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Whatever lies beyond this morning [Shane/Ruben] /Clos/
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tonight the foxes hunt the hounds
Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
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24.06.14 15:27

Comme pour répondre aux derniers évènements, le soleil n’avait pas encore repris sa légitimité sur la grande cité coupée du monde. Le ciel se paraient d’énormes nuages noircis de suie que le vent ne parvenait pas encore à chasser, obscurcissant l’horizon et l’avenir comme un présage funèbre. Au moins, la pluie s’était arrêtée depuis la veille, finissant de détremper le sol, refroidissant bien trop l’air pour un mois de mai et laissant les habitants hésitants sur la tenue à adopter. Le temps parfait pour prendre un bol d’air dans une ville désertée grâce à la météo, encore plus pour des fugitifs et autre allergiques à l’autorité qui se terrait aussi de toute manière, réduisant les rondes : chacun restait chez soi, attendant le retour du soleil. La ville s’était émaillée de quelques rumeurs et la découverte du retour des Anciens soulevait tant de questions que chacun regardait son voisin avec suspicion pour en déceler un, avide de questions et curieux de la provenance de ces rescapés temporels. L’un des seuls manquant à l’appel de la liste des Disparus-réapparus se cachait à l’abri parmi les concitoyens, réfugié dans l’entre-deux, absolument pas au courant que son nom avait fini par ressortir car compilé avec les autres ; tous étaient revenus et avaient été arrêtés, deux noms ne s’étaient pas fait connaître et il en faisait partie. L’enjeu était réel, les menaces existantes, la prudence de rigueur.

Après s’être entendus –nombre de négociations plus tard-, l’herboriste et son compagnon de fortune avaient trouvé un compromis ; rester cloîtré dans une chambre jusqu’au prochain siècle n’était bénéfique pour aucun d’entre eux, et il faudrait bien ré-affronter la réalité un jour ou l’autre, surtout s’il commençait à développer un inquiétant syndrome d’agoraphobie. Son état n'était toujours pas probant, mais suffisament pour tenir presque debout seul. Si Ruben sortait plutôt régulièrement par obligation, le pyromane appréhendait avec toutes les peines du monde de mettre le nez dehors : seule la destination et toute la sécurité qu’elle apportait l’avait convaincu de fournir un effort considérable. L’attrait de la vérité, même si elle risquait d’être des plus terribles, était le plus fort. Ils avaient décidé de sortir tôt pour ne pas éveiller les soupçons, l’endroit n’étant de toute manière plus vraiment fréquenté autrement que par les gens en prenant soin. Bandages sécurisés et renforcés l’un comme pour l’autre, habillés sobrement et couverts, capuche rabatttue pour ne pas attirer l’attention, elle vérifia les alentours et surtout les commerces ouverts ou non pour ne pas trahir son étrange colocataire avant de desceller l’équivalent d’un scooter volant qu’il refusa un premier temps d’enfourcher derrière elle, absolument pas confiant dans l’engin et ses progrès. Elle gagna la négociation par le simple argument qu’il ne pourrait jamais marcher jusqu’au lieu-dit et le trajet fut assez court, le reste se faisant lentement à pied pour brouiller une piste quelconque. Le sentiment de pression et de peur étaient omniprésents, comme une double épée de Damoclès invisible accrochée au dessus de leurs têtes. Collé contre l’herboriste, accroché à son bras pour pallier à la faiblesse de ses jambes et refusant nettement de s’éloigner de surcroît, il tentait en vain de ne pas réagir comme une bête traquée et paranoïaque, limitant les coups d’œil alentour ; tout était nouveau, mais en même temps familier, comme une peinture rafraîchie à coup de gadgets et d’installations neuves mais d’où perçait encore quelques échos du passé.

Si la ville se parait d’un silence émaillé de sons nouveaux, la périphérie semblait plus vivante, même vidée de ses habitants. Progressant lentement mais sûrement, ils atteignirent un des seuls bâtiments qui n’avaient presque pas changé en presque deux siècles : l’église de la ville, arborant toujours sculptures et vitraux propres en même temps qu’une aura apaisante indéfinissable. La technologie n’avait pas d’emprise sur le sacré. Un repère pour un exilé du passé. Ils ne croisèrent personne, excepté un individu pressé qui les dépassa, manquant de faire sursauter l’adolescent, avant de s’engouffrer rapidement par le haut portail en fer du cimetière bien avant eux.

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Shane Treazler
Shane Treazler
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24.06.14 19:16
Une légère brise soufflait encore dans ses cheveux en batailles. Une douleur nouvelle ne cessait de le tourmenter derrière sa nuque, symbole de sa liberté nouvelle, et de son emprisonnement éternel. Le nouveau bracelet qui lui avait été confié pendait à présent à son poignet gauche. Il en sentait le poids à chaque enjambée. Il cherchait à l’oublier mais cette menotte le maintenait attaché à cette époque qui était à présent sienne. Lentement, comme s’il espérait s’éveiller d’un de ses cauchemars qui amène les larmes à couler, il pianota le petit bracelet, comme on le lui avait appris à peine plus tôt… Le glas retentit alors, tandis qu’il fermait les yeux.

« Profil : Shane Treazler ;
Statut : Ancien ;
âge : 20 ans ;
Année courante : Deux-mille deux cent…
»

Il coupa le programme ne pouvant supporter plus longtemps la voix robotique. Tous ses espoirs déchiquetés. Il le savait… Il n’était pas sans ignorer sa situation, mais il ne pouvait ni ne voulait y croire. Ce n’était pas tant le fait de perdre ses repères, pas tant ce nouveau paysage sinistré, absence de cette ancienne verdure qu’il aimait tant. Pas la nouvelle politique, ni les nouveaux mœurs qui été nés à l’occasion de deux siècles, non, rien de tout ça… Mais… Il avait tout perdu… Tous ces gens auxquels il avait pu tenir, toutes ces personnes qu’il avait côtoyé durant toutes ces années, même ces simples instants. Son père avec son tempérament rassurant qui parvenait à l’apaiser à l’aide de simples paroles… Sa mère qui lui avait toujours tenu la main dans les moments les plus durs… April, cette chère petite sœur au tempérament de feu, lueur à l’éclat galvanisant… Kathy, l’ainée de la famille, fille de douceur et de tendresse le protégeant comme le plus précieux des trésors… La discrétion précédée du courage de ce cher fantôme qui ne pourrait plus revenir le hanter désormais… Et Alice… Aucun mot ne lui paraissait assez puissant pour décrire ses émotions… Tous ces gens… Toutes se choses qu’ils avaient partagés… Tous ses sentiments… Tout ça… Simplement écrasé par les rouages du temps ? Fauchés en même temps que ces êtres qui avaient pourtant gardés un fragment de son cœur avec eux, ne le laissant qu’au simple état de goule vide de toute âme ?

Si Shane se trouvait à présent à l’intérieur de ce cimetière, c’était pour les revoir… Les rassurer… Leur dire qu’il allait bien, qu’il n’avait finalement fait que partir à la recherche des tant promis hoverboard des années deux-mille, prouver leur existence quelques deux cents années plus tard… Qu’il pourrait ainsi les narguer en profitant de la nouvelle liberté qui lui était offerte. Mais au fond quelle liberté… Il avait pourtant demandé à revenir chez lui sur la tombe de sa famille ! Accompagné s’il le fallait ! Surveillé ! Pieds et poings liés ! Bâillonné, enchainé s’il le fallait ! Il ne pouvait pas les laisser sans aucunes nouvelles ! Ils devaient être morts d’inquiétude ! Mais en guise de réponse, on l’attrapa par les bras, le jetant dehors à renfort de coups de crosse lui refermant la porte au nez. Bien sûr il avait tenté de se battre. De revenir, de fracasser des portes à la faible force de ses poings pour gagner à l’usure… Mais l’usure n’avait pas été dans le bon camp… La révolte l’avait quitté, la lassitude l’avait gagné, le vide l’avait envahi… Les yeux caressant le néant, l’âme emplie de tourments, seul ses pas le guidaient au milieu des ténèbres tissés par son esprit. Les réminiscences de sa conscience s’accrochant uniquement au quelques lettres gravées sur les tombes qui sillonnait l’allée… Il ne vit même pas un inconnu s’agiter en entrant dans le cimetière. Il ne s’attarda même pas sur les regards que l’on pouvait lui lancer au vu de son accoutrement. Il ne savait même pas que quelque part en ce monde, quelqu’un pouvait partager ses douleurs… Mais surtout, il ignorait qu’à un autre endroit, dans cette ville, l’espoir subsistait sous la forme de deux cœurs battants parmi les milliers d’habitants…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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25.06.14 0:04
Les oiseaux se meurent, qu'en est-il de la chance ? Qu'en était-il surtout des Anciens, ainsi nommés par arbitrage journalistique au lendemain de la commémoration du bicentenaire, dans une ville qui avait pleuré leur disparition deux siècles auparavant et qui, désormais, apprenait leur retour avec davantage d'appréhension que d'engouement ? Le germe de cette question, plantée à peine quelques jours en arrière, avait fini par éclore entre les deux jeunes gens. Selon la logique la plus attendue, une stèle avait dû, à un moment ou à un autre, venir pousser quelque part dans la cité et appartenir tôt ou tard à cette longue liste de monuments désuets qui ne trouvent grâce qu'aux fientes des pigeons. Ruben savait où. Mais longtemps – à peu près trois heures –, elle s'opposa à ce que Warren s'y rende, non en raison du choc que cela pourrait lui causer de constater qu'il avait atteint une relative célébrité à titre posthume, mais du fait de sa condition physique qui peinait à redresser la barre. La menace claustrophobique qui épouvantait l'herboriste en secret l'ayant en partie remporté par échec et mat, ils convinrent d'une sortie sous les auspices de la pluie, tandis que le joli mois de mai pointait le bout de son calendrier. Qu'ils l'eussent désiré ou non, l'événement prit des airs d'expédition fantastique et périlleuse. Tout avait été pensé afin de ne pas attirer l'attention, du point du jour jusqu'au parcours nécessaire pour arriver à destination, et la brune veilla à ce que tout se déroule selon le plan en dépit de son goût pour les errances urbaines. L'heure n'était pas à la promenade, ils le comprenaient sans se le dire, et les risques qu'ils encourraient ne vaudraient peut-être pas la chandelle. Pourtant, racler le fond de sa cage, toute confortable et accueillante fût-elle, aurait fini par peser sur le moral du caneton ; ce qui n'était de base qu'une nécessité de savoir contenait en filigrane le verrou qui descellerait sa vie.

Clopin-clopant, le binôme s'efforçait de paraître tranquille et la brune remerciait presque le genou de Warren de l'obliger à boiter, car ce ralenti douloureux leur permettait de ne pas accuser la démarche pressée qu'ils auraient adoptée autrement. La pluie qui avait chape-chuté toute la nuit sur les toits s'était tue autour d'eux, et ne demeurait que ce léger bruissement mouillé sous leurs semelles lorsqu'ils découvrirent l'église. Ils contournèrent l'édifice, son aspect rendu plus lugubre une fois détrempé de l'orage, le pas crissant sur les graviers qui en dessinaient l'allée, et parvinrent au portail du cimetière qu'ils franchirent quasiment sans respirer. La crainte d'être suivis, l'angoisse d'être appréhendés, tout cela disparut des considérations de Ruben à l'instant où elle sentit l'humidité des sépulcres et la poussière du marbre fleuri. Dans la besace à son flanc, le bouquet de campanule et de bruyère qu'elle transportait déclinait ses nuances printanières. Autrefois, jeune fille, Shelley l'avait mené dans ces allées immortelles où fleurissaient les chrysanthèmes dans un chatoiement infini de couleurs. Il lui avait montré, à l'angle d'un cyprès, la pierre sur laquelle étaient gravés la centaine de noms des Disparus de 2013, dont celui de son lointain ancêtre, tout en bas. La sculpture faisait ses deux cents ans d'âge. Usée, lustrée, recouverte de terre puis nettoyée et de nouveau abandonnée, elle continuait d'exhiber fièrement les patronymes des morts présumés, seule réminiscence commune à tous les habitants. À n'en pas douter, il y aurait celui du garçon. D'un furtif mouvement de tête, l'Evolve désigna l'emplacement, où les coulures de la pluie avait peint des bavures verticales. « C'est là. »

Au fond, elle n'avait pas vraiment envie d'assister à la réaction de Warren quand il déchiffrerait son identité dans la vieille pierre. Comme dans tout cimetière, il y avait cet accord tacite entre les humains et les tombes, ce respect singulier qui faisait chuchoter les cœurs et qui invitait à la solitude. Elle s'imaginait qu'il aurait besoin d'être seul un instant. De toute façon, elle devait rendre visiter à quelqu'un elle aussi ; se rendre sur un caveau qui n'était pas le sien mais qui renfermait celui qui avait contribué à façonner la personne qu'elle était à présent. « Il faut qu'j'aille donner les fleurs, j'reviens. C'est pas loin, juste l'allée suivante, j'fais vite. » En effet, ce n'était pas loin ; Yves Shelley avait tenu à se faire enterrer dans la même concession en ruines qu'un ami à lui, par commodité pécuniaire et spatiale, assez proche du monument des Disparus et à côté d'un bosquet d'if qui prenait racine dans une anfractuosité de la roche. Il aurait été fort à parier que les orbites de feu l'herboriste riaient sous les chatouillis de l'arbuste qui grandissait dans ses ossements. Ruben, elle, n'en doutait pas. Gardant un contact visuel avec le garçon qu'elle délaissait un instant, elle passa devant une âme en peine, visiblement plus déboussolée qu'un navire sur le point de chavirer, avant de rejoindre la dernière demeure de son tuteur. Son attention demeura un instant fixée sur ce garçon brun aux yeux vides, avec comme un air de déjà-vu dans ses vêtements, mais elle eut tôt fait de la reporter sur le vieil hurluberlu auquel elle offrit son maigre bouquet. Les dates indiquaient 05 septembre 2136 – 22 mars 2207 ; elle était en retard pour l'anniversaire, ou trop en avance sur le prochain. La bruyère aurait fané d'ici là.
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Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
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25.06.14 1:20

Le calme austère et étrangement déserté du cimetière les enveloppa sitôt le haut portail en fer forgé grinçant franchi. Certaines choses ne changeaient pas, qu’on leur ajoute des centaines d’années ou non ; la petite église projetait toujours une ombre bienveillante, mais absente ce jour là sur un ensemble de tombes assez conséquentes au-delà des murs d’enceinte en pierre. Comme bloqué dans une autre époque, le lieu empreint de sérénité n’avait presque pas changé de ses souvenirs, quand il y venait une fois l’an se recueillir sur la tombe paternelle et y déposer une gerbe. Les allées de gravillons parfaitement délimitées, les arbres aussi hauts et bien entretenus, buissons, mais assez peu de fleurs et étrangement, un nombre pas si élevé de stèles et de caveaux ; l’humain n’aimait déjà plus finir embaumé et enfermé en boîte en 2013, quid de deux cents années supplémentaires. Personne ne viendrait les trouver ici, encore moins les arrêter ; la place était vide, impavide. Tranquille pour l’éternité. Fidèlement accroché à sa sauveuse, la fatigue commençant à se faire sentir par la pourtant maigre distance, Warren ne fut pas fâché quand l’arrêt s’imposa enfin : surplombé par une stèle plus haute qu’un homme, fraîchement dépoussiérée –bicentenaire, sûrement-, un peu moins d’une centaine de noms ressortaient en petit caractères gravés dans le Temps. Levant le nez malgré la bruine, impressionné par le monument et ce qu’il impliquait, il protesta à peine quand elle s’éloigna, le laissant en tête à tête avec le mémorial. De la pierre pour rendre un hommage étrange à d’illustres inconnus arrachés de leur époque par une mystérieuse raison, les titres de journaux n’avaient pas du être avare en sensationnel vu le climat de l’époque. Parcourant les noms inconnus, il chercha le sien sans en reconnaître un seul autre.

Grayson, Warren Callum (29/01/1991)

Adolescent, disparu sans laisser de traces le 23 avril 2013 en compagnie d’autres malchanceux. La boucle était bouclée. Le même individu, avec deux cent vingt et une années au compteur, contemplait dans un mélange de sentiments incertains cette ligne absurde, dénuée de sens, devant laquelle sa famille avait du se lamenter le reste de leur vie. L’incompréhension du phénomène surpassa l’anxiété grandissante de se retrouver dans une situation impasse d’où il ne pourrait s’extirper. Et maintenant ? Il n’y avait rien à faire, sinon subir. Encaisser le choc, accuser le coup, tenter de se relever sans dégâts. Ravaler les larmes et avancer, aller de l’avant. Sa jambe raide lui rappela l’impossibilité de cet espoir, et soudain il se reconnecta à la réalité, cherchant Ruben du regard sans parvenir à la trouver. Contrer la bulle d’affolement, pas de panique, elle avait spécifié l’allée suivante. Souffler. Inspirer. Reprenant le chemin pour la rejoindre, il s’éloigna du monument devenu obsolète, empruntant l’allée opposée à celle indiquée en posant précautionneusement un pied devant l’autre en priant pour que l’un ne se dérobe sans prévenir. Désemparé de ne pas retrouver l’herboriste, il commença à inconsciemment accrocher les noms encore lisibles sur les différentes stèles à la mesure de sa progression dans la première puis dans une deuxième allée, composant avec une panique ressurgissante.

Il n’alla pas plus loin que la quatrième stèle, soudainement glacé sur place. Le crachin froid, les graviers clairs, les arbres, le ciel noir, le monde, tout se dispersa brusquement pour ne laisser que l’adolescent et la pierre polie par le temps en face de lui. Le regard d’une gorgone ne l’aurait pas plus efficacement figé ; ayant rapidement lu le nom une première fois, celui-ci trouva un douloureux écho sans peine. Charlotte W. Aster-XXX, 04.03.2004 – 16.07.20XX Charlotte. Aster. Charlotte.Lottie. Sa Lottie, la seule, l’unique, son aimée, sa précieuse, le seul être dans sa vie de grand frère fou de sa petite princesse. Le prolongement de sa famille recomposée mais aimante. Sa famille, morte. Le temps s’arrêta soudain pour le pyrurgien, tout comme son cœur et les circuits de son cerveau en manque. Un moment de déconnexion où son esprit et le reste de son corps se concertèrent entre un black-out total et un débordement émotif en règles incontrôlable. A défaut de s’évanouir, l’émotion prit le dessus, l’onde de douleur et de tristesse monta pour s’écraser sans prévenir et devenir la seule chose tangible de sa personne. Il aurait déjà pu se faire à l’idée, effleurée déjà une fois quand il avait eu l’aveu de la nouvelle époque, du nouveau monde, quand il avait enfermé à double tour la possibilité que ses proches et ce qui lui reste comme raison pour survivre aient disparu dans le néant en le laissant définitivement seul. Le contrecoup avait déjà été évité une fois, il fut impossible à retenir maintenant. Une sorte de plainte sourde et basse monta avant de se noyer dans les larmes qui inondaient et brouillaient déjà son regard dans une cascade innarrêtable. Un seul cri de douleur déchira le silence sacré de l’endroit quand tout céda, avant que les sanglots prennent le relais, noyés sans succès dans les manches-tentes de son sweat. Quelque chose s’était déchiré, et les mots manquaient pour l’exprimer correctement, à défaut de toutes les larmes restantes pour le secouer ; il aurait voulu exprimer l’impossibilité de la chose, le déni, mais rien ne sortit, juste des larmes sans fin, ployant son corps maigre dans le but certain de le jeter à terre, brisé par la peine enfin libérée.

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Shane Treazler
Shane Treazler
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25.06.14 9:54
Ses pas étaient lourds. À chaque mot, chaque lettre, chaque simple vision de la couleur doré sur la stèle grisâtre, son cœur se stoppait. Et pourtant, le jeune homme continuait, il redemandait cette peine infinie, ce fléau qui lui oppressait le myocarde, ces éternelles secondes d’analyse et de lecture qui lui soufflait doucement à l’oreille : « Non… Peut-être le prochain… ». Il cherchait la rédemption, espérait enfin deviner le lieu ou reposerai les dépouilles de ses proches, qu’on lui plante un pieu dans le cœur et qu’on en finisse ! Mais ses forces le quittait, les efforts demandés étaient le prix à payer et sa carrure l’empêchait de verser son dût. Il se stoppa les larmes aux yeux, un hoquet de frustration dans la gorge. Il ne valait donc pas mieux que ça ? Ne pouvait-il pas rendre hommage à ces gens qu’il avait aimés de tout son cœur ? Jamais il ne s’était senti aussi indigne de confiance, jamais il ne parviendrait à se pardonner. Pour quelle foutue raison devrait-il être le seul à mériter de vivre ?! Qu’avait-il fait pour demeurer là où les autres avaient défailli ? Revenir en arrière. Que n’aurait-il pas fait pour pouvoir ne serait-ce qu’effleurer du bout du doigt ce délicieux rêve…

Et soudain, la réalité lui revint en pleine face. Et si… Sa tristesse s’accentua en même temps que naissait la peur. Cette peur qui, un instant plus tard, devint panique, le forçant à courir comme un déjanté en accrochant du regard chacune des pierres froides pour n’y rater aucune inscription. Comment avait-il pu être aussi naïf ? Bien sûr, deux de ces connaissances avaient vécus à l’ancienne Madison. Et s’ils étaient partis ? Si le seul lieu de prière en sa possession lui avait été retiré ? Que ferai-t-il ? Sa conduite était à l’exacte opposé de la précédente, il ne désespérait plus de voir les noms, il craignait de ne pas les voir. Au milieu de sa course effrénée contre l’inquiétude et la peur, il saisit du coin de l’œil une stèle plus haute que les autres. Une stèle qu’il ne pourrait lire en une fois, au vu de tous les noms qui y étaient présentés. En guise de titre : « Pour les disparus » avec une année marquante : 2013. Lorsqu’il était encore à la caserne, un vieil homme lui avait craché avec un rire qu’il était à présent seul dans cette époque nouvelle. Que personne ne viendrait plus l’aider. Shane en avait donc logiquement déduit que ce bond, il était le seul à l’avoir franchi. La traversée du temps… Ce qui voulait donc dire qu’il n’était pas le seul à avoir disparu… Tout le reste de ces personnes était donc… Mortes ? Oui… Il ne pouvait en être autrement. Shane eut le temps de commencer à lire, l’organe de pulsation pris en tenaille. Mais, alors même qu’il venait de repérer son patronyme dans cette liste d’une longueur infernale, un hurlement sauvage vint lui souffler le frisson de la mort sur ses frêles épaules. Il tourna vivement la tête dans la direction d’où vint la détresse. Elle se présenta à lui sous la forme d’un jeune garçon abattu et en pleurs devant une pierre tombale. Shane aurait pu hausser les épaules, détourner le regard et reprendre là où il s’en était arrêté. Pour être parfaitement franc, c’était un désir d’une puissance incroyable qui s’imposait dans son crâne loin devant tout autre sentiment qui l’habitait. Pourtant, des voix résonnèrent en lui, des voix mêlées de toutes ses personnes qui l’avaient côtoyé… Des voix indistinctes mais douce qui aurait pu l’apaiser dans les situations les plus violentes, les plus alarmantes, les plus douloureuses…

« Shane, oublie-nous pour l’instant… » Sa mère, la voix de la raison.
« T’aura tout le temps de t’occuper de nous plus tard ! » April et ses yeux de feu.
« Tu l’aurai vraiment laissé là, comme ça ? » Le recul et la clairvoyance de son père.
« Moi je sais que ce n’est pas comme ça que tu aurais réagi… » La caresse de Kathy.
« Oui… Ce n’est pas le Shane que je connais… » L’honnêteté et le sourire d’Alice.
« N’oublie pas qui tu es… » Même avec cette tentative d’imitation de Mufasa, il était facile de déceler l’humour du spectre.

Shane serra le poing plus fort pour se donner le courage d’abandonner un instant, juste un instant son propre mal-être. De faire confiance à ses voix, de décider de ne pas briser cette chose qui faisait de lui ce qu’il était. Il se détourna de sa contemplation, avant de faire quelque pas lourd, se rapprochant de cet inconnu. Il se contenta alors simplement de se pencher à la hauteur du garçon, les propres résidus de sa tristesse encore visible dans son regard derrière son apparent altruisme. Il lut le nom de la femme qui laisserait un trou béant dans le palpitant de cette âme, sans en relever pourtant la date étrange, compte tenu du nouveau présent. Et, enfin, une simple affirmation sortie du fond de son gosier dans ce raclement qui tentait tout pour se faire support, canne sur laquelle s’appuyer le temps de récupérer ses forces.

« Je suis vraiment désolé… »

Et il l’était vraiment, car, à cette seconde, ils partageaient tous deux la perte d’un être cher…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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25.06.14 14:33
Elle n'a pas pensé au houx vert, mais la bruyère en fleurs mêlée à la délicatesse des campanules composera un hommage comme Shelley les aurait aimés : sobre et tendre. En d'autres circonstances, Ruben prendrait le temps de s'asseoir sur un banc, cinq minutes avec lui, et elle songerait à toutes ces choses qu'elle lui annoncerait s'il se tenait devant elle, son antique faciès lui souriant, des rides sylvestres au coin des yeux. Mais elle n'est pas seule aujourd'hui, et cette pensée qui la traverse à l'instant où elle s'apprête à repartir la réchauffe étrangement. Le cimetière n'est plus guère qu'un vieux patrimoine en désuétude, et s'il n'y avait pas quelques ultimes fossoyeurs – recyclés dans la crémation, moins encombrante – pour le rafraîchir, il serait devenu une ruine semblable à celle qui recouvre les restes de l'ancêtre. Du coin de l'œil droit, la jeune femme vérifie que Warren n'a pas bougé, que personne ne cherche à l'appréhender, et soudain l'angoisse lui saute au visage pour y planter ses serres. Il n'est plus devant la stèle. Pas de trace dans sa direction non plus ; elle lui a pourtant dit l'allée suivante. Alors  ? Minuscule syllabe cristallisant toutes ses anxiétés. Le métal liquide de ses iris se trouble tandis qu'elle parcourt l'espace à mi-hauteur, en quête de cette carrure maigrelette, presque avalée dans ses vêtements, de cette demi-momie maudite du pouvoir du dieu Râ. Les dalles irrégulières des chemins, le lierre sur les murets de la clôture, la torpeur des cyprès indolents au-dessus des morts, tout hurle l'absence du gamin.  ? Elle ne voit rien. D'un mouvement fugitif, la jeune femme s'extrait de son recueillement et se précipite là où, une seconde plus tôt, il couvait son feu intérieur. Autour de ses cheveux battant le vent, l'air tousse des relents de cendres dont elle cherche éperdument le point d'émission. Il est encore proche, et le peu de visiteurs dans le cimetière infirme la présence des Erasers. Ce n'est donc pas le danger qui guette, mais un égarement de douleur.

La prudence l'empêche de crier son prénom alors que ses poumons n'en attendent que l'autorisation express, mais c'est lui qui vient à elle ; ou plutôt, c'est son hurlement glacé qui révèle sa localisation et lui permet de le découvrir. Le son, lui, a fait trébucher le myocarde floral et bouillir son sang-froid, et si l'affolement n'avait pas contaminé ses réflexes, l'herboriste aurait été pétrifiée net sur le carreau. En deux semaines, jamais elle n'entendit semblable plainte, même lorsqu'il s'évadait de ses cauchemars à grand renfort de clameurs. Jamais le bruit ne fut plus affligé, plus inconsolable qu'à ce morceau de seconde, cette particule de temps qui se brisa sous les nuages. Ruben, partagée entre le soulagement de le savoir sauf, le désarroi face à son état et la crainte que lui inspire cet étranger aux cheveux bruns qui s'est approché de trop près, lance un acerbe « N'approchez pas ! » en parvenant à leur niveau. Tout juste a-t-elle l'instinct de remarquer le renflement que ce dernier dévoile dans sa nuque avant que ne se hérissent des barrières autant physiques que relationnelles entre les deux garçons. L'Evolve s'accroupit auprès de son protégé, déchiffrant rapidement l'inscription de la pierre tombale devant laquelle il s'est abîmé. Le nom, bien que proche du sien, ne lui dit rien. La date, en revanche, sous-entend un lien possible entre les deux êtres, par-delà les deux siècles qui les séparent. Sans doute ont-ils, dissimulés dans un recoin de peau, une tache de naissante similaire qui les identifie.

Le feu qui pleure. Le paradoxe est tel que Ruben doutait en être témoin un jour, et maintenant qu'elle l'est, elle ignore comment assécher les flammes humides. Se jeter à corps perdu dès qu'elle perçut la détresse n'a pas suffit en guise de mode d'emploi, et ses mains se figent, en suspension au-dessus de ces épaules où l'univers entier s'est écrasé avec un fracas de larmes. Mais elle n'en peut plus de cette immobilité, elle n'en peut plus de son impuissance devant celui qui, sans réfléchir, l'avait naguère prise contre lui dans un contexte quasi-identique ; parce que si la mort sépare deux âmes, elle est aussi capable de rapprocher celles qui demeurent après l'épreuve. Alors son feuillage se referme enfin en une brusque étreinte, ombragée de désespoir, et la jeune femme serre, serre avec maladresse, presque à lui faire mal, ce rescapé pourtant prisonnier de l'épaisseur des années. Son murmure se heurte à la frontière du désespoir et vient se perdre dans le tissu du sweat avec un doux froufrou : « Pardon... On n'aurait pas dû v'nir, pardon... » Griffe végétale et épineux chuchotis. Puis, sans relâcher l'oisillon, elle balance un regard saupoudré de hargne à l'adolescent qui n'a pas bougé, près d'eux, comme s'il était l'unique responsable de cette tristesse volcanique qui émane de la scène. « Qu'est-ce vous voulez, vous ? » La méfiance, alliée indéfectible dans ce jeu de massacre à la vérité, reprend du service sous l'effet de l'émotion qui roule ses vagues dans son thorax.
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Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
tonight the foxes hunt the hounds



25.06.14 18:00

Le monde était un océan. Un abysse sans fond, tantôt lumineux, tantôt sombre et glacial, un jeu entre les deux atmosphères. Une mer de promesses chatoyantes et de désillusions cuisantes, une ondée sans pitié qui gardait en son sein les plus chanceux et noyait sans miséricorde les plus éprouvés. Le monde était un océan de larmes et en cet instant, Warren y disparaissait dans les profondeurs d’une faille, happé dans un abîme cruel par des courants de désespoir compacts. Déconnecté de la réalité, rejeté à terre par une vague sournoise qui lui avait coupé les jambes, il n’avait pas ressenti la douleur de l’impact ni même entendu son propre cri déchirant, plainte pure venue de tout un être brusquement désespéré. Agité de sanglots sans cesse renouvelés par une houle affligée, il tremblait de chacune de ses fibres, chacune tentant d’exsuder plus de larmes pour noyer de l’intérieur l’égaré temporel. Au-delà de rendre au centuple cette croix qu’avaient du supporter ses trois être chers durant toutes ces années, attendant vainement son retour ou un minuscule signe de vie, voire même de mort pour faire un deuil correct, ignorer tout du sort de leur fils et frère avait du être une épreuve que seul le temps avait pu adoucir sans jamais tarir tout à fait. Ils étaient restés, s’étaient battus et avaient rendu leurs derniers soupirs dans l’ignorance ; rien ne les rapprocheraient plus jamais, plus aucune étreinte ou signe de vie, rien que la mort pour enfin les réunir à jamais. Le poison d’idées morbide lentement diffusé depuis sa capture porta un coup de griffe décisif, corrompant la seule parcelle d’esprit encore lucide dans ce flot de regrets : que seule la mort les sépare, mais qu’elle les réunisse pour le reste d’éternité.

Ce qui se passa autour ressembla à un rêve vécu dans le brouillard ; il n’avait pas vu approcher l’inconnu ni même Ruben qui vint le récupérer, le remettant sur ses jambes bancales comme au premier jour. Pleurant sans discontinuer, la voix coupée et les hoquets irréguliers, la flamme constante qui lui faisait distiller chaleur et fièvre en permanence s’était éteinte, le laissant gelé par la pluie et la tristesse, humain redevenu brusquement bien trop normal. Sa capuche avait glissé dans la chute, dévoilant l'abscence de puce et le bandage toujours présent proprement refait. Quand elle l’étreignit, il se laissa faire sans protestation, en état de choc apparent, s’accrochant même comme à une bouée de sauvetage dans un réflexe de survie à l’herboriste, retrouvant sa voix pour bégayer faiblement plusieurs fois le prénom de sa cadette, Lottie, et des excuses incohérentes. Il mettrait de longues minutes avant de seulement se calmer et de retrouver le chemin de la réalité.

Spoiler:
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Shane Treazler
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25.06.14 19:41
Et après… Simplement dire que l’on était désolé, cela suffisait-il à partager le malheur de quelqu’un ? N’avait-il seulement déjà pas bien assez de souffrances de son côté ? Les cris de désespoirs et les sanglots du garçon entraient en résonnance avec sa propre peine. Lui aussi avait envie de vider son sac, lui aussi aurait aimé tout expulser, mais si en ce même lieu ils agissaient tous deux ainsi, qui pourrait les réconforter ? C’est à ce moment qu’un hurlement recouvrant même la douleur du blond se fit entendre. Shane ne put réprimer un sursaut en voyant une furie charger dans sa direction. L’instant d’après, la femme s’était déjà rapproché suffisamment pour se mettre à la hauteur du jeune homme, l’air un peu désemparée. Son geste se suspendit dans les airs, comme si quelques liens invisibles l’empêchaient d’agir. Cependant, les chaines furent finalement brisée traduisant une étreinte, peut-être pas la plus agréable, mais sans doute l’une des plus chaleureuse. On y ressentait l’inquiétude pour autrui, la maladresse d’un manque d’habitude, mais aussi quelque chose de plus complexe… Quelque chose de profonds, d’indiscernable, que seuls ses deux êtres enlacés pouvaient connaitre.

Une avalanche de sentiments envahirent Shane à cet instant : de l’incompréhension, mais aussi de la jalousie mêlée à de la tristesse. Il resta donc là, penaud, sans vraiment savoir ce qu’il devait faire. Non pas qu’il ne devinait pas ce qui se passait, mais surtout, il ignorait parfaitement quel était son rôle dans cette scène si ce n’était celui d’un observateur. Observateur qui put d’ailleurs relever les quelques mots soufflés à une oreille sans les appuyer. Venir, montrer sa tristesse, laisser éclater ses sentiments… Tout ça n’était pas un tort, c’était un besoin humain que de pleurer la mort des personnes importantes, et un besoin qui prouvait l’attachement à ces êtres présent dans son cœur. Toujours perdu dans ses divagations macabres, il ne réagit finalement qu’à l’agressivité soudaine de l’inconnue à son égard.

« Moi… ? Mais… Je… »

Shane n’avait déjà pas la force de se défendre et ce regard qui lui fut jeté acheva presque de le détruire à son tour… Le cœur déjà plus lourd que de raison, il avait fait d’immenses efforts pour contenir cette marée d’émotions au barrage seul de sa volonté. Mais les fondations en étaient fragiles et un simple coup menaçait de laisser le flot submerger sa conscience. Sa gorge se coinça, il était épuisé, au bout du rouleau, pourquoi, alors qu’il avait simplement tenté d’aider, devait-il en plus subir le courroux d’une femme qui lui était totalement inconnue ? Il n’en pouvait plus… Simplement plus… Il souffla à s’en arracher la gorge en direction du garçon.

« Je vois… Tu n’es pas seul toi… »

Puis, réalisant lui-même le propre sens de sa phrase, sa vue se brouilla entièrement, ne lui laissant plus apercevoir que des formes indistinctes. Un sanglot le gagna bruyamment, et, tandis qu’il cédait finalement au désespoir le plus profond, il se retourna vivement, masquant son visage par un bras placé à la hâte. Il ne pourrait bien entendu leurrer personne, les spasmes qui le secouait et les soubresauts qui le saisissaient suffisaient bien à laisser transparaitre toute sa tristesse. C’est pour cette raison qu’il se mit à courir. Au hasard, il n’avait aucun but, pas le moindre. S’échapper de la réalité… S’abandonner au désespoir… Fuir… Fuir aussi loin qu’il le pourrait… Aussi loin que ses jambes pourraient le porter… Peut-être plus loin encore… Mais pourtant, lorsqu’il comprit seulement où tous ses sentiments l’avaient mené, il s’était à nouveau retrouvé devant la grande stèle. Là, ses muscles cédèrent et il se retrouva fesse contre terre, l’âme perdue dans un brouillard duquel il n’était pas sûr de revenir. En état de choc, il ne parvenait pas même à lire et finir ce qu’il avait commencé, se demandant simplement s’il ne ferait pas mieux d’ouvrir la stèle pour y rejoindre les corps fictifs…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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26.06.14 0:58
Ruben, tu es une brute. Voici ce qu'elle ne pensait pas. En aurait eu-t-elle l'occasion, de toute manière, qu'elle s'en serait royalement contrefoutue ; l'instant lui-même était d'une brutalité à laquelle Ruben répondait en aboyant plus fort, en déchargeant par la colère les distillats de peur qui voletaient derrière ses tempes. Là où un fantôme se serait cristallisé d'angoisse, blême et sans savoir que dire ou faire, l'herboriste agissait selon l'instinct de survie inoculé à même ses veines, et c'était l'infortuné garçon qui en prenait pour son grade juste parce qu'il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Toutefois, il devait être lui aussi bouleversé jusqu'à l'os, car sitôt l'interrogation lâchée, un raz-de-marée de chagrin l'engloutit. Avant même d'en apercevoir les gouttelettes rougeoyantes au bord des cils, la jeune femme en sentit l'émergence de par son attitude soudain raidie, incompréhensive et hagarde, reconnaissable chez les jeunes enfants qui se font gronder sans s'y attendre et qui restent une fraction de seconde stoïques, l'œil rond et piquant, le cœur remonté jusqu'à la gorge pour s'y bloquer. Si elle avait su, elle aurait pas venu, comme on dit. Le rôle de la méchante la perturbait autant que son impact sur la victime désignée par malchance et, si elle n'avait pas Warren à retenir à bras-le-corps, si elle ne soutenait pas ce paquet de chiffons mou transi de sanglots, elle se serait excusée sur-le-champ. Sauf qu'ici et maintenant, elle avait d'autres chiens à fouetter que de s'occuper d'un nouveau... Quelque chose cloche. Il y a anguille sous roche, cachalot sous gravillon. Pourquoi se mettre dans de tels états pour une simple acrimonie ? Pourquoi souligner la solitude avec une telle jalousie en filigrane ?

Un instant, elle se détache de l'étranger et rend toute son attention au caneton. Un rapide coup d'œil sur l'inscription tombale, puis cette litanie du nom et des excuses lui permettent de retrouver l'origine de cette émotion incontrôlée qui vrille et broie le silence du cimetière. Charlotte. Lottie, affectueusement. Tueusement, en fin de compte, ainsi gravée sur l'ardoise de marbre. Il n'y a que les tombes pour être aussi cruelles avec les cœurs encore chauds, avec les organes qui ont l'outrecuidance de palpiter à intervalles réguliers. Ruben ne trouve rien à répliquer. Qu'est-ce qui pourrait combler le néant, l'abysse creusée par la perte d'un proche, non, mieux qu'un proche, l'extension parfaite de son âme, le double intégré dans un second corps et qui, chaque fois qu'il en avait eu l'envie, avait pu se recomposer avec son être grâce aux jeux, aux paroles et aux affections. Une petite sœur, inaltérable trésor, réduite à un trait de lettres et de chiffres, à un bloc austère, un monolithe de morne tristesse. L'herboriste se fit muette, debout pour lui proposer l'unique chose qu'elle avait à disposition mais dont elle savait mille fois que cela ne suffirait pas. Rien ne suffirait plus. Puis le choc de l'esprit se répercuta de trop dans la faiblesse du corps, accentua sa vulnérabilité au point de l'abandonner à ce qu'il était : un sac d'os et de peaux bringuebalé de çà de là, sans force, qu'elle dut asseoir sur une excroissance de sépulture, sans le lâcher. Au moins ne s'effondrerait-il pas davantage, le cul sur la pierre gelée, parmi ces effluves de cyclamens et de magnolias qui remontaient des socles.

Elle ne cessa de l'enserrer, remontant doucement la capuche sur le haut du crâne, ses doigts perdus quelque part entre la chute d'une épaule et la saillance d'une omoplate, et elle lui répétait des bouts de phrases à peine soufflées, moins qu'un murmure, en racontant n'importe quoi sans se préoccuper de savoir s'il l'écoutait. Des trucs du genre mystique, farfelus, pas du tout pragmatiques. Ce n'était même pas pour réconforter, juste pour assurer le contact, pour ne pas rompre l'idée d'une présence dont il avait besoin, qu'il l'avoue ou non. Les mots du brun lui revenait en tête – Tu n’es pas seul toi… – et elle eut soudain peur d'y trouver un lien, frêle et insolite, mais horriblement probable, avec la situation de Warren. Un adolescent errant entre des tombes et s'estimant seul au monde, ce n'était même pas digne d'un faits-divers sordide. Où était-il passé maintenant ? Elle attendit quelques minutes que le blond redescende dans les sphères du réel – séjour ô combien détestable pour sa perception de Disparu –, minutes durant lesquelles elle eut le loisir de retrouver l'étranger, dont la posture et la géographie ne firent qu'attester son pressentiment. La stèle des Anciens, mieux que la croix d'une Église, semblait attirer les pénitents en quête d'un Ailleurs éclipsé par deux siècles, et le garçon ne dérogeait pas à la règle. « Hé, vous ! » s'écria-t-elle dans sa direction, espérant qu'il fut assez remis pour l'entendre et que la brise porterait suffisamment sa voix. « Oui, vous ! D'où v'nez-vous ? » Une question, suspicieuse, qui lui coûterait sa sérénité déjà bien entamée.
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Shane Treazler
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10.07.14 19:52
Assis par terre, au milieu de nulle part, seul… Terriblement seul… Un œil qui se lève pour regarder le ciel morne, gris… L’impression de s’y plonger tout entier, de se perdre dans les nuages. La sensation de regarder autour de soi et de ne voir que les particules d’eau que ceux-ci transportent. Le corps resté en bas, loin de soi et loin de tout. Une larme qui coule sur la joue de cet inconnu encore au sol, mais qui ne lui appartient pas. L’envie de se débattre, d’agiter les bras dans le vide pour réussir à nager et sortir de cette prison de cumulonimbus, monter, sortir, atteindre le soleil. Suivre sa lumière, profiter de sa douce chaleur. Là, se mettre en position embryonnaire et ne plus penser à rien ; laisser les problèmes s’en aller et le cerveau se vider. Dormir, plonger dans un sommeil profond, égarer une part de vitalité, la récupérer un jour, peut-être... Et soudain, porté par le vent, entendre un appel lointain, tellement lointain… Essayer d’en comprendre le sens, d’en saisir la subtilité, d’en observer le chant.

« Oui, vous ! D'où v'nez-vous ? »

Pas un chant de sirène, clairement… Plus l’aboiement d’un chien, une petite part d’inquiétude en plus… Peut-être… C’était vrai ça… D’où venait-il ? Qu’avait-il fait jusqu’à ce jour ? N’était-il pas né en même temps que le soleil s’était levé ? Y avait-il eu un passé ? Impossible n’est-ce pas ? Comment appeler passé quelque chose dont on n’avait aucune preuve ? Comment pouvait-on être sûr qu’il avait seulement existé ? Que tout cela n’était pas qu’une simple idée que quelqu’un avait un jour placé dans son crâne ? Comment croire une notion aussi vague ? D’où Je viens ? D’où Je viens ? D’où Je viens ? Cette question lui tournait inlassablement dans la tête, pourquoi ne parvenait-il pas à y répondre ? Pourquoi n’avait-il pas envie d’y répondre ? Finalement, ce n’était qu’une question comme une autre, une de ces questions que l’on pose poliment à une personne que l’on vient de rencontrer. Alors pourquoi cette question à laquelle il avait déjà répondu tant de fois lui faisait aussi mal ? Pourquoi son cœur se déchirait à la simple pensée de ne pas en exprimer la réponse. Finit le flottement dans les nuages qui l’avait éloigné de sa douleur... Finit le soleil qui lui faisait profiter d’un peu de chaleur qu’il n’aurait pu trouver ailleurs sur cette terre. Finit les illusions implantées à même le circuit électrique bloquant toutes réflexions. Simplement, la survie et toute la douleur qui l’accompagnait… Si le jeune garçon semblait calme en apparence, son for intérieur était en ébullition. Sa tête semblait tanguer de droite à gauche comme s’il se trouvait sur un navire perdu en pleine tempête. Ses jambes n’avaient plus la force de le soulever et il peinait à simplement faire marcher son cerveau. Une boule d’intuition, voilà ce qu’il restait de lui dans l’état présent. Un corps qui ne comptait que sur la notion d’instinct de survie sans même pouvoir agir de façon autre que tenir la tête dans le creux de sa main. Il s’essuya pourtant les yeux du coin de la manche dans un geste rageur, tournant des yeux emplis d’une lueur mauvaise qu’il n’avait jamais connu.

« Et qu’est-ce que ça vous rapporterai de le savoir ?! »

Son ton était glacial, sa voix traduisait une rancune qui n’avait jamais existée. Il se surprit d’ailleurs à se faire peur lui-même. Immédiatement, il baissa les yeux n’osant plus regarder rien d’autre que le sol. Il savait bien que cette femme n’y était pour rien, il avait simplement céder à la faiblesse de trouver un bouc émissaire, un responsable pour toute la peine qui le prenait aux tripes. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, il ne comprenait pas pourquoi chaque battement de cœur, la preuve même d’un être en vie, lui donnait l’impression de plonger dans un vide plus profond que les abysses. Il réussit par un effort colossal à reprendre contrôle d’une toute petite part de lui-même, s’accrochant à la honte qu’il avait ressenti.

« Je suis désolé… Vous-y êtes pour rien… C’est juste… Juste… Je sais pas… Je suis simplement… Simplement perdu… Je n’arrive pas à comprendre… Mais… Peu importe… Ça ne servirait à rien de parler de choses qui n’existent plus de toute manière… »

Désespoir, un mot qui lui revenait peu en tête mais qui percutait en ce moment même son âme. Shane ne voulait pas céder, il aurait aimé se dire : Ne t’inquiètes pas, ce n’est pas la fin du monde ; mais si en effet ce n’était pas la fin du monde, c’était la fin de son monde…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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21.07.14 22:06
Enfant unique, ses deux parents encore palpitants quelque part à l'autre bout de la ville, Ruben n'avait éprouvé que deux décès majeurs en un quart de siècle : celui d'Yves Shelley, cinq ans en arrière, avait offert un avant-goût de ce que promettait la perte d'un père, et celui de Jarvis la saveur anisée du cyanure. Pour l'un, la jeune femme avait été préparée avec une attention presque rassurante tandis que l'autre lui avait scié les jambes sans qu'elle ne s'y attendît. Ce furent deux trépas aux antipodes, d'abord un départ pour un long voyage puis une disparition sans faire-part, mais aucun n'avait pu lui laisser entrevoir la peine que Warren ressentait à cet instant – lorsque cela touche au sang, l'âme elle-même semble amputée. Par lâcheté peut-être, par une once de culpabilité honteuse, l'herboriste avait rompu le contact avec le garçon ; il a besoin d'être seul n'était pourtant pas l'excuse toute trouvée, bien au contraire, mais elle ne parvenait pas à se défaire de cette sensation de faute qui la nimbait sournoisement. Debout à ses côtés, un large gouffre les éloignait néanmoins, creusé à la pioche de désespoir, et elle remercia presque le petit brun de lui répondre, même avec virulence, pour lui rendre un grain d'importance.
Cela ne lui rapporterait rien de le savoir, de toute évidence. À moins qu'une montagne d'ennuis en perspective ne soit un rien déguisé, elle n'avait aucun intérêt à connaître la provenance de cet objet hargneux non-identifié, et le ton polaire qu'il employa pour lui communiquer cette interrogation la persuada qu'il ne fallait pas s'en mêler davantage. C'était l'affaire de la N.A.S.A., après tout. Ou des services de protection de l'enfance, d'adoption ou n'importe quoi dans ce genre, mais pas le sien. Cela le devint en revanche quand elle perçut le reste de paroles, à moitié brouillé certes, mais pas assez pour feindre le malentendu, et dès lors elle écouta le bruissement du givre qui dévala ses vertèbres, l'avalanche de glace qui lui grippa la nuque comme deux mâchoires de froid.

Derrière les parois de son crâne, le garant de sa Tranquillité déjà affaibli par les récents événements se mit à la supplier de ne pas y faire attention, de faire celle qui n'avait pas compris et de se reporter sur plus urgent en oubliant ce garçon perdu – c'était à Peter Pan de s'en occuper, personne d'autre – mais elle n'y parvint pas. D'aussi loin, elle distinguait mal cette silhouette égarée parmi les tombes, ce petit humanoïde dont elle se demandait si la trace épaisse qu'elle avait aperçue sur ses cervicales était moche et bien ce qu'elle songeait, et il lui était impossible de mimer l'aveugle ou l'idiot. D'un geste nerveux, elle retourna pourtant s'accroupir devant son protégé, la voix fleurie d'une infime tension : « Warren, écoute-moi. Elle... Elle a vécu ici, elle est restée. Elle est là, alors... Alors p'têt' qu'elle a eu des enfants aussi, et qui sont restés, et ses enfants ont eu des enfants, et... Tu vois c'que j'veux dire ? Elle est peut-être encore là, en un sens. J'dis pas qu'c'est vrai, mais rien n'prouve que c'est faux non plus... S'il y avait une chance pour que tu la r'voies, même minuscule, tu la saisirais ? » L'espoir fait vivre, comme on dit. Mais pour rendre de la vitalité au blondin, pour souffler sur les braises noyées d'agonie, Ruben était prête à sacrifier son ordinaire, voire à s'improviser détective privé – Céphalantère, mon cher Grayson. C'est un tort de penser que les choses n'existent plus ; il reste toujours des traces, des miettes de destin qu'il faut récolter pour en recomposer des nuances, en dessiner des contours, même floutés, car les choses n'existent plus seulement si on les oublie. Le souvenir, croyez-le, possède une étonnante faculté de solidification.

Puis elle reprit, un degré plus bas en dépit de la muraille déjà créée par la distance : « Le gars, là-bas, il est bizarre. J'crois qu'il est comme toi... Enfin, d'Avant, aussi. » Oh, il était peut-être Evolve aussi, même si en ce cas il était comme eux, mais sur ce détail, Ruben ne se prononça pas. Il était encore trop tôt pour en être certain, et plusieurs particularités gênaient le prognostique de la jeune femme, à commencer par la solitude du garçon. Les informations médiatiques, dont le talent reconnu consistait à assombrir les zones éclairées, n'avait pas fait mention d'un second arrivage d'Anciens, ce qui supposait qu'il était là depuis quinze jours au moins ; mais tout seul, livré à lui-même ? Était-il passé par la case enregistrement avant de se retrouver aux portes du Tartare, comme l'avait fait deviner son attitude ? Et comment avait-il survécu, dans un monde où faire la manche relevait de l'archaïsme le plus inutile puisqu'il n'était plus possible que d'abandonner aux clochards son doggy-bag à la sortie d'un restaurant ? Il était peut-être juste fou, complètement dérangé en plus d'être perdu. Mais depuis quand les asilés s'exprimaient-ils avec une telle lucidité ? En se redressant, l'herboriste s'arrêta une nouvelle fois sur lui, réprima un pressentiment qui lui secoua l'échine et s'en remit à la décision de Warren pour ce qu'il convenait de faire ensuite.
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Malus
Malus
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14.08.14 12:27
La douleur.
Elle est là, plantant ses griffes acérées dans le cœur du garçon blond. Seul – il est totalement seul au monde. Plus rien ne demeure – juste de vagues souvenirs ancrés au creux de sa mémoire, fragments d'un passé désormais révolu. Rien ne les fera revenir et il le sait. Et un barrage se rompt en lui, déversant ses flots tumultueux au sein de l'esprit du blond.


Warren, pour tes deux prochains messages, ton pouvoir est désormais totalement hors-de-contrôle. Il se manifeste sous l'apparition impromptue de flammes autour de toi, rendant tout approche quasiment impossible. Pire – si personne ne réagit à temps, tu risques de mettre le feu à quelque chose... Ou quelqu'un.
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Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
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15.08.14 1:25
Le fond était encore plus sombre que tout le flot traversé, que les eaux dans lesquelles il s’était laissé couler sans parvenir à surnager. Il s’y était posé en douceur, au ralenti et , sans un bruit si ce n’était celui de ce qui se brise, de ce qui éclate en milles morceaux minuscules et impossible à recoller correctement sans en omettre quelques uns. Un son unique et pas aussi assourdi que le sang qui lui rebattait les tempes, lui prouvant qu’il était toujours en vie malgré tout. Son cœur ? C’aurait pu être lui, éclaté d’une flèche malsaine de regret, empoisonné de remord aux griffes plantées dans le petit ventricule sans vergogne depuis qu’il avait réussi à s’extirper de l’enfer.  Assis, sur des jambes faibles ou le visage contre terre, plus rien n’importait, qu’on l’ai maintenu vif et debout ou qu’on ai coupé ses fils pour le laisser embrasser la déchéance, qu’importait maintenant. Plus rien n’avait d’importance, de toute façon.. Il avait mal. Mal à l’intérieur, cage thoracique refroidie glaciale polaire même, remplie à ras bord de peine et de larmes salées qui tanguaient comme le monde autour du pyrurgien, plus vraiment sûr de se supporter physiquement pour quelques temps. Totalement rompu à l’extérieur de toute manière, recouvert sur trop de centimètres carrés de gaze et d’espoir fleuri de guérison, malheureusement inefficace. Pantin accablé, clown éploré, abîmé dans le désespoir qu’il ne traversait que comme dans un rêve, les voix du salut lointaines et si légères qu’il n’y prêtait même pas attention, pas plus qu’à sa propre survie.

Contrairement aux jours précédents en dent de scie, oscillant entre hauts plus ou moins vaillants et bas retenus à bout de bras écorchés et grands cris apeurés, la pente ne semblait pas prête à être remontée, une fois qu’on s’y arrêtait. Et soudain, ce fut tout, fin du spectacle, spectateurs scotchés choqués et artistes en berne ; le blond lâcha prise comme un trapéziste résigné ne se souciant pas du filet inexistant en dessous de son saut de l’ange. Au sommet de sa colère le fauve ressortait, toutes griffes dehors et volonté de fer, au plus profond de l’abysse prostré l’effet était similaire et bien plus pervers. La douleur atteignit enfin le centre de tout, défonça l’ultime rempart et frappa sans pitié.

Toujours assis et presque recroquevillé sur lui-même, pas un son ne lui échappa d’abord. Sautant l’étape fumigène, annonciatrice de danger, le pouvoir zappa presque la case d’odeur charbonnée pour laisser le phénix déployer vigoureusement des ailes dangereuses dans le dos de son propriétaire : plus de cran de sûreté ni aucune maîtrise pour son Don explosif qui prit les commandes pour se déchaîner. Les flammes embrasèrent brusquement tout à leur portée : le tissu de son pull prit feu en premier, et autour l’oxygène s’embrasa plus vite que de l’essence, créant des oriflammes brûlants autour de Warren, repoussant Ruben d’une bulle de chaleur préventive, prêts à partir à l’assaut du moindre combustible supplémentaire –fleurs réelles ou en plastique qui donnèrent et une odeur atroce à la scène et une épaisse fumée noir, tout comme les plantes, ou juste le pauvre humain à l’origine de l’incendie, coincé dans une cage instantanée et cuisante. L’intensité du feu grimpa sans crier gare, spectaculaire d’abord, dangereux surtout, reconnectant bien trop lentement l’adolescent avec la réalité, l'isolant à coup sûr de toute approche par un voile enflammé infranchissable, doublé d'une température infernale ; il se protégea vaguement le visage, sa peau pour un temps épargnée grâce aux couches de vêtements et de bandages mais pour peu de temps. Ses cris apeurés ne couvrirent pas le vacarme de l’embrasement qui prit une proportion démesuré à l’image des flammes qui dépassaient sa taille, laissant un champ brûlant conséquent autour de lui mais menaçant surtout les deux autres personnes alentour, embrasant le cimetière autour d’un foyer blond totalement hors de contrôle. Dépassé par le dérapage imprévisible, il ne put rien faire d'autre que subir, totalement effrayé par l'ampleur de la chose et inefficace.

L’océan avait laissé place à l'Enfer, débarqué par la grande porte, éclatant et féroce, enfumant le ciel de suie et prêt à ameuter tout le monde.
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Shane Treazler
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26.08.14 17:07
Égaré, enfermé, il ne sortira plus jamais ; Égaré, enfermé, cette fois-ci il est fait…
Si des mélodies déformés mais douteuse lui résonnait en tête, ce n’était pas dû à un regain d’humour soudain, ni à une quelconque joie qui aurait pu lui traverser l’esprit. Non. Il s’agissait là d’une ultime et frêle défense. Le besoin de penser à autre chose, de faire travailler son esprit sans pour autant pouvoir se décrocher de son malheur. Shane voulait abandonner, s’abandonner, oublier tout simplement, lâcheté prononcée pour ne plus souffrir le martyr. De tout son être il aurait préféré être battu, dépouillé, écorché si cela pouvait lui éviter l’annihilation psychologique. Une blessure physique se soigne toujours. Un trauma de l’âme, jamais.

Le jeune garçon restait là, abasourdi devant un mémorial à la fois orné et, pour lui, vide de tous noms. Il ne savait plus que faire, il ne cherchait plus quoi faire. État léthargique pour un corps en vie, mais un homme mort. Les séquelles n’étaient que trop grandes, si rien ne se produisait, si tout le délaissait, il savait que c’était en ce lieu que ce finirait sa courte existence… Seulement, les choses ne devaient sans doute pas en être ainsi… Pas encore… Une flammèche… Petite étincelle rougeoyante voletant devant lui et se reflétant dans ses yeux mornes. Une réaction, instinctive, infime. Un mouvement de pupille, bref, instantané, se perdant dans le néant, ne changeant aucunement la toile de la scène. Puis la sensation de chaleur, léger mouvement du doigt, preuve de l’existence de l’humanoïde encore assis. Finalement la difficulté à respirer un air de plus en plus sec. Enfin une excuse suffisante pour tourner la tête et découvrir l’étendue des dégâts.

Soudain, ce fut la prise de conscience. Shane devina au loin le jeune garçon qu’il avait vu. Deviner était le mot, perdu au milieu d’un brasier d’une violence inouïe persistait une forme indistincte refermée sur elle-même. Non loin de cette forme, plus distincte était la femme qui lui avait hurlé de s’éloigner. Un prétexte suffisant à oublier ses ennuis. Repousser l’échéance du désespoir, gagner le luxe de penser à autre chose de plus urgent. Le jeune garçon tenta de bondir sur ses jambes, mais celle-ci flagellèrent et le ramenèrent directement au sol. Allongé à plat ventre, le petit brun ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il n’avait jamais souffert de spasmophilie auparavant, mais la situation avait bénéficié de sa faiblesse et les crampes parcourant ses cuisses l’empêchaient de faire le moindre mouvement. Un regard panique pour le brasier qui lui faisait face, il voulait intervenir mais la tétanie le paralysait. Prenant une profonde inspiration pour tenter de calmer son affolement, il se redressa sur ses bras et lança sa tête en direction du sol. Le choc qui suivi l’étourdit littéralement au point qu’il failli s’assommer ; mais la douleur qui se diffusa dans son cerveau lui permit de reprendre le contrôle de ses membres avec plus de rapidité que n’importe quelle cure.

Cette fois, il se rua dans la direction de la femme, déjà plus atteignable que le garçon. Les mains en parade à une chaleur de plus en plus étouffante, il fit ce qu’il put pour rejoindre sa cible. Arrivé à sa hauteur, il se fit entendre du mieux qu’il le pouvait au milieu du brasier.

« Qu’est-ce qui l’a mis dans cet ét… Qu’importe, il y a que vous qui puissiez l’aider ! Il faut le calmer d’une manière ou d’une autre ! J’vais tout tenter pour vous frayer un passage ! »

Shane ne pensait qu’à une seule alternative. En se servant de son pouvoir, il lui serait sans doute possible de balayer les flammes, permettant ainsi à la femme d’obtenir un passage suffisant pour parvenir jusqu’à l’incendiaire. Il serra fort le poing et le lança en avant de toutes ses forces mais… Rien ne se produisit. Le garçon resta planté, un instant, le bras en l’air. Que… Il refit la manœuvre, d’un mouvement rageur cette fois, mais il n’obtint pas plus de résultat… Il se laissa tomber à genoux en griffant le sol. C'est pas vrai ! Pourquoi dans un tel moment ?! Qu’est-ce qui m’arrive ?! Au fond de lui, le garçon savait qu’il ne pouvait faire comme si de rien n’était. Même si sa conscience parvenait à faire abstraction de sa peine, ses sentiments étaient toujours tournés vers ce qu’il avait perdu et il ne parvenait pas à les contrôler.

Pourtant, une partie de lui refusa de renoncer. Il ne pouvait rester les bras croisé à attendre en regardant l’enfer se propager. Jamais il n’aurait su se le pardonner. Il jeta un regard en arrière et se redressa avec toute la vigueur qu’il lui restait. Il tiendrait ses engagements envers la jeune femme, dusse-t-il y laisser sa vie. De toute manière, en l’état actuel des choses, elle ne valait plus grand-chose…  Il se rua sur le premier pot de fleur qu’il vit, en arracha la plante et jeta toute la terre qu’il contenait en direction des flammes. Dans un nuage de poussière, il priait pour que la force de ses efforts parvienne à recouvrir et étouffer les flammes. Il ne voyait pas d’autre alternative et s’il le fallait, il présenterait des excuses aux morts et à la famille, mais l’urgence de la situation prévalait, il continua donc son œuvre, l’esprit encore peu limpide.

« J’vous aiderai à le sauver, j’vous laisserai pas ! »

Ce hurlement… Se battait-il contre les flammes, ou contre son propre désespoir ? Et agissait-il pour ces inconnus, ou pour lui-même ? Shane l’ignorait encore, mais dans l'instant présent, cela n'avait aucune importance…

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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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15.09.14 22:13
À se promener insouciamment sur les bords du volcan, elle n'avait pas pensé qu'il se réveillerait avec une telle frénésie. Pendant des jours, elle avait couvé les fumerolles graciles qui s'échappaient du cratère, se réchauffant parfois la nuit contre cette cheminée sans suie ni charbon, et le feu endormi lui paraissait presque doux quand elle n'avait pas à voir les failles et les fissures qui en parsemaient la surface. Oh, ils avaient bien essayé d'alimenter la forge, pas plus tard qu'hier, mais ce n'avait été rien d'autre qu'un bref sursaut, un éternuement couleur soufre. Rien qui pût laisser croire qu'à cet instant, la montagne ferait éclater sa coque de pierre et fracasserait ses digues de rocaille. Elle ne la vit pas venir, trop inconsciente, trop idiote. Une éruption humaine. La secousse lui faucha les genoux, et elle eut chuté tête première dans la fournaise si un souffle brûlant ne l'avait pas rejetée en arrière, à la seconde même où la lave jaillissait devant elle. Un temps pour percuter, pour baisser les bras qu'elle avait levé en protection, et toute l'atmosphère s'était mise à ondoyer comme en plein désert, floutée par la chaleur dégagée dans l'épicentre du brasier, mais sans le soulagement d'avoir affaire à un mirage. L'horreur, elle, ne serpentait pas sur les flancs des dunes ; elle était réelle, palpable, atrocement concrète. Et Ruben, emportée par la peur à défaut de la foule, arracha de sa gorge le nom du garçon. Elle n'espérait rien d'autre qu'il l'entendît derrière sa forteresse rougeâtre, qu'il perçût l'appel du rivage et se tournât vers lui depuis sa barque. Mais dans l'épaisseur de la fumée, la côte n'apparaît qu'à ceux qui souhaitent y revenir, et elle doutait qu'il fût capable d'y songer avec lucidité. Elle-même ne parvenait pas à distinguer les contours environnants, juste ces vapeurs de fourneaux qui lui desséchait le souffle pendant que les ornements près des tombes flambaient dans un grésillement de plastique fondu. Dans l'effervescence, elle ne remarqua même pas le petit brun s'approcher.

L'herboriste assista dès lors, médusée, à l'intervention d'un héros en carton-pâte, dont l'inefficacité n'avait d'égale que sa théâtralité. Il n'y avait pourtant pas à lui en vouloir pour son inutile héroïsme ; la volonté qui émanait de ses gestes – assez bizarres de la part d'un étranger, il lui fallait bien l'avouer – suffisait à l'excuser, et Ruben n'avait pas le cœur de l'ignorer. Ses propres réactions n'étaient cependant pas des plus raisonnables, et plutôt que de le remercier, elle ne put que l'envoyer une seconde fois dans les ronces avec sa délicatesse habituelle : « Mais arrêtez ! Ça sert à rien c'que vous faites ! » Vrai, autant jeter des graviers sur un dinosaure ou scier un arbre avec un canif. La colère face à cette bêtise perçait dans sa voix qui n'était que détresse, et la plainte effrayée qui leur parvenait depuis le foyer d'émission ne faisait que rajouter à la panique qui s'était emparée d'elle. Ses paumes imprimaient en rouge la courbure des ongles qu'elle y enfonçait sans douceur. « Il va brûler ! » s'écria-t-elle une nouvelle fois, comme une échappée belle pour évacuer l'anxiété, avant de se précipiter vers l'extrémité de la rangée mortuaire, là où le gérant du cimetière avait eu l'amabilité d'installer un robinet assorti d'un tuyau afin que les visiteurs puissent arroser leurs plants. Le plus souvent, il restait inutilisé car personne n'aurait l'idée d'inonder les concessions crématoires, plus répandues désormais que les bonnes vieilles caisses souterraines et biodégradables ; si aucun badaud présent aux alentours n'avait le pouvoir de faire tomber la pluie ou de créer des tsunamis, c'était aux yeux de la jeune femme le seul remède possible à cet embrassement incontrôlé. L'urgence des événements se mêlait aux inquiétudes qui étaient déjà siennes auparavant, si bien qu'elle manqua de trébucher dans sa course, les cheveux en pagaille et l'œil fou, jusqu'au rouleau vert qu'elle agrippa.

Les toiles d'araignées, la rouille et la poussière ne suffirent pas à geler la fontaine ; elle eut beau grincer, râler, égratigner ces phalanges qui en actionnaient le mécanisme, Ruben n'avait cure de ces résistances. Le bruit de l'eau envahit le conduit alors qu'elle repartait déjà dans l'autre sens, façon pompier volontaire sans casque ni brassières, et qu'importe que le tuyau lui batte les jambes à chaque pas ou s'enroule autour de ses coudes, il allait mettre fin à l'incendie. Des exclamations commençaient déjà à s'élever ça et là près de l'église, des mouvements indéfinis de l'autre côté du grillage. Le spectacle rameutait le voisinage effaré, friand de fritures impromptues. Mais l'eau salvatrice mettrait un terme à ce remue-ménage, et ensuite ils s'enfuiraient vite, le plus loin qu'ils pourraient, ils se cacheraient en attendant que les recherches se tassent, que les gens les oublient, que les blessures se referment une nouvelle fois, peut-être plus lentement qu'avant encore, et tout irait bien. Hein, que tout irait bien ? C'est ce qu'elle désirait lui dire, à ce gamin né sous une mauvaise étoile, et aussi qu'il ne fallait pas qu'il meure, que ses proches n'auraient pas voulu cela, qu'ils auraient souhaité qu'il vive et qu'il soit heureux même si cela impliquait leur absence, qu'il lève la tête vers le cosmos et fasse un vœu à la première comète qui éclairerait ses ténèbres. Mais elle n'eut pas l'occasion de s'exprimer. Le désarroi se mit à ruissela entre ses doigts comme l'eau qui s'écoulait sur le sol, s'évadant de multiples trous dans le plastique. Elle n'atteindrait jamais les flammes, et cette découverte abandonna Ruben à son impuissance. Elle eut beau tirer sur le tube, le flux glissait sous ses semelles, éclaboussait ses vêtements et se répandait entre les dalles, mesquin. Le regard désespéré qu'elle jeta alors au brun trahissait la fuite de sa ténacité. Le garçon allait brûler vif et elle n'aurait rien pu faire. À moins de s'engouffrer à son tour dans le volcan. À moins de posséder une pilule bleue.
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tonight the foxes hunt the hounds
Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
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15.09.14 23:40
La chaleur à l’épicentre du brasier était quasiment insoutenable. Grimpant de minutes en minutes pour dépasser plus que largement les standards de canicule ordinaire et avoisiner la température interne d’un four. Piégé par sa propre capacité totalement hors de contrôle, le pyrurgien assistait aux premières loges au déchaînement de flammes qui grignotaient efficacement chaque mètre cube d’oxygène autour de lui, avant d’attaquer flore et ornements funéraires avec la même voracité. Le reste était pompé directement à la source, brûlant sa propre énergie et une partie de son oxygène, l’étouffant aussi efficacement par la touffeur ; à ce rythme-là, il succomberait aussi rapidement qu’une Jeanne d’Arc martyre, sans avoir pu prononcer le moindre mot tranchant ou le plus petit regret quand à ses derniers jours dans un monde qui ne voulait définitivement plus de lui. Pour la première fois depuis le début des évènements jusqu’à l’instant dit, Warren se trouvait totalement démuni face au tourbillon rageur qu’il avait lui-même initié, incapable de retenir ou de d’assécher le torrent flamboyant autant que d’aligner une pensée cohérente sur son probable décès rapide.

S’il avait eu le temps de voir fugacement les deux silhouettes du cimetière, ainsi que la présence d’esprit ou plutôt le réflexe désespéré de retenir quelques microsecondes l’enfer pour épargner la pauvre Ruben en la repoussant, tout lâcha prise sans prévenir. Fermant les yeux pour ne pas les voir fondre ou pire, hurlant de peur tout autant que de panique, il était incapable du moindre mouvement autre que celui de se protéger sommairement le visage, bras ramené vers lui, tentant d’offrir le moins de prise possible au feu traître qui osait dévorer son maître sans vergogne. Les larmes n’eurent même pas la chance de s’exprimer, totalement asséchées avant même de naître au cœur du bûcher, autant que son cri qui se stoppa net pour laisser place à une toux déchirante. Il n’était plus que peur et désespoir, les parfaits ingrédients pour faire déraper un Don trop puissant chez un humain trop instable. L’horrible sensation de sentir sa peau cloquer, la morsure de la flambée sur chaque parcelle accessible, les vêtements consumés laissant place à un maigre rempart de pansements déjà attaqués. Tout pour alimenter l’incendie, quitte à y laisser la peau et même les os ; la bulle éblouissante de l’extérieur dégageait une colonne fumeuse et noire visible au kilomètre, cachant au fur et à mesure le misérable humain condamné trop faible pour remédier à l’accident. Il aurait tant voulu leur crier de reculer, de l’abandonner, tout pour ne pas risquer de faire d’autres victimes en plus de sa personne, mais aucun son ne pouvait traverser la paroi vivace. Rendu sourd et aveugle, plus rien ne pouvait l’atteindre, ni les appels au secours, ni les sirènes au lointain, juste les craquements et grésillements d’une prison chauffée à blanc.

Consumé comme un fétu de paille trop maigre, ses genoux cédèrent en premier sur les graviers rendus braises éphémères, suivi non loin par ses bras soudainement trop lourds : en conséquence sa propre force vitale avalée sans merci. Peu à peu, ce qui lui restait d’énergie allait l’abandonner, ralentissant inexorablement l’avancée de la fournaise qui s’éteindrait d’elle-même quand son foyer ferait de même. Le simple fait de rester conscient le rendait inaccessible. Le feu était cette fois trop puissant pour qu’il puisse le maîtriser, la sensation était naturelle cette fois, l’attente était la seule issue valable ; la terreur de mourir son dernier accompagnateur. Il pouvait sentir les oriflammes lui lécher le visage, laissant des traînées fiévreuses et cuisantes sur sa peau quand il commença à lâcher prise. Les sirènes en nombre avaient déjà atteint la grille du cimetierre.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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16.09.14 20:12
Alors qu’il saisissait un nouveau pot de fleurs, prenant à nouveau soin d’extraire toute verdure de la terre, un hurlement inattendu retenti dans son dos critiquant les agissements du petit brun. Ce n’était pas comme s’il ne pouvait se rendre compte de l’absurdité de son comportement, mais plonger dans le « feu » de l’action ne servirait à rien, cela sentirai le roussi plus qu’autre chose… Non… Il ne savait pas quoi faire… Ses mains se crispèrent sur le pot qu’il n’avait pas soulevé, foudroyé par l’avertissement de la jeune femme. Mais au milieu de ce tourbillon de flammes, il avait besoin de cette colère qui déferla sur lui… Il avait besoin qu’on l’engueule comme le gamin qu’il était, il fallait qu’on lui ordonne, d’une certaine manière, de se calmer pour de bon.

Shane souffla en fronçant les sourcils et serrant chaque muscle de son corps dans l’optique d’extraire toute la tension qui s’était accumulée au sein de celui-ci. Sa mâchoire se resserra en entendant la panique dans la voix de celle qui était sa seule alliée face aux flammes, mais il n’esquissa pas un seul mouvement de plus. Relevant la tête, il vit simplement les efforts de celle-ci pour trouver une véritable solution. La clef de cette énigme fut révélée par l’apparition d’un tuyau d’arrosage relié à une source d’eau non négligeable. Cette dame allait pouvoir user de la puissance du jet pour écarter les flammes. Cependant… Shane n’eut pas l’occasion de soupirer de soulagement car rien ne sortit de l’extrémité du tube. La quantité astronomique d’eau qui se déversait ne venait de nulle part ailleurs que des multiples fentes qui bordaient la conduite. Il fallut du temps… Un instant pour comprendre que cet acte ne parviendrait pas à rétablir la situation… Un instant pour réaliser que la perspective se refermait… Un instant pour assimiler que cette solution n’en était pas une et que les compteurs étaient revenu à zéro…

Puis il y eu ce regard… Un regard de désillusion, des yeux qui se tournait vers le jeune garçon et qu’il ne savait comment soutenir. Son cerveau tournait à plein régime mais devant un tel brasier, il ne savait que faire, comment agir… Désemparé… Et il s’en voulait… Il avait été prétentieux de sa part de prétendre pouvoir opérer, certifier qu’il pourrait aider ses deux âmes en peine… Tout ça pour finalement baisser le regard devant celui de la personne qu’il avait tenté de conforter… Tu croyais quoi ? Ce n’est pas comme si tu pouvais affirmer être un super héros ! Tu entends ce gamin hurler de douleur ? Tu as vu l’état dans lequel tu as laissé cette inconnue ? Mais tu ne peux rien faire ! Pas plus que tu n’as pu éviter de subir la mort de tous ceux auxquels tu tenais ! Comment vas-tu faire maintenant pour te faire pardo…

« La ferme ! »

Si Shane venait de hurler ces mots à plein poumons vers le ciel, il ne s’en était pas rendu compte. Pour achever sa situation mentale, il gifla ses deux joues de toutes ses forces, perdant légèrement pied avant de secouer la tête. Il devait y avoir une solution, un moyen de s’en sortir ! Et même si des sirènes se faisaient à présent entendre, peut-être mettraient-elles trop de temps à intervenir pour sauver la vie du jeune garçon. Shane s’aperçut alors que l’incendie diminua d’un cran… Non… La source du feu venait de s’éteindre. Il s’agissait peut-être là de sa seule occasion. Le mur de flamme était toujours présent, mais passé celui-ci, si l’on bravait la chaleur et la fumée, le jeune homme était atteignable. Shane ne se fit pas prier. Il s’empara du plus gros pot qu’il avait précédemment vidé avant de se ruer sur le robinet et d’en arracher le tuyau. Il plongea alors littéralement tout son corps sous le liquide pour être recouvert d’humidité, ses cheveux retombant devant ses yeux. Il posa alors le pot sous le robinet pour le remplir à ras bord, tournant la tête vers la femme.

« Qu’est-ce que vous faites ?! Dépêchez-vous de m’imiter ! »

N’importe qui était apte à comprendre en quoi allait se résumer la suite des évènements et n’importe qui était capable d’admettre que ce n’était que pure folie. Mais avec le peu de moyen du bord, était-il de toute manière permis de procéder autrement ? Alors, ce qui devait arriver arriva…

Shane ne fit pas attention si la jeune femme le suivait ou non, il courra tout simplement vers le feu qui persistait. Naviguant le plus possible entre les étincelles, assez grande pour prétendre être petits-enfants de l’incendie du Waldo canyon, qui, malgré toute la fraicheur que lui avait procuré l’humidité, commençait à faire perler sa sueur. Il garda son seau improvisé jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible d’avancer, le vidant au milieu d’un mur de flammes. Il lâcha alors ce qui ne faisait plus que l’encombrer et plaqua sa manche contre son visage pour ne pas s’intoxiquer avec la fumée. Malgré cela, la touffeur lui emplissait les poumons et il peinait à respirer correctement. L’humidité qui l’avait couvert n’était presque plus qu’un doux souvenir laissant place à l’atmosphère des enfers. Prenant soin de se mettre le plus proche de terre possible, il combla, malgré tout, la faible distance qui le séparait encore de la silhouette affalée au sol. Posant une main sur l’épaule du garçon, il la retira vivement en sentant la chaleur qui se dégageait de son corps. Il faut à tout prix le mettre hors de danger ! Shane comprit alors son erreur lorsqu’il chercha du regard sa précédente alliée. Il ne pourrait s’en sortir seul…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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17.09.14 18:26
Était-ce l'eau de son corps, de ses yeux ou bien de la fontaine qui lui dégoulinait ainsi sur le visage ? Elle mourrait pourtant de chaud autant qu'elle tremblait de froid, les poumons consumés et les os gelés d'effroi, et chaque seconde de plus immobile accentuait cette sensation d'être cryogénisée sur un lit de braises. Elle l'avait connu quelques mois auparavant déjà, cet effet de ralenti, ce moment où la chair se détache de l'esprit pour ne lui laisser que l'exact opposé de ce qui doit être ressenti ; la lente fragmentation des sens, comme un décalage cérébral entre la cause et la conséquence. Alors que l'incendie éclairait son épiderme de rougeurs désagréables, son moi profond s'enfonçait toujours dans les glaces, la lueur dans ses iris pour seule étincelle. En surface, elle n'attendait rien de l'étranger qui la regardait en retour, tout aussi inutile qu'elle quoique plus fou néanmoins, et surtout pas une crise de démence inopinée. Cela tombait extrêmement mal et, quelque part, elle en éprouva une certaine irritation, comme s'il s'adressait à elle en lui hurlant de la fermer. Elle n'avait pas ouvert la bouche cette fois-ci, et s'il souhaitait lui répondre par rapport à l'ordre précédent, c'était un peu tard pour s'y mettre ; à moins que sa lenteur ne s'expliquât par le fait qu'il fût simplet. Il fallait forcément être au moins un peu dérangé pour se frapper ainsi, à en perdre l'équilibre. Heureusement pour lui qu'il n'était pas le centre d'intérêt, sans quoi il aurait pu devenir l'objet d'inquiétantes messes-basses. Pendant ce temps, autour d'eux, quelques visiteurs situés à distance respectable s'étaient mis à filmer les événements au moyen d'enregistreurs holographiques et l'entrée du cimetière s'était transformée en parking pour soldats du feu, et pas que. Même un miracle n'aurait pas suffi à les tirer d'affaire.

Ce ne fut pas la paralysie qui empêcha Ruben d'imiter le petit brun, pas plus que son manque de témérité. Elle l'observa toutefois agir, totalement à côté de la plaque, et la pensée de le voir cramer à son tour déboula dans son crâne dès qu'elle le vit plonger dans le rideau ardent avec son pot débordant. Toutefois, elle eut beau lui crier de revenir, elle savait qu'il ne pouvait pas l'entendre – peut-être ne le voulait-il pas non plus – et qu'il lui incombait de partir à sa rescousse, au risque de récupérer deux brochettes pour le prix d'une. Il s'était jeté tout entier dans la gueule du dragon, sans protection aucune, et il s'imaginait en ressortir intact version Iron Man même pas peur ? Les super-héros n'existaient pas, même avec des super-pouvoirs. D'ailleurs, quand on parle du loup, on en perd la fourrure, et l'herboriste comprit soudain que ce liquide sur ses joues n'était ni de la sueur ni des gouttes d'eau. Levant une main pour en essuyer les traces, elle récolta sur ses doigts des grumeaux rougeâtres, humides de lymphe, devinant sans peine qu'elle venait de s'arracher une plaque de peau sur la longueur de la mâchoire. Ce constat l'effraya plus que de coutume : jamais elle n'avait été atteinte à la tête lors des manifestations du contrecoup, et voici qu'elle était désormais aussi dangereuse que le feu lui-même. Si ce n'était pas ce dernier qui tuait les deux garçons, ce serait elle ; sa figure cuisait sans que le feu n'en soit responsable. Finalement, la dead end portait son nom à merveille. Est-ce que Judy lui avait donné la capsule pour une situation comme celle-ci ?

« Écartez-vous ! » s'exclama tout à coup une voix dans son dos, aussitôt suivie d'une vague qui déferla à deux centimètres d'elle, droit sur le bûcher. Les flammes hurlèrent dans un nuage de vapeur, terrassées par l'ondin qui les inondait sans vergogne ; deux pompiers tenaient des lances tandis qu'un troisième fit signe à un groupe de rapporter une civière. L'un des hommes criait à ses collèges par-dessus le vacarme des pompes, comme s'il se parlait à lui-même : « On nous avait prévenu qu'un gars avait foutu le feu au cimetière, mais j'aurais jamais cru qu'il s'était foutu dedans avec ! » Alors ils semblèrent réfléchir un instant, puis leur supérieur refit un geste de la main, brailla une sorte de « Il y en a un deuxième avec lui ! » et l'un des porteurs repartit en courant vers le camion pour récupérer un second brancard. Le bruissement du feu à l'agonie remplissait Ruben d'anxiété ; dans quel état retrouverait-elle les adolescents ? Warren était-il toujours en vie ? Elle n'entendait plus aucun son, plus aucune supplique autre que celles des plantes qui noircissent et expirent aux environs. Bien engoncés dans leur tunique, casque et cagoule vissées sur la tête, les sapeurs n'avaient pas à craindre la toxicité de l'herboriste. Ils ne la remarquèrent d'ailleurs même pas, si ce n'est la femme qui lui prit le bras pour l'amener à l'écart ; la toux qui lui saisit bientôt les bronches l'obligea à la confier à un collègue plus loin, qui à son tour se mit à se racler la gorge de manière excessive, et l'Evolve, que ce trimbalage néfaste angoissait de plus en plus sans qu'elle ait la présence d'esprit d'en expliquer à voix haute les raisons, commença à paniquer pour de bon. Elle avait perdu de vue les deux autres, maintenant pris en charge par les secours alors que le feu terminait d'être maîtrisé.

« Laissez-moi ! » implora-t-elle auprès de l'homme qui lui passait ses plaies au scan. « Lui faites pas d'mal, c'était pas d'sa faute ! » Mais le pompier ne comprenait rien à ces prières ; tout ce qui l'embêtait était cette fille se débattant sous son nez, avec cette drôle d'odeur qu'il ne définissait pas, et son incapacité à la faire se calmer malgré les demandes qu'il lui adressait. Tout ce qu'il voulait était la soigner elle aussi, bien qu'il ne s'expliquait pas pourquoi elle ne souffrait pas de brûlures mais seulement d'épaisses égratignures sur les joues et le front, mais il sut très vite qu'il n'y parviendrait pas tout seul. Son souhait fut cependant aussitôt exaucé au moment où deux Erasers débarquèrent sur les lieux. Mais leur présence si redoutée aux yeux de Ruben poussa l'herboriste à se démener davantage. S'ils trouvaient Warren, à coup sûr elle ne le reverrait plus.
« Laissez-nous faire, monsieur. » Le ton sec n'invitait à nulle discussion, et l'adulte ne se le fit pas dire deux fois avant de s'éloigner, la trachée soudain prise par une étrange quinte de toux. La brune se savait au bord du gouffre. Elle ouvrit les lèvres pour se défendre, mais une paume levée devant son nez l'arrêta dans son mouvement. « Mademoiselle, reprit le milicien, êtes-vous en mesure de stopper votre don tout de suite ? Il en va de la sécurité des personnes qui travaillent ici, et du bon déroulement des secours. » La réponse tombait sous le sens. S'ils n'avaient même pas eu à connaître son identité ni les symptômes de son pouvoir pour en déceler l'activation et la dangerosité, c'était parce que sa réputation la précédait dans toute la ville. Un jour peut-être, elle aurait même droit à son nom dans un dictionnaire, rubrique criminalité. Pour l'instant néanmoins, rendue muette par l'émotion qui lui mouillait les cils, elle ne put que secouer la tête. « Très bien. Sachez que nous faisons cela pour le bien de tous, y compris le vôtre. » Alors une peur brute s'alluma dans ses prunelles. Un dernier sursaut, un dernier réflexe pour fuir, pour s'esquiver, mais ils furent plus rapides qu'elle. Un hoquet jaillit de sa bouche, son ventre s'électrisa, et le monde ne se réduisit plus qu'à un lointain parfum de cendres.
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tonight the foxes hunt the hounds
Warren C. Grayson

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Warren C. Grayson
tonight the foxes hunt the hounds



18.09.14 15:24
La tempête enflammée décroit aussi soudainement que la conscience de son instigateur; le pyromane lâche finalement prise, perdant la guerre d'énergie. Les flammes continuent de dévorer tout ce qui se trouve à leur portée, même en perte de puissance ; la marée salvatrice des pompiers qui vient submerger une partie du lieu efface les dernières traces du drame, ne laissant qu’un champ de bataille noirci à la faune carbonisée, aux tombes carrément entamées, aux idoles angéliques à moitié fondues et maintenant funestes. Une contrée d’apocalypse, une rive de Styx où la fumée noirâtre et sinistre fait place à des colonnes de vapeur beaucoup moins dangereuses. Les secours et autorités compétentes se démènent vers l’épicentre de la catastrophe, se précipitant vers les trois témoins de la scène ; la première est emmenée sans ménagement malgré ses protestations, sujette à une scarification spontanée loin des brûlures qu’on aurait du lui trouver si proche de l’incident. Sa clameur se fond sans mal entre les sirènes assourdissantes et les ordres braillés dans l’urgence, aussi facilement que le dernier son qui lui échappe quand elle est réduite sans merci à l'impuissance. L’eraser coupable n’a même pas une once de culpabilité, laissant le secouriste le plus proche s’occuper de l’élément critique sans même lui jeter un regard ou attraper celui, accusateur, du soigneur qui prend pitié de la pauvre jeune femme; après tout, il n’a fait que son travail. L’empoisonneuse présumée aura tout le temps de lui en vouloir pendant sa longue attente en cellule d’interrogatoire.

La seconde victime, hagarde mais consciente, est rapidement dégagée, interrogé dans l’urgence de son état de santé, analyses primordiales et premiers soins mineurs à l’appui : une seule plaie cuisante à déplorer, et un état de choc sévère apparent, mais une mise hors de danger définitive. Il a eu de la chance, annonce l’un des pompiers au second qui supporte la civière finalement vide hors de la scène, t’as vu le carnage autour ? Il n’a pas tord, après tout, quand est mesuré le rayon d’action du brasier. Les autorités compétentes auront au moins un deuxième témoin direct plus enclin aux explications ; le second Eraser appelé en même temps que les secours a vite fait de l’identifier froidement, sans pour autant obtenir plus de réponses à ses questions que son collègue. Après tout, il ne connaît pas les deux autres et n'a pas vu grand chose qui puisse réellement aider. Aucune raison de l'embarquer, il est soigné sur place et laissé à son compte -il sera interrogé plus tard au besoin. Voyant ici une voie sans issue, l'officier finit par s’intéresser au troisième et dernier protagoniste, retrouvé exactement au centre du brasier. Immolé volontaire ? Protestant quelconque? Terroriste ? « Evolve » délictueux, plus probablement.


Son pronostic vital est directement engagé quand il est examiné malgré la vapeur qu’il dégage, détrempé par le torrent qui a soufflé la fin de sa colère incontrôlable; souffle proche de l'inexistant et pouls extrêmement faible, l’asphyxie manque d’avoir finalement raison de l’inconnu méconnaissable plutôt que le feu lui-même. Les secouristes recensent rapidement des brûlures en nombre et disparates, les vêtements éliminés voire soudés par endroits à sa peau, des maigres restes de bandages qui l’ont protégé sommairement en quelques endroits. Oxygéné d’urgence et évitant une réanimation cardiaque, les pompiers restent plus perplexes quand à son état mélangeant stigmates (certaines cautérisées) ou infections en nombre et anciennes ainsi que des brûlures plutôt peu graves ou étrangement placées considérant où il s’est trouvé pendant le déchaînement ardent. Un cas plutôt inédit que dérangeant, qui leur en apprendra plus s'il survit. Comme si le feu l’avait plus ou moins épargné. Le dernier fil qui pouvait le relier à la vie terrestre est finalement ignifugé mais actuellement plus dangereusement tendu qu'autre chose. Le poil roussi et la suie rendent son identification primaire presque impossible -lui qui ne ressemble plus à son propre portrait de Disparu depuis son retour de torture. Évacué dans le même rush, l’Eraser présent n'a pas le temps d’essayer de l’identifier malgré ses protestations pour avoir place nette devant les secouristes en faisant miroiter son rang ; ceux-ci ne cèdent pas, professionnels engagés avant tout, goûtant peu de laisser un militaire zélé chercher un microcircuit sous tant de souffrance apparente. Le fonctionnaire rageur embarque donc dans l’ambulance en rongeant son frein, l'éloignant de ses deux compagnons d'infortune. Une partie du cortège hurlant quitte les lieux du crime en direction de l'hôpital avec le John Doe présumé, laissant une poignée d’intervenant s’occuper de l’entourage et de la scène. Ne reste que les deux evolves fichés, la jeune femme laissée aux bons soins du plus jeune un peu sonné.

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evolve
Shane Treazler
Shane Treazler
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21.09.14 13:53
Jamais Shane n’avait autant maudit sa carrure en relevant le crâne. Elle n’est pas là ! Lorsque la réalisation fatidique germa dans son esprit, il était déjà trop tard pour penser à faire demi-tour… Accroupi aux côtés de l’adolescent, en plein centre des flammes, ce n’était pas la première fois que la situation s’avérait aussi périlleuse pour le jeune homme. En revanche, il était bien plus rare pour lui de ne rien parvenir à penser pour s’en sortir. Le garçon n’était pas aussi brûlant que ce qui les entourait, mais sa température était encore bien plus élevée que la moyenne pour un corps humain…

Mais le temps n’était plus à la réflexion, il était bien trop tard pour ça. Shane agrippa les bras du garçon, et de toutes ses forces, il tenta de le trainer au sol pour le dégager des flammes. Il fit un pas. Puis deux. Mais dès le troisième, une sensation bizarre s’empara de son esprit alors qu’il sentait ses jambes se défiler sous ses pieds. Pris d’une toux comme il n’en avait presque jamais eu, il se retrouva balancé au sol, la tête dans le floue, ne sentant même pas la brûlure qui se formait sur son bras gauche bien trop près des flammes. Alors que le monde semblait happé par un rideau blanc, Shane sentit alors des mains se greffer à ses membres pour le placer sur un lit ballottant. Peu de temps après, la température redevenait viable et tout un tas de personne semblait s’attrouper autour de lui. Il sentit vaguement une douleur lointaine sur son bras, puis une sorte de froid salvateur se diffuser. On lui prit alors la tête que l’on souleva, et, une seconde plus tard, ses poumons s’emplissaient d’une nouvelle fraicheur. Sa vue sembla alors se rétablir et il put enfin apercevoir les sauveteurs ainsi que le masque à oxygène qu’on lui avait placé sur la bouche. Shane attendit de sentir à nouveau le contrôle qu’il exerçait sur son corps avant de se redresser faiblement. Les personnes en blanc qui l’entourait semblaient vouloir le pousser à rester allongé, mais, à l’aide d’un geste aussi vigoureux que le réflexe d’une tortue asséchée, il repoussa les mains qui se plaquaient sur ses épaules.

« Laissez-moi, je ne veux pas partir d’ici ! »

Hurla-t-il d’une voix que même une fourmi n’aurait pas jugée intelligible. Voyant que cela ne servait à rien, il se retourna sur le ventre avant de ramener ses jambes dans le creux de son estomac en poussant sur ses bras, se moquant bien de la panique ancrée sur ceux qui l’entouraient. Il aperçut alors seulement le pansement blanc qui lui recouvrait la quasi-intégralité du biceps. Loin de s’en soucier, encore sous l’emprise d’anesthésiant sans le moindre doute, il poussa sur ses frêles membres de manière à tenir debout. L’ensemble de l’équipe médicale semblait toujours vouloir lui faire barrage, mais les erasers restant firent signe de s’écarter. Rien ne servait de s’occuper d’un evolve buté et cela pourrait potentiellement causer plus de problèmes qu’en résoudre. Après quelques objections qui ne trouvèrent pas de réponses, l’ensemble de l’équipe qui s’était déplacée jusque-là repartit d’un mouvement commun, laissant quelques curieux derrière eux. Shane remarqua alors la jeune femme qu’il avait déjà reconnu, étendue par terre laissée à même le sol. Sans doute elle aussi avait-elle fait de son mieux pour son compagnon... Le garçon se laissa alors retomber de tout son poids juste à côté d’elle pour se mettre en position assise. Plaquant une main sur son front, il tentait de récupérer un peu de consistance dont il avait besoin. Il attendit patiemment que la belle au bois dormant daigne ouvrir les yeux. Son rôle s’achèverait une fois qu’il aurait avertis la dame du lieu où elle pourrait récupérer ce qui semblait être son petit protégé… Personne ne méritait d’être séparé de ceux qu’il aimait… Personne…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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21.09.14 21:16
Elle déteste. Ce tressaillement dans ses membres, cette rouille contre ses dents. Le noir dans lequel elle patauge, elle déteste. Quelqu'un frappe des casseroles sur les parois douloureuses de ses tempes, là où un banc lisse a recueilli son crâne. L'atmosphère écrase comme une soupape, basse et lourde dirait le poème, et dans cet eigengrau où évoluent d'âcres parfums, elle peine à ouvrir les paupières. C'est qu'une souffrance électrique lui vrille la cervelle obstinément ; elle  secoue l'herboriste pour lui dire réveille-toi, réveille-toi vite, mais c'est plus facile à ânonner qu'à exécuter ; elle aimerait bien l'y voir. L'impression d'être en papier-mâché appartient aux pires sensations qui soient, surtout si l'on y ajoute un sentiment confus de peur et de rage. Et quand elle ouvre la bouche, elle semble grommeler quelques phrases obscures droit venues de son inconscient dans le cirage. Elle revoit le décor dont les températures ont détruit la netteté, dont la fumée a recouvert la clarté ; les exclamations proférées par n'importe qui, le tournoiement des sirènes et la précipitation des uniformes se déployant autour de la scène. Au fond de sa rétine, les images se mettent à crépiter tandis que la bande-son, elle, demeure identique. Un hurlement jailli des flammes qui recouvre tout. Il devait être tellement terrifié, seul là-bas, à ne plus savoir comment arrêter cette tornade qu'il avait déclenchée. Il a dû se voir mourir. Et elle n'a rien pu faire pour lui porter secours. « Warren. » Le nom heurte la pierre sous son visage sans y jeter d'écho ; pourtant il résonne encore dans sa gorge tandis qu'elle se redresse d'un geste lent, alourdie par l'impact de l'arme contre son estomac.

Cette partie du cimetière s'est davantage assombrie en quelques instants qu'en des années de deuil consécutives. Dans un périmètre désormais clôturé par des bandes réfléchissantes, les sépultures ont pris une couleur terre d'ombre et les herbes se sont désagrégées en suie. Une demi-douzaine de pompiers balisent encore les environs, éteignent les dernières fumerolles et récupèrent les plaques et ornements qui n'ont pas subi trop de dégâts. Aucun d'eux ne porte attention aux deux silhouettes à l'écart, mais cela arrange les concernés. D'un revers de la main, Ruben se frotte le visage avant de se rappeler qu'elle a perdu une pellicule de derme, même si la torpeur qui l'étreint lui fait oublier de grimacer sous la brûlure. Cependant, quand bien même il lui en faudrait plus pour lui tirer des larmes, elle les sait poindre dans ses yeux pendant qu'elle contemple l'ampleur du cataclysme. « Ils l'ont emmené, n'est-ce pas ? » interroge-t-elle dans le vague, pour personne plus que pour son insolite compagnon, sans espérer de véritable réponse. Elle sait. C'est suffisant. Elle ne le connaît pourtant pas depuis bien longtemps, ni aussi bien que l'on pourrait s'y attendre, alors pourquoi a-t-elle l'impression qu'on lui a sorti le cœur de la poitrine pour l'éclater au sol avec un marteau ? Elle ne daigne même pas se tourner vers le petit brun qui patiente à ses côtés, se contentant de fixer ses pieds sans qu'aucun sanglot n'ait l'audace de briser sa voix ; l'indifférence comme barrière protectrice et le néant dans ses iris.

« Ils vont l'soigner, dit-elle pour s'en convaincre. Ils vont prendre soin d'lui. Il ira mieux, mieux qu'avec moi. Et après... » Après, ils lui poseront une montagne de questions, le traiteront de dégénéré et de monstre incontrôlable, ils le puceront sans scrupule aucun, lui liront ses droits d'Evolve en prenant un malin plaisir à lui avouer que sa liberté trône maintenant dans les poubelles, et peut-être même qu'ils l'enfermeront le temps de purger une peine pour pyromanie et mise en danger de la vie d'autrui, avant de finalement le relâcher pour en faire le parfait clochard. Dans le meilleur des cas. Il serait sauvé, certes, mais durant combien de temps ? « Il sera perdu. Il connaît pas c'monde, c'est pas l'sien. » Les mots se sont écoulés derrière les mains qu'elle a plaqué contre sa figure. Ses coudes posés sur ses genoux, elle n'ignore pas que se voiler la face ne changera rien à la réalité qui attend le blond à l'angle de l'hôpital. Lorsqu'ils découvriront que c'est un Ancien, un Disparu, il pourra faire ses adieux à cette invisibilité salvatrice qui, jusque là, fut un cocon pas si désagréable.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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22.09.14 15:25
Peu de temps c’était finalement écoulé, depuis que l’enfer avait presque ravagé l’amas de tombes. Pourtant, les pompiers avaient faire un boulot plus que conséquent. Le crépitement des flammes n’était plus, de la braise ne restait plus qu’un vague souvenir, disséminé ci et là. Le périmètre était bouclé autour de la suie qui demeurait et la foule se dispersait calmement dans un dernier murmure. Murmures… C’est ce qui arracha Shane à sa contemplation et le fit tourner la tête vers la jeune femme qui devait-être en train de se réveiller. Il entendit un nom, il ne sut pas vraiment ce qu’il devait en faire, sans doute l’attribuer au disparu, sans grande certitude. Simple supposition. A l’instant où la femme se releva, Shane ne fit pas un mouvement pour l’en empêcher, mais il se sentit obligé d’adresser un avertissement.

« Vous devriez faire attention, vous n’avez pas l’air bien. »

L’hôpital qui se fout de la charité comme on dit. Mais entre rester allongé et obliger quelqu’un à aller à l’hôpital, il y avait tout de même un monde. L’expérience avait fait dire à Shane qu’il n’avait aucune intention d’y retourner… Et ce malgré l’avertissement d’une femme plus âgée que lui. Après tout, si lorsqu’il s’y trouvait il devait y rester, peut-être pouvait-il simplement l’éviter s’il ne voulait pas y rester justement.

« Ils l'ont emmené, n'est-ce pas ? »

Shane adressa un regard à la jeune femme avant d’approuver du menton. Même voyant qu’elle ne l’observait pas, Shane ne sentit pas le besoin de répéter l’information. Quelque chose dans le timbre de voix de celle dont il-ne-connaissait-le-nom semblait la perturber. Pourtant, ce n’était pas comme si elle n’allait jamais pouvoir le revoir. Certes, cet evolve - rien d’autre ne l’expliquait – avait perdu le contrôle de ses pouvoirs. Mais était-ce une raison pour que, dans ce monde, on lui applique une sanction sévère quelconque ? Shane ne pouvait vraiment en être certain. Il ignorait tout de ce qui se passait ici. Mais en un sens, est-ce que cela le regardait vraiment… Il laissa la brune méditer, sans ajouter le moindre mot qui pourrait l’arracher à ses pensées. Pourtant, alors que finalement, il allait pouvoir sans doute la laisser et repartir dieu ne sait où, quelques mots le retinrent. Une curiosité insoupçonnable se dissimulait encore en lui, et il ne put retenir le mouvement de sa mâchoire.

«Minute… Que voulez-vous dire par pas le sien ? »

Curieusement, ces mots semblèrent trouver un écho au plus profond de lui, un quelque chose qui résonnait mais qu’il peinait à croire. Il avait réellement besoin d’en avoir le cœur net.

« Écoutez… Je sais que ça peut paraitre absurde et que vous pourriez ne pas me croire… Mais… Je m’appelle Shane, Shane Treazler. Je suis une personne qui vient du passé… Pour être précis, de près de deux cent ans dans le passé. Ce monde n’est… N’est pas le mien non plus… Est-ce que, par le plus grand des hasards, cette personne… Enfin… Vous voyez ? »

Shane ne pouvait vraiment empêcher son cœur de sauter aux conclusions, et de s’accrocher à cette petite lueur qui rayonnait encore devant lui. Il se plaça sur les genoux, et regarda la femme plus intensément qu’il ne l’avait jamais fait jusqu’alors.

« Je sais que c’est cruel de vous demander ça mais… J’ai besoin de savoir, je vous en prie… Suis-je… Suis-je le seul qui soit apparu de cette époque ? »

Si la réponse qu’il attendait tant était positive, alors, il préfèrerait rejoindre les siens, se rendre sur leur tombe, dusse-t-il en crever pour se tirer de cette ville qu’il ne reconnaissait pas… Mais dans l’autre cas… Il restait une chose qu’il devait vérifier…
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Ruben E. Ashter

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22.09.14 22:41
Il y a des instants dans la vie d'un être où le moindre frôlement d'air est une torture, où la plus infime parole agresse les tympans avec plus de stridence encore qu'une craie glissant sur un tableau noir. L'existence même en devient irritante, elle râpe sur l'épiderme et le change en une épaisseur rêche, aigre sous la caresse. La volonté est impuissante à chasser les démons qui s'installent dès lors dans les trous creusés entre les côtes ; ils prennent possession de l'espace, le contaminent à grandes lampées de rancœur, et mordent et remordent dans les chairs tendres qui se déchirent sous l'assaut. Il y a une petite fêlure comme celles-ci dans le thorax de Ruben. C'est guérissable, elle le sait. Parce qu'il n'y a rien d'achevé dans cette histoire, parce qu'il n'y a aucun point final à l'horizon. Tant que l'écorchée vive n'a pas fauché ces cheveux blonds, un espoir survit. L'étranger avait très bien entendu, mais l'herboriste avait refusé de lui répondre dans la seconde ; ses impressions se révélaient exactes, et avec elles surgissait une appréhension identique à celle qui l'avait submergée des jours plus tôt, en apprenant la vérité sur Warren. Encore un, songe-t-elle. Elle les attire peut-être, qui sait. Un aimant à Anciens, à défaut d'un radar pour détecter les situations à risques, de celles qu'il vaut mieux éviter à tout prix même s'il semble pire de ne pas les affronter. Qu'est-ce qu'elle peut lui dire d'autre, de toute manière ? Son histoire, elle la connaît avant qu'il ne la raconte, bien qu'elle n'ait aucune solution à lui apporter. Il est perdu aussi, cela s'arrête ici, elle ne tient pas un asile pour Disparus, non plus. Cette parenthèse ne lui avait amené que des problèmes, du début à la fin, et y mettre un terme définitif serait la prochaine étape à ne pas manquer. Alors c'était mieux ainsi ? Merci d'être passé et adieu. La craie s'écrase sur le tableau noir.

« C'qui s'rait cruel, ce s'rait plutôt d'être le seul, non ? » Son rythme cardiaque tente une échappée belle, sans résultat. Elle relève sa tête abîmée, la tourne vers le brun, à peine plus troublée qu'avant. C'est qu'il la mettrait quasiment mal à l'aise, en la fixant comme cela, si ce n'était le désert qui souffle derrière son sternum. Le sang commence à coaguler sur ses joues, des croûtes se forment à l'œil nu le long de ses mâchoires ; ni vu ni connu, tout disparaît. Ce soir, ce sera comme si rien, absolument rien de tout cela n'avait existé. Il n'aura rien laissé derrière lui en partant, juste quelques bandages usagés et son odeur de carbone. « Il en v'nait aussi, du passé. J'le cachais depuis tout c'temps... Alors oui, y en a sûr'ment d'autres qu'ont pas été trouvés. Tous les noms sont là-bas. » D'un geste du front, elle désigne la stèle intacte dédiée aux Anciens, rescapée des flammes par un miracle à la saveur amère. L'enfant y trouvera peut-être ceux qu'il cherche, au moins de quoi réchauffer son âme. Inconsciemment, la jeune femme le lui souhaite. Puis elle se relève sur ses pieds, balaie d'une main nerveuse quelques mèches indisciplinées et fourre ses avant-bras dans la poche de son sweat. Il fait étonnamment froid, tout à coup. « Vous pouvez m'dire... » Les mots butent contre ses lèvres. Elle craint de toucher une corde sensible, de tirer sur l'agneau par erreur. Mais il y a quelque chose qu'elle se doit de savoir elle aussi. Un récit qui l'aidera très bientôt. « …m'dire c'qu'ils vous ont fait quand vous avez été pris ? La puce dans vot' nuque, elle est pas arrivée là toute seule. »
Plus de doute possible à ce sujet, rien que des craintes avérées. Et la conviction qu'il faut qu'elle le sorte de là au plus vite.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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23.09.14 17:15
Si la femme semblait tarder à reprendra la parole, Shane ne lui en voulait pas. Tout d’abord, la question qu’il avait posée était franche… Bien trop directe pour quelqu’un qui venait de perdre une personne précieuse à ses yeux. Et puis… Elle représentait son seul espoir… S’il devait attendre une réponse, cela dusse-t-il prendre une éternité qu’il aurait attendu patiemment.

« C'qui s'rait cruel, ce s'rait plutôt d'être le seul, non ? »

Que devait-il comprendre ? Peut-être qu’elle ne voulait pas le brusquer, peut-être qu’il s’était fait de fausses idées, qu’il avait mal interprété les paroles antérieures ? Ou alors peut-être que… Si à cet instant on faisait passer un électrocardiogramme au garçon, sans doute remarquerait-on une courbe déraisonnable qu’un papier classique ne pourrait afficher. Je t’en prie, dis-moi que c’est possible. En entendant la suite du speech que la brune retenait dans un suspense insoutenable, Shane eu la sensation de prendre un mur à pleine vitesse. Un peu comme si quelqu’un lui avait envoyé son poing dans la figure. Blackout. Un instant après, il recommençait à respirer à grand peine. Son cœur battait à tout rompre, et il ne put empêcher ses muscles de se tendre à l’extrême, prêt à bondir vers la stèle qu’il n’avait pas eu jusqu’à présent le courage de lire. Son corps entier tremblait alors que son esprit s’imprégnait de l’information. Il ne se releva pas immédiatement en même temps que son ainée, il lui fallut un peu plus de temps et, lorsqu’il se remit sur pieds à son tour, il rassembla nombre de ressources insoupçonnées pour prendre son mal en patience et s’adresser à son vis-à-vis. Son visage se recolora et il fronça les sourcils pour répondre avec le plus de prudence possible. De quoi éviter de chambouler la jeune femme, tout en lui expliquant ce qu’elle voulait savoir.

« Vous parlez de ça ? »

Shane écarta une mèche de cheveux sombres pour lui faire voir la protubérance.

« Vous êtes observatrice… Ils ne m’ont rien fait qui ne soit vraiment inhabituel dans votre époque, de ce qu’ils m’ont dit. Certes le transport n’a pas été agréable, pas plus que la manière de me traiter, mais le tout s’est passé sans pépin. Personne n’a jugé utile de me dire ce que c’était, et on ne peut pas vraiment dire que l’on m’ai demandé mon accord. Mais cela ne m’a pas été difficile pour autant… Je suis encore en vie et… Plus ou moins bien comme vous le voyez. Mais si vous me demandez, je pense que vous avez posé la mauvaise question. Ce qui est important, ce n’est pas tant ce qui se passe lorsque l’on se fait mettre ce bidule… »

Shane pris une inspiration pour écarter la boule qui se formait dans sa gorge tandis qu’il continuait de parler.

« … C’est ce qui se passe après. On nous renvoi en pleine nature sans nous prévenir de rien avec pour seuls souvenirs de notre séjour un bracelet et une puce. Comme vous l’avez si bien dit, ce n’est pas notre monde. On perd facilement ses repères, et il se peut… »

Shane dut déglutir à nouveau. Il ne voulait pas vraiment envisager ce cas alors qu’il venait de pouvoir saisir une nouvelle possibilité.

« … Que l’on ai tout perdu, que plus personnes ne nous reconnaisse et ne nous serre dans ses bras. C’est bien ça le plus dur. »

Le brun laissa échapper un rire jaune en lequel il ne croyait pas lui-même.

« Je pense que Warren a de la chance d’être tombé sur vous, vous avez l’air de vous inquiéter, et de vouloir prendre soin de lui. Si c’est vraiment le cas, c’est le moment de lui prouver qu’il y a encore quelqu’un en ce monde pour lequel il compte. Ne le laissez pas sortir seul de cet endroit, ouvrez-lui les bras quand il posera son pied hors de l’édifice. C’est le plus important. Ah… D’ailleurs, s’il a besoin de parler du bon vieux temps avec quelqu’un, vous savez à qui vous adresser ! »

Il avait lancé cette blague avec un sourire sur les lèvres. Mais personne ne pouvait être dupe. Il n’y avait pas plus faux comme subterfuge pour masquer la peur qui le prenait aux tripes depuis qu’elle lui avait annoncé la nouvelle. Il détourna alors les pieds pour se diriger vers la stèle, abandonnant la fausse gaieté qui ne lui servirait à rien. Son cœur ne tenait plus en place. Et lui, que ferai-t-il s’il ne reconnaissait aucun nom sur la pierre. Comment affronter ce monde qu’il ne connaissait pas si personne ne lui tendait la main ? Shane ne voulait pas répondre à cette question, mais peut-être qu’il le devrait…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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25.09.14 23:23
Elle s'attend à tout de la part des autorités, à l'exception du meilleur. Parce qu'il sont tour à tour gardiens d'un troupeau bêlant, loups dans la bergerie ou moutons noirs, il lui est impossible de savoir à quelle sauce sera cuisiné le caneton ; seul le passage à la casserole est une donnée aussi sûre qu'angoissante. Et pourtant elle racine ici, pose des questions qui la ralentissent dans son projets de sauvetage version improvisation totale, observe le petit brun exhiber sa blessure de guerre et grimace intérieurement. Elle ne s'y trompait pas : le renflement présente toutes les caractéristiques d'un implant cutané. Lui n'a pourtant pas l'air de trouver cela bizarre, et c'est avec naïveté et longueur qu'il narre son récit. En un sens, cette neutralité agace l'herboriste, à l'instar d'un gamin qui ne répliquerait pas en mordant plus fort la brute qui viendrait de lui foutre une beigne ; si la violence ne résout rien, c'est que tu n'as pas cogné assez fort, dit-on. Mais bon. Il est malaisé de répliquer une pareille sentence à un adolescent qui ne sait ni où il a atterri, ni comment faire pour survivre dans une dimension aussi différente de la sienne – Marc-Aurèle aussi aurait été bien embêté d'être catapulté sous la tour Eiffel, tout empereur qu'il était. La seule note positive de cette histoire perce donc dans ce renvoi en pleine nature qui, s'il semble pire condamnation que le marquage bovin aux yeux du gosse, présente l'intérêt d'une terminaison. Ainsi, le processus d'enregistrement possède une fin ; c'est toujours mieux que de se dire qu'il est piégé pour le restant de ses jours. Mais la taxe de destruction de biens publics et mise en danger de la vie d'autrui peut se révéler plus lourde que prévue.

Ils en reviennent au point de départ. Le plus cruel dans l'affaire, ce serait bien d'endurer seul ces calamités qui tombent en chaîne, la solitude en chien de garde perpétuel et l'abandon comme complice d'un braquage foireux sur la banque amicale. Les hommes ne sont ni des pierres, ni des fantômes, le contact de leurs congénères est une nécessité – il n'a pas fallu attendre l'éclaircissement d'un philosophe pour que soit connue et reconnue par tous cette mièvre vérité. De ces pensées, un morceau bouleverse Ruben malgré elle, malgré son caractère sévère, malgré le gel qui recouvre ses paroles. Jadis, elle aurait aimé être une roche, devenir un spectre. C'est un statut tentant que celui d'invisible, car les responsabilités n'existent pas pour celui qui n'a personne à apprivoiser. Ce n'est même plus une question de temporalité, de repères ou d'isolement, juste un principe d'ascèse sociale appliqué à tout ce qui façonne plus ou moins un quotidien. Toutefois, une grotte perd son titre de refuge dès lors qu'elle est occupée, et l'herboriste ne prend conscience que maintenant que c'était elle qui s'était laissée apprivoiser ; que la créature qu'elle avait cru sauver du blizzard en l'accueillant dans sa caverne, un jour où les perce-neiges avaient éclos, en avait finalement illuminé les parois plongées dans le noir. Il n'est certes pas un protecteur, il n'est pas davantage un gardien. Il a trouvé asile à tâtons, les phalanges engourdies d'engelures, transi par la glace qui lui enserrait le cœur. Mais il a rendu en échange plus de chaleur que n'en contenait son propre corps, sans calcul ni devoir. Il manque déjà. Quelque part, elle a un petit peu froid de lui.

Ruben acquiesce en silence à ces faux ordres que lui adresse le brun ; si elle doutait encore de la bonne démarche à adopter, elle est désormais certaine de sa prochaine destination. Tout se passera bien. Elle traversera la ville jusqu'au parvis de l'hôpital, ne s'arrêtant que pour prendre en chemin une tige de chrysanthème mauve, franchira les portes vitrées la peur au ventre sans demander d'indication, se perdra peut-être et se retrouvera sans doute, errera jusqu'au couloir des grands brûlés, déduira sur le registre l'horaire d'admission à défaut d'y découvrir son nom, puis comptera les pas qui la sépareront de la chambre de repos et actionnera la poignée avec une lenteur insupportable avant d'ouvrir, d'entrer, et de sourire. Sauf qu'en définitive, tout ne se passera pas bien. Elle parviendra cependant jusqu'au hall d'accueil, les doigts serrés autour de la fleur, juste une seconde avant d'être arrêtée par la milice prévenue de son arrivée par le G.P.S. de sa puce ; on la reconduira à la sortie par la menace, probablement par la force, lui offrant l'alternative entre déguerpir la queue entre les jambes et finir au labo', dilemme implacable. Ne restera que la plante, qu'une infirmière compatissante apportera par la suite en cachette au blessé. Mais tout cela, elle ne l'a pas encore vécu.
« Et vous, n'perdez pas espoir. Y a sans doute déjà quelqu'un qui vous cherche », lance-t-elle à l'étranger qui s'éloigne. Nul besoin d'en dire plus ; elle n'est pas Pythie et redoute trop de créer d'insurmontables illusions. De toute manière, lorsqu'il se retournera, elle se sera envolée.
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