une erreur, un appel à se jeter la tête la première dans une impasse. En dépit de son jeune âge et du fait qu’il ne correspondait pas aux critères habituels du brun, le jeune scientifique ne pouvait s’empêcher de le trouver séduisant. Etait-ce la manière dont ses mèches couleur cendre venaient se coller avec provocation sur sa peau humide ? Ou encore les gouttelettes impertinentes qui glissaient le long de son épiderme dévoilé presque entièrement ?

« Tu te fiches de moi ? »

Dès l’instant où il retrouva l’usage de la parole, Chaze sortit les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit. Sans doute aurait-il mieux fait de les conserver à l’état de pensées seules mais il était trop tard pour changer les choses désormais. Machinalement, il se passa une main dans les cheveux, lentement, comme si ce simple geste pourrait atténuer l’agitation qui régnait à présent dans son caleçon. Il ne devait pas s’emporter, il le savait ! Ce gosse avait l’air perdu plus qu’autre chose et sans doute avait-il pris ses propos à la lettre, sans en comprendre le sous-entendu.

« Par douche, je n’entendais pas que tu… Non laisse tomber. » soupira-t-il entre deux va et vient de ses doigts dans la tignasse brune.

Devant le silence qui se prolongeait et l’absence de mouvements de la part de son interlocuteur, Chaze se perdit à nouveau dans le regard de ce dernier. Ce fut à ce moment qu’il réalisa deux choses : la première, était l’étrange lueur qui brillait au fond des iris du gamin, la seconde… Bouche bée, le jeune scientifique ne trouvait pas les mots pour exprimer sa stupéfaction. Son esprit se chargea de retourner la situation dans tous les angles possibles et imaginables pour qu’il essaye de se dissuader d’avoir bien compris l’objectif de l’ex otage mais cela ne suffit qu’à gonfler un peu plus la bosse qui se trouvait au niveau de son entrejambe.

« Me dis pas que… ? » conclut-il avec une incrédulité palpable dans la voix.

Dire qu’il n’en revenait toujours pas était un doux euphémisme. L’attitude soudainement entreprenante du gosse était sidérante. Avait-il seulement bien conscience de ce qu’il s’apprêtait à subir en tentant de libérer les pulsions du brun ? Ou bien était-il simplement emporté par l’ouragan d’émotions contraires qui devait ravager l’intérieur de son esprit ? Chaze penchait naturellement pour la seconde hypothèse, ce qui ne faisait que raviver le sentiment de culpabilité – quoique bien inférieur comparé à d’autres – qu’il nourrissait à l’encontre de l’ex otage depuis qu’il avait compris la raison de ce remue-ménage en lui. Oui le gosse en était la cause mais sans Rick, ni lui, ni le jeune scientifique n’aurait eu de telles pensées vis-à-vis de l’autre ! Laissant volontairement passer quelques secondes, pendant lesquelles, nulle parole n’était nécessaire pour comprendre l’intention de l’autre, Chaze soutint le regard de son interlocuteur. Il se surprit à espérer un miracle, un détail comme le fait de détourner les yeux, qui lui confirmerait qu’il se trompait sur les intentions du garçon. Mais rien. Seule cette lueur de bravade sensuelle plantée au fond des iris de l’inconnu, bien trop jeune à son goût. Jeune mais pas mineur de son point de vue. Lorsqu’ils se trouvaient encore dans l’hôpital en présence de l’Evolve, Chaze l’avait vu plus jeune. A présent qu’il le découvrait différemment, le gamin paraissait parfaitement capable d’aller jusque-là. Lentement, le jeune scientifique se releva. Alors qu’il s’approchait de l’ex otage, il essayait encore de se convaincre que c’était peut-être la seule solution pour que les choses redeviennent normales entre eux. Une douche glacée n’était peut-être pas suffisante. Sa conscience lui susurra sournoisement qu’il aurait mieux fait d’essayer par lui-même cette possible solution pour s’en assurer, plutôt que de déléguer la tâche à un gosse dont il ne savait rien. Mais lorsque sa main droite vint caresser la nuque du garçon, avant d’attirer son visage vers le sien, Chaze sut que c’était peine perdue. Son corps avait cédé bien avant que son esprit ne se résigne à rendre les armes. Ses lèvres rencontrèrent celles du gamin, franchissant sans peine la barrière de chair qu’elles représentaient pour aller explorer l’intérieur de la bouche de celui qui allait devenir son partenaire l’espace de quelques heures. Son cerveau avait gelé. Le jeune scientifique n’essayait même plus de se convaincre qu’il agissait pour le bien du gosse et le sien, pas plus qu’il n’essayait d’imaginer ce dernier en femme pour disons, aider à faire passer la pilule. Dorénavant, le peu de réflexion qui lui restait était dirigé sur comment il devait s’y prendre avec un corps masculin. Bon, il connaissait le sien et ce qu’étaient les zones hétérogènes de base. Couplées à ses connaissances en matière de femmes, Chaze ne doutait pas trop de réussir de ce côté. C’était même étrange qu’il parvienne encore à raisonner dans ce sens, pire d’en avoir cruellement conscience. Non, ce qui l’inquiétait davantage, c’était la manière de posséder un homme. Si son bras gauche était passé autour de la taille de son partenaire, permettant ainsi à la main concernée de caresser le dos du garçon, allant même jusqu’à se faufiler sous la serviette mais trop s’y aventurer, sa jumelle peinait à entreprendre le même chemin, cette fois plus en aval.

« Oh et puis merde. »

Dans un même mouvement, les deux mains se reculèrent vivement du corps de l’ex otage, alors que celle de droit se saisissait vivement de la serviette transformée en pagne pour l’occasion. Au prix d’un mouvement brusque, le jeune scientifique tira sur ladite serviette, faisant se retourner le garçon dans le même temps. La serviette n’eut pas le temps de toucher le sol pour s’y répandre en courbes humides et moelleuses, que déjà, la main gauche du brun avait plaqué celles de son partenaire au-dessus de la tête de ce dernier. Pour la première fois, il découvrait le corps entièrement nu du gamin, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Peut-être que les choses seraient plus faciles qu’il ne l’avait redouté auparavant. Sa main droite parcourut le dos de son partenaire, suivant un court instant la ligne dessinée par sa colonne vertébrale ainsi dévoilée mais rapidement, elle arriva au niveau de ses fesses, qu’elle ne se tarda pas à manier au creux de sa paume. Son index droit osa même se risquer jusqu’à l’entrée des fesses du gosse, se contentant de la titiller pour le moment. Si cela eut quelques conséquences sur la personne du garçon, traduisibles en réactions diverses, Chaze sentit sa propre résistance mise à mal. Il se sentait à l’étroit désormais et il ne fut pas long à s’attaquer à la fermeture éclair de son pantalon, lequel glissa vers le sol, chute verticale qui fut rapidement imitée par le caleçon suivant le même chemin. Sa respiration s’était accélérée d’elle-même et il ne cherchait pas à retenir le souffle chaud qu’il projetait par vagues successives sur la nuque, le cou et les oreilles de l’ex otage. Son attention était concentrée sur le fait de se dépêtrer des deux vêtements lâchement délestés, pour être plus à son aise par la suite. Il ne manquait plus qu’il se prenne les pieds dans son pantalon au cours des ébats qui allaient suivre… Quand ce fut fait, le jeune scientifique se colla dans le dos de son partenaire, plus droit que jamais en bas. S’il subsistait encore des fragments de conscience éparpillés à droite à gauche dans son esprit, il les réduisit au silence. Il ne pouvait plus reculer, pas en étant sur le point de pénétrer le corps d’un autre. Homme ou femme, cela n’avait plus d’importance. La raison venait d’être reléguée au second plan et seul le désir sexuel primait. Toutefois, lorsqu’il le prit enfin, Chaze s’efforça de le pénétrer le plus lentement possible, non pas pour rehausser les sensations procurées par cette entrée – quoique le mal était fait – mais plutôt pour que ce soit le moins douloureux possible. Il était encore temps pour que l’autre s’habitue à sa présence en lui. Mieux, qu’il l’apprécie autant que le jeune scientifique comptait tirer profit de ce moment d’égarement.

« A quoi bon résister de toutes façons ?... »

Venait-il de s’exprimer à voix haute ? Il espérait que non. Ses oreilles étaient remplies des battements de son cœur, devenu incontrôlable depuis de longues minutes. Chaze ne s’arrêta pas en si bon chemin, pas avant d’être complètement entré. Il apprécia cette sensation d’étroitesse, inhabituelle chez une femme, à moins de la prendre également entre les fesses. Même s’il gardait à l’esprit la peur de lui faire mal, tellement il se sentait avalé par ce corps inconnu, le jeune scientifique ne tarda pas à bouger. Ses coups de rein n’étaient pas brutaux ou rapides mais ils restaient profonds et suffisamment forts pour exacerber le plaisir. Faisant monter progressivement celui-ci à la manière d'une bonne cuisinière battant le blanc de ses œufs en neige.
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Enoch Livingston

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27.09.15 23:16
Et dire que sur le moment, en dépit des pensées qui tournicotaient en arrière-plan de son cerveau, il n'avait pas une seule seconde imaginé le sous-entendu dissimulé derrière sa demande. À ses yeux, c'était un constat tout ce qu'il y a de plus normal – quoique le gérant de l'hôtel aurait pu fournir un pain sous plastique déposé sur le bord du lavabo – et il n'y avait là qu'une pure intention de se décrasser en bonne et due forme, surtout maintenant qu'une pellicule de souillure fictive semblait lui recouvrir la paume. Néanmoins, si les choses paraissaient claires dans son esprit de garçon naïf, la réaction du scientifique démontra qu'il n'en était pas forcément de même chez d'autres individus, et Enoch haussa un sourcil sans savoir s'il devait réitérer la question ou bien s'excuser de s'être cru, pour le coup, à l'hôtel. Circonspect, son regard bleuâtre se suspendit un instant dans l'air, comme accroché entre deux éléments du décor, comme épinglé entre son acolyte et la distance qui les séparait l'un de l'autre, puis s'en détacha pour venir retomber à ses pieds avec navrement. Les paroles du brun résonnaient à la façon d'un reproche qu'il ignorait comment interpréter, et lui venaient en tête des excuses qui n'auraient su être prononcées sans bafouiller.
« C'est que... À cause du... Je me sentais un peu... »
Oh, la merde. Ce n'était pourtant pas compliqué d'avouer que, au vu de sa situation socioprofessionnelle, prendre une douche était de ces privilèges qui ne se refusent pas et pour lesquels il serait prêt à quelque folie. Mais ce serait passer pour un clochard nauséabond, étiquette qu'il avait esquivée à grand-peine, et il ne voulait surtout pas devenir pour cet inconnu une sorte d'extra-terrestre sans domicile et sans famille. En fait, il ne voulait pas devenir lui, cette fois-ci. L'anonymat lui convenait très bien, le silence de l'agneau en guise de mystère, alors au diable les explications sur cet impromptu besoin de savon. D'autant que, à dire vrai, toutes ces tergiversations ne servaient qu'à masquer le vertige fiévreux sous son front, le tourbillon lubrique à l'intérieur de son thorax. Il jouait bien les ingénus, le petit poucet. Et il ne se rendait même pas compte que son apparente candeur camouflait trop mal le remous qui grondait dans ses veines.

Quelque chose changea brutalement chez le grand brun. La braise incrédule qui tremblotait dans ses iris s'attisa, rougeoya de plus belle et releva en lui une nouvelle émotion impalpable, devant laquelle Enoch se sentit soudain fragile. À le regarder accroupi contre son mur, l'homme ne lui avait pas semblé si grand, si épais. Si sévère. Maintenant qu'il s'était redressé et s'avançait dans sa direction, le gamin essaya en vain de démêler ses intentions, si bien qu'il hésita entre s'enfermer dans la salle d'eau pour chercher tout seul cette fichue savonnette – un tiroir secret dans le mur, peut-être – et ainsi échapper à une possible remontrance, ou alors faire face, tant bien que mal, en humain raisonnable, afin de comprendre ce qui poussait l'étranger à s'approcher si près, trop près sûrement, sans un mot, avec juste ses yeux pour parler et son corps pour blesser. Il était encore temps de s'enfuir. Il était encore temps de se barricader derrière la porte, d'enclencher le verrou, de retourner sous la douche et de mourir une fois ou deux sous le jet glacé avant de ressortir, lavé de toutes ces tensions intestines, de nouveau stable. Mais le gosse laissa filer le temps. Il le regarda fuir entre ses cheveux, par la fenêtre et par les canalisations crasseuses, il le regarda se dévider comme une pelote de rien, une bobine fade et rigide, dépourvue d'appétit. À peine effrayé par cette silhouette qui allait grandissante au devant de lui, il l'observa ronger l'espace entre eux deux, peu à peu, grignoter la distance jusqu'à se tenir tout contre, l'attirant d'une pression sur la nuque dont le gamin ne chercha pas à se soustraire. Des voix dans sa tête roucoulaient, persiflaient, raillaient à l'unisson. Le heurt fut plus doux qu'il ne l'envisagea d'abord, puis plus appuyé. Il ne lui vint même pas à l'esprit que son absence totale de résistance était à l'origine de cette facilité ; que son dénuement physique et moral rendait les gestes plus aisés qu'en aucune autre situation, et que si jamais il avait ne serait-ce que mis ses bras en barrière, ils ne seraient pas aussi proches. Ridicule prétexte. S'il n'avait pas bougé, s'il avait levé son visage au moment même où on lui caressait la nuque, ce n'était pas par défaut de rébellion. Ce n'était pas la robustesse qui lui manquait pour résister à cet assaut – enfin si, un chouïa. Non. Seule la volonté avait changé de camp.
Il en avait envie. Que ce fut à cause des résidus d'un pouvoir, d'une réminiscence lointaine ou d'une apparition insolite de ce qu'il peinait à nommer désir, ç'aurait été taire l'appel de sa chair que d'y renoncer. Sa partie humaine, intellectuelle, s'outrageait pourtant de cette brusque corruption. Elle hurlait à la perversité, à la bestialité des rapports et à l'idiotie d'un tel comportement. C'était sale, dangereux, horriblement fou. Il se voyait dépourvu de pudeur comme de bienséance, un pauvre clebs en chaleur. Mais sa partie animale, sentimentale, riait de cette liberté trop rare, de ce plaisir fugace et continu d'un contact contre ses reins, d'une langue glissée sur la sienne, de la chaleur moite entre ses jambes. Elle ronronnait à chacune de ses respirations entrecoupées en savourant ces mouvements tantôt lents tantôt efficaces qui dessinaient des bruits sur leurs peaux. Il eut un petit hoquet de surprise quand la serviette dévoila le reste de sa nudité. Sa propre honte, déjà fière. Et bien qu'il ressentit un doute certain en envisageant la suite, il ne tenta pas de se rebiffer quand ses poignets se retrouvèrent prisonniers. À comparer avec ce qu'il avait connu une unique fois, jadis, il s'étonnait de cette tendresse incongrue, de cette précaution dans les gestes du brun. Là où il aurait dû crier de refus, un soupir humide franchit ses lèvres. Là où il aurait dû se raidir de peur, il releva le bassin. Ce n'était pas Jesse dans son dos. Ce n'était pas Jesse à l'entrée de son corps. C'était complètement différent. Alors pourquoi continuait-il de le visualiser sur la paroi de ses paupières ?

Il eut mal, malgré tout. Aussi prudent fût le scientifique, ce ne fut pas suffisant pour dissiper cette première sensation de sécheresse, de lacération. Elle s'amollit toutefois plus vite que la dernière fois, comme si à deux siècles d'intervalle il s'y était habitué un peu mieux. Plongé dans un environnement cotonneux, où les murs sont de ouate et les réflexions aussi, les débats habituels sur le genre de son partenaire lui passaient par-dessus la jambe ; c'était beaucoup mieux ainsi qui l'inverse, meilleur peut-être que s'il avait dû contenter une femme. Il n'avait pas à tenir la barre, juste à ressentir. À éprouver une douleur volatile, bientôt remplacée par d'agréables élancements dans son bas-ventre, à ressasser les propos cryptiques du brun auxquels il finirait par répondre, peut-être par mégarde, avec un gémissement, à s'accrocher nulle part sur la paroi lisse du mur, priant pour que ses rotules ne se dérobent pas trop vite, à se mordre les lèvres pour étouffer ses sentiments. Difficile de réprimer ses frissons, tant de froid que de volupté, de mentir sur un langage qui ne s'exprimait plus en mots.
« Attendez... »
Il avait couiné avec bien peu de force pour être entendu. Petit à petit, au rythme des va-et-vient de l'homme à l'intérieur de lui, Enoch sentait ses jambes perdre leurs forces et ses doigts griffer le vide ; contempler le blanc écru du mur ne lui plaisait guère et, au-delà de considérations esthétiques, il était curieux de voir le visage de celui qui le prenait de la sorte. Il entreprit alors de tourner son torse sur le côté afin de mieux le distinguer, et tant pis pour sa propre gêne que lui causait le rouge de ses joues et la rosée sur ses cils. Oh, ce n'était pas Jesse, là debout, en plein effort ; il n'y avait ni sa rage ni ses morsures, et en échange il ne lui rendait pas de suppliques ou de griffures. Étonnant. Charmant, d'ailleurs. D'un jeu de regard, tout en cambrant le dos, le gamin vint cueillir un autre baiser à même la bouche du brun, qu'il chercha à prolonger.
« Personne... ne saura rien. Vous pouvez faire... ce que vous voulez. »
Il n'existait aucun responsable à leur état. L'Evolve, pour les avoir contaminé de la sorte ? Lui, pour avoir excité son ex-sauveur à moitié en connaissance de cause ? Ou bien Dieu le créateur, pour les avoir faits homme et faillible ? Peine perdue pour dénicher la réponse. Alors pourquoi s'en faire de potentielles représailles, de vilipendes ? La seule chose importante se trouvait entre eux.
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robotic engineering
Chaze Ross
Chaze Ross
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03.10.15 22:57
Son esprit restait sourd aux appels de sa conscience. Seules les décharges électriques en réponse au plaisir qui montait doucement étaient encore capables de le faire réagir. Seulement, pas comme le jeune scientifique l’aurait espéré. Comme si devoir encaisser le fait de ressentir un quelconque plaisir en compagnie d’un autre homme n’était pas suffisamment compliqué comme cela, voilà que son corps se libérait lui aussi des contraintes morales de son propriétaire. Là où les rapports humains auraient dû prendre le part sur la logique pure, il avait l’étrange impression d’agir presque mécaniquement dans le corps de son partenaire. Paradoxe quand tu nous tiens. Sans doute était-ce pour le mieux après tout. Ainsi, il n’aurait pas à se prendre davantage la tête, tout simplement à se laisser aller jusqu’à ce que les effets de ce phénomène – peu importe qui en était le responsable au final – se dissipent complètement et qu’il puisse reprendre le contrôle sur le désir qui l’animait anormalement. En dépit de ses efforts, Chaze sentit son partenaire se tendre sous la pénétration. A tous les coups, il s’y était mal pris. Une femme mouillait mais pas un homme. Enfin, pas à cet endroit justement. L’espace d’une fraction de secondes, il songea même à se retirer pour reprendre depuis le début mais à entendre les sons qui ne tardèrent pas à franchir les lèvres du garçon, ce n’était pas pour lui déplaire en fin de compte. Un peu perdu, le jeune scientifique choisit plutôt de diriger son attention sur ses coups de rein, et rien d’autre. Inconsciemment, sa main droite relâchait la pression sur les poignets de son partenaire, preuve étant que lui-même s’abandonnait doucement à cette simple connexion entre leurs deux corps. Ses coups de rein gagnèrent en assurance et il s’autorisa même à passer son bras gauche autour de la taille du gamin, comme pour mieux le maintenir contre lui. Ce dernier lui apparaissait encore plus frêle qu’auparavant ou était-ce en raison de la facilité avec laquelle il pouvait exécuter ce mouvement ?

Le couinement – parce qu’il pouvait difficilement le considérer autrement qu’ainsi – de son partenaire le tira de ses pensées sur le maigre profil de ce dernier. Il fallut quelques dizaines de secondes pour que l’information parvienne au cerveau de Chaze et que celui-ci mette un sens sur l’unique mot qu’avait prononcé le garçon. Et quand ce fut enfin le cas, le jeune scientifique cessa aussitôt de bouger. Ça y est, il avait vraiment merdé quelque part ou l’autre reprenait ses esprits plus vite que prévu ? Il n’allait quand même pas lui dire d’arrêter là et le contraindre à dominer tout seul son érection si ? En voyant le visage de son partenaire se tourner vers lui, Chaze ressentit l’effet d’une gifle. Ce n’était définitivement pas une femme qu’il était en train de prendre. Un gosse. Et pourtant, il n’était pas dégoûté de cette situation. Sans doute parce qu’il le trouvait mignon, avec ses joues rougies par le plaisir ou bien l’embarras. Ce qui n’était pas forcément son cas. Le jeune scientifique réalisa soudain qu’il ignorait complètement comment l’autre le voyait et ce, en dépit du regard qu’il lui adressait. Le gamin ne pouvait pas lui être reconnaissant ! Pas comme ça ! Un regain de honte le traversa soudain de part en part et tandis qu’il cherchait vainement quelque chose à dire pour se justifier d’avoir cédé aussi rapidement au désir qui l’élançait depuis le bas ventre, tout s’envola sous le baiser volé de son partenaire. Réellement surpris de ce retournement de situation, autant parce qu’il ne s’était pas attendu à ce que le gosse en question fasse preuve d’une si grande témérité, que parce qu’il n’aurait pas imaginé un nouveau baiser entre eux – le premier étant pas le moins du monde réfléchi – Chaze écarquilla les yeux, accueillant cette langue entreprenante entre ses propres lèvres. Pour un peu, il lui aurait rendu.

Sauf qu’en entendant les propos qui suivirent ce nouveau contact charnel entre eux, son cœur manqua un battement ou deux. Tout le contraire de son bas ventre, lequel se contractait davantage si c’était possible. Mais à quoi pensait-il en lâchant des choses pareilles ?! Comment diable ce gosse était-il parvenu à survivre jusqu’ici sans finir dans un bordel sordide des bas quartiers de la ville ? Avec une attitude aussi candide et irrésistible – à moins que les effets sur sa personne soient encore plus graves qu’il ne l’avait imaginé – était-il vraiment innocent dans toute cette affaire ? Chaze se surprit à l’imaginer de mèche avec l’Evolve de l’hôpital, scénario complètement hallucinant, il était contraint de le reconnaître. Lentement, le jeune scientifique reprit ses esprits, sans savoir combien de temps s’était écoulé entre le moment où il réalisait le sens des propos de son partenaire et celui où il venait poser la paume de sa main droite sur la bouche du garçon, libérant ainsi les poignets de ce dernier.

« Ne parle plus… Où je vais vraiment perdre pied. » lâcha-t-il, non sans peine.

Et comme si cela était déjà le cas en réalité, Chaze se retira doucement d’entre les fesses du gamin pour ensuite libérer sa bouche afin de se saisir de son poignet droit. Il venait de remarquer que cette façon de le prendre n’était pas la plus agréable pour son partenaire. Même si ce n’était que pour quelques heures, une fois dans leurs vies respectives, telle une banale erreur de parcours pour l’un comme pour l’autre, il tenait à ne pas faire de cette étreinte, un moment de plaisir à sens unique. Pas pour une première fois. Le jeune scientifique les entraîna alors vers le lit, plaçant le gosse dos à celui-ci. D’un mouvement rapide, il se baissa pour passer ses bras derrière les genoux de son partenaire, soulevant ce dernier à la verticale, avant de le faire basculer en arrière, l’allongeant sur le dos, à même le dessus-de-lit. Chaze vint le surplomber, non un sentiment de plaisir à la limite du carnassier vainqueur. D’une main, il écarta les cuisses du gamin, s’amusant à caresser l’intérieur de celle de droite, comme pour guetter les réactions du corps et du visage de son partenaire. Lui-même était toujours bien droit, se rapprochant sensiblement des fesses du garçon, visiblement prêt à reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Abandonnée conscience. Son corps et son esprit ne vivaient plus que pour aller au bout de ce plaisir immoral. Mais que venait faire la morale dans leur étreinte après tout ? Ce qu’ils faisaient n’était pas interdit par la loi, O combien vicelarde depuis toutes ces années. Peut-être aurait-il quand même dû vérifier le bracelet de son partenaire, histoire de s’assurer qu’il était bien majeur. Enfin… Il était bien placé pour savoir que même ce genre de bidules se trafiquait couramment de nos jours…

« Tu n’es pas…un vulgaire objet… Alors ne dis plus… ce genre de choses. »

Tout en parlant, son corps venait se placer encore plus près de celui du gamin, jusqu’à titiller l’entrée de ses fesses comme la fois d’avant.

« Cette fois, ce sera plus agréable… »

Et sans plus attendre, Chaze le pénétra une seconde fois, s’abandonnant de nouveau à cette sensation d’étroitesse qu’il avait tant appréciée la première fois. Restait à savoir si la phrase qu’il venait de prononcer s’adressait uniquement à son partenaire. Peut-être que dans le fond, il s’efforcerait de rendre les choses agréables pour eux d’eux ? Même si avoir ce garçon sous lui qui pouvait scruter son visage à tout moment avait quelque chose d’intimidant. Enfin, si ça rassurait ce dernier, le jeune scientifique pouvait bien faire un effort de ce côté non ? Un regain de plaisir accompagna le rythme régulier des coups de rein. Les secondes prenaient des allures de minutes, le temps lui-même voyait son essence trembler et s’effacer devant deux corps unis par un même désir. Jamais il n’aurait cru pouvoir ressentir autant de plaisir en prenant un homme. Vraiment. Chaze ne songeait même plus à la possible défloration de son partenaire. Pour le moment, il se concentrait sur comment maintenir un rythme stable et non pas marteler le pauvre garçon sous lui. Il tenait à respecter sa promesse, à défaut d’avoir pu remplir son rôle d’adulte responsable ! Sauf que le plaisir grimpait de manière un peu trop rapide à son goût. Et qu’il avait complètement oublié de mettre une capote dans la précipitation fiévreuse… Certes, le gamin l’avait autorisé à faire ce qu’il voulait mais… Pouvait-il vraiment jouir en lui ? C’était un peu… Enfin, certainement pas pire que le fait de se retirer vivement au dernier moment pour répandre sa semence sur la peau aussi blanche de son ventre non ?
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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04.10.15 1:40
C'était complètement insouciant de sa part – et donc prévisible au vu de la situation – de proposer des choses pareilles. Insouciant parce qu'il n'était certes plus question de considérations éthiques ou même rationnelles, mais aussi parce que rien n'indiquait non plus que le dit scientifique ne fût pas un sociopathe propret, façon Hannibal, l'allure raffinée couvrant ses pensées dérangées. Rien ne permettait à l'instant de définir si oui ou non il dissimulait quelques envies de meurtres derrière ses élans sexuels, couplant selon le mythe antique le bien-aimé Eros à son ombre Thanatos. Néanmoins, la folie ne dictait pas encore les propos du gosse, juste l'absence de raison, et s'il avait remarqué que son partenaire se trimbalait un scalpel dans la poche de son pantalon, il n'aurait pas ainsi laissé libre cours au flux d'excitation qui venait de s'exprimer en son nom. Dans la houle de ses émotions présentes, dans la tempête de ses nerfs, il réussissait encore à maintenir une fine intelligence, désormais au service de ce qui pouvait lui apporter le plus de plaisir. Oh, il se serait vu qu'il en serait probablement mort de honte. Mais à défaut d'être placé devant un miroir, à défaut d'être en mesure de contempler son image échaudée, frémissante, il s'en remettait de corps et d'âme à ces profondes sensations qui le parcouraient, pareilles à de longs filaments électriques.
L'homme avait cessé ses mouvements, ne lui libérant les poignets que pour mieux entraver sa parole, lâchant un ordre sous-tendu d'une menace qui donnait envie de la voir s'accomplir. Il n'en fut pourtant rien. Un chouïa étonné de le sentir se retirer, Enoch n'eut guère le temps de s'interroger sur une éventuelle prise de conscience de la part du brun avant qu'il ne soit emporté par celui-ci en direction de la chambre. Ses jambes réclamant un repos bienvenu, il n'opposa aucune résistance à cette décision tacite ; seule sa respiration trahit son émoi lorsqu'il fut renversé sur le dessus-de-lit, d'une manière presque attentionnée, comme si on craignait qu'il ne se blessât durant le processus. Son dos vint alors creuser la surface de la couverture, y déposer la pellicule de sueur qui avait naquis au-dessus de son bassin, la froisser dans un froufrou douceâtre. Or, allongé ainsi, le gosse éprouva un soudain sentiment de vulnérabilité. Tandis que son compagnon explorait les reliefs de ses cuisses ouvertes, il se savait exposé, chétif, à la merci d'un excès de violence. Quand ils étaient debout dans la salle de bain, il n'avait pas eu à penser à l'image qu'il renvoyait, aux contours de sa propre silhouette. Il n'avait vu que le mur à quelques centimètres, et avec lui les poussières de buée qu'il y avait esquissées avec son haleine. Maintenant que sa vision se trouvait dégagée, il lui suffisait de relever la tête pour s'apercevoir à quel point il était fébrile, chétif. Nu. En deux lettres. La lumière traçait des gris beiges au creux de ses articulations, un duvet blond le long de son pubis, des chairs blanches caressées par les mains du scientifique. C'était son corps, et pourtant il ne le regardait pas comme tel. Le spectacle en était aussi désarmant qu'envoûtant. Et même s'il eut honte de découvrir son sexe planté au milieu du tableau, sans aucune pudeur, au point qu'il essaya de le recouvrir avec la paume, il abandonna vite l'idée lorsque l'homme s'adressa à lui.

Il aurait presque préféré. Être un vulgaire objet. Sur le coup, cela lui aurait évité de furieuses remises en question à l'heure du retour sur terre, des réflexions dignes d'une gueule de bois au lendemain d'une monumentale beuverie. Se réduire à un objet, le temps d'une poignée de minutes, promettait ses avantages. Déresponsabilisation. Culpabilité moindre. Pas de comptes à régler avec le partenaire. Pas d'explications à fournir. Et encore moins de contacts à échanger, comme s'il fallait en plus se mentir par-delà les galipettes. Devenir un bien meuble. Un animal. Oui, il aurait quasiment préféré, pour soulager sa conscience qui lui promettait une belle engueulade au réveil. Mais il faut croire qu'il était tombé sur une espèce rare d'homme, le genre qui prend soin de ses erreurs, qui cajole ses proies au lieu de les dévorer. Perdu en lui-même, Enoch ne sut s'il devait s'en réjouir. Il était trop tôt pour former des conclusions, trop tôt pour retourner aux territoires planes et rangés du sang-froid. Il leur restait encore certaines choses à terminer, certaines saveurs à consommer, pour lesquelles il ne souhaitait pas se dévoiler.
À la seconde où le scientifique le pénétra de nouveau, le gamin retint un cri en plaquant ses deux paumes contre sa bouche, se réfugiant un moment dans le noir sous ses paupières. Loin d'être aussi détendu qu'un amant habitué, il n'en accueillait pas moins facilement le corps d'un autre à l'intérieur de lui, ses résistances estompées par la fièvre qui lui léchait le thorax. Il se dit qu'il ne se ferait jamais à cette sensation, et pourtant déjà il en gommait les accrocs en tentant d'accompagner la cadence choisie par le grand brun. Plus agréable, avait-il déclaré. La prédiction se révéla exacte. Plus il tentait d'épouser le rythme de son partenaire, plus il effleurait sa propre sensibilité, geste après geste, souffle après souffle. Bientôt, il dut se résoudre à libérer son visage, non sans gêne. Ses doigts s'élevèrent à la recherche d'une masse à agripper, d'une amarre où s'enfoncer ; ils rencontrèrent ainsi les épaules de l'homme, s'éparpillant ensuite dans ses cheveux, sur sa nuque, le tirant à lui jusqu'à ce que leurs torses se touchent. De fait était-il sûr de ne pas être regardé. Certain de ne pas offrir à un regard étranger l'éclat lubrique dans ses iris. Un mal acceptable, puisqu'il ne pouvait cependant rien faire pour restreindre sa voix, toujours plus prompte à s'échapper, à relâcher des cris lascifs dans l'espace.  

La suite, il ne s'y était pas préparé. Innocemment, si tant est que l'adverbe pût encore lui convenir, il s'était imaginé que cette situation durerait jusqu'à épuisement d'un des deux camps, sinon les deux en même temps, et qu'ils en avaient donc pour l'après-midi entier avant de mourir à l'instar de coureurs marathoniens. Sans doute un effet du pouvoir, qui inhibait toute impression de fatigue. Néanmoins, alors qu'il cherchait toujours à enfoncer un point précis de son anatomie après l'avoir frôlé à plusieurs reprises avec satisfaction, il sentit le vide l'envahir quand le scientifique s'écarta soudain pour se retirer une nouvelle fois. Un gémissement s'évapora aussitôt sur ses lèvres, avant qu'il ne comprît pourquoi. Contre son aine, à la pliure entre le bassin et la cuisse, se coula une texture chaude, un peu visqueuse, qui lui rappela d'un coup celle qu'il avait eu sur les phalanges à peine quelques minutes auparavant. C'était ça. En lui le trouble enfla davantage, mêlant à son malaise une indicible curiosité, mais il n'aurait pu rougir plus. Il s'accrocha au regard du brun, comme pour obtenir une réponse à une interrogation inexistante ; se redressant sur les coudes à la manière d'un comateux extirpé de son sommeil, ses yeux se posèrent ensuite sur la scène du crime, qui résonnait des battements fous de son cœur. Sa bouche s'ouvrit, prête à articuler une phrase, mais sans succès. Qu'est-ce qu'il aurait pu dire, de toute façon ? Aucun mot ne convenait plus. Ils étaient passés au-delà. Avaient franchi une barrière. C'est alors qu'Enoch, s'imaginant que l'homme en avait désormais fini avec lui, tendit le bras afin de lui attraper le poignet, seule articulation assez insensible pour ne pas trahir une quelconque pensée. Il ne sut même pas pourquoi il avait agi de la sorte. Ses lèvres tremblèrent un fraction de seconde avant qu'il ne prononce ces mots, si bien qu'il lui sembla que quelqu'un d'autre les énonçait à sa place :
« Hum, est-ce que l'on peut... le refaire ? »
Peut-être qu'il était marié. Non, pas d'alliance à l'annulaire. Déjà en couple, alors ? Il l'aurait proclamé en guise d'excuse dès le début de leurs rapports. Par conséquent, il n'existait aucune raison de refuser. Sauf le retour de la bienséance. Et en parlant d'elle, le gamin se releva sur son séant, ses doigts fermement serrés autour du bras du brun, confus par la proximité de leur virilité à portée de main, si proche l'un de l'autre.
« Je suis désolé, je... n'arrive pas à me contrôler. C'est irrépressible. »
Il avait avoué cela avec tellement de maladresse, tellement de candeur dans le timbre, que l'on ne pouvait douter de sa sincérité. Pourtant. Lorsqu'il se mit à essuyer la trace tiède sur sa peau de sa main libre, ouvrant un soupçon sa jambe vers l'extérieur, il était impossible d'appeler encore cela de la naïveté. Et il s'en contrefichait.
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Chaze Ross
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09.10.15 23:36
Maladroit. Touchant. Passionné. Une succession d’adjectif pour qualifier son partenaire improvisé accompagna le plaisir, lequel ne cessait de gravir les échelons sur sa route et dont le nombre n’était pas infini pas pourtant. La question le taraudait toujours mais bientôt, elle fut balayée dans l’entremêlement de pensées et de sensations que formait son esprit. Cela faisait longtemps qu’il avait rendu les armes, lui et son corps. Sa conscience également. L’heure était à se perdre dans l’instant présent, savourant les cris lascifs du garçon tandis que son odeur, subtil mélange d’exotisme aux narines du jeune scientifique, venait agrémenter le tout de masculinité à peine exprimée. Oui vraiment, sans les accents particuliers de la voix de son partenaire et la sensation de ce membre bien droit sous lui, collé contre son bas ventre en réalité, peut-être que Chaze aurait pu s’imaginer en train de faire l’amour à une femme, tout ce qu’il y a de plus normale, avec un vagin et une poitrine. Alors même qu’aucune trace de dégoût ne l’habitait à cet instant et pas uniquement grâce aux phéromones étranges de cet Evolve. Lorsque les bras du gamin vinrent naturellement s’enrouler autour de son cou, allant jusqu’à chercher ses cheveux, le jeune scientifique ne put s’empêcher d’enfouir son propre visage dans le cou de son partenaire, parsemant la peau de ce dernier de tendres baisers à cet endroit précis. Il ignorait si cela plairait ou non, il avait simplement envie de le faire. Seules les envies primaient, plus rien n’avait d’importance. Le moment d’affronter les conséquences de leur abandon illustré d’actes indécents viendrait bien assez tôt pour eux deux. Emporté par le plaisir qui le submergeait, Chaze ne réfléchit pas. Il se laissa venir, autant que le plaisir vint à lui. Le temps parut suspendre son envol, l’espace de quelques secondes, pendant lesquelles leur étreinte parut plus charnelle que jamais. L’atmosphère de la chambre résonnait encore des gémissements du garçon, de la respiration puissante du brun, de son cœur tambourinant à la fois dans sa poitrine et tout contre ses propres oreilles…

Puis il se retira dans un soupir. Encore une fois. Mais avec le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait, ce qui n’était peut-être pas le meilleur esprit à adopter dans pareilles circonstances. N’était-ce pas lui-même qui avait prononcé quelques minutes plus tôt que son partenaire n’était pas qu’un vulgaire objet sexuel, que l’on possède et que l’on jette ensuite ? A la manière d’une capote usagée ? Une image parfaitement associable en vue du contexte cela dit. Malgré tout ce qui avait secoué son être, le jeune scientifique ne savait que penser. Son esprit perturbé oscillait toujours entre soulagement, honte et satisfaction. Il était parvenu à se reculer, peut-être pouvait-il pousser la chose plus loin en arrière, jusqu’à ce que son dos vienne buter contre l’un des murs de la chambre et qu’il n’ait plus à poser les mains sur le corps trop blanc de ce gamin ? Sauf qu’il ressentit une sensation horriblement familière parce que trop récemment expérimentée : non sans certaine stupéfaction teintée d’embarras, Chaze comprit que sa virilité n’en avait pas encore terminée. Pendant combien de minutes, d’heures allait-il devoir évacuer son trop plein de passion sous des marées nacrées ? L’optique d’aller contre ce qui prenait des allures de vice pur et simple prit rapidement le dessus sur le reste. Pas assez vite cependant pour que son corps se recule suffisamment, empêchant ainsi la prise du garçon de se refermer sur son poignet. Pris de cours, Chaze croisa le regard de son partenaire. Un début de panique, à peine masqué derrière ce sursaut de témérité émanant du gamin, se lisait dans le regard de ce dernier. Si bien que le jeune scientifique était lui aussi sur le point d’ouvrir la bouche, pour le rassurer, tout comme il essayait vainement de s’en persuader et ce, depuis qu’il avait franchi la porte de la pièce dans laquelle Rick s’était retranché dans l’hôpital.

D’abord le son puis la lente compréhension de chacun des mots qui franchit les lèvres de son partenaire. Et enfin, la stupeur. L’incrédulité. L’aveu de faiblesse qui enflait dans son bas ventre, atteignant sans peine ses intestins pour les lui tordre sans ménagement. Chaze se demanda sincèrement s’il avait bien entendu. Ses oreilles devaient lui jouer un nouveau tour, l’incitant à céder une fois de plus à l’appel du désir charnel. Il ne voyait que cette explication. Ce gamin ne pouvait tout simplement pas lui avoir demandé de reprendre leurs ébats. Sa conscience, ou plutôt ce qu’il en restait à présent que la ligne venait d’être franchie entre eux, se rebellait contre cette bestialité. Si un tant soit peu de logique était venu argumenter l’ensemble des événements ayant conduit à cette situation, peut-être l’aurait-elle mis en veilleuse. Le jeune scientifique était un homme de raison, même si la plupart de ses actes étaient dictés par son sens de l’humanité, lequel faisait parfois défaut à d’autres de ses confrères. Est-ce que sa stupeur à la limite de l’indignation se lisait sur les traits de son visage ? Au prix d’une paire d’yeux ronds et une bouche légèrement entrouverte aux contours étirés au point de former un rictus étrange ? Certainement. Si le gosse se rendait compte de la portée de ses propos ? Cela était moins sûr. Alors pourquoi ne pouvait-il s’empêcher d’éprouver une pointe de pitié pour ce garçon, en sentant ses doigts à ce point serrés autour de son propre poignet ? Comme s’il avait peur de le laisser partir… Même si sa conscience lui hurlait que c’était probablement dû au pouvoir de l’Evolve, que rien de ce qu’ils avaient partagé de près ou de loin au cours de cette journée ne survivrait à leur séparation, Chaze y vit de la vulnérabilité. A sa manière, son partenaire exprimait sa détresse de ne savoir comment se comporter face à ce corps qui ne vous obéissez plus, comme contrôlé par des pulsions bien plus souterraines qu’on ne l’imaginait en réalité. Plus que quiconque à cet instant, le jeune scientifique pouvait comprendre ce qu’il ressentait. Cruellement. Injustement. Alors à défaut d’avoir les bons mots pour le réconforter, Chaze se pencha en avant pour l’embrasser doucement. L’échange ne dura pas longtemps, sans doute moins que le garçon l’aurait souhaité mais juste assez pour avoir de nouveau son attention la plus totale.

« Je sais. Tu n’as pas jouis… »

Ce simple constat, en apparence anodin, ravivait le sentiment de culpabilité en lui. Ce n’était pas vraiment agréable d’avoir un partenaire précoce ou encore égoïste dans le domaine en question. Ajouté à la frustration, cela ne pouvait être qu’une expérience décevante. Le jeune scientifique déposa ses lèvres au coin de celle du garçon cette fois, comme pour titiller de nouveau la sensibilité de ce dernier.

« On ne peut plus faire marche arrière à présent… Alors… Si tu me disais comment tu aimerais que je te prenne cette fois ? »

Difficile pour lui de se reconnaître dans de telles paroles, d’autant plus qu’il était plutôt du genre dominant lors de ses rares relations depuis qu’il avait intégré le club très restreint des scientifiques. Si cela ne tenait qu’à lui, Chaze s’empresserait de le retourner sur le ventre, pour le prendre aussi sec, dans la position inverse. Bâcler le travail n’était pas dans ses habitudes, expédier non plus, loin de là. Cependant, il demeurait cruellement ignorant des pratiques habituelles entre hommes et faute de savoir si son partenaire actuel était également de ce bord ou non, étrangement, il accordait un soin tout particulier à connaître ses envies. Même avouées du bout des lèvres, implicitement. Le moindre petit indice était bon à prendre à ce stade et pour la suite, le jeune scientifique comptait bien laisser venir l’inspiration.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



11.10.15 23:09
Il crut d'abord que l'audace de sa demande, ce maladroit aveu de sa propre incompréhension, n'entraînerait qu'une maigre raillerie de la part du scientifique, presque une grimace dégoûtée, parce que ce dernier faisait preuve de la rationalité qui seyait à son métier, a contrario de celui qui, jusqu'à tout à l'heure, ne s'était encore jamais adonné à la moindre exploration de son corps. C'est qu'il aurait pu, en retrouvant ses esprits, se rendre compte de son erreur, refuser de réitérer l'expérience et retourner à son existence précédente, dans laquelle il était un intellectuel apprécié de ses collègues, travaillant pour les progrès de la médecine et des sciences humaines, fier descendant de Darwin et Einstein. Il aurait pu, ce pour quoi Enoch ne lui en aurait certainement pas voulu. En effet, le gamin ne craignait pas le rejet, juste le brocard. L'acerbe dérision. La critique fielleuse. Il avait mis toute sa franchise dans ces quelques mots, l'ultime sursaut de sa conscience désolée, si bien qu'envisager cette même déclaration piétinée par un ricanement écœuré l'inquiétait davantage que toute autre réaction. Et à regarder la mine déconcerté du brun, il lui semblait que c'était mal parti. Qu'il ne l'abandonne pas dans cet état. Qu'il ne le laisse pas seul avec ses chairs échaudées, sa peau trop étroite, son crâne cousu d'obscènes idées. Il n'aurait pas supporté qu'on lui renvoie cette image d'un chiot en rut, incapable de se maîtriser ; peut-être était-ce la raison pour laquelle il accrochait ainsi le poignet de l'homme, avec un désarroi notoire, avec la folle envie qu'on lui réponde oui, d'accord, ne t'en fais pas tout se passera bien, j'en ai envie aussi. Ou quelque chose du genre. La réplique fut au-delà de ses espérances.
La douceur du baiser lui rappela ceux, d'une grande délicatesse, que son partenaire avait naguère fait éclore dans son cou. Ce furent de légères efflorescences, des heurts de coton, qu'il ne s'attendait pas à apprécier, encore moins à rechercher, de plus en plus, parce qu'il ne pouvait s'empêchait d'y prendre goût. Il y humait un lointain relent de cigarette, nostalgique comme l'odeur du vieux papier mêlé au musc, et la saveur était rassurante, étrangement familière, identique à celle d'un refuge sous la pluie. S'il avait appris comment s'y prendre, Enoch aurait sans doute prolongé le contact, mais il savait ses mains malhabiles à prendre les initiatives et il s'arrêtait toujours de respirer lorsque ses lèvres en rencontraient d'autres, motif défensif peut-être, le contraignant à réduire ces tendres rapprochements. Par ailleurs, le fait qu'il ne connût toujours pas le patronyme de son compagnon dut lui traverser l'esprit à un moment ou à un autre, néanmoins il avait relégué ce détail aux oubliettes, considérant malgré lui que cela ne modifierait en rien leur présente crise sexuelle. Puis le scientifique eut cette phrase qui l'aurait fait s'empourprer davantage s'il n'avait pas déjà été cramoisi, une phrase de scientifique pur et dur, d'une sobriété perturbante au vu des circonstances, et qui laissa le garçon troublé, vaguement honteux, mais empli d'un tel réconfort qu'il serait presque venu à le remercier sur-le-champ, pareil au kami bienveillant d'un sanctuaire. C'était probablement cela. Et même si les magazines féminins qu'il ne lisait pas – grand bien lui en fasse – avait tendance à préconiser le plaisir partagé au plaisir achevé, il se sentait curieux, non, avide de finir ce qu'ils avaient commencé. Il n'eut cependant pas l'occasion de l'avouer, car l'homme revint frôler le bord de sa lippe, comme une invitation muette, ne reprenant les rênes de la conversation que pour mieux les lui offrir, et avec elles l'orientation future.

Il devait rêver. Explication simple et ô combien rassurante pour lui qui n'y croyait pas, qui ne s'imaginait pas qu'il existât au monde un humain doté d'autant d'empathie, d'autant de considération à l'égard à ses partenaires, même ponctuels, même anonymes. L'espace d'une seconde, Enoch le dévisagea sans comprendre ; n'était-il pas censé être le poids mort de l'histoire, le sac de patates à trimbaler sur le ventre, sur le dos, en locomotive ou en serpentin, toute réflexion sur les objets mise de côté, acceptant avec une moindre résistance les élans de son amant passager ? Il n'avait jamais réfléchi à ce qu'il aimerait. Jamais pensé une seule minute que, s'il se décidait à ce sujet, on aurait pu le satisfaire. Jamais songé à comment. Il s'était juste offert, avait enduré les impulsions, supporté la violence, trop concentré sur ces sensations inédites et terrifiantes qui se mouvaient en lui pour deviner qu'il existait aussi d'authentiques caresses. Jouir n'était pas une fin – à peine une éventualité, jadis apparentée à une répugnance. Et maintenant, voilà qu'un inconnu lui proposait le plus naturellement du monde d'exprimer ses désirs, ses lubies invisibles, même pour lui, de lui parler de ses nerfs et de ses cordes afin de faire vibrer les meilleurs. Son regard s'échappa soudain, fuyant la silhouette devant lui pour venir s'égarer dans la contemplation du dessus-de-lit. Que peut-on répondre à tout cela lorsque l'on se tient nu, les cuisses en éventail, à attendre que l'on nous dise de se la fermer parce qu'on s'est montré pathétique ?
« Je... Je ne sais pas. Je ne pensais pas que c'était aussi... que cela pouvait ne pas faire mal. Au contraire. Et j'ai peur de cela. »
Lentement, ses yeux remontèrent à l'affût du scientifique, glissèrent sur ses contours, grappillèrent dans ses iris les prémices d'un nouvel assaut. Lentement, ce fut son corps qui se redressât jusqu'à se mettre à genoux, face à son partenaire, avant de lever les mains vers son vêtement – dieu sait pourquoi il était toujours sur ses épaules – et de se mettre en tête de le lui retirer en tremblant, comme s'il fallait occuper ces phalanges inhabiles, effrayées du mouvement qu'elles exécutaient.
« J'ai peur de lâcher prise. De m'y enfoncer et de ne pas pouvoir me retrouver ensuite. Même si... » Son visage s'abaissa un temps, ses paumes se figèrent devant la masse qu'elles venaient de dévoiler, hésitantes, curieuses de vagabonder le long de ces muscles sur lesquels elles dessinaient des ombres blanches. « … Au fond je crois que c'est cela, ce que j'aimerais... » Sombrer.

Il pensait trop, encore, toujours, inévitablement. Même le corps au bord de la rupture, il réfléchissait. Et tout à coup, il en avait marre. Marre de se refréner devant cet épiderme plus mat que le sien, de penser à l'après, aux conséquences, aux représailles. Marre de ne pouvoir occulter le monde autour de lui, cette merde monumentale dans laquelle il pataugeait depuis trois mois et qui répondait au sale nom de Madison, marre de ces guerres incessantes entre deux races aussi folles l'une que l'autre, de sa place dérisoire dans cette fatale disharmonie, de cette détresse contenue qui ne trouvait aucune échappatoire. Le pouvoir de l'Evolve n'avait plus d'emprise sur lui, à ce stade ; il ne lui restait que ses propres digues, impuissantes sous les flots qui les éraflaient peu à peu, jusqu'à ce qu'elles cèdent et qu'avec elles disparaissent les brides qui le maintenaient patraque, sur la tangente. Il voulait oublier un instant, oublier et se sentir vivant, qu'importe que ce fût dans les bras d'un étranger, être pris sans songer à ce qu'il avait repris, appris, compris depuis des siècles. Dans cette pièce sans émotion d'un motel sans histoire, personne ne le blâmerait pour cette liberté factice, cette risible escapade. Une parenthèse brutale, où les articulations dansaient ensemble, où les langues parlaient à deux. Où les doigts, volages, ne restaient plus en place et griffaient les flancs à portée d'ongles. D'un geste, Enoch se glissa contre le torse du brun, coula ses bras autour de son cou, enfouit sa figure proche de son oreille. Là seulement, dans le vacarme de son cœur et le charivari de son souffle, il chuchota, entre la prière et la capitulation :
« Prenez-moi longtemps, aussi longtemps que vous pouvez. Et le plus fort possible, s'il vous plaît. »
Oui, qu'il le serre ainsi, puisqu'il faudrait de toute façon que tout se termine après, qu'ils ne se prennent pas la tête mais le corps, seulement le corps, et c'était déjà bien assez. Que le gamin entraîne l'homme par-dessus lui avant de le faire basculer sur le dos et de l'enjamber, à califourchon sur son bassin, agenouillé de part et d'autre de ses hanches, une main derrière ses fesses pour guider le sexe de son compagnon dans le droit chemin, la respiration cadencée par ses mouvements pour se frotter contre lui, suspendue le temps qu'il se fraye un passage à l'intérieur, finalement relâchée en un soupir. Il ne chercha pas à savoir pourquoi, cette fois-ci, la pénétration ne lui arracha qu'une brève plainte, bientôt mue en un agréable chuintement. Il ne chercha pas à expliquer ses frémissements continus quand il soulevait son cul et l'affaissait ensuite, pourquoi des jeux de mots débiles lui venaient en tête à cause de cela, ni pourquoi chaque fois qu'il portait le regard sur le scientifique se produisait une secousse tellurique dans son thorax, aussitôt suivie d'un coup de rein qu'il s'infligeait pour en dissiper les effets, non sans les accroître irrémédiablement. Cependant, le rythme qu'il s'efforçait de conserver viendrait vite à bout de ses forces, et déjà ses rotules criaient au repos ; emporté par son désir, le reste de son anatomie refusait toutefois l'inertie, allant même jusqu'à accentuer ses ondoiements jusqu'à perdre pied, jusqu'à s'engloutir dans une houle grandissante où il n'avait pas conscience de se noyer, encore, encore, des cris fugaces en guise de paroles, une bouche qui ne se fermait plus et la délivrance enfin, attendue autant que retardée, trop brève, insuffisante, avec son squelette tendu comme un arc, tête rejetée en arrière, accrochée au ciel par un fil translucide. Un spasme. Un hoquet de surprise. La blancheur du monde autour de lui qui goutte entre ses doigts. Et entre les poumons, au creux de sa cage d'os, la musique du diable qui réclame une coda.
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Chaze Ross
Chaze Ross
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14.10.15 18:59
A en juger par l’expression sur le visage du garçon, devoir prendre des décisions pour un autre que lui ne devait pas franchement être dans ses habitudes. L’espace d’un instant, Chaze se demanda même s’il s’était bien exprimé dans sa langue natale, laquelle était de toute évidence celle de son présent interlocuteur également, tellement l’incompréhension régnait en reine absolue au fond des iris de son partenaire. A tel point que le jeune scientifique sentit un début de malaise l’envahir. Et si le gamin lui demandait expressément de reprendre – et de conserver – les rênes ? Jusqu’à présent, il estimait ne pas s’être trop mal débrouillé pour quelqu’un ignorant tout de la sexualité entre hommes. Mais il ne pouvait pas non plus trop compter sur sa chance, tout comme sur l’endurance du garçon assis devant lui… Une chance que ce dernier finisse par lui répondre, ou du moins, essayer de lui apporter un premier élément de réponse. Sauf que le début de ses explications ne fit qu’empirer l’état psychologique du jeune scientifique, au bord de la rupture entre le remord et culpabilité. A défaut de se sentir maladroit au possible vis-à-vis de son partenaire, voilà qu’il compatissait ?

« Faire mal ? Mais c’est qui ce gosse ? Ce n’est pas sa première fois ?! »

Le soulagement résultant de ce constat opportun ne fut que de courte durée. Vraiment, Chaze commençait à se poser de réelles questions sur le garçon qui lui faisait face, à commencer par le passé sexuel de ce dernier. Même si sa conscience, revenue à la charge entre temps, ne cessait de lui répéter que ce n’était pas son problème.

« C’est vrai qu’il est majeur mais quand même… Et s’il vendait son corps ? »

Regain de culpabilité. Série d’images plus ou moins glauques défilant devant ses yeux, lesquels perdirent de vue la silhouette de son interlocuteur l’espace de quelques secondes. Le jeune scientifique ressentit le besoin de secouer la tête pour chasser ces mêmes pensées obscènes, intention qui se vit brutalement stopper net lorsqu’il perçut du mouvement dans sa direction. Revenant aussitôt au moment présent, Chaze ne put réprimer un frisson en sentant les mains de son partenaire se poser sur sa personne. A aucun moment il n’aurait imaginé que ce dernier prendrait de telles initiatives, un peu comme il avait été sincèrement surpris de ce baiser volé alors qu’ils se trouvaient encore dans la salle de bain, debout tous les deux contre le mur. Franchement, l’aveu suivant ne l’aida pas à mettre de l’ordre dans ses idées. S’il regrettait presque d’avoir incité le gamin à penser par lui-même et non se contenter de n’être qu’un objet ? Un peu. Mais c’était bien ce qu’il était malgré tout, une personne pourvue de sentiments, d’émotions et bien sûr, de peurs plus ou moins enfouies. Et très certainement que le passé – ou le quotidien – du gosse n’avait pas aidé dans ce sens. Doucement, il vint se saisir de l’une des mains du garçon, serrant celle-ci au creux de sa paume, comme pour attirer son attention.

« Tu l’as dit toi-même : personne ne saura rien. Je ne peux pas te demander de me faire confiance, pas comme ça, ici et en se connaissant si peu… Mais lâcher prise… n’est pas synonyme de souffrance. »

Merci discours de psychologue à deux balles. Quelles études tu as fait pour arriver à cette conclusion débile ? Peut-être bien que tu aurais dû devenir sexologue, tu aurais à coup sûr eu beaucoup de clients à conseiller. Satisfait ou remboursé comme on dit. Tu aurais rapidement mis la clé sous la porte. Ce fut un peu le discours que lui tint sa conscience dans les secondes qui suivirent sa prise de parole O combien désastreuse selon lui. Et il espérait encore convaincre son interlocuteur après ça ? Réprimant difficilement un soupir exaspéré par sa propre médiocrité, Chaze lâcha la main du gamin, soudain désireux de faire, non pas un mais deux pas en arrière. Si cela équivalait à tomber du lit et bien soit. C’était amplement mérité. Mais pas du tout au goût de son partenaire du moment. Sursautant en sentant le corps moite du gamin contre son torse, le jeune scientifique eut tout juste le temps de voir venir deux bras tendus dans sa direction. Un peu perdu, il se laissa faire. Pourquoi avait-il l’atroce envie de lui rendre son étreinte à ce gosse ? Ce n’était pas humain, pas plus que monstrueux de sa part. Simplement, incompréhensible. Dénué de raison. Sentir le souffle du garçon tout contre son oreille raviva des sensations qu’il pensait mises en veille pour le moment mais ce furent bien les paroles de ce dernier qui lui contractèrent violemment le bas ventre. Chaze n’opposa aucune résistance lorsqu’il se vit repoussé légèrement afin d’être basculé sur le dos. Tout s’embrouillait dans son esprit. Les mots de son interlocuteur se mélangeaient aux sensations que le toucher de ce dernier exacerbait. Ne lui avait-il pas demandé de le prendre ? Alors pourquoi prenait-il les commandes lui ? Quoique ce n’était pas désagréable de le voir ainsi au-dessus, pleinement conscient de ses actes et libre d’aller jusqu’au bout de ses envies. Un soupir de plaisir franchit les lèvres du jeune scientifique lorsqu’il fut de nouveau en lui. Il ne l’avait pas supposé jusqu’à maintenant, dans la fébrilité de leur échange charnel mais le gosse s’y prenait rudement bien.

S’efforçant de chasser les pensées glauques qui lui avaient traversé l’esprit quelques minutes plus tôt, Chaze focalisa son attention sur le corps puis l’expression de son partenaire. Lequel était bien plus expressif que lui en définitive. Ce qui n’était pas pour lui déplaire, au contraire. Naturellement, ses mains vinrent à la rencontre des hanches du garçon, se plaçant dessus avec l’habitude engendrée par ses précédentes conquêtes. Là-dessus, femmes et hommes se rejoignaient. De cette conclusion, le jeune scientifique tirait un certain soulagement teinté de fierté à grand peine dissimulée. Tout en accompagnant les mouvements du bassin du gamin, Chaze savoura le retour du plaisir, seulement titillé pendant les secondes qui avaient précédé la nouvelle pénétration. Dire qu’il commençait à s’habituer à cette sensation… Lorsque les va et vient du garçon se faisaient moins prononcés, les mains du jeune scientifique prenaient le relai, obligeant le corps de son partenaire à descendre au plus bas. Les gémissements qui s’échappaient de la bouche de ce dernier lui plaisaient fortement. Ce fut donc avec un plaisir tout particulièrement malsain que Chaze mit un point d’honneur à renouveler l’exercice, de plus en plus loin et toujours de manière plus prononcée. Sa patience était mise à rude épreuve, surtout après avoir entendu une telle requête de la bouche même de son interlocuteur. Mais il respectait son choix, du moins jusqu’à un certain point : en effet, le jeune scientifique ne tarda pas à se redresser pour se retrouver assis sur le lit, son partenaire toujours en mouvement sur son entrejambe plus que sollicitée depuis qu’ils avaient franchi la barrière de la morale. Dans cette position, il gagna en assurance et en force, appuyant que plus les mouvements du garçon alors que ses propres lèvres trouvaient tout naturellement le chemin en direction du cou de ce dernier. Sa respiration s’accéléra une nouvelle fois, faisant écho aux gémissements du gosse, lesquels se muaient parfois en cris difficilement réprimés. Dire qu’il avait déjà joui… Mais ce gamin… C’était vraiment… Par désespoir de se voir répéter la situation précédente mais avec les rôles inversés des deux protagonistes principaux, Chaze s’empara brusquement du sexe de son partenaire de sa main droite, posant un pouce résolument ferme sur le gland tout en exerçant une légère pression dessus.

« Ne jouis…pas…tout de…suite… » parvient-il à articuler, non sans mal.

Parler était devenue une tâche ardue avec ce plaisir qui allait crescendo en lui. S’il culpabilisait de soumettre le garçon à une telle épreuve ? Pas le moins du monde. Emporté par son plaisir, sans cesser de se répéter en boucle les mots mêmes de son partenaire, le jeune scientifique ne désirait plus qu’une chose ; jouir une nouvelle fois. Et à ce rythme, ce serait à l’intérieur. Pourquoi hésiter après tout ? Le gamin ne risquait pas de tomber enceint… Une chose que Madison et toute la technologie du monde n’avait pas réussi à changer. Encore heureux. Son corps se tendit soudain, preuve étant qu’il atteignait ses limites. L’espace d’un instant, Chaze eut la pensée cruelle de réprimer le plaisir de son partenaire. Au lieu de cela, il lâcha promptement le sexe de ce dernier, alors que son plaisir se répandait en lui, sous la forme d’un jet couleur perle. Le jeune scientifique fut toutefois vaguement reconnaissant au gamin de retenir un jet similaire entre ses doigts lorsqu’il céda lui aussi à l’appel du plaisir. Ils restèrent un moment dans cette position, haletant tous les deux, incapables de prononcer un mot. Quoi dire dans ce genre de situation ? Peut-être était-il finalement temps de reprendre le cours de leurs vies respectives ? Oublier ce qui venait de se passer dans cette chambre, soudain trop étroite pour leurs deux personnes ? Une foule de questions en tête et pas la moindre réponse à leur apporter.

« Désolé… On dirait bien que je n’ai pas pu me contrôler non plus. »

L’ombre de la culpabilité flottait sur cet aveu, au même titre que le plaisir ressenti au cours de cette seconde étreinte – consentie – demeurait toujours, effaçant doucement le reste. Chaze se racla faiblement la gorge, cherchant toujours ses mots.

« Je crois que… Tu peux te retirer… »

Non pas qu’il se sentait à l’étroit à l’intérieur. Laissant le soin à son partenaire de se redresser légèrement, avant de se laisser tomber sur le côté, le jeune scientifique ne fit pas mieux : il bascula purement et simplement en arrière, appréciant le contact étonnamment doux avec le dessus de lit. Le plafond revêtit soudain le plus vif intérêt pour lui. A défaut de pouvoir poser les yeux sur le corps nu du garçon qui gisait à ses côtés, sa présence rendue plus vivante que jamais par le bruit rapide de sa respiration à peine remise de leurs ébats, sans compter les brefs frottements occasionnés par sa peau glissant sur le dessus de lit, Chaze se cherchait un autre centre d’attention. Et soudain, il se trouva un but. Délaissant momentanément le lit, et ce, en dépit du caractère reposant de celui-ci, le jeune scientifique se leva. Tel un zombie, il se dirigea trop mécaniquement à son goût vers le tas de vêtements laissé sur place un peu plus loin. Après avoir fouillé rapidement dans l’une des poches de son pantalon, il dénicha enfin la source de tous ces mouvements : ses cigarettes. Cependant, il ne les alluma pas immédiatement, préférant retourner du côté de la chambre pour s’asseoir lourdement sur le lit, tournant le dos à son partenaire. Ce ne fut qu’après avoir pris le temps d’en allumer une première et d’avoir tiré quelques bouffées dessus, que Chaze trouva enfin le courage de prendre la parole.

« Ôte-moi d’un doute… Ce n’était pas ta première fois n’est-ce pas ? Moi si. Je n’avais jamais couché avec un mec avant ça. C’était… Une expérience unique… »

Sur ces derniers mots, il se tourna vers le garçon, ne sachant pas vraiment s’il attendait ou non une réponse de la part de ce dernier. Son regard accrocha celui de ce gamin dont il ignorait encore et toujours le nom cela dit.

« Je m’en grille toujours une après l’avoir fait. Tu fumes ? »

Comme si c’était la priorité de connaître ce genre de détail dans la vie de son interlocuteur après toutes leurs mésaventures…
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Enoch Livingston

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14.10.15 22:37
Le sang tambourinait contre ses tempes, chamade cardiaque sur le point de flancher, alors que la plus infime parcelle de son épiderme semblait s'être changée en charbons ardents, en magma électrique que le moindre effleurement attisait jusqu'à l'acmé. En dépit des tentatives du scientifique pour entraver leur escalade, de son geste fou pour l'empêcher de jouir trop vite et qui n'eut pour effet que d'augmenter son besoin, Enoch n'avait su maîtriser l'impulsion dernière, le coup de hanche final qui lui laissa les reins humides, pris de vibrations sourdes, éreinté jusqu'aux tréfonds. Un instant il demeura ainsi, la colonne cambrée par le coït, les ongles gentiment enfoncés dans les épaules de son partenaire, concentré sur les ultimes impressions de leur étreinte qui déjà se dissipaient dans l'espace. Il sentait encore le membre chaud à l'intérieur de lui, gluant d'un fluide sirupeux comme d'un kaki trop mûr, avec les contractions régulières de ses sphincters autour ; il sentait l'orchidée éclose dans son bas-ventre qui dégageait un parfum moite, tropical, et l'odeur de résineux dans la chevelure de son amant ; toute une flore étrange qui l'enveloppait de saveurs douces-amères, légèrement écœurantes et dans lesquelles il s'était pourtant vautré avec un plaisir brutal. Est-ce qu'il en éprouvait de la honte, maintenant que cette erreur avait trouvé une fin ? Trop tôt pour le dire. Le temps qu'il reprît son souffle, qu'il esquissât un sourire confus en entendant l'excuse du brun sur son prétendu contrôle de soi, qu'il lui répondît un « Ça va » presque anodin, presque futile, pour signifier qu'il n'y avait pas de mal – voire plutôt l'inverse – le remords avait de quoi aller se faire foutre. Le gamin avait lâché prise. Pour de vrai. De façon pleine et entière. Et ce constat le couvrait d'un soulagement coupable, à l'instar d'un enfant découvrant que vider la bonbonnière ne lui rapportera aucune réprimande.

« Ah oui, pardon... » glissa-t-il enfin, en réponse à la demande permissive de son compagnon pour qu'ils se séparent définitivement ; après toutes ces émotions, il en aurait oublié qu'il se tenait encore assis sur lui en recouvrant une partie non-négligeable de son anatomie, l'une de ses mains enfermant son propre sexe en une vaine tentative pour retenir son sperme. Néanmoins, s'extirper de cette position ne fut pas sans agacer ses chairs tremblantes, si bien qu'il crut qu'il n'arriverait jamais à délivrer l'autre de cette naïve emprise. Ce ne fut cependant qu'une illusion, car malgré les forces qui lui faisaient défaut, il parvint à se décaler sur le côté afin de choir sur la couette, sans grâce superflue, juste de quoi lover ses flancs dans le rembourrage bleu nuit et réprimer l'envie de dormir qui le saisit aussitôt. L'oreille plaquée contre le tissu, il entendait en écho les battements de son cœur ralentir peu à peu, tandis que son regard hésitait entre se perdre dans la contemplation du textile et les angles discrets que dessinaient dans son champ de vision les clavicules du scientifique. Il lui vint en pensée qu'il avait eu de la chance, une chance de cocu même, de tomber sur quelqu'un de sa trempe. Non pas que son partenaire s'était montré des plus professionnels au regard de son métier – il restait des progrès à faire pour refouler ses pulsions – mais dans la panique, disons-le ainsi, il s'était montré aussi compréhensif et attentionné que possible. N'importe qui n'aurait pas réagi de la sorte, Evolve ou non. Enoch n'imaginait pas l'état qui aurait été le sien à cette minute si une autre personne s'était tenue en face de lui ; peut-être serait-il toujours dans la cabine de douche, à tenter désespérément de faire s'évacuer ses hormones dans les canalisations, ou bien serait-il tombé sur une femme qu'il aurait violentée, ou pire, qui l'aurait violenté lui, pour la peine. Genre, la grosse infirmière de tout à l'heure. Vision d'horreur, qui le troubla en sursaut.

Sans rien à portée pour dissimuler sa nudité, le gosse avait replié les genoux contre son ventre, ses bras croisés sur son torse en une piètre posture de protection, et tâchait de ne pas trop se concentrer sur les résidus poisseux qui refroidissait çà et là sur lui, en lui, dont il savait que la présence demeurerait bien après la disparition des marques. D'un air distrait, il essuya sa paume visqueuse quelque part sur la couverture. En courbant le cou suffisamment, il arrivait même à distinguer de légères rougeurs à la naissance de ses épaules, des myosotis pourpres qui s'effaceraient rien qu'en soufflant dessus, mais il n'en eut pas le goût et reporta son attention sur les mouvements de l'homme qui se redressait sans un mot. Adieu, se retint-il de prononcer par anticipation, puisqu'il n'envisageait pas d'autres dénouements à leur situation. Échanger leurs numéros ? Ben voyons. Se souhaiter bonne continuation ? Encore pire. Autant se taire avant de s'esquiver en douce. Non, rien ne paraissait naturel, rien n'apparaissait idéal. À l'aube d'une potentielle relation, voilà qu'ils n'avaient déjà plus grand-chose à échanger, et encore moins des au revoir. Tristesse.

Pourtant, et Enoch ne sut si c'était mieux ou non que de se quitter sur-le-champ, le scientifique ne s'éloigna guère que pour récupérer ses clopes, dont il en alluma une sur le rebord du lit. De là où il s'était recroquevillé, le petit poucet écoutait plus qu'il ne voyait : le crépitement de la mollette, le soupir de la flamme bleutée, le craquement du papier que le feu vient lécher, et puis l'inspiration suave, paisible, du fumeur. Bientôt, la fragrance mordante du tabac envahit la pièce, et avec elle se dissipa le silence en un aveu que le garçon n'avait pas prévu. Que devait-il comprendre ? Que malgré son embarras et ses maladresses, il faisait bon de laisser parler son instinct et de se fier à son ressenti ? Que dans son ignorance, il avait été assez expérimenté pour transformer un hétérosexuel en amant satisfait ? Unique dans quel sens ? Parce que cela pouvait tout aussi bien se révéler excellent que désastreux, avec une certaine préférence pour la première solution. Le gamin se garda bien de répondre tout de suite ; les souvenirs se remettaient à se bousculer dans son crâne, entraînant avec eux des frissons d'angoisse et des élancements dans le thorax ; sans vraiment comprendre, il sentit ses yeux le brûler et il dut cligner des paupières plusieurs fois pour en chasser la brillance. Quand il redressa le front, le brun le fixait pour lui proposer indirectement une cigarette, qu'il refusa en secouant la tête. « Non merci », lâcha-t-il tandis qu'il se relevait pour s'asseoir à son tour, les jambes toujours repliées contre lui, les bras ceints autour d'elles. Ouf. Sa voix avait enfin cessé d'imiter des miaulements féminins. Il retrouvait sa relative masculinité, ce qui l'encouragea à continuer :
« Et ne vous inquiétez pas, je l'ai déjà fait. Une fois. Mais c'était il y a très... – très très très très trèèèèès – ...très longtemps. » Il ne sut pas trop pourquoi il tenait à le préciser. Or, ce qui n'était pour lui qu'une hésitation chronologique due à sa qualité d'Ancien, il s'en rendit compte à la seconde, pouvait être aisément comprise comme une réalité sordide de la part de son interlocuteur ; il ne manquerait plus qu'il le considère comme un enfant brisé. « Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! » s'empressa-t-il d'ajouter alors qu'il s'agitait, espérant rattraper d'éventuels malentendus. Ses iris s'affolèrent brusquement, cherchèrent partout des prétextes qui n'existaient pas, buttèrent sur le corps de l'homme, sa barrette de tabac, les reliefs de ses bras et de ses côtes ; il fit mine de se lever sans y parvenir, les rotules en coton qui faillirent le flanquer à terre, avec en tête des images violentes qui ne voulait guère s'effacer et qui inondaient ses yeux de larmes de remords et de honte. Soudain, il se regarda sur le bord de la falaise, sur le fil de la crête, à un centimètre de basculer. Il se regarda chanceler, tenter de se rattraper à son orgueil, à son courage, mais ses phalanges n'embrassèrent que le vide ; la chute, à pic, inévitable, emporta ses dernières résistances, et il enfouit son visage dans ses mains pour y masquer ses pleurs, tout le corps rentré en dedans, à la manière d'un oiseau qui s'abrite du froid. Il ne pouvait s'arrêter. C'était incontrôlable. Une véritable crue d'émotions, un orage qui le secouait de partout et lui foutait des claques en continu. Entre deux irrépressibles sanglots, il réussit toutefois à articuler quelques phrases :
« Pardon... Je... je suis désolé. C'est plus fort que moi... Pardon. »
Jamais deux sans trois, n'est-ce pas.
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Chaze Ross
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16.10.15 21:23
Pas déçu le moins du monde devant ce refus catégorique, nullement entaché par une brève et incertaine hésitation l’espace de quelques secondes suspendues dans le temps, le jeune scientifique ne chercha pas à insister et conclut l’échange fugace par une nouvelle bouffée de son bâtonnet de nicotine, silencieux. Dans le fond, c’était peut-être mieux ainsi, que ce gosse ne fume pas comme un véritable pompier, tel le perpétuel anxieux qu’il était. Si lui parvenait à venir à bout de ses paquets de cigarettes à une vitesse frôlant le suicide en accélérant les risques de choper un cancer des poumons ou de la gorge en guise de prix, alors Chaze n’aurait pas donné cher du restant de clopes dont il bénéficiait encore pour finir la semaine s’ils en étaient arrivés à fumer ensemble, de bon cœur. Sur le moment, le jeune scientifique n’avait pas évalué les conséquences de ses actes, préférant laisser s’exprimer la générosité en une pâle tentative pour réinstaurer le dialogue entre eux, plutôt que calculer ce que l’égoïsme lui aurait rapporté en fin de compte. Peut-être était-il simplement soulagé que le gamin ne fuma pas. Il venait d’économiser quelques cigarettes, le bout du monde en somme. La voix de son partenaire, redevenue normale, preuve étant que les effets du pouvoir de l’Evolve commençaient enfin à se dissiper, le tira de ses pensées sans intérêt aucun. Apprendre que ce dernier avait déjà couché avec un homme ne le surprenait plus tellement à présent que les indices avaient introduit cette hypothèse dans son esprit embrumé quelques dizaines de minutes auparavant. Chaze n’était même pas dégoûté. De quoi ? De passer après un autre ? De savoir que le garçon en question aimait les hommes, les mœurs avaient évolué depuis. Sauf qu’un détail attira son attention malgré lui.

« Très très longtemps ? Me dis pas que… ? »

Instinctivement, son regard chercha celui de son interlocuteur et la tête du brun se tourna machinalement dans la direction du gosse, lequel s’agitait déjà. La bouche entrouverte, sa question restée bloquée au fond de la gorge, le jeune scientifique ne put qu’écouter la suite des propos de son partenaire du moment, lequel avait l’air encore plus embarrassé que lui lorsqu’ils avaient imaginé ensemble la manière dont ils pouvaient régler leur petit problème de virilité attisée. En le voyant se justifier de la sorte, l’air encore plus paniqué qu’avant, Chaze ne sut quoi penser. Lentement, il referma la bouche, cherchant ses mots, tout comme l’occasion d’en placer une. Devant le silence de son propriétaire légitime, la cigarette continua doucement de se consumer, sans qu’il n’y prête attention. A croire que les agissements du garçon l’intriguaient à tel point de négliger sa dose quotidienne de nicotine. Auparavant, il s’en serait mordu les doigts d’oublier que la cigarette, contrairement à une amante, ne l’attendait pas pour s’enflammer, elle. Et quand enfin, vint le déluge, le jeune scientifique se trouva vraiment pris de court.

« Mais… ! Tu n’as pas à t’excuser ! Tu n’as rien fait de mal ! »

L’agitation dont venait de faire preuve son interlocuteur se communiqua sans peine au brun, lequel se mit à agiter les bras dans le vain espoir de calmer les sanglots du gosse. Ce n’était définitivement pas une situation qu’il avait pour habitude de gérer ! En étant affecté au département technologique, il se préservait des contacts directs avec les Evolves, de crainte de de nuire à sa couverture en laissant ses émotions prendre le contrôle sur la prudence mêlée de logique purement rationnelle, sans état d’âme. Ce qu’on exigeait des hommes vêtus de blouses blanches en somme. Or là, il se retrouvait seul face à un gamin complètement déboussolé, tout comme lui l’était plus ou moins en dépit de ses efforts pour essayer de reprendre la main sur son existence. Facile à faire quand on avait ouvertement rendu les armes face au désir sexuel en compagnie d’un parfait inconnu !

« Bon sang ! Arrête de pleurer et expli- Aîe merde ! » jura-t-il alors que l’incandescence de la cigarette venait lui lécher le bout de doigts.

Sans prendre la peine de constater l’étendue des dégâts ou même de s’apitoyer sur le simple fait d’avoir gaspillé l’un de ces précieux bâtonnets de nicotine, le jeune scientifique chercha immédiatement du regard un cendrier, qu’il avisa sur la table de chevet, heureusement de son côté du lit. Le hasard faisait parfois bien les choses… D’un geste pressé, il écrasa rapidement sa clope, ou du moins ce qu’il en restait avant de reporter son attention sur le corps agité de soubresauts. Chaze s’était levé d’un bond et à présent qu’il le voyait ainsi, recroquevillé sur le dessus du lit, trop foncé au point de renvoyer la pâleur inquiétante du garçon en question, il le trouvait minuscule. Vulnérable. Tous les êtres humains l’étaient d’une certaine manière mais ce constat lui fit l’effet d’une douche froide. Même s’il croyait sur parole le gosse à propos de son expérience dans ce domaine bien particulier qu’était la sodomie entre hommes, il restait un gosse ! Avec ses peurs, ses craintes, ses doutes, sa honte très certainement… D’un pas décidé, le jeune scientifique reprit la direction de la salle de bain, dégotant sans peine une nouvelle serviette, sèche celle-ci, avant de revenir près du lit. Sans tenir compte de la surprise que susciterait bien évidemment son geste, il laissa tomber la serviette sur la tête de son partenaire, recouvrant sans peine le cuir chevelu aux reflets sel et poivre suivant le jeu d’ombres renvoyé par la lumière du plafond, ainsi que le haut du corps du gamin. L’instant d’après et tout en profitant de l’arrêt soudain des sanglots qu’avait occasionné pareil acte, Chaze se rassit sur le lit et entreprit de lui frotter les cheveux, ainsi que les épaules, doucement mais assez vigoureusement pour le rassurer autant que le réchauffer au passage. Même si c’était probablement la dernière chose dont il avait besoin à cet instant précis…

« Ma petite sœur se calmait toujours quand je l’enveloppais dans une serviette… Elle adorait ça et arrêtait aussitôt de pleurer. »

L’explication tomba naturellement, bien que laissant présager quelque chose de plus sombre en arrière-plan. Au lieu de s’attarder sur la sensation d’avoir alourdi l’atmosphère, le jeune scientifique préféra porter une attention toute particulière à sécher les joues du garçon avec les bords de ladite serviette.

« Je ne sais pas si je suis la meilleure personne pour ça mais… Si tu veux parler… Ça a un lien avec le fait que tu te trouvais à l’hôpital ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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17.10.15 11:50
La tristesse appelle la tristesse, et la honte engendre la honte. Plus il essayait de se calmer, plus il tentait de réprimer ses hoquets larmoyants, et plus Enoch sentait son ossature trembler sous les assauts des pleurs. Aux rares moments où il s'imaginait avoir étouffé une secousse, une nouvelle lui sautait à la gorge la seconde d'après, plus féroce encore, l'envoyant se terrer de plus belle au creux de ses paumes qui n'étaient malheureusement pas assez profondes pour qu'il y disparût. Il savait, pourtant, qu'il n'était pas seul dans la pièce, que se montrer aussi faible n'était pas digne, qu'il s'humiliait peut-être plus que les minutes précédentes, lorsqu'il s'était exhibé avec autant d'impudeur ; il savait que l'embarras qui le paralysait à moitié n'était pas la conséquence de ses désirs, mais de cette simple quoique brutale crise de larmes, et qu'il en retirerait plus de gêne que de ses soupirs brûlants. Il savait tout cela. Et cette connaissance entretenait à sa manière son état déplorable, tellement elle l'amenait à se souvenir de ces paroles qu'il aurait aimé oublier, de cette grossière erreur qu'il avait précipitée malgré lui. La brèche dans son cœur avait ainsi vu s'engouffrer une noirâtre marée de remords, une houle dense de peurs plus ou moins fondées, un dégueulis d'horreur que les exclamations du scientifique, bien qu'elles se voulussent réconfortantes, ne firent qu'intensifier. Si, il avait fait quelque chose de mal, ou du moins en était-il persuadé, quelque chose d'irréparable qu'il traînerait comme des fers aux pieds, comme un piège à loup invisible autour de la cheville, et toutes les consolations du monde ne sauraient en venir à bout. À bout. C'est ce qu'il devait être, à cet instant, même si être au courant ne constituait en aucune façon une issue de secours.

À l'entendre, le brun n'était pas doué pour gérer les situations de crise, pas plus qu'il ne devait être très au fait des moyens mis à disposition pour calmer les enfants terrorisés, ou toute autre créature peu ou prou semblable à un truc qui chouine et gémit sans arrêt. Cependant, le gosse se trouvait bien incapable de lui en tenir rigueur, et même s'il eut un sursaut effrayé quand son compagnon se brûla les doigts – ignorant néanmoins la raison de ce juron – cela n'apaisa guère les pulsations effrénées de son myocarde. Serait-il parvenu à distinguer au travers de ses larmes qu'il n'aurait pu observer que les éclats d'ombre sur sa peau et les maigres taches de lumière entre ses doigts, en dépit des mouvements qui se tramaient à quelques centimètres de lui. Mais non. C'était comme s'il était coupé du monde, l'écoutant depuis l'autre versant d'une cascade, et les sons lui arrivaient dépourvus de sens, des froissements de tissu, l'essieu d'une porte que l'on ouvre davantage, une respiration lointaine qui s'approche, s'approche encore, puis soudain, la douce chute d'un objet sur sa tête. Surpris, Enoch releva un chouïa le menton, écartant les mains de sa figure dans l'intention de se saisir de la serviette sauvage, mais l'homme fut plus rapide que lui, comme à peu près n'importe qui à ce moment, et se mit à lui frictionner le sommet du crâne avec application. Le geste était aussi déroutant qu'étrangement agréable. D'abord confus, le gamin se laissa pourtant faire sans un mot, tandis que ses épaules se détendaient au fur et à mesure des frottements ; il prit alors conscience qu'il avait froid, et que cette initiative réussissait d'un coup à lui réchauffer le corps autant que l'esprit. Le miracle de la bêtise, probablement. Quoi qu'il en fût, ses yeux cessèrent de se noyer dans le sel, son squelette arrêta de frémir au rythme d'un cha-cha-cha et, à demi bercé par les paroles de son partenaire, le trémolo de ses lèvres ralentit jusqu'à se clore.

Être comparé à une petite sœur ne le troubla pas, à l'aune de ce curieux imparfait dont il se retint de demander des explications ; pourquoi, soudain, ce voile gris dans la voix ? Pourquoi user d'une réminiscence aussi intime, personnelle, pour consoler quelqu'un qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam ? Sans doute y avait-il davantage que la dérisoire tentative de le tranquilliser lui aussi, en reprenant des gestes habituels. Peut-être que son propre chagrin avait allumé une lueur sombre dans l'âme du brun, le genre d'éclat trop violent qui doit s'épancher au risque de se cristalliser. Les mains reposées sur ses genoux, le petit poucet choisit de se taire. Mieux valait, car il ne voulait pas risquer de blesser son interlocuteur par quelque mot malhabile, par une phrase tranchante par erreur. Surtout qu'il comprenait pourquoi la cadette appréciait ce type de traitement fraternel ; qui n'aurait pas aimé cette attention chaleureuse, ce tendre souci désintéressé ? Même sans être une fille, Enoch pouvait capter toute l'affection contenue à travers la serviette, a fortiori lorsqu'il croisa les iris ébène du scientifique en train de lui essuyer les joues. Il cligna des paupières par réflexe, histoire de ne pas recevoir un pli dans l'œil, puis articula un « Merci » presque inaudible. Sa gorge avait la texture du vieux papier.

L'espace d'une respiration, Enoch ne sut quoi répondre à l'interrogation. Plusieurs répliques lui vinrent en tête sans qu'il n'y accordât de crédit, entre le Non, plutôt avec le fait que vous venez de m'enfiler trois fois de suite sans même savoir mon prénom, le Vous pouvez construire un Tardis ? Parce que j'aimerais bien rentrer chez moi et le Hôpital ? Quel hôpital ? Jamais entendu parler. De toute manière, lui-même ne saisissait pas l'ensemble des raisons de son émoi. Sûr qu'il y avait une part non-négligeable des effets de la prise d'otage, du pouvoir de l'Evolve, de leurs indécents ébats et tout ce que cela pouvait engranger par la suite. Mais cela, il le pressentait vaguement, ne constituait pas la clef du mystère. Las, il secoua la tête, frotta le coin de ses cils avec l'extrémité des phalanges pour en ôter les dernières traces de larmes, fit retomber son front.
« J'étais allé à l'hôpital pour le dépistage du virus, commença-t-il avec peine. Il semblerait que je ne l'ai pas attrapé. Sauf que l'Evolve est arrivé avant que je ne récupère les résultats, et après... » Le rose revint croquer ses pommettes alors qu'il se repassait le film de leurs mésaventures. « Je suis navré que vous ayez été embarqué là-dedans ; je ne sais pas du tout ce qui m'a pris. Mais... – il haussa le regard jusqu'à agripper celui de l'homme en face, dont le visage grave lui apparaissait rayé par les mèches cendreuses de sa frange – il me faut vous remercier de vous être occupé de moi. Si vous n'aviez pas été là, je serai peut-être encore en train de me tordre sans comprendre dans une salle de décontamination. » Petit sourire triste. C'est vrai ; s'il n'avait pas lâché prise, il aurait sans doute souffert encore plus, car les médecins sur-sollicités l'aurait abandonné à son sort dans un recoin de l'établissement, jugeant son état trop peu intéressant pour s'y pencher. Il ne leur en aurait pas voulu, contrairement à ce Rick. D'ailleurs, maintenant que ce patronyme lui revenait en mémoire, le gosse remarqua que son cerveau était finalement remonté à sa place normale, ayant  pour de bon quitté son entre-jambe pour s'installer à la cime de son anatomie, là où il seyait à des neurones de régner. Ce constat le soulagea mieux qu'aucune caresse ; enfin il se sentait de nouveau maître de lui-même, y voyait clair, reprenait ses rênes d'une main de fer – jusqu'au prochain dérapage.
« Ça ne m'était jamais arrivé jusqu'à présent, reprit-il après un léger reniflement, soudain plus confiant dans son ton comme à l'égard de son auditeur. Je veux dire, de craquer de cette manière. C'est très gênant. » Carrément, même. Un mince soupir se faufila entre ses dents, alors qu'il s'emparait du bord de la serviette pour la tomber sur son ventre. Une certaine hardiesse étincela dans son œil bleu. « Est-ce que je peux... vous demander votre nom ? »
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Chaze Ross
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25.10.15 16:54
L’arrêt progressif du flot larmoyant qui s’échappait en continu des yeux du gosse y fut pour beaucoup dans le soulagement du jeune scientifique. Si même cette tentative désespérée n’avait pas fonctionné, il n’aurait pas été loin de déclarer forfait. La perspective d’abandonner ainsi un gamin en larmes, alors même qu’il venait de coucher avant, sans le connaître ni d’Adam, ni d’Eve, n’était pas pour le rendre très fier de lui sur ce coup-là. L’amer soulagement que de le savoir incapable de tomber enceint de lui n’aurait pas suffi à apaiser complètement sa conscience, déjà plus que retournée. Sortant de ses pensées en voyant les lèvres de son interlocuteur remuer, Chaze fut soulagé d’apprendre que ce dernier n’était pas contaminé. Il est vrai qu’il s’était lui-même rendu sur place pour une analyse, en plus de voir ses services mis doublement à contribution à la fis auprès des malades Evolves que lors de cette prise d’otage… Cependant, à aucun moment il ne s’était posé des questions pourtant primordiales avant de céder totalement à ses pulsions sexuelles : est-ce que le garçon était contaminé ? Etait-il atteint par une maladie sexuellement transmissible ? Deux questions devant lesquelles il n’avait pas montré une seule interrogation et ce constat l’horrifia intérieurement. Et si le gosse avait craqué pour l’une de ces raisons ? Incapable de les empêcher d’aller jusqu’au bout de leur attirance charnelle inexpliquée ? Bien malgré lui, le jeune scientifique perdit des couleurs. Navré ? Embarqué là-dedans ? Et pourquoi le remercier soudain ? Pour avoir pris son pied ? Extérioriser son désir ? S’occuper de lui ? Dans quel sens ?

« Hein ? Euh pas de quoi… »

Une pause suivit cette prise de parole un peu brusque et maladroite à ses oreilles. Le brun n’avait pas l’impression de s’être montré particulièrement attentif aux besoins de son partenaire, si on excluait celui qui consistait à l’enfiler trois fois de suite jusqu’à le faire jouir. Rien que de repenser à ces événements, le jeune scientifique ne fut pas long à se sentir de nouveau mal à l’aise, alors même que l’étrange exaltation du besoin sexuel venait de retomber, à la manière d’un sexe masculin comblé après l’effort physique. Conscient que son embarras devait se voir à des kilomètres à la ronde, surtout que le gamin gardait son regard rivé sur lui, Chaze se lança, non sans avoir passé une main dans sa tignasse corbeau, comme pour se donner du courage :

« Tu sais… Je n’étais pas plus maître que moi à ce moment-là… Je ne pense pas mériter cette gratitude… Mais apprendre que tu n’étais pas vierge - et non porteur de VIH… ? – suffit à me rassurer… »

Au cours de l’interrogation glissée en milieu de phrase, son regard vint accrocher celui de son ancien partenaire, dans l’espoir que ce dernier confirme plutôt qu’infirme son hypothèse aux allures de supplice. Ce fut plus tendu que jamais que le brun attendit sa réponse. Et lorsque la conversation prit une autre tournure, il se montra soudain plus léger, presque rieur. Dire que ce gosse était gêné d’avoir pleuré devant lui, même pas de l’avoir allumé quelques instants auparavant, nu et seulement enveloppé d’une serviette humide. Franchement… Dans d’autres circonstances, Chaze aurait pu penser qu’il se payait sa tête mais non, il avait tout l’air d’être sincère dans ses propos. Ce qui le rendait encore plus mignon et le jeune scientifique fut le premier surpris à le considérer sous cet angle, après que les effets du pouvoir de Rick se soit dissipé. Mieux valait éviter de tomber dans une relation qui ne mènerait nulle part. Encore moins après un coup d’une après-midi faute d’avoir pu attendre l’envol des ombres. L’un de ceux qu’on ne prévoit pas et à qui on attribue aucun lendemain pour se faciliter la tâche d’avoir à se dire au revoir.

« Il n’y a pas de mal… Ça arrive à tout le monde. Et puis je n’en parlerai à personne, rassure toi. » conclut-il après avoir caressé gentiment le haut de la tête du garçon, une dernière fois.

Tandis que sa main se reculait lentement, le brun s’imagina quel genre de remarques il récolterait s’il venait à parler de cet incident, sensuel néanmoins, à l’un ou l’autre de ses collègues les plus proches. Le dégoût ? L’incompréhension ? La pitié ? La moquerie ? Non, mieux valait vraiment laisser leur rencontre à l’intérieur de cette chambre. Même si c’était au prix d’un petit pincement au cœur. Parce que mine de rien, ce gosse, il était attachant.

« Hein ? »

Désagréable impression de déjà-vu. Etre autant de fois pris au dépourvu ne lui plaisait guère. Son nom ? Sa conscience ricana. Refuser de lui communiquer cette information mais le sauter sans état d’âme aucun ? Quel galant homme tu fais !...

« La ferme. »

« Chaze, et toi ? »

Même au cours de ce face-à-face, il ne pouvait ignorer que sa situation d’agent double lui imposait d’éviter de tenir une place trop importante dans la vie d’autrui. Moins le garçon en saurait sur lui et mieux il se porterait. Le jeune scientifique ne pouvait pas croire que toutes les chambres d’hôtel, sans exception, étaient équipées de caméras de surveillance. Certaines l’étaient mais pour une raison bien précise. Alors personne ne pourrait remonter la trace de ce gosse si jamais on venait à l’arrêter pour son aide appuyé aux opposants au régime en place. Et même si ça se produisait, si l’autre ne connaissait rien d’autre que ce simple prénom « Chaze » alors on ne pourrait pas l’incriminer, au risque de confondre toutes les personnes portant ce prénom. Oui, c’était mieux ainsi, même si ce devait être étrange de se voir accorder un prénom, non une identité complète en guise de présentations entre personnes civilisées, et optionnellement de nouveau maîtresses d’elles-mêmes. Le brun se mit seulement à espérer que son interlocuteur ne verrait pas ça comme une nouvelle tentative pour l’écarter un peu plus de sa vie. Quand bien même c’était la raison principale d’une telle manœuvre. Peu désireux de prolonger le moindre contact entre eux, de crainte de raviver le doute dans l’esprit du gamin, le jeune scientifique se recula un peu plus, cherchant machinalement du regard ses cigarettes. Rien de tel qu’un bâtonnet de nicotine pour s’occuper la bouche et ainsi éviter de se répandre en explications.

« Au risque de paraître répétitif et vieux-jeu, si tu veux aller prendre une douche pour te nettoyer… Vas-y le premier. Je vais m’en griller une autre en attendant que la place soit libre. »

Cette situation était inconfortable. Qui se permettrait de poser des questions indiscrètes quand il s’évertuait à garder le mystère sur son propre parcours ? Ce n’était pas correct vis-à-vis de son interlocuteur, qu’il soit un gosse ou non d’ailleurs. L’envie de mettre les voiles dès l’instant où le bruit de l’eau s’écrasant sur le carrelage de la douche résonnerait, se fit des plus tentantes. Pourtant, Chaze pensa à quelque chose de plus important : après quelques bouffées amplement méritées de son point de vue, il attrapa le téléphone dont bénéficiait la chambre, composant sans peine le numéro à trois chiffres pour joindre la réception.

« Appelez un taxi pour la 216. Et dites-lui d’attendre en bas dans 30min environ. »

Malgré l’acceptation polie au bout du fil, le brun n’était pas dupe. Jamais aucun taxi ne serait en mesure d’arriver aussi vite. Principalement en raison de leur amabilité légendaire. La suite importait peu. Le jeune scientifique s’assit en tailleur sur le dessus du lit, un bout de couette replié sur l’intérieur de ses cuisses tandis qu’il fumait tranquillement, la tête en l’air et les yeux fixant sans réellement le voir, un point au plafond.
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Enoch Livingston

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09.11.15 11:48
Lui avait-on déjà dit, à ce brave scientifique, que les personnes qui refusent les marques de gratitude sont aussi celles qui les méritent les plus ? Ainsi Enoch songeait-il en réfléchissant à ses propos, embarrassé jusqu'aux joues d'avoir créé chez son partenaire de telles interrogations. Il se l'imaginait au-dessus de lui, à l'intérieur de lui, alors que la prise de conscience se produisait au fur et à mesure de ses coups de reins – je suis en train de baiser un gamin vierge, je ne sais même pas s'il n'est pas porteur d'une M.S.T., pardon je suis médecin donc c'est une des seules considérations qui me vienne en tête à part, peut-être, oh, c'est bon là-dedans, bordel, ah oui, V.I.H. rien à foutre. Very Important Hole, sans doute. Bref. Il y avait de quoi rire. Mais le petit poucet ne riait pas du tout ou, tout du moins, assez jaune. Cependant, il était vraiment tombé sur une perle, une perle si rare et si baroque qu'il y avait de quoi rêver, au point qu'il se laissa frotter le crâne une nouvelle fois tandis que le brun tentait de dédramatiser leur affaire. Il y arrivait d'ailleurs plutôt bien, car le gosse se sentait prêt à lui accorder sa confiance sur ce secret ; de son côté, il n'avait personne à qui en parler, personne à qui parler tout court, alors nulle crainte, l'incident était clos.
Chaze. Étrange comme le fait d'apprendre ce nom le comblait, lui arrachant presque un demi-sourire à valeur de remerciement. Avec ces cinq lettres, il possédait de quoi reconstruire un monde. Il mettait des sonorités sur un visage, un bruit sur des caresses, une définition à son dérapage. C'était plus rassurant de retenir quelque chose qui ne fût pas effaçable, qui ne s'abîmât pas avec le temps. Un nom qu'il saurait prononcer par mégarde, échappé de sa gorge un soir de détresse alors que ses doigts s'immisceraient sous ses habits avec honte – encore moins que cela.
« Enoch », lâcha-t-il finalement, comme on ôte un masque.
Un prénom pour un prénom, pas davantage. Cela lui convenait. Il n'avait pas envie que son last name trahît son statut d'Ancien, le fît intégrer la case des extraterrestres ; jusqu'à présent, son compagnon de draps n'avait pas révélé ses inaptitudes par rapport à cet environnement ultra-technologique – probablement parce que le sexe, en deux cents ans, s'effectuait toujours de la même manière – et ce mystère le protégeait suffisamment. Il n'osait penser aux réactions que pourrait avoir Chaze s'il apprenait que l'enfant trop blanc qu'il avait souillé avait été précipité sur cette Terre dans un intervalle de deux siècles plus tard. Bonjour le bug. D'ailleurs, était-ce une simple impression ou bien l'un comme l'autre cherchait à se détacher d'autrui – refuser de s'attacher tout au plus – afin, sans doute, de s'échapper à l'américaine, la case breakfast savamment esquivée ? C'était probablement mieux ainsi. Il devait accepter que ce fût mieux ainsi.

L'un des inconvénients majeurs d'Enoch, un défaut avec lequel il composait avec indifférence puisqu'il était façonné de cette manière, était de toute évidence sa capacité à bondir d'un mot à l'autre en y ajoutant des points d'interrogations que personne n'aurait soupçonnés ni même désirés. Le système était bien rodé, presque trop : l'individu lâchait un terme dénué de sous-entendu, vide de double sens, et l'enfant l'accrochait, mettait le grappin dessus avant de le retourner, de l'écarteler, de le disséquer pour en extraire ce qui voudrait satisfaire sa féroce curiosité. Il ne pouvait s'en empêcher – il n'aurait su sur quel bouton appuyer pour interrompre cette mécanique intellectuelle, cet engrenage qui, à ce moment, le poussait à s'interroger sur l'âge de Chaze, le nombre de clopes qu'il fumait par jour, le parfum de son shampooing favori, bref, le genre de détails inutiles qui sont le gagne-pain de beaucoup de journalistes au rabais comme celui qu'il avait été dans le passé et qu'il était peut-être encore, au fond de lui. Dans la poche arrière de son jeans, il s'en rappelait, un calepin de 2013 qui contenaient toujours des notes sur le régime alimentaire de son ex-patron, les horaires de ses entrevues adultérines et le motif de sa cravate fétiche. En soi, ces données n'avaient aucun intérêt. Il se demandait même pourquoi il lui était venu en tête de les inscrire, comme s'il prévoyait un jour prochain – et si lointain désormais – de faire chanter son boss à l'occasion de Thanksgiving, histoire qu'il lui attribuât un meilleur poste que celui qu'il occupait alors, c'est-à-dire gardien de la machine à café. C'était peut-être, au fond, une pathologie insolite, le genre d'obsession qui passe inaperçue parce que futile et inoffensive. Peut-être. Mais il était incapable de s'y soustraire. Il voulait connaître, les gens, les mœurs, les habitudes de ceux qu'il fréquentait, de ceux qu'il avait envie de côtoyer. Et il constatait avec désarroi que Chaze appartenait à cette dernière catégorie.

« Je ne serai pas long », lâcha-t-il tant bien que mal en se dirigeant vers la salle de bain, davantage pour combler le silence nouvellement installé que pour communiquer une information intéressante.
Il craignait cependant qu'en se relevant trop vite, en se redressant tout court, il n'attirât l'attention sur son corps nu ; ce ne seraient pas ses phalanges diaphanes qui dissimuleraient quoi que ce soit de son anatomie. Il prit alors sa honte à deux mains et entreprit d'entrer dans la pièce d'eau, vu et connu, le plus vite possible. Or, à la seconde où il fut debout, une sensation désagréable s'introduisit entre ses jambes et, le rouge aux joues, le gosse claqua la porte de la pièce exiguë, shootant à moitié dans les vêtements répandus par terre, enclenchant l'arrivée d'eau avant même de se glisser sous le pommeau.
Le liquide, qu'il tourna jusqu'au brûlant, eut un effet immédiat sur ses nerfs. Il se sentit fondre, à l'instar d'un iceberg au milieu d'un fleuve de magma, se fondre et se consumer de la cime aux racines ; ses muscles perdirent leur consistance, ses articulations s'amollirent. Rejetant la tête en arrière, décrivant des cercles selon l'orientation du flux afin de ne pas se mouiller de nouveau les cheveux, le gamin s'abandonna un instant à la vapeur qui montait peu à peu de l'habitacle en un sauna improvisé. Il avait besoin de cela. Contrairement à la douche froide, qui aurait éveillé trop de vigueur en lui, la chaleur embrumait ses sens, brouillait ses réflexions. Il était eau, il était manque d'air, il était douce asphyxie derrière la buée – ses tympans percevaient encore des sons diffus, une voix dans la chambre qui ne s'adressait pas à lui, mais il n'était pas en mesure de réfléchir. Pas en mesure de concevoir. Bon sang, qu'est-ce que... La fin de sa pensée n'aboutit pas, en même temps qu'il cherchait des mots à mettre sur ce qui s'écoulait mollement sur l'intérieur de ses cuisses.
Avait-il exagéré sur la température ? Avait-il surestimé ses forces ? Possible. Quoi qu'il en fût, Enoch ne parvint pas à coordonner ses gestes ; il tendit le bras pour s'emparer du savon mais buta contre les parois en plexiglas, recula par surprise en manquant de glisser sur le carrelage, voulut s'extirper de la cabine sauf qu'il se retrouva pendu au lavabo, les rotules en mousse, le squelette trempé et frissonnant. « Merde. Merde, merde... » Sa voix n'était plus qu'un chuintement, partagée entre la colère et l'angoisse.

Alors, à la périphérie de sa vision surgit bientôt l'étrangeté, un pur objet de stupeur, auquel il se refusa d'abord de croire. Il ne voulut pas y croire, impossible, il délirait, c'était la faute de l'eau chaude, de l'épuisement, des galipettes, de sa claustrophobie naissante, c'était tout sauf envisageable, tout sauf vrai, réel. Sauf qu'il n'eut pas le temps de protester que ses genoux se dérobèrent à leur rôle et qu'il se retrouva au sol, encore agrippé par deux doigts au rebord de la vasque, près de sombrer dans un brouillard qui n'avait rien d'humide.
« Chaze ? » Il couina plus qu'il n'appela. « Chaze ! »
Sans qu'il ne pût la rattraper, sa conscience s'envola.

Pour celui qui ouvrirait la porte l'instant d'après, le spectacle aurait des allures de mauvaise blague : une création hybride entre des graffitis des bas quartiers, une performance d'artiste underground et une façade de bibliothèque, entre une réalisation brouillonne faite avec des pochoirs de Bansky et une fresque de théâtre. Le rejeton des tags de vieux hangar et du décor d'un opéra renaissance, version texte. Depuis le lavabo où l'encre gouttait nonchalamment, jusqu'au plafond naguère blanc de la salle de bain, des lettres, des éclaboussures multicolores, des phrases alambiquées avaient poussé comme du lierre sur un muret ; çà et là, des traits mauves tournoyaient jusqu'à se fondre dans l'ombre d'obscures citations, des sentences jetées sur les parois ainsi que des pots de peinture, un horrible carnaval de pensées, de dialogues entamés et jamais finis, une ribambelle d'écritures que personne n'aurait su déchiffrer puisqu'elles appartenaient à leur seul auteur, le gosse évanoui au milieu de ce carnage scriptural, et qui ignorait tout ce que venait de sortir de son cerveau. Parce qu'enfin, ce n'était rien d'autre que cela – l'expression confuse, désorientée à l'extrême, d'un enfant perdu. Un dégueulis désorganisé de tout ce qui avait germé dans son crâne depuis qu'il était arrivé ici, de silhouettes floues des personnes qu'il avait rencontrées, des conversations qu'il avait enregistrées, des teintes, des palabres, en somme, du monde tel qu'il l'avait sauvegardé dans son esprit maintenant ailleurs, endormi.
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robotic engineering
Chaze Ross
Chaze Ross
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20.11.15 18:20
Dans le silence qui suivit l’entremêlement de grognements et de gémissements dus au plaisir montant crescendo, le brun entendit distinctement, ou presque, l’appel de son partenaire improvisé. Il s’en fallut de peu, fumer le nez en l’air avait tendance à laisser son esprit dériver, s’abîmer même dans des réflexions plus ou moins inutiles. Plus surpris que réellement inquiet en entendant la voix du garçon, le ton paniqué de ce dernier se communiqua néanmoins chez son interlocuteur. Coinçant le bâtonnet de nicotine à moitié entamé au coin de ses lèvres, Chaze bondit sur ses pieds, non sans lâcher un juron à peine étouffé, tandis qu’il tentait de nouer tant bien que de mal le dessus de lit autour de ses hanches, dans un vain espoir de dissimuler son anatomie inférieur au regard du dénommé Enoch. Initiative pourvue de bon sens bien que survenant un peu tard de son point de vue. Le gamin avait déjà eu tout le loisir de l’admirer dans le plus simple appareil, ce n’était pas ce même spectacle au repos qui allait dorénavant le mettre mal à l’aise. En réalité, des deux, ce fut le jeune scientifique qui fut le plus pris de court devant le spectacle qui l’attendait de l’autre côté de la porte. Passée la caresse humide et chaude sur son visage sitôt la porte ouverte, Chaze se figea. Son cerveau mit plus de temps que d’ordinaire pour comprendre ce qui se trouvait sous ses yeux : un intérieur aux papiers peints colorés ou bariolés, il avait déjà vu. Et il ne jugeait pas les goûts des individus sur ce point-là. Mais dans une salle de bain, tout de même, ce n’était pas terrible… Seulement voilà, ce n’était pas du papier peint, encore moins du carrelage qui contenait cet étonnant mélange de couleurs et de… lettres ?! Le brun ne put réprimer un mouvement de recul, sa main droite serrant toujours l’encadrement de la porte, comme pour l’empêcher de fuir davantage. Son esprit cartésien refusait d’admettre qu’une telle chose fut possible. Quand bien même, il vivait dans un monde peuplé d’êtres aux pouvoirs extraordinaires. Son regard finit par se poser sur le corps – inconscient à première vue ? – de son partenaire.

De tout ce qui se trouvait dans la salle d’eau, seul ce corps immobile sur le sol dénotait. A moins que l’une des deux petites bouteilles de savon-shampoing disposées ici à leur intention, se soit subitement vue vomir des graffitis dans un parfait désordre, Chaze dut se résoudre à l’évidence même : le gamin était un Evolve. Et lui, fervent membre de la confrérie des scientifiques luttant pour l’étiquetage de ces êtres, venait d’en baiser un. Ni plus, ni moins. Le brun mit de longues minutes avant d’être en mesure de penser et de se mouvoir normalement de nouveau. Non il ne regrettait pas ce qui s’était passé entre eux, du moins, pas pour les raisons qui venaient d’être mentionnées. Son seul regret était et resterait le fait de s’être montré si peu adulte. Mais pour sa défense, il n’aura qu’à dire que les circonstances étaient tout sauf normales. Alors le jeune scientifique fit un premier pas en direction du gosse. L’espace d’une fraction de secondes, il crut ressentir la même chose que le premier homme à avoir foulé la surface de la lune, dans la scène demeurait irréelle. Le temps parut ralentir puis, doucement, ses foulées s’accélérèrent, jusqu’à retrouver un rythme normal. Son bras se tendit pour couper l’eau de la douche. Chaze se baissa ensuite pour soulever et prendre dans ses bras, le corps du garçon, s’assurant par là qu’il était seulement inconscient, ce qui le rassura. Réalisant peu à peu la situation à laquelle il était confronté, le brun déposa Enoch sur le lit, recouvrant ce dernier des draps, de crainte qu’il n’attrape froid. L’esprit oscillant entre deux priorités, il finit par soulever doucement la nuque de l’inconscient pour tâter la base de celle-ci. L’absence de puce lui fit fermer les yeux. Un Evolve illégal donc ? De mieux en mieux. Sa conscience professionnelle, revenue à la charge, lui hurlait d’appeler la milice. Mais une autre partie de lui-même, plus présente, ne pouvait supporter l’idée de livrer le gamin.

Alors que faire ? Les secondes défilaient bien trop vite. Bientôt, oui bientôt, le taxi serait là, en bas de l’hôtel, attendant son dû. Et s’il redescendait de la chambre avec le garçon inconscient dans ses bras, Chaze ne doutait pas d’être arrêté dans les prochaines minutes. Car il ignorait combien de temps mettrait la Belle au Bois dormant pour se réveiller, tout comme il ne savait pas sa situation exacte. Pouvaient-ils demeurer sur place sans voir débarquer des miliciens aux yeux rendus fous par l’appât du gain, braillant à qui mieux, des directives à l’encontre de leurs autres collègues présents lors du raid ? Le jeune scientifique inspira un bon coup. Lorsqu’il ouvrit les yeux de nouveau, il passa à l’action. Le brun rappela l’accueil de l’hôtel, pour avertir de son changement d’avis, qu’ils devaient rappeler la compagnie de taxis afin d’annuler l’envoi de l’un des leurs sur place. Curieusement, prendre un ton goguenard en prétextant avoir besoin de remettre le couvert ne lui posa pas de problèmes. Même après avoir raccroché, Chaze eut des frissons, à la fois pour s’être montré si bon comédien autant que par refus de passer pour un obsédé de petits culs étroits. L’heure n’était malheureusement pas à recoller les morceaux de son égo. Sa mission brillamment accomplie, le jeune scientifique retourna dans la salle de bain. Il ne pouvait décemment pas laisser un tel spectacle visible, même s’il avait réservé la chambre à son nom, surtout s’il avait fait ça en fait. Les miliciens ne seraient pas longs à remonter jusqu’à lui et quand bien même il parviendrait à les convaincre de son innocence, ses interlocuteurs attendraient de lui un nom. Ces gens-là avaient toujours besoin de nouvelles cibles à traquer. Si bien que, Chaze dut se résoudre à se transformer en parfaite petite fée du logis. Attrapant la pompe de douche encore chaude ainsi que des serviettes, il entreprit d’arroser, savonner, rincer, savonner de nouveau avec plus de forces avant de rincer une dernière fois. A son grand désarroi, les graffitis – appelons-les ainsi – ne disparaissaient pas et ce, en dépit de ses nombreuses tentatives.

Le jeune scientifique finit par jeter l’éponge – ou bien la serviette, on ne savait plus trop – jurant à mi-voix entre ses dents serrées. La situation s’annonçait plus compliquée que prévu. Et il excluait toujours la possibilité, facilité même, de livrer le principal responsable aux autorités dont la compétence était souvent remise en question à ses yeux. Chaze ressortit de la salle de bain et un faible mouvement en direction du lit attira aussitôt son attention. Visiblement, le sommeil d’Enoch avait duré moins longtemps qu’il ne l’avait craint. Le brun l’observa attentivement, guettant tout contrecoup éventuel à son pouvoir, lesquels pouvaient être parfois aussi dangereux pour autrui que l’étaient les dons des Evolves mais se détendit peu à peu. Il en vint surtout à se poser la question suivante : combien de temps s’était-il écoulé entre le moment où il avait forcé la porte de la salle de bain et celui où le gosse avait lentement émergé de son sommeil contraint ? Des dizaines de minutes ? Plusieurs heures ? Il n’avait pas fait attention à ce détail, pourtant crucial s’ils voulaient espérer quitter cet endroit sans voir leur marge de manœuvre durement réduite par la milice ou d’autres fanatiques du même genre.

« Tu aurais pu me dire que tu étais un Evolve. » attaqua-t-il quand il jugea son interlocuteur suffisamment réveillé pour s’expliquer sur le sujet.

S’il était en colère ? Un peu. Plus que de la rancune, le brun avait peur de devoir gérer cette situation. L’urgence, il connaissait. Mais griller sa couverture ainsi, c’était vraiment trop bête de son point de vue. Devant l’air surpris qu’il ne saurait attribuer à l’engourdissement des neurones d’Enoch, le jeune scientifique soupira :

« Je veux parler de ça ! »

Machinalement, son bras avait désigné la salle de bain dans son dos. De là où il se trouvait, le gosse pouvait très certainement avoir un petit aperçu du désordre qu’il avait causé. Cependant, l’air interrogatif ne disparaissait pas de son visage pour laisser place à une expression désolée comme Chaze s’y était plus ou moins attendu. Perplexe devant cette attitude, ce dernier jeta un œil dans la salle d’eau en question, pour lâcher un cri de surprise en se reculant brusquement. Hormis la présence du liquide transparent un peu partout dans la pièce, celle-ci était redevenue normale.

« Tu plaisantes… ? » souffla malgré lui le brun en se passant une main dans les cheveux.

Son regard pivota pour accrocher celui d’Enoch. Certes, le soulagement était là, ils n’auraient plus à se soucier de dissimuler les preuves de l’existence d’un pouvoir chez le garçon mais… Les yeux du jeune scientifique laissaient clairement voir qu’il attendait une explication de ce côté. Ou encore la vérité pour commencer. Oui, ce serait un bon début. Même entre deux partenaires de quelques heures pas plus. Jusqu’à présent, ils ne s’étaient pas vraiment menti l’un à l’autre. Est-ce que ça allait débuter ici et maintenant ?
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



21.11.15 14:54
L'animal le fixait de ses yeux de fouine, d'un regard plus acéré que les récifs aux bords des falaises d'Armorique – une bête étrange, ersatz raté d'un capricorne couplé à une chouette, le rejeton dégénéré d'un serpent à plumes et d'un fauve – et il se sentait transpercé de part en part sans pouvoir objecter quoi que ce fût, en proie à une peur féroce dont il n'aurait su se défaire, à une inquiétante fascination qui ne connaissait point de fond. La bestiole tournait sa tête auréolée d'écailles, la tournait dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, une rotation complète comme si son cou n'existait pas et, d'une voix rocailleuse, lui disait quelque chose qui ressemblait à peu près à cela :
Pourquoi fais-tu cette mine, gamin ? Pourquoi cette moue contrariée alors que tu as enfin ce que tu espérais ? Ne me fais pas croire que cela ne te réjouit pas, que tu n'attendais pas ce moment. Non, je ne te croirais pas. C'est formidable, fabuleux, pas autant que moi je te l'accorde, mais tout de même, avoue que c'est grandiose. Tout ce que tu as rêvé est à portée de ton esprit ; il te suffit de le vouloir pour l'exécuter. N'est-ce pas épatant ? Époustouflant ? Pourquoi boudes-tu, pourquoi cette détresse dans tes pupilles, gamin ? Normal ? Bien sûr que non, ce n'est pas normal, et c'est précisément là que c'est jouissif, ne trouves-tu pas ? Tu n'es plus ordinaire. Commun. C'est du passé ! Tu peux ne plus être l'imbécile oublié de tous, l'idiot de la ville, le clodo au fond des bois. Tu as accès à la connaissance et enfin le moyen de la transmettre à tous, de leur imposer ta parole, ta voix, celle que tu as dû réprimer si longtemps. Profite ! Comment, ce n'est pas ce que tu voulais ? Laisse-moi rire. Qui peut vouloir une vie comme la tienne : regarde-toi – même ton corps ne te supporte pas. Tu es tellement désespéré que tu ferais la pute pour une bouchée de pain, oui monsieur, ose le nier, et c'est ce que tu feras le restant de tes jours si tu ne te décides à te prendre en main et à accepter cette évolution, mon évolution, et à devenir le changeur de ce monde.

Pétrifié par ces paroles plus corrosives que l'acide, Enoch dardait sur la créature un œil panique alors que ses jambes refusaient de bouger d'un centimètre ; s'enfuir, courir le plus loin possible de cette espèce de psyché inverse lui semblait la meilleure réaction à ce discours fanatique, encore aurait-il fallu qu'il puisse s'y opposer. Ses membres étaient de coton, son intellect de papier mâché, et les mots qui ne cessaient de lui perforer les tympans toujours plus agressifs :
Ne me demande pas pourquoi tu m'as reçu pour don ; je n'en sais rien moi-même. Je suis là, c'est tout, il doit y avoir un petit génie sur cette planète de merde qui m'a créé et, à la loterie, je suis tombé sur toi. Ne pense pas que cela me plaise. Tu n'as pas l'air très débrouillard, comme garçon. Même carrément débile. Mais je ne ferai pas la fine bouche – après tout, tu es amené à réaliser des miracles grâce à moi. Abandonne cette ville, ces humains médiocres, cette survie dégueulasse. Accepte le pouvoir, accueille-moi pleinement, remplis cette carcasse creuse qui est la tienne. Tu vaux mieux que cela. Hein, que tu vaux mieux que ces valeurs qui pourrissent dans ton cerveau sans aucune récompense, que ce tas de principes prétentieux que tu as fait moisir dans ton crâne : justesse, compassion, intégrité ? Ouh, quelle marrade ! Pour ce que cela t'a apporté jusqu'à présent, vieux, je n'en voudrais pas pour tout le nectar du monde. Tu ne sais même pas où tu te trouves en ce moment ! Allez, laisse-moi te combler. Toi et moi, nous allons accomplir de grandes choses.
Il aurait aimé crier. Hurler d'effroi devant cette monstruosité rampante, dont les articulations fonctionnaient à l'envers et qui menaçait de lui grimper dessus, pire, de rentrer dans sa chair à la façon d'un scarabée, d'un alien, bref, d'un truc épouvantable et geignard. Tout cela n'était qu'un cauchemar, si vrai pourtant, un simple cauchemar, si bien qu'il devait se réveiller et tout disparaîtrait ; la bête, la paralysie, et la folie qui le guettait.

À des lieues de cette guerre d'esprit, le gosse émergea de son inconscience ainsi qu'un marin recraché par l'orage. Il avait échoué dans un rivage de draps, plus nu que le premier homme, mais personne n'aurait compris le soulagement qui le saisit en ouvrant les paupières sur ce plafond affreusement banal, et le réconfort navré qu'il éprouva à la vue de Chaze. Plus de fureur, plus de bruit. Plus de monstre. Le monde réel était d'un calme terrible, dans lequel il mit quelques secondes à se replonger tout à fait avant de se redresser un soupçon. Pas trop. Sa tête lui tournait, un relent nauséeux montait dans son œsophage, et il aurait été incapable de se lever sans courir au-dessus de la cuvette rendre le maigre contenu de son estomac. En dehors de ces désagréments, il allait bien. Autant que possible.
« Tu aurais pu me dire que tu étais un Evolve. »
Finalement non, il n'allait pas si bien qu'il le prétendait. Ce terme unique suffit à lui arracher un tremblement tandis que son visage exprimait une incompréhension totale. Pourquoi le scientifique disait-il cela ? Qu'est-ce qu'il s'était produit dans cette pièce pour que, soudain, il en vînt à cette conclusion ? Est-ce que cette rencontre imaginaire ne l'était-elle pas autant que le garçon l'avait envisagé ? Pourtant, lorsqu'on lui désigna la salle d'eau, il ne vit rien qui aurait affirmé un éventuel exploit de mutant, si ce n'est ces dégueulis de savon qu'il devinait sur les carreaux, genre M. Propre merdant son carrelage, et c'était tout. Il ne sut que répondre. Est-ce que Chaze avait halluciné pendant qu'il poussait un roupillon ? Est-ce qu'ils n'avaient pas été, l'un comme l'autre, drogués au-delà du pensable par un gaz inodore sorti des voies d'aération ? C'était à se demander. Tant d'interrogations et si peu d'explications à fournir. Lui aussi aurait voulu savoir. Parce que tout à coup, ses convictions ne paraissaient plus aussi franches et solides que d'habitude.

« Je... ne suis pas un Evolve », lâcha-t-il d'une voix rauque, moins pour se l'assurer que pour tenter d'éteindre l'irritation du brun. Pas certain que cette timide assertion lui vaille un accord. Il répéta aussitôt, en s'efforçant de durcir le ton : « Je ne suis pas un Evolve. Je vous le jure. » Ce n'était pas tant le fait d'en être un qui l'aurait effondré – si, un peu tout de même – mais dans d'autres circonstances, il aurait sans doute reçu la nouvelle avec moins d'horreur. À cet instant, on l'accusait d'être ce qu'il n'était pas, ce qu'il ne croyait pas être, et ce grief dépourvu de preuve lui rappelait amèrement la mort de Kennewick qu'on lui avait imputée et devant laquelle il avait dû se défendre, bon gré mal gré. À l'époque, Shane avait été à ses côtés pour le soutenir ; maintenant, il était seul, atrocement seul. Le contexte était différent, la finalité néanmoins presque identique. L'enfermement. Rien que d'y penser, il en avait des sueurs froides et il n'arrivait même pas à capter que, si Chaze réagissait de cette manière, c'était parce qu'il n'avait en l'occurrence aucune intention de se comporter comme le dernier de ses collègues, à savoir le coffrer, le pucer et bonjour la surveillance. Pourtant, il était clair que celui-ci attendait une justification à ce « ça » qui ne se rapportait à rien et dont Enoch aurait aimé connaître la teneur, histoire de calmer le reptile qui s'enroulait davantage autour de sa gorge au fur et à mesure que les secondes s'égrenaient.
« Qu'est-ce qui vous fait penser que j'en suis un ? Les analyses sont formelles ; je ne suis même pas porteur du gêne responsable. Vous pouvez regarder mon I.D., c'est inscrit dessus. » Mais si tu en es convaincu, nabot, alors pourquoi ta voix tremble-t-elle autant ? Et pourquoi l'idée d'exhiber la fiche identitaire contenue dans ton bracelet, soudain, te glace le sang ? « Non, ne regardez pas ! » D'un bond, il essaya de s'extirper du lit pour empêcher son compagnon de récupérer du bracelet, resté imprudemment dans la poche de son pantalon. Sans autre succès que de le faire grimacer de douleur, suite à un élancement dans le crâne – et de le faire passer pour une girouette des plus suspectes. « Ce n'est pas... une bonne idée. »
Il baissa la tête, vaincu du toute part. Les circonstances lui imposaient de choisir entre défendre son statut d'humain ou sauvegarder ses origines séculaires, ni l'une ni l'autre de ces situations n'étant bénéfique. Empêtré dans le lit, dans son corps, dans sa tête, empêtré dans ses omissions, ses doutes et la tentation du mensonge, le gosse n'avait qu'une envie : se terrer sous la couette et disparaître. Sauf que même là, à l'abri du monde extérieur, il craignait que la bestiole ne revînt détruire son intériorité. « Pardon. Je ne comprends plus rien... »
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robotic engineering
Chaze Ross
Chaze Ross
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05.12.15 23:08
L’affirmation, bien qu’hésitante, le laissa plus perplexe que jamais. Enfin, perplexe n’était pas le premier état d’esprit dans lequel se trouva Chaze lorsque le sens des paroles de son interlocuteur eut fini de faire son chemin dans le réseau de neurones qu’était le cerveau humain. Très bien donc, même les humains étaient capables de faire des choses aussi incroyables à présent ? L’apparition des Evolves n’était que la prémisse à l’évolution de la race humaine toute entière ? A moins qu’ils ne soient tous plus ou moins des Evolves dormants ? Sans même le savoir ? Et que les moins chanceux d’entre eux, voyaient leurs pouvoirs s’éveillaient et pas la même occasion, leur nature profondément humaine remise en question ? Ce scénario était plus terrifiant encore une fois que le jeune scientifique l’eut imaginé dans le moindre détail. S’il put réprimer un frisson, Chaze occupa bientôt l’ensemble de son esprit à rechercher le mensonge dans les dires du garçon.

« Enoch. A quoi tu joues ? »


Même que le principal intéressé continua de se justifier, avec plus d’assurance dans la voix certes, le jeune scientifique ne savait quoi penser. Après tout, il ne connaissait rien de lui, pas même son métier ou ce qu’avait pu être son passé. A ses yeux, il avait été un humain un peu plus perdu que les autres, malchanceux de surcroît pour s’être retrouvé au milieu de cette histoire à dormir debout. A présent, le doute s’insinuait en lui, sournois et aussi rapide que le venin d’un serpent. Le brun devait garder la tête froide, analyser chaque information en sa possession – c’est-à-dire bien peu en vérité – et finalement trancher. Une partie de lui – pour ne pas dire les trois quarts – se refusait à tourner le dos à Enoch. Si tenté que celui-ci soit un Evolve, il n’y avait rien de surprenant au fait qu’il le lui cache. Des Evolves qui se vantaient de l’être aux yeux de la société, il en connaissait trop peu. Pas du tout en fait. En revanche, si le gamin était sincère avec lui, la situation s’envenimait un peu plus. Voici le raisonnement qui avait conduit le jeune scientifique à se retrouver dans une telle perplexité, même si celle-ci se muait doucement en autre chose : incompréhension, besoin de savoir quelle attitude adopter… Sauf qu’il lui fallait s’assurer de la fiabilité de son interlocuteur au passage. Sans confiance, il ne pourrait prétendre à rien. Un rire nerveux qui ne lui ressemblait pas lui échappa quand l’interrogation émanant de le bouche du garçon lui parvint :

« Tu me demandes quoi ? Bon sang ! La salle de bain ressemblait au Bronx avec tous ces murs tagués de partout ! »

Soit il le prenait pour un con, soit, effectivement, il ignorait tout de ce…pouvoir ? Chaze se souvenait que trop bien des exclamations paniquées en provenant de la salle d’eau, ces appels à l’aide qui étaient tout sauf silencieux avant de retrouver un corps inconscient au milieu d’un désordre coloré de pensées. Oui, le doute subsistait bon gré, mal gré. Ce fut le suspect lui-même qui lui apporta la solution au moment même où l’idée germait dans l’esprit du brun. Son bracelet. Bien sûr. D’un autre côté, s’il venait de se découvrir Evolve - et Dieu sait combien ils l’étaient la plupart du temps – les informations contenues dans le bracelet métallique ne leur seraient d’aucune utilité, puisque dorénavant obsolètes. Le jeune scientifique ressentit une bouffée mauvaise rien qu’à l’idée d’exprimer de vive voix cette pensée surgie de nulle part, comme pour le plaisir malsain de voir le désespoir s’installer pour de bon sur le visage d’Enoch mais un sursaut d’humanité l’en empêcha.

« Tu ne veux pas que je le regarde ? C’est dans ton droit. » lâcha-t-il, un peu trop brutalement à son goût.

Oh bien sûr, arracher ledit bracelet des mains du gamin n’aurait pas été une tâche difficile en soi. Il était capable de le prendre de force, de faire son travail d’honnête citoyen cependant… Chaze demeurait dégoûté par ce genre de comportements justement. Lui-même avait des choses à cacher, si Enoch était dans le même cas – à différents niveaux, cela allait de soi – alors qui était-il pour le juger ? Un scientifique ? Renommé ? Et après ? Il avait couché sans état d’âme aucun. Alors la morale, il avait fait une croix dessus. Soupirant, le brun passa une main dans ses cheveux, se trouvant soudain bête d’avoir pris la mouche ainsi.

« Arrête de t’excuser un peu tu veux ? »

Et si cette vision n’avait été que le fruit d’un effet secondaire au pouvoir de l’Evolve de l’hôpital ? Peut-être qu’Enoch avait eu un malaise, un simple vertige aux raisons aussi nombreuses que brumeuses et que lui avait imaginé le reste ? Ce qui expliquait pourquoi le garçon ne voyait rien et que lui avait repris ses esprits ? Tout en se faisant lentement cette réflexion, Chaze se pencha pour attraper caleçon et pantalon, les enfilant au même rythme auquel se succédaient ses pensées actuellement. Pour en arriver à une conclusion des plus simples : ils avaient été tous les deux malmenés par des choses qui les dépassaient largement. Et s’ils n’écopaient pas d’autres effets secondaires, ils pourraient s’estimer heureux…

« Rhabille toi, j’ai appelé un taxi, il va te déposer chez toi. Evolve ou pas, je te demanderai de te reposer et de… m’appeler si jamais ça recommence. Tu peux faire ça Enoch ? Ou qui que tu sois d’ailleurs. »

Voilà qu’il se prenait pour l’amant de passage soucieux de son plan cul ? Risible lui soufflait sa conscience, toujours disposée à lui rappeler son comportement déplacé, en rien logique et mature comme il prétendait l’être. Pourtant, c’était bien ce qu’il désirait. Comprendre ce qui s’était produit dans la salle de bain et à l’idée de laisser le gamin rentrer chez lui, capable de faire un nouveau malaise sans personne à son chevet, le rendait malade à l’intérieur. Seulement, si l’intéressé écoutait ses recommandations et qu’il lui donnait des nouvelles, alors c’était bon non ? Chaze ne se voyait pas débarquer chez lui de force…

« Attends que j’active le bluetooth pour l’ID… Voilà. »

D’une simple pression tactile sur le petit écran, l’identifiant de son bracelet devenait visible pour les utilisateurs à proximité et qui consultaient la même fonctionnalité à la seconde près. Autrement dit, le garçon pourrait sans mal le contacter par la suite, quant à lui, il se contenterait de bloquer les appels entrants en provenance de parfaits inconnus si son ID avait été intercepté par d’autres personnes, malencontreusement. Les hackers demeuraient à l’affut, au point que s’en devenait pénible par moment. Tant pis si ce petit geste, en apparence anodin, leur permettait de se revoir par la suite, d’entretenir le contact. A ce moment précis, le brun n’avait aucune espèce d’envie d’être contraint de couper les ponts, simplement par le statut de son interlocuteur était flou, voire indéfini. S’il se révélait être un Evolve, mieux valait qu’ils restent en contact justement ! Une fois chacun d’entre eux habillé, ils quittèrent la chambre d’hôtel, laissant derrière eux un mélange étrange de sueurs mêlées en plus d’un parfum de mystère devant un phénomène encore inexpliqué. Jusqu’à ce qu’ils retrouvent l’air frais de l’extérieur, lequel remis en partie de l’ordre dans ses idées, Chaze s’interrogea sur la nature de cette relation. Non, il ne voyait pas le garçon comme un amant mais le refus de se dévoiler de ce dernier l’irritait malgré tout. Devait-il se comporter comme le commun des mortels et tourner les talons en parfait connard insensible ? L’idée était simple en pratique…

« Bon… Fais gaffe à toi et appelle-moi si tu te sens mal de nouveau. C’est peut-être dû à cet Evolve. Ne t’en fais pas, je trouverais bien l’adresse en géolocalisant ton appel. »

C’était chouette la technologie tout de même ! Evidemment, le taxi était déjà reparti quand ils se présentèrent devant le hall de l’hôtel. Une chance que l’un d’entre eux passait non loin et qu’il aperçut le signe de la main du jeune scientifique afin que le véhicule vienne s’arrêter à leur niveau. Chaze observa de loin le gamin s’apprêter à monter dans le taxi, tandis que lui-même tournait les talons pour rentrer à pied. Il avait besoin de fumer et de réfléchir. Sauf que lorsqu’il reporta une dernière fois son attention sur la tignasse ivoire qu’il s’attendait à voir s’engouffrer dans le véhicule à l’arrêt, ce fut plutôt pour découvrir un Enoch écarté de force du taxi et entouré par plusieurs hommes. De là, où il se trouvait, le jeune scientifique ne les reconnut pas. L’hypothèse de l’hallucination fut écartée mais le temps que l’information remonte au cerveau, la scène qui se jouait devant ses yeux venait de se terminer et la cigarette qu’il avait machinalement portée à ses lèvres s’échappa de ses doigts, n’eut pas le temps de toucher le sol avant que le garçon ne disparaisse de son champ de vision, emmené de force. Les kidnappeurs avaient leur propre véhicule, lequel ne s’attarda pas sur place, démarrant bruyamment. Tout comme Chaze qui revint rapidement sur ses pas pour atteindre le taxi originellement destiné à Enoch et qui faisait déjà mine de repartir vers des clients moins fuyants.

« Suivez cette voiture. » ordonna-t-il de la voix la plus calme possible malgré le tourbillon d’émotions qui l’animait de l’intérieur.
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