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Dégénérescence [Matthias]
Anonymous
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04.09.14 11:04
C’était une trahison. Une ignominie, une aberration. Un abject souvenir collé à son crâne qui refuse de le quitter. Un ‘entraperçu’ qu’il aurait voulu ne jamais voir.

Il avait vu son cousin Quentin avec cet homme. Ce déchet d’homme. Cette dégénérescence de mammifère bipède qui ressemblait à un être humain.


Céras serre les poings dans les poches de sa veste. Il déambule dans la ville comme il ressasse sa colère. Aveuglément. Il exècre comme il aime. Absolument. Il ne voit plus la lumière artificielle projetée par les lampadaires. Il ne sent plus le bitume sous ses pieds. Il n’entend plus les roues des voitures contre le bitume. Il heurte quelqu’un. Il marmonne des excuses qu’il ne pense pas. Qu’il n’entend pas.

Le meurtre de la blonde aux yeux gris. Le meurtre d’une femme qui vendait de la drogue. Une dealeuse, comme disent les hommes de terrain. Dealeuse… Quel horrible nom, quelles horribles sonorités. On avait ouvert une enquête pour elle. Gâchis. Perte de temps. Quentin avait enquêté dessus. Céras avait jeté un œil sur le dossier pour donner une expertise scientifique. Et il avait vu la photo de cet homme-là.

Ca canarde. Ca gueule. Ca crie, ça hurle. Le biologiste soudain voit la lumière artificielle, les lampadaires, le bitume, les voitures. Le sang. Des gens ensanglantés. Des gens qui courent… Au milieu de l’effervescence, un homme tient une arme à la main. Il monte dans une voiture. Le caoutchouc de ses pneus crisse. La voiture démarre. Moteur rugissant. Du sang.

~~~

Les forces de l’ordre – ou l’ordre, tout simplement – sont descendues dans la rue. Uniformes et armes visibles. Gueules de matadors mutiques et ordres incisifs. Evacuation, quadrillage, secteur… témoins, suspects. Les mots classiques de ce « type de situation ». Les mots auxquels Céras ne s’habitue pas. Il est resté debout sur le trottoir, au même endroit dans la même posture. Les mains dans les poches et le regard vrillé sur l’homme qu’il a reconnu. Matthias Stock-quelque-chose. Matthias, il a retenu. Parce que la prononciation de son prénom fait claquer la langue contre le palais. Parce que ça a quelque chose comme une claque quand on le prononce.

Quelqu’un lui tape sur l’épaule.

- Vous avez vu la scène ? Vos papiers ?
- J’ai vu la scène, oui.

Il montre « ses papiers ». Id déterminé depuis sa naissance.

- Ah ok.

L’agent lui rend « ses papiers ».

De même côté de la barrière.

- Vous allez peut-être pouvoir nous aider. Vous avez vu ce gars tirer ? On a trouvé une arme dans une de ses poches.

Index pointé vers le gars. Céras se retourne. Il voit un gars maigre comme un squelette qui aurait oublié de se couvrir de chair. Roux aux yeux rouges. Des pupilles de chat. Evolve. Monstre. Raclure.

- Il me semble l’avoir vu.

Il ment. Oh il ment tellement. Les evolves, il ne les oublie pas. Jamais. S’il l’avait vu, il s’en souviendrait. Les souvenirs des evolves criminels se gravent dans sa mémoire comme dans du granit.

- Vous êtes certain ?

Il hésite.

- Non, je ne suis pas certain.

Il ne peut pas mentir plus. Hélas. Les caméras de sécurité seront visionnées. Et alors… alors ils sauraient qu’il s’est trompé ou qu’il a menti. Et la triste vérité éclaterait. Mais au moins, l’evolve aux yeux de chat restera en prison pendant une nuit ou deux. Un petit assainissement de la race humaine. Un minuscule répit dans un océan de déchets.

- Passez pour une déposition demain.
- Oui.

Céras repose son regard sur la chose qu’on appelle Matthias. Mais il s’adresse à l’agent qui s’apprête à partir. Les yeux posés sur l’évolve, les mots destinés à l’humain normal.

- Pas d’arrestations ?
- Non, nous avons les principaux témoins qui étaient dans l’entrée du restaurant. Et nos hommes sont aux trousses des fuyards. Ça ne devrait plus tarder… On avait juste une question concernant l’evolve armé.

A cette heure, ils manquent sans doute d’effectifs de terrain…

- D’accord.

Déception et mécontentement. Rageuse bouderie. S’ils avaient pu mettre l’autre evolve en garde-à-vue… Cela aurait imposé des barreaux entre lui et Quentin. Un mur physique et judiciaire entre eux, cela aurait été bien.

- On vous dépose chez vous en passant ?
- Non merci. J’ai des choses à faire.
- Le coin n’est pas sûr. Appelez si vous avez besoin d’aide.

L’agent s’éloigne déjà. La stridence des sirènes couvre sa voix. Les badauds regardent. Le scientifique n’avait pas remarqué les badauds avant. Troupeau de curieux…

- C’est noté.

Murmure Céras à l’agent qui est monté dans une camionnette.

Céras se dirige vers l’evolve. Ses semelles souples ne laissent pas de bruit sur le sol. Des soupirs de pas pour un homme habitué aux bureaux et aux laboratoires. Son nom, déjà, quel est son nom ?

Il s’approche. Il a son visage d’evolve plein les yeux. Sa silhouette de sous-être contre les rétines.

- Stockton.

C’est cela, Stockton. Le nom de famille est revenu au fur et à mesure qu’il s’approchait de lui.

- Vous êtes souvent là où il y a des ennuis.
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Anonymous
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21.09.14 9:24
Dans son monde, il n'existait rien d'autre que les lumières des écrans publicitaires. Du coin de l’œil, il voyait ces visages parfaitement retouchés s'agiter, bouger les lèvres sans qu'aucun son n'en sorte. Le blond auto-proclamé agent de probation voudrait sûrement le voir d'ici peu et il ignorait si c'était une bonne ou une mauvaise chose ; de la même façon, il devrait songer à retourner voir ce scientifique un peu trop prude qui prenait son cas bien trop à cœur. Il avait eu besoin d'un break, d'un moment pour se ressourcer – et pour ça, rien de mieux que d'aller s'enfoncer dans les couloirs étroites d'un bar quelconque avec une brune joliment faite. Puis il était sorti et le monde s'était remis à tourner – et comme à son habitude, il était à la traîne. Il avait à peine mis un pied hors du bar que les hurlements parvenaient à ses oreilles, ainsi que l'odeur épaisse et poisseuse du sang. Cherchant à s'éloigner du mouvement de foule, il fut pourtant entraîne par celui-ci, finissant par péniblement s'en sortir, se tenant désormais un peu à l'écart de la foule. Au bon endroit pour voir les erasers débarquer et donner des ordres, bouclant le périmètre en trop peu de temps pour qu'il puisse trouver un moyen de s'échapper et d'éviter aux habituels contrôles de sécurité. Il s'appuya contre le mur – inutile d'essayer de leur échapper, mieux valait coopérer si c'était pour éviter de se faire fracasser la gueule pour un mot plus haut que l'autre. Et il y avait cette impression lourde et nauséabonde, comme un concentré de haine et de rancœur, parmi la panique, la peur et l'angoisse qu'il sentait tout autour de lui. Des pieds apparurent devant son regard vissé au sol – lentement, il remonta le visage, jetant un coup d’œil indifférent au type qui se tenait devant lui. Un « vos papiers » et un regard méfiant plus tard, l'eraser s'éloigna pour parler avec ses collègues. Tous égaux sauf si vous étiez un evolve – ça devait être ça, la devise des erasers. Pourtant, rien ne vint – les erasers s'éloignèrent sans chercher à le coffrer plus que ça. Quelle surprise.

Il quitte le mur sur lequel il était appuyé, glissant les mains dans ses poches pour s'éloigner et regagner la quiétude de son appartement. Puis il entendit son nom être prononcé, derrière lui. Et il se retourna, se trouvant presque nez à nez avec un type qui lui annonça qu'il se trouvait souvent là où étaient les ennuis. Il le dévisagea, longuement, tentant de replacer ce visage et un quelconque contexte. Mais peine perdu – ce type ne lui disait rien, ne lui rappelait rien. Il poussa un profond soupir, fronçant le nez. Cette puanteur... Ce serrement de cœur. Il souffla encore, affichant un sourire bravache sur le coin de ses lèvres. « Je n'me souviens pas avoir eu l'honneur d'vous être présenté. »
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