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Last breath [Enoch]
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Shane Treazler
Shane Treazler
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17.09.14 23:00
Ses pas raisonnaient sur le sol tandis que les trombes d’eau qui tombait en cette soirée se déversaient sur sa crinière brune. Même la lune demeurait invisible, masquée par les nuages. Si Noé avait encore existé, sans doute aurait-il avertit d’un second déluge. Shane avait faim, était trempé et fatigué… Il ne pouvait pourtant pas se permettre d’abandonner maintenant et ce pour plusieurs raisons. La première, il voulait retrouver ceux qu’il aimait et le plus rapidement possible. La seconde mais aussi la principale, il ne savait pas du tout où il se trouvait dans cette ville nouvelle. Alors il était condamné à errer seul sous cette averse diluvienne. Le garçon commençait tout de même à sentir le désespoir qu’il avait vu au cimetière. Depuis tant de temps il recherchait ces voix, ce contact, ces présences… Est-ce que seulement il pourrait les retrouver… Y avait-il encore le moindre espoir… Ses pieds fouettant les flaques ajoutaient à cette sensation de solitude et cette déprime qui se marquait au fond de lui.

Il n’entendit pas immédiatement la grande grille à ses côtés s’ouvrir dans un grincement pourtant prononcé. Il lui fallut attendre d’avoir une main sur l’épaule pour détourner le regard et tomber sur le visage d’une jeune femme souriant. Il se rendit alors seulement compte que la pluie ne lui fouettait plus son visage morne. Le petit cercle non atteint par les gouttes s’était dessiné à ses pieds.

« Tu as un visage bien sombre pour un jeune homme. »

La dame semblait compatissante. Elle lui saisit l’épaule de sa main droite pour l’entrainer derrière elle.

« Tu veux entrer le temps que cela se calme ? Je te donnerai de quoi te sécher. »

Shane se laissa entrainer sans résistance. Il n’avait ni la force, ni l’envie de refuser. Après tout, s’il pouvait au moins profiter d’un peu de chaleur… Ils franchirent alors la grande grille qui se referma derrière eux découvrant une grande allée fleurit menant à un manoir d’une très grande envergure. Parvenant finalement au pallier de la porte, celle-ci s’ouvrit, menant à une petite pièce bordée de ce qui semblait être des placards.

« Si tu veux, tu peux poser ta veste ici. »

Elle ouvrit l’une des portes sur le côté pour lui laisser prendre un cintre et accrocher sa veste qu’il n’avait pas changée depuis son arrivé. Se découvrant, il laissa pendre le vêtement avant de suivre la femme. Il ne remarqua qu’à cet instant que la femme qui l’accompagnait était vêtue d’un accoutrement étrange, bien que celui-ci lui soit connu. Une… Soubrette ? Servante ? Peut-être la fatigue le faisait-il halluciner. En passant une nouvelle porte, il parvint à ce qui ressemblait à un hall. À ses pieds se trouvait un tapis à rayure tandis que lui faisait face deux énormes statues de sirènes au milieu de la pièce. Cette fois, il devait vraiment être dérangé…

« C’est… Gentil de votre part de vouloir m’aider mais je suis vraiment pas au top en ce moment, je ne suis pas sûr de vous être très utile… »

La jeune femme au un sourire en coin.

« Ne t’inquiètes pas, je vais te chercher une serviette. »

Ainsi, elle planta le jeune garçon au milieu de la pièce avant de disparaitre en grimpant les escaliers au fond à droite de la salle. Et maintenant ? Il avait l’air malin seul comme ça, planté au milieu d’un lieu complètement vide, observant des statues qui n’avait pas lieu d’être. Entendant la grande porte s’ouvrir, il se retourna vers l’endroit d’où venait le bruit, observant deux vases trônant sur des espaces qui leur étaient réservés. Lorsque la porte du vestibule s’ouvrit à son tour, Shane ne réagit pas dans un premier temps, jetant un regard fixe à celui qui venait d’entrer. Décidément, aujourd’hui était un jour où son cerveau faisait n’importe quoi… Celui qui lui faisait face ne pouvait pas réellement se trouver là.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



19.09.14 17:30
Extraordinary lives keep crashing and tumbling by
Somewhere there’s a sky for only me ♫


« Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux. » Voilà qui faisait beaucoup d'eau, peut-être même un peu trop, et Enoch comprenait maintenant la signification détrempée d'une telle prophétie – dont il se serait bien passé. Atroce sensation que de sentir la flotte lui transpercer tous les pores de la peau, et son squelette qui s'humidifie de plus en plus à chaque seconde passée sous les nuages. Madison pleurait jusqu'à la dernière larme de son corps, inconsolablement grise, ses habitants retranchés dans leurs immeubles pour y attendre le retour de la sécheresse ; ainsi était-il seul, du moins le croyait-il, à traverser les rues désertées, non pas à la recherche d'un abri mais de l'étranger qui lui avait donné rendez-vous à cette heure tardive. Il savait que c'était se jeter dans la gueule du loup que d'accepter une telle invitation de la part d'un inconnu, mais il n'avait pas réussi à faire taire ses craintes et refuser : l'occasion était trop belle pour ne pas lui sacrifier la prudence. Après des semaines d'errance, enfin, les éventuelles réponses osaient se présenter devant lui, des réponses que leur incertaine promesse ne rendait que plus attirantes, et il aurait dû jouer la carte de la sûreté ? À dire vrai, le garçon ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Si la méfiance était toujours de rigueur, les paroles entendues lui avaient mis quelque chose de bien plus gros qu'une puce à l'oreille. Depuis qu'il était arrivé dans ce monde, il n'avait jamais rien eu de plus à perdre que sa propre vie, laquelle semblait ne pas vouloir se débarrasser de lui de la sorte. Sa bonne étoile ramonerait une nouvelle fois pour le tirer d'un probable pétrin, voilà tout.

L'énergumène qui l'avait convié savait cultiver son mystère et, à contempler sa bâtisse, possédait un goût prononcé quoique loin d'être mauvais pour les vieilleries. À lui seul, son imposant portail en disait long sur sa faculté à compenser – quoi, bonne question – tout comme sur son admiration pour le luxe et le tape-à-l'œil ; s'il n'avait pas été mécène dans sa jeunesse, il aurait été conservateur de musée ou architecte de la Continental Illinois. Rien de tel pour se sentir plus petit et insignifiant que le fantôme ne l'était à cet instant. « Vous avez sûrement beaucoup à m'apprendre et, en échange, je pourrai peut-être vous apporter quelque aide, disons, d'ordre administratif ? » La conversation roulait en boucle dans le crâne d'Enoch. Si le timbre arriéré et l'affaire un brin vicelarde lui avaient tout de suite paru suspects, il s'était retenu d'éteindre la transmission en prévision de données plus intéressantes, dont il ne saurait que dans un paquet de minutes si oui ou non elles valaient la peine de se choper le rhume du siècle. La grille s'ouvrit sans que personne ne répondît à l'interphone, appareil dont l'obsolescence toute relative étonna le jeune homme ; à la longue, il s'était presque habitué à ne plus voir de boutons en relief sur les façades des halls, pas plus que des écrans grisâtres pixelisés à souhait pour indiquer les étages. C'était presque émouvant.

L'écharpe enturbannée autour de ses cheveux en guise de piètre protection contre les éléments, il s'obligea à courir jusqu'au perron, ne prêtant guère attention à l'allée fleurie que la pluie déparait malgré elle. Et bien qu'il prit une poignée de seconde pour s'arranger un peu, essuyer les gouttes qui parsemaient ses joues et ôter son vêtement, il n'était pas dupe du portrait qu'il offrirait à son interlocuteur ; vivre dans une cabane à l'instar d'un ermite en repentir n'était bon ni pour sa carrure déjà frêle, ni pour son teint maladif. Devenir l'ombre de soi-même est facile, mais lorsqu'on est déjà une espèce d'ombre, il n'y a qu'un pas avant la transparence. Appréhensif mais néanmoins convaincu, il finit par frapper trois coups et s'introduire à l'intérieur. Personne. Il était peut-être en avance. Ou en retard. Cela n'avait pas d'importance. La bulle de chaleur qui lui éclata au visage à son entrée dans le vestibule le fit doucement soupirer d'aise, mais l'absence d'un hôte pour le mener à bon port lui laissa le loisir de piétiner sur place quelques secondes avant d'abandonner son manteau. Il accrocha son étole à l'une des poignées d'un placard et, jugeant qu'il lui fallait maintenant se présenter au maître des lieux, poussa timidement la seconde porte donnant sur la pièce principale.
« Bonsoir... » glissa-t-il à mi-voix, sans paraître distinguer celui qui semblait être l'un des résidents, peut-être le fils du grand patron ou... Ouh. Même un domestique ne se promènerait pas trempé comme ça dans un palace pareil. Et pour cause. Seul le mur l'empêcha de se foutre en l'air lorsqu'il recula sous l'effet de la surprise. Était-il fou ? Champignons hallucinogènes, vapeurs de soufre ? Là, juste là. Inconcevable et pourtant réel. D'abord frappé de stupeur, Enoch entendit bientôt son cœur se mettre à rire de manière irrépressible, euphorique, et le monde entier disparut tandis que sa mine ahurie se muait peu à peu en un large sourire. Merde, ça ne peut pas être vrai, ça ne peut pas, se répétait sans conviction sa cervelle. Mais rien d'autre n'aurait pu être plus véritable.
« Shane, c'est toi ?! » Contenir la joie qui enfle dans le thorax. Retenir la liesse qui actionne les rotules, le bonheur qui soulève les poignets. Faire un pas. Un autre. Comme réapprendre à marcher après un millénaire à ramper, l'iris plus étincelant que l'or. Ne pas y croire, pas encore. Le dernier moment, en être sûr. « Oh, bien sûr que c'est toi. » Qui d'autre. Putain de merde, quoi.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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20.09.14 19:01
Il était là, il ne bougeait plus. De marbre, ou plutôt désillusionné. L’esprit de Shane ne parvenait à voir l’apparition comme autre chose qu’une apparition. Bientôt, il ne pourrait plus voir de fantômes, dans l’obligation de revenir à la réalité, et celui qui lui faisait face disparaitrait dans un écran de fumée. C’était le cruel destin de ceux qui vivaient dans l’obscurité. Il ne pouvait pas se réjouir, et de toute manière, cela ne pourrait qu’ajouter à s…

« Shane, c’est toi ?! »

… Depuis quand ils parlent les fantômes ? En l’espace d’une fraction de secondes, la logique du jeune garçon fut rasé et les interrogations ponctuèrent dans son esprit. Une part de lui refusait de croire ce qu’il voyait, de peur de perdre la raison, d’abandonner la dernière part d’humanité qu’il lui restait. Mais ce visage, ces réactions, cette voix… Le mimétisme était parfait ! Parfait au point que peut-être…

« Oh, bien sûr que c’est toi. »

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase… Si jamais il n’était rien de plus qu’un mirage, alors Shane n’hésiterai pas à s’y abandonner tout entier. Sa réaction fut lente. Ses yeux s’écarquillèrent, sa gorge se noua, et son cœur sembla s’arrêter l’espace d’un cours instant. Puis les iris interprétèrent l’information, le signal électrique se prolongea le long de son épiderme pour se diffuser à ses muscles atrophiés. Enfin, les larmes emplirent ses yeux tandis que son corps tout entier se jetait dans la direction de son ami. Dans sa tête, il répondit alors à sa propre question… Depuis que lui existe.

« Enoch !!! »

Les mains de Shane se plaquèrent sur le dos du fantôme tandis qu’il faisait basculer celui-ci, retombant sur lui. Sa tête vint se plaquer machinalement sur son épaule alors que de gros sanglots le secouaient et qu’il ne pouvait articuler une phrase de manière intelligible. Son étreinte semblait plus puissante au fur du temps. Et à mesure qu’il resserrait celle-ci, tous ses souvenirs lui revenait en tête, toutes ses aventures qu’ils avaient vécu l’un avec l’autre, tout ce qu’il pensait appartenir à un passé lointain. Intérieurement, Shane craignait qu’en relâchant le fantôme, celui-ci ne se transforme en esprit et le quitte une fois de plus. Tout un tas d’affirmation se bousculait dans sa tête. Comment tu vas ? Qu’est-ce que tu as fait pour te retrouver ici ? Je pensais ne jamais te revoir ! Mais rien d’autre ne put sortir que des larmes. Jamais Shane n’avait souvenir d’avoir ressenti une telle émotion. Elle se diffusait en lui tout entier, paralysant son épiderme et le forçant à ne plus compter que sur son instinct. Une sensation de douceur inexplicable… L’impression de renaitre, de mordre dans la vie à pleine dents après avoir passé celle-ci à errer dans l’ombre. L’envie de se laisser étouffer par ce sentiment et d’en redemander plus encore… La pauvre petite créature devait souffrir ainsi compressée contre le sol. Mais en même temps, son oppresseur ne parvenait à se résoudre de le laisser partir. Il fallut attendre un bruit de pas derrière-lui pour que le jeune garçon ne se ressaisisse.

« Je t’ai apporté une serviette. Excusez-moi mais vous êtes ? Vous vous connaissez ? »

Shane relâcha enfin la pression qu’il exerçait sur son ami avant d’entreprendre de se relever, ses larmes ne séchant toujours pas. En se remettant debout, il s’essuya les yeux à l’aide de sa manche avant de tendre sa main vers Enoch pour l’aider à faire de même, légèrement désolé de s’être ainsi emporté, mais bien trop heureux pour regretter son geste.

« Et comment que je le connais… C’est mon meilleur ami ! Je te croyais perdu… Si tu savais comme je me suis senti seul… Comme je vous ai cherché… »

Un sourire se figea sur la bouche du brun alors que les larmes commençaient enfin à sécher.

« Mais c’est toi qui m’a retrouvé ! »

Et, pour cette attention, il bénissait son compagnon. Il n’y avait que lui pour lui faire pareille surprise, mais c’était cela qui faisait de lui Enoch.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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21.09.14 0:31
Diamonds in disguise hiding like forgotten days
All these tears of mine will fly away ♫

Lui non plus n'avait pas la folie d'y croire dès le premier regard. Mais Enoch ne lui en voulait pas. Il n'en voulait à personne d'ailleurs, et aurait même été prêt à pardonner toutes les offenses qu'on lui aurait présentées, toutes les infamies du monde, pour peu qu'il pût éprouver cet instant une fois de plus encore, et jusqu'au bout. Y retrouver cette figure adolescente, ces prunelles d'onyx et cette tignasse brune, à deux mètres de lui à peine, et effacer de ces yeux l'incrédulité qui y régnait, comme l'ultime forteresse avant l'enchantement. Au diable l'illusion, dehors les faux-espoirs ; le chevalier fantôme franchirait chaque muraille douteuse pour imposer son existence et rallier le péon esseulé à son royaume, promesse tenue. L'allégresse le faisait complètement délirer. Je suis là !, criait son cœur, et je t'ai retrouvé. Jamais il n'aurait cru qu'entendre son prénom avec tant de force l'emplirait d'un tel réconfort. Il aurait eu l'occasion d'échapper à la prise de catch qui suivit qu'il n'en aurait pas eu l'envie, et il se laissa donc agripper puis renverser, certes un peu surpris et cependant content, les coudes douloureux d'avoir heurté le sol sans s'y attendre, le rire lâché en l'air comme un premier envol. Les pleurs de Shane résonnèrent contre ses artères, absorbés par son pull déjà humide, et le petit poucet s'en radoucit aussitôt. Il abandonna sur son visage une courbe plus calme, pleine d'un bonheur silencieux, alors que l'étreinte lui broyait les côtes jusqu'à l'asphyxie. Une joie à en couper le souffle, dans tous les sens du terme. « Shane, tu m'étouffes... » parvient-il néanmoins à murmurer juste avant de refermer le cercle léger de ses bras autour des épaules du cadet, sans savoir si c'était pour le consoler ou participer au concours de biceps à sa manière. Il aurait perdu d'avance, de toute façon. Aucune importance ; il était bien comme ça, écrasé sous le poids d'un garçon trop heureux pour ne pas pleurer.

Puis il y eut la dame, et avec elle le brusque retour à une réalité beaucoup plus austère. « Je t’ai apporté une serviette. Excusez-moi mais vous êtes ? Vous vous connaissez ? » Oh, la bourde. Quel genre de personne ne serait pas choquée de découvrir deux corps affalés l'un sur l'autre au beau milieu de son salon ? On était en au vingt-troisième millénaire, mais quand même. Cette prise en flagrant délit pour le moins étonnante pétrifia Enoch sur place, et il ne dut son salut qu'à la réactivité de son ami dont il accepta le coup de main. En se redressant, son dos émit un craquement comme ceux que font les vieilles branches écrabouillées par un rouleau compresseur. Merci, poto. Il fut toutefois flatté d'être ainsi présenté en tant que meilleur ami et, s'il n'avait pas rougi auparavant de leurs précédentes postures, il l'aurait fait à cette seconde-là. L'émotion du petit brun était contagieuse. « Je suis désolé que cela ait pris autant de temps... Mais c'est juste une coïncidence. » Il ne disait pas cela pour le désillusionner – c'était la vérité. « Une extraordinaire coïncidence » ajouta-t-il aussitôt, l'air rêveur. À y réfléchir, il n'aurait pu en exister de meilleure. Seul le hasard dirige le monde, et ce jour-ci il aurait bien mérité un temple à sa gloire. Les interrogations déboulaient en masse dans l'esprit du spectre ; il mourrait d'envie de discuter avec Shane, de l'écouter raconter ses déboires, de décrire les siens et de repartir en quête d'une solution à leur infortune, comme les deux aventuriers improbables qu'ils étaient. Ensemble, ils parviendraient sans doute à trouver une cause à cette téléportation qui leur avait coûté leur époque. L'espoir fait vivre, dit-on, et ils venaient de s'en injecter une belle dose dans les veines.

Il fallait ajouter qu'à ce moment, les considérations sur les Evolves et tout ce qui soutenait les piliers de la ville sortaient totalement de la tête du fantôme ; il en oubliait même la date, puisque le décor qui les entourait n'avait plus cette apparence outrageusement technologique, si ce n'était ces minces bracelets à leur poignet. Sa voix descendit presque dans la confidence secrète. Quelque part, il ne souhaitait pas que la domestique s'affolât. « Ils ont passé la liste des Disparus partout pendant des jours. Je t'ai vu dessus. C'était la seule chose à faire. » Cela dit, il sortit de sa poche un mouchoir tout chiffonné, un carré de papier qu'il tendit à son vis-à-vis afin qu'il sèche ses larmes. Et lui adressa un sourire rassurant en prime, tellement rares de sa part.
Il reprit finalement à l'intention de la jeune femme, peut-être parce qu'elle faisait de la peine à ne pas savoir quoi faire de sa serviette : « Madame, se peut-il que votre... » Père, oncle, employeur, se tromper dans la réponse déclenchera une malédiction sur ta famille sur dix générations, ça passe ou ça casse, allez on tente. « ...maître ait prévu cette rencontre ? Il m'a fait venir pour m'entretenir avec lui, sans autre précision. » Elle était sans doute au courant de toute cette affaire.
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Shane Treazler
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21.09.14 21:54
Et dire que le fantôme s’était excusé du temps que cela lui avait pris pour retrouver Shane… Le garçon s’en contrefichait, il était encore bien trop heureux d’avoir retrouvé son cher compagnon, et peu lui importait de savoir combien de temps cela avait pu lui prendre. Pourtant, s’il y avait réfléchi un peu, il se serait rendu compte de l’absurdité de sous-estimer cette donnée temporelle. Il suffisait de voir le poids des jours le faire crouler à chaque pas qu’il faisait loin de ceux qu’il aimait avant ce miracle. Mais tout cela ne semblait plus qu’un lointain passé qui n’avait peut-être même jamais réellement existé. C’était Enoch mince ! Bien entendu, il restait dans le cœur de Shane, une personne qu’il voulait… Non… Qu’il devait retrouver, mais s’il avait pu rencontrer son compagnon, il savait qu’il en serait de même de la jeune fille, et il mettrait tout en œuvre pour combler le fossé qui les séparait. Enoch reprit la parole plus bas, de sorte sans doute de ne pas gêner la domestique, qui n’avait nul besoin d’entendre ses propos.

«Ils ont passé la liste des Disparus partout pendant des jours. Je t'ai vu dessus. C'était la seule chose à faire. »

Cette liste, Shane ne l’avait pas comprise dans un premier temps, bien qu’il l’ait vu. Il lui avait fallu du temps pour l’interpréter, en particulier lorsqu’il avait vu sa propre image défiler sur l’écran. Mais pour lui, les autorités compétentes étaient déjà intervenues. Shane porta sa main à l’arrière de son cou par réflexe. Sale affaire…

« Madame, se peut-il que votre... Maître ait prévu cette rencontre ? Il m'a fait venir pour m'entretenir avec lui, sans autre précision. »

On pouvait cerner l’hésitation dans la phrase du petit fantôme, mais cela se comprenait aisément. Utiliser le mot « maitre » n’était tout de même pas choix à faire à la légère, et il fallait s’attendre à ce que, s’il se trompe, la femme ne soit plus glaciale encore que la pluie qui continuait de tambouriner contre les fenêtres. Shane s’empara de la serviette qui lui était tendue pour s’essuyer le visage et notamment les cheveux qui se plaquaient contre son front. La jeune femme ne réagit pourtant pas mal à l’affirmation du jeune homme, ce qui permit de confirmer le statut de celle-ci.

« Je vous prie de m’excuser, je ne savais pas que notre maitre attendait un invité… J’ai simplement pris la responsabilité d’inviter cet enfant pour lui épargner la pluie, tout ceci n’est qu’une coïncidence… Mais tant mieux, je suis heureuse d’avoir pu vous aider. Enfin ne resté pas là, suivez-moi, je vais vous guider jusqu’à la salle de jeux et prévenir mon maitre de votre arrivée. »

Shane tendit la serviette à Enoch pour qu’il puisse se débarbouiller le visage avant de suivre le pas de la jeune femme aux cheveux châtain qui remontaient en un chignon impeccable derrière sa tête.

« Je vous remercie madame… Sans vous je n’aurai peut-être pas retrouvé Enoch… »

« Ce n’est rien, voyons ! Tout le plaisir est pour moi. Et appelez-moi Meredith. »

Ouvrant la porte de la salle, Shane pu apercevoir de quoi celle-ci était composée. Tout d’abord, deux hommes semblaient discuter au côté d’un magnifique billard ; la table semblait en parfait état. Le premier était vêtu comme un valet de maison, ce qui était sans nul doute son rôle au sein de la demeure. Le second bien vêtu les cheveux courts, bruns, le visage ferme mais vif, accompagnait ses paroles de gestes pour illustrer ses propos. Un dernier homme, assez reculé par rapport au reste semblait entamé par les effets de l’alcool et peinait à se tenir debout, chemise complètement ouverte. Dans le coin droit de la salle, un peu avant une autre pièce se trouvait une table qui devait être réservée aux jeux de cartes. Poker, notamment. En annonçant la présence des deux garçons qui la suivait, Meredith ne s’attarda pas sur les présentations, et partit plutôt aider l’homme complètement bourré qui bordait la salle. De l’autre côté, le valet fit la révérence aux invités, le second homme se rapprocha d’eux pour tendre sa main à Enoch.

« Bonjour, Je m’appelle Parker, Parker Wilson, détective de profession, et vous ? »
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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22.09.14 21:08
And I know there’s someone out there somewhere
Who has it much worse than I do ♫

Puisqu'il avait retrouvé Shane, certes par hasard, rien ne l'empêchait désormais de s'éterniser dans cette demeure. Il pouvait à présent décliner l'offre de ce mystérieux propriétaire, prétexter d'autres rendez-vous oubliés de fâcheuse façon, tout comme une soupe sur le feu ou quelque chose du genre. Cependant, c'était sans compter sur sa curiosité maladive, cette vieille compagne atemporelle, et le plaisir qu'elle avait à tirer Enoch par la manche pour qu'il regarde dans sa direction. Nul doute qu'elle savait y faire avec les fantômes. Et puis, la domestique ne semblait pas prête à laisser filer les deux garçons, sans que l'excuse de l'orage ne parvienne à satisfaire tout à fait l'aîné d'entre eux. Il y avait quelque chose de louche à inviter un parfait inconnu de cette manière, alors que la distance du manoir à la rue étai si conséquent ; qu'est-ce qu'elle faisait dehors à ce moment-là, le petit poucet aurait bien aimé le savoir. Mais trop des scepticisme était mauvais pour les nerfs, et bien que cette étrangeté piqua son attention, il la laissa disparaître derrière la joie d'être de nouveau en compagnie du brun et un coup de serviette sur son museau. Ils s'engouffrèrent ensuite à la suite de Meredith à l'intérieur de la salle de jeux. Le simple fait d'en posséder une en disait long sur la fortune du maître des lieux, richesse qui recouvrait à peu près chaque pièce du mobilier d'un vernis clinquant. Pour un ancien employé dans un journal populaire, tout brillait d'un éclat brutal, presque agressif. Son domicile lui manqua soudain, et avec lui ses empilements de livres, son canapé-lit au dessus couleur chocolat, ses plantes vertes et son moelleux tapis blanc où il se plaisait tant à se vautrer en rentrant du boulot. Il avait beau avoir appris qu'il ne fallait pas s'attacher aux biens matériels, il regrettait ce refuge qui portait le nom de foyer.

Dans cette pièce, le vert épinard du feutre du billard apportait une touche de fraîcheur aux épaisses boiseries sur les murs. Avec la lumière d'une sombre soirée, ils se seraient crus dans un film de gangsters, la fumée des cigares en moins, mais l'atmosphère mafieuse évidente. Heureusement pour eux, personne ne les fusilla du regard quand ils pénétrèrent dans l'enclos, et ce fut au contraire un salut presque chaleureux qui les accueillit. Sans qu'ils en aient conscience, les deux adolescents se tenaient au coude à coude, comme si n'importe quoi, de n'importe où, était en mesure de les séparer de nouveau. Peut-être un relent de leurs précédentes aventures, qui avait fini par leur faire comprendre qu'une fois réunis, tous les ennuis pouvaient leur tomber dessus sans s'annoncer. Se préparer à toute éventualité. De toute façon, ils étaient en terre inconnue ici.
« Enchanté. Enoch Livingston. » Une main fine et blanche s'imbriqua dans celle, épaisse et puissante, du détective. Il évita d'ajouter chômeur de profession par sarcasme, afin de prévenir une mauvaise réaction, et présenta à sa suite son ami : « Voici Shane Treazler. » Le policier eut l'air ravi, malgré l'éclair soupçonneux qui illumina le regard qu'il déposa sur ses deux interlocuteurs. « Dites-moi, nous sommes-nous déjà rencontrés ? Je suis très physionomiste, vous savez, c'est essentiel dans mon métier. » Une négation embarrassée ne le décontenança cependant pas, et il enchaîna en décrivant la salle du bout du bras : « Vous êtes bien jeunes pour venir ici ; ce vieux génie de Kennewick ne s'intéresse qu'aux antiquités. C'est le plus fervent collectionneur que Madison ait jamais porté. Ils sont nombreux à le trouver fou en ville, mais vous verrez bien vite qu'il est unique en son genre. On ne s'ennuie jamais avec lui. »

Enoch eut un sourire de façade, histoire de faire bonne figure. Il rêvait ou bien Shane et lui s'étaient indirectement fait traiter de fossiles vivants ? Est-ce que ce Kennewick envisageait de les étudier comme objets de son musée domestique, ou pire, prévoyait-il de s'exercer à la taxidermie sur leurs corps après avoir passé un contrat sur leur mort prochaine ? C'était peut-être cela, le but secret de leur visite ; cette demeure était un piège grandeur nature dans lequel ils avaient plongé tête première, pour changer de d'habitude. Voilà qui était du plus malin. Néanmoins, rien aux murs ne laissait planer de doute sur les intentions des hôtes. Aucun hallebarde accrochée aux cloisons, point de cheminée où jeter d'os pour dissimuler les traces, nulle lame camouflée dans des manches un peu trop longues. Paranoïaque, mon garçon. Il se risqua toutefois à tenter le diable, d'une voix claire où gouttait une subtile anxiété :
« Savez-vous pourquoi M. Kennewick inviterait des étrangers ? Nous n'avons rien de particulier à lui apporter... » Et ce nous qui revenait en force, Shane et lui, lui et Shane, à la vie et juste un peu avant la mort. Ainsi, la présence fortuite du petit brun était entièrement occultée, transformant son statut hasardeux par celui de convive en règle. L'idée que ces retrouvailles aient été un coup du destin les rendaient moins effrayantes que s'il avait été question d'un coup de dé ; cela lui donnait l'impression qu'un gardien veillait sur eux, depuis là-haut. Il n'aimait pourtant pas se reposer sur les aléas du sort, mais il finirait par y croire davantage, si le monde continuait de tourner ainsi aussi parfaitement.
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Shane Treazler
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23.09.14 11:41
Ce n’était pas tant que Shane se détournait du détective et de la conversation qu’ils menaient avec le fantôme, mais il lui était difficile de se concentrer sur ce qui se disait en sachant que Meredith se dirigeait vers cet homme saoul. D’ailleurs, qu’est-ce qu’un homme comme lui faisait dans un endroit qui semblait aussi calme et serein ? Son oreille intercepta pourtant les dires d’Enoch qui posait une question de présence toute aussi légitime. Qu’est-ce que eux faisaient là ? Si pour Shane, s’était sans doute due à un coup du sort, qu’en était-il pour Enoch, qui s’était déclaré comme invité ? Shane détourna la tête à sa contemplation pour bien regarder le détective aux traits fins, un regain d’intérêt clairement perceptible dans ses iris. L’homme posa une main sur son front pour le caresser doucement perdu dans ses pensées.

« À dire vrai, j’aurai espéré que ce soit vous qui répondiez à cette question… Comme je vous l’ai dit, ils sont nombreux à le trouver fou en ville, et lui ne reçoit que peu de convives… Je suis le premier surpris par votre présence en ces lieux… »

Il dévisagea une seconde les deux garçons, puis il laissa tomber sa main sur son flanc un lançant un grand sourire.

« Enfin qu’importe ! Il a sans doute ses raisons ! Laissez-moi vous introduire à Roland, le valet de maison. Si vous avez besoin de quoi que ce soit ici, c’est à lui qu’il faut s’adresser ! »

Le second homme s’inclina à nouveau. Shane se demanda l’espace de quelques instants s’il devait faire de même, mais en regardant ce qu’en pensait Enoch, et ne voyant pas celui-ci réagir, il se retint d’imiter le servant.

« C’est moi-même. Je vous prie, chers invités, de me faire parvenir le moindre de vos besoins, il est de mon devoir de rendre votre séjour ici des plus profitable. »

C’était assez perturbant pour Shane de voir quelqu’un faire montre d’autant de respects pour deux nabots qui semblaient sortir tout droit de la rue. Cependant, il se reconcentra sur ce qui se passait un peu plus loin et ne put retenir sa réflexion.

« Qui est cet homme là-bas que Meredith tente d’aider ? Sommes-nous nombreux dans ce manoir ? »

La deuxième question servait surtout à ne pas exprimer le ressentit qui résonnait dans le ton de la première. Son regard était suspicieux, il ne comprenait réellement pas ce que venait faire cet intrus dans cette scène… Le détective ne semblait pas beaucoup plus heureux de voir ce qui se passait.

« Ça ? C’est le frère de M. Kennewick… Il profite beaucoup de l’argent que lui offre celui-ci pour se rendre dans les bars et passe plus de temps bourré qu’autre chose… Ne vous inquiétez pas, si je vois le moindre mauvais geste de sa part, j’interviendrai. »

Son ton se radoucit alors un peu. Et il reprit ce visage enjoué qu’il arborait fièrement.

« Mais vous êtes bien curieux tous les deux dites-moi ! C’est pour le moins suspect ! »

Riant à sa propre boutade, il reprit plus sérieux.

« Ce soir, nous sommes neuf si je ne m’abuse. Quatre invités : vous, moi et l’homme ivre là-bas ; ainsi que quatre employés : Meredith, Roland, le cuisinier Aaron, et la bibliothécaire Grace. Bien sûr, il y a M. Kennewick lui-même… »

Ils étaient plus nombreux que Shane ne le pensait initialement et celui-ci se demandait comment on pouvait se permettre de prendre autant d’employé pour une seule personne… Parker enchaina presque immédiatement.

« Roland ? Vous devriez conduire ses jeunes garçons vers la bibliothèque pour les présenter à Grace. De plus, ils y trouveront sans doute de quoi s’occuper le temps que M. Kennewick puisse les recevoir, vous m’avez-vous-même dit qu’il était occupé n’est-ce pas ? »

Le valet s’inclina dans un nouveau geste. Décidément, il en faisait peut-être un peu trop…

« Tout à fait monsieur. Si ces messieurs veulent bien me suivre. »

Après un geste de main théâtral pour leur montrer la direction de la porte du fond, le majordome tourna les talons et contourna calmement la table de carte pour tourner une poignée.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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23.09.14 23:21
Try to find the words I could use
Don't have the courage to come up to you ♫

N'y avait-il donc aucune bon dieu de personne pour leur dire ce qu'ils fichaient ici ? C'était pourtant un détective, cet homme-là, alors pourquoi n'avait-il pas de réponse à fournir à une question aussi élémentaire ? Le son de cloche que cette histoire commençait à répercuter dans la caboche d'Enoch ne lui disait rien qui vaille, et l'envie de prendre la poudre d'escampette devenait plus tentatrice à chaque seconde. Un vieil hurluberlu pris d'une soudaine folie d'inviter du monde et paf, il fallait obéir à sa majesté asociale et ramper devant l'ordre ? La moue suspicieuse sur le visage du fantôme traduisait son état d'esprit. La présentation de Roland ne réussit néanmoins pas à le dérider, sauf si ce bien-aimé chevalier-servant avait l'extrême gentillesse de lire dans les pensées de son maître pour leur rapporter le pourquoi du comment ils étaient réunis dans ce manoir. Mais à décrypter ses nombreuses révérences, le garçon ne parvient qu'à le trouver plus ridicule qu'utile. Imperceptiblement, l'ambiance se modifiait ; en bien ou en mal, il n'aurait su dire.
L'interrogation de Shane eut le mérite de détourner l'attention générale et de focaliser celle de son compagnon sur ce personnage qu'il avait eu soin d'éviter jusqu'à présent. Quelques mauvaises expériences avec des ivrognes l'avait dissuadé de côtoyer d'autres de ces personnages irritables, aussi n'avait-il pas osé s'intéresser à ce nouveau spécimen. Le ton précautionneux de Parker n'eut d'ailleurs pas pour effet de changer cet a-priori, le renforçant au contraire ; comment un homme parvenu pouvait-il avoir un frère déchu ? Rivalité fraternelle aux tristes conséquences ou fausse culpabilité à l'égard d'une vieille faute ? Le point d'interrogation était levé, et ce ne seraient pas les tentatives du policier pour alléger l'atmosphère qui l'abaisseraient.

Meredith, Roland, Aaron et Grace. Kennewick devait embaucher ses domestiques selon leur nom et non leurs capacités, sans quoi il n'aurait jamais accepté un pingouin emphatique en guise de majordome. À moins d'être si fantasque qu'il désirait un employé lui ressemblant un peu. Cependant, ce dernier pouvait maintenant s'agiter autant qu'il le souhaitait, faire des cabrioles en habit d'arlequin et lancer des confettis en peau de lézard qu'Enoch l'aurait accompagné aveuglément. Un peu qu'il voulait le suivre, ce héros de la table ronde ! Une bibliothèque. Le mot magique. L'une de ces merveilles avait donc survécu au continuum temporel, si loin des médiathèques tout en hologrammes et archives numériques, si proche de lui désormais, à une épaisseur de porte à peine. Pas de résistance possible. Shane non plus ne semblait pas y voir d'inconvénient, bien que pour d'autres raisons que celles de son ami ; pour lui, ce n'était peut-être qu'une salle de plus où poireauter, où saluer une inconnue avec un chignon trop serré et des vêtements du début du millénaire, une salle où il resterait debout, dans l'expectative. Ou bien au contraire, l'euphorie du spectre déteindrait sur lui et ils se retrouveraient tous les deux à fouiller les étagères à la recherche de leurs livres favoris, édition collector originale de 2013, signée de la main de l'auteur, et ils se perdraient dans l'amas de pages jusqu'à qu'on les en arrache au moment où le maître des lieux daignerait faire sa magistrale entrée. À la seconde où le verrou céda, l'air parut soudain embaumer.

« Grace, nous avons des invités, annonça le serviteur de sa voix mielleuse. Faites-leur honneur. »
Instant d'absence dans le camp spectral. Pour le coup, là, ce ne fut pas la bibliothèque qui lui zigouilla les neurones, mais plutôt la créature qui en détenait la clé. En l'apercevant, le cœur d'Enoch fit un petit bruit de cadenas qui s'ouvre, un léger cliquetis maladroit qu'il ne comprit pas. Grace, fais-moi l'honneur de me lire du Shakespeare au coin du feu en dénouant les lacets de tes bottines corbeau. Ahum. Les livres, oui, revenons aux livres. Impossible toutefois d'admirer la beauté de cette caverne aux trésors sans en revenir toujours en son centre, à l'endroit même où la grâce avait refermé la couverture de Hamlet.
« Bienvenue à vous, messieurs. M. Kennewick possède beaucoup des derniers ouvrages sur papier de Madison ; vous ne les trouverez nulle part ailleurs. Soyez libres de les consulter à loisir. »
Il avait suffit d'un mot pour que le garçon se sente rougir et ne sache plus vraiment si les œuvres l'intéressaient encore. Elle ignorait probablement qu'ils étaient nés à une époque où les arbres se broyaient en fines particules pour recueillir tout le savoir du monde, et il aurait aimé le lui dire pour que, peut-être, elle lui demande en retour s'il en avait apporté un avec lui, et qu'il lui réponde par l'affirmative, et qu'il aille le chercher dans son manteau, ce Graal miniature, et qu'il lui tende dans l'unique but d'effleurer les lettrines de ses ongles. Mais non. À la place, il ne trouva qu'une bête phrase à répliquer : « Merci à vous. » Et il voulut que l'orage le réduisît aussitôt en cendres pour ne plus avoir à entendre l'étrange plainte de son âme.

Spoiler:
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Shane Treazler
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24.09.14 17:41
Une bibliothèque ? Shane n’y passait pas le plus clair de son temps. Non pas qu’il n’aime pas prendre un livre ou deux de temps à autre pour les lires bien blottit dans sa couverture mais, avant l’incident, il passait le plus clair de son temps à errer dans les rues à la découverte de choses inconnues, de nouvelles saveurs. Et même s’il comprenait l’excitation du rat de bibliothèque qui l’accompagnait - à cette nouvelle époque, les livres ne poussaient pas sur des étagères - il ne la partageait pas. Ceci étant, peut-être commettrait-il la folie de demander à en emprunter un si le propriétaire ne s’en offusquait pas. Même si c’était sans doute impossible et le garçon ne se faisait pas de fausses idées à ce propos. Au moins, l’accueil fut chaleureux à l’instant même où la porte fut ouverte. La responsable du secteur semblait aussi encline à servir les nouveaux venus que Meredith ou Roland avant elle. A ceci près que cette femme… Portait des lunettes ? Cela existait encore à cette époque ? Il n’y avait guère vraiment fait attention… Après avoir annoncé les modalités à ses invités, et la réponse d’Enoch qui suivit, elle repencha son nez sur un ouvrage qu’elle semblait consulter. Shane se tourna vaguement vers Enoch et faillit se suspendre aux rideaux sous l’effet de la surprise… Celui-ci était un peu bizarre, il semblait plus… Vivant que d’habitude, comble pour un ectoplasme. Secouant la tête pour ne pas l’arracher à ces réflexions qui devaient être extrêmement poussée au vu de son attitude, il tourna la tête vers l’ouvrage de Grace. Se rapprochant, regardant même par-dessus son épaule par curiosité, manquant ainsi de politesse, il ne put empêcher sa remarque.

« Que lisez-vous ? »

La bibliothécaire releva la tête, n’affichant pas la moindre surprise en regardant le jeune garçon qui se trouvait pourtant très proche d’elle. Elle replaça ses lunettes sur son nez avant de fermer le bouquin pour en faire voir la couverture. Histoire Inconnue de Madison tome V, J. B.

« Ah… Et euh… De quoi ça parle ? »

Une lueur de surprise traversa les yeux de la jeune femme, tandis qu’elle reculait sur sa chaise. Un peu comme si elle venait de se rendre compte de la proximité de Shane. Elle prit même le temps de mettre un marque-page et de refermer son ouvrage, le reposant avec soin sur la table.

« Vous ne connaissez pas cette série d’œuvre ? Elle est pourtant mondialement connu ! »

Mondialement… Pour quelque chose qui dans son titre portait « Madison », cela semblait assez improbable…

« John Bret est un chroniqueur qui enquête sur toutes les affaires irrésolue de la décennie ! Il déterre toutes affaires journalistique n’ayant trouvé aucune explication pour les résoudre. C’est l’un des seuls journalistes se servant encore de manuscrit. Où étiez-vous donc ces dernières années pour ne pas savoir ça ?! »

Ben… Si je dis : À mon époque, ça compte ? Heureusement que cela ne resta qu’une pensée fugace, Shane n’avait pas tant envie de vexer la femme. Mais celle-ci se mis à se pencher sous son bureau pour en saisir un bouquin qu’elle lui posa devant le nez.

« Tenez, prenez ceci, c’est le premier volume de la série, je vous le recommande chaudement. »

Le garçon regarda une seconde le bouquin, un petit peu gêné, mais fini par s’en emparer alors que dans son dos, Roland s’éclaircissait la gorge. À voir le visage de celui-ci, il désapprouvait clairement l’attitude dont venait de faire preuve Grace, chose qu’elle remarqua, s’abritant derrière les pages de son livre dans lequel elle replongea immédiatement. Cela ne devait pas être courant dans sa profession que de se conduire comme elle l’avait fait, nul doute que cette série était précieuse pour elle. Chose que Shane aurait sans doute appelé de la « passion ». Après avoir souri sur la maladresse dont la brune avait fait preuve, Shane se tourna vers Enoch et lui tendit le livre. Non pas qu’il voulait que le fantôme le porte pour lui, mais il pensait que cela aurait plus d’intérêt pour un ancien journaliste que pour un gamin errant. De son côté, il partit explorer les étagères rangées devant les murs et les fenêtres dans l’espoir d’y trouver un livre plus intéressant.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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26.09.14 22:15
And history books forgot about us
And the bible didn't mention us not even once ♫

Ce fut une brève rêverie, sans doute trop belle pour être vraie et sans raison apparente, qui laissa dans son sillage un relent suranné. Un béguin solitaire, ni plus ni moins, tel qu'il en survient parfois au détour d'une rue, lorsque vous croisez une nymphe à la chevelure auburn dont le regard vous enracine sur place. Parce que si les premières secondes avaient découpé le décor à larges coups de ciseaux crantés, la suite de la rencontre fut un collage réaliste et tristement ordinaire de questions-réponses pleines d'emphase. Adieu l'Ophélie illusoire qui voguait sur son ruisseau de lettres ; adieu l'intellectuelle emplie de retenue gracile, presque timide, dont les prunelles vertes dissimulées derrière la transparence de ses verres ressemblaient à deux nénuphars sur le point d'éclore. Enoch lâcha un soupir, remettant son cerveau dans les gonds qu'il n'aurait jamais dû quitter. Tout désenchanté qu'il paraissait, il ressentait cependant une vague de soulagement à la pensée d'avoir pu, même un instant, éprouver de nouveau un élan du cœur aussi spontané, aussi irrépressible, et ce en dépit des circonstances. Le muscle pulsait toujours, ses fibres tressaillaient encore. Tout était sous contrôle.

Relégué au rang de spectateur translucide, le fantôme partit bientôt hanter les étagères qui entouraient la pièce histoire de s'occuper, gardant une oreille pour ce qui se disait entre les deux autres personnes. Ce n'était pas tant de lire qui le tentait, mais plutôt de faire traîner un doigt ou deux sur les fines reliures rigoureusement classées devant lui, par ordre alphabétique des titres et non des auteurs, puis par couleurs, ce qui donnait à l'ensemble les nuances d'un arc-en-ciel séquentiel, répété à l'excès sur quatre pans de murs et trois rangées. L'œuvre d'un fou peut-être, mais pas exempte de beauté. Le parfum du papier, le renflement convexe des côtes, le relief d'un titre creusé dans la couverture, ces mille et un détails qui importent peu et font pourtant l'essence de la littérature, causaient chez le petit poucet un sentiment rare de sérénité. Rien n'aurait pu l'en extraire, si ce n'est le geste de Shane quand il lui tendit l'Histoire Inconnue de Madison pour s'en débarrasser. Il l'ouvrit au hasard et lut par bribes.
Chronique n°1 : Neige d'Août.
Les protagonistes sont deux enfants retrouvés dans la forêt, en état d'hypothermie avancée, un jour de canicule. […] Les parents assurent qu'ils ne se connaissaient pas jusqu'à lors. Aucun signe d'Evolvution chez le plus âgé ; l'autre présentant un gêne endormi. […] La dernière personne a les avoir aperçus serait un de leurs camarades, au moment où il commandait une glace fraise-chocolat à un marchand ambulant. La piste d'un kidnapping ayant mal tourné a été privilégiée avant d'être abandonnée, faute de preuves. […] Pas de souvenirs chez les deux enfants pendant une semaine avant l'incident.

Affaires irrésolues, tu m'étonnes. Enoch referma le livre avant d'en chercher l'emplacement sur la bibliothèque. Avec tous les progrès de deux siècles, les connaissances sur les Evolves et les enquêtes sur le paranormal, il existait encore des cas incompréhensibles – constatation incompréhensible, en soit. À tous les coups, le petit poucet en aurait mis sa main à couper, c'était un problème de mushi.  

« Shane, regarde ! » chuchota soudain le garçon à l'intention de son acolyte. Tandis qu'il guettait la mince ouverture où glisser le tome, son regard s'était en effet arrêté sur un titre intriguant : Phénomènes cosmiques et mutations biologiques. Alors que Roland était reparti dans la pièce d'à côté et que Grace ne levait pas le front de son récit, Enoch se saisit du document et en feuilleta les pages d'un geste nerveux, à la recherche d'un chapitre qui aurait mis en lumière quelque obscurité stagnante. Outres les nombreuses chutes de météores sur le globe terrestre, le traité recensait certaines photographies interdites du début du millénaire ayant réchappé au pilon de la censure, où l'on n'apercevait certes qu'un halo brumeux au milieu d'une rangée d'arbres ou bien une silhouette qui aurait très bien pu être celle d'un ours, mais qui portait comme légende juillet 2012. Plus loin dans les explications, un regroupement d'articles de journaux datant des années 2020, écrits en langage codé, laissait entendre l'existence d'une société secrète liée de très près aux problématiques evolviennes. L'ensemble restait un charabia vertigineux, surtout lorsque les dates des dossiers étaient annotées dans la marge. Les décennies défilaient, insouciantes, juste quatre chiffres anodins sur un papier, et le fantôme s'imaginait grandir dans ce contexte, vieillir, suivre les actualités avec crainte et curiosité, prendre parti et se révolter contre quelqu'un, n'importe qui, n'importe quoi, et mourir là-bas, si loin dans le passé, sans connaître le fin mot de l'histoire.
« C'était une mauvaise idée », conclut-il, soudain blême à outrance. Il rangea le bouquin avant de se tourner vers Shane, plus diaphane qu'à l'origine. « Vivement que tout cela soit terminé, n'est-ce pas ? » Mais c'était encore long, tout cela ?
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Shane Treazler
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30.09.14 10:00
Son doigt caressait la tranche des livres alors qu’il en consultait vaguement les titres un par un. Dans son dos, il sentit le petit fantôme refermer ce fardeau qui devait peser son poids entre ses mains. Pas si intéressant que ça finalement le bouquin… Même pour lui. Comme quoi, il y avait de tous les goûts dans la nature, mais Shane ferait plus confiance à son partenaire qu’à la bibliothécaire pour un sujet de lecture. C’est alors qu’il entendit son compagnon d’aventure s’agiter. Sa main quitta la rangée de livres qu’il effleurait jusqu’à présent, et il se retourna vers lui. Le petit brun s’arrêta de respirer un instant. Un titre pareil ne pouvait signifier qu’une chose et une seule… Evolve. Pourtant, inconsciemment, Shane se doutait que même si les recherches avaient dû avancer en ces quelques années, le remède à cette tare n’existait toujours pas. En effet… Sinon pourquoi prendrait-on la peine de simplement le « pucer ». Il aurait été bien plus simple de se débarrasser du problème à la source. Et pourtant… S’il pouvait y avoir la moindre information supplémentaire, Shane était preneur. L’attitude du fantôme répondit pourtant rapidement à sa curiosité… Même si les années avait filées à une vitesse impressionnante, – en particulier lorsqu’on doit est pris dans une sorte de vortex spatio-temporelle – les choses, en terme de recherche sur les evolves, avaient peu changées. Lorsqu’Enoch reposa finalement l’ouvrage, Shane se sentit soudain croître une once de culpabilité. Il n’était pourtant pas responsable de grand choses, en réalité pas de quoi que ce soit… Mais dans son esprit, une part de lui soufflait que cela ne s’arrêterai jamais. Et il eut soudain peur de ce que cet instinct lui murmurait à l’oreille. Cela ne se terminera pas… Sinon, notre retour aurait dû figurer dans ces livres… Mais, soudainement blême, il ne put se résoudre à broyer quelconque espoir pour son ami. Il n’avait pas le cœur à ça. En revanche…

« Enoch, je peux te dire que les recherches sur les evolves n’ont pas tant avancées ces dernières années. J’ignore si tu l’as remarqué mais la majeur différence avec notre époque vient du traçage de ceux-ci, du moins je pense, à l’aide de ceci. »

Il tapota la bosse qu’il avait acquise dans ce nouveau monde pour illustrer ses propos.

« Donc maintenant, nous ne sommes plus de simple légende urbaine traquée par la milice. C’est un progrès, c’est sûr, mais pourquoi n’aurait-il pas neutralisé mon pouvoir s’ils le pouvaient et… »

Shane s’arrêta dans son élan, encore plus pâle qu’il ne l’était une seconde auparavant. Il venait d’observer un étrange phénomène sur le mur de livre qui tapissait le meuble derrière Enoch. Ne tenant pas, il en pris un au hasard, qu’il feuilleta rapidement. Le reposant, il jeta son dévolu sur un autre bouquin bien plus loin dans la rangée et le reposa aussi sec. Renouvelant l’expérience plusieurs fois, changeant même de rangée dans le doute, le résultat ne fut pas plus satisfaisant. Il revint finalement auprès du spectre, à peine plus blafard que lui.

« Pourquoi ne possèdent-t-ils quasiment que des livres sur les evolves…? »

Shane tenta de se ressaisir, mais, s’appuyant sur le meuble, – ou tout du moins le pensait-il – il rata de s’agripper et s’affala lamentablement au pied du piédestal de livres, dans un petit hurlement qu’il ne se pensait pas capable de pousser. La chute ne fut heureusement pas trop douloureuse, juste une petite bosse au coin de la tête. D’ailleurs toujours par terre, il fit signe au fantôme qu’il allait bien alors que Roland, sans doute alarmé par le cri, arrivait au galop. Dans son coin, Grace ne quitta pas sa place, détournant à peine le regard de son livre.

« Vous allez bien Monsieur ? »
« Tout va bien ? »

Et bien… On n’avait pas le droit à la mauvaise chute ici… Du moins, c’était gentil de leur part. Shane se frotta légèrement la tête, autant de gêne que pour se masser la douleur, mais, au moment où il allait se redresser, il vit une trace de poussière blanche sous l’étagère. Par curiosité, il passa sa main sous le meuble pour s’en imprégner le doigt. Il n’avait pas vu la moindre trace de saleté depuis son arrivée au manoir. Pourtant, la sensation qu’il eut en touchant les grains lui parut… Anormale…

« C’est… Chaud ? »

La main du majordome se tendit vers lui immédiatement pour l’aider à se redresser.

« Monsieur, je vous en prie… Ne restez pas par terre. »

Shane attrapa la main et se surpris d’un détail. Le visage de l’homme était impassible mais sa main semblait… Trembler. Peut-être que Shane avait pris du poids ces derniers temps et que le majordome devait forcer pour le relever… Une fois debout, le brun s’épousseta la main sur son pantalon avant d’envoyer un sourire pour remercier le brave homme. Celui-ci s’inclina une nouvelle fois et, juste après avoir vérifié l’état du jeune garçon, il quitta la pièce rapidement. Shane laissa échapper un soupir avant de froncer les sourcils l’air soucieux.

« Je n’aime pas trop cet endroit… »
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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04.10.14 13:10
That gun is loaded but it's not in my hand
The fire burns I'm not the one with the match ♫

Il était étrange de les voir dans un état de préoccupation aussi intense. Les deux lascars n'avaient pas pour habitude de se créer volontairement des nœuds au cerveau, et encore moins d'apprécier leur minutieux démêlage ; autant dire que devant toutes ces écritures, ils n'en menaient pas large. Dans les tréfonds de son crâne, Enoch sentait même poindre un début de migraine, plus aiguë que lorsque la fatigue le cueillait, sans résistance, à deux heures du matin, et il ne pouvait s'empêcher de songer que cette douleur n'augurait rien de particulièrement enthousiasmant. Si ce n'était sa curiosité – et un peu de la pluie qui tambourinait au dehors – il aurait pris Shane sous le bras et serait parti vite fait mal fait à la recherche d'une baraque moins inquiétante. Ce fut toutefois la perspective de se retrouver de nouveau à la rue qui le convainquit de rester un peu plus longtemps dans cette bibliothèque, ma foi, empreinte d'un charme angoissant mais loin d'être insupportable. Et puis le crépuscule, le froid, l'humidité, autant d'amis qu'il n'était pas pressé d'embrasser, et qu'il n'avait pas l'intention de présenter à son compagnon, bien qu'il était persuadé que ce dernier en avait déjà connu les affres. Le fantôme eut soudain l'envie de l'interroger sur les conditions matérielles de cette nouvelle existence, où il logeait, s'il avait retrouvé Alice, s'il mangeait à sa fin et s'il avait un toit pour dormir, mais un simple coup d'œil à son allure dégingandée fournissait une réponse aussi évidente qu'alarmante à ce sujet. Pire, il eut de quoi ravaler sa moue triste au profit d'une expression horrifiée, à la seconde où son acolyte mentionna « ceci », trop petit mot pour contenir l'effroi que cela lui inspirait.

« Qu'est-ce que... ? »
Il n'eut pas le loisir d'achever sa phrase ; la crainte de découvrir la réalité lui enserrait la gorge, mais l'esquive de Shane ne lui permit pas de se réjouir de ce sursis. Au contraire, au moment où l'adolescent fuyait vers une étagère, Enoch eut l'occasion de discerner cette infime enflure de la peau, cette épaisseur épidermique à l'origine de sa traque. Il ne l'avait encore pas remarquée. Et il y avait de la nausée dans cette apparition abrupte, étrangement neutre dans la bouche du principal intéressé. Ce n'était pas la première fois que le petit poucet s'offusquait d'une décision qu'avait pris l'étudiant ; naguère, il avait cru qu'il s'était rendu de lui-même aux Erasers tandis qu'on les ramenait de leur escapade dans les hangars en ruines. Aujourd'hui, il apprenait qu'il avait franchi le pas, à peu de chose près, à moins qu'il ne fût forcé. Mais obligé ou non, il était douteux qu'il se fût vraiment défendu contre cette idée. Hébété, l'humain observait l'Evolve continuer ses affaires dans le meilleur des mondes possibles, semblant ne pas s'appesantir sur la mine stupéfaite de son ami. Vraiment ?
Quelque part, Shane devait avoir déjà reçu son lot d'interrogations et de reproches sur cet implant. S'il s'y était habitué, c'est qu'il n'en tirait ni souffrance, ni estime douloureuse. Il n'y avait qu'un œil neuf, extérieur, pour éprouver encore un malaise devant cette vision ; le valet, la bibliothécaire, le détective, personne n'avait eu quoi que ce soit à redire là-dessus. C'était normal, pour eux. Presque rassurant. Rassurant à en gerber. Mais de toute manière, les circonstances n'autorisaient pas la véhémence, tout comme la chute de l'Ancien recouvrit d'un voile d'amusement la tension régnante. Aussitôt, Enoch cacha son sourire derrière sa main tandis que Roland accourait, fidèle à sa profession. En revanche, ce premier perçut l'étonnement sur le visage de son compagnon, et la légère anxiété qui l'enveloppait depuis le début eut tôt fait de reprendre sa place entre ses neurones.

« Je n’aime pas trop cet endroit…
Moi non plus. »
Il le répéta, plus bas, pour lui-même. Il n'aimait véritablement pas ce lieu, ces domestiques mécaniques, cette ambiance de vieille France d'avant-guerre, polie jusqu'à l'os, et aucun livre n'aurait pu complètement effacer ce ressenti austère, la lourdeur anxiogène des boiseries, le vernis lustré sur les figures affables, l'atmosphère hivernale d'un piège qui se voulait chaleureux.
Doucement, Enoch tendit le bras vers son ami.


I never dreamed the sea so deep,
The earth so dark ; so long my sleep,
I have become another child.
I wake to see the world go wild.


Un relent âcre de souillure flottait dans ses sinus avant que le garçon ne distinguât, contre sa rétine, la lueur floue d'un luminaire. Autour, le silence accueillit son trouble avec la plus totale indifférence. La bibliothèque avait disparu, remplacée par des murs nus bien qu'épais, et il ne restait rien des étagères et autres meubles acajou qu'il avait pu apercevoir auparavant. Pour ajouter à son angoisse, Ulysse s'était même invité dans la grotte des Cyclopes pour se moquer de lui et de cette torpeur qu'il ne s'expliquait pas. Un rêve ? N'avait-il pas imaginé ces retrouvailles tant attendues ? Lorsqu'il ouvrit la bouche, il eut l'impression que sa voix allait se briser. Il appela :
« Shane ? »
Personne. Ou plutôt si, quelqu'un, mais qui serait bien incapable de répliquer ; quelqu'un qu'il venait à peine d'apercevoir, couché ainsi au sol à quelques pas, face contre terre et à moitié recroquevillé. Ni les cheveux ni les vêtements ne correspondaient à ceux du petit brun, et la seconde de soulagement n'eut pas la possibilité de s'épanouir, aussitôt broyée par l'horreur de la découverte. Le gamin se crispa d'un bloc. Pétrifié, il lui fallut un instant pour oser respirer de nouveau, retrouver un ersatz de calme et retenir la bride de son myocarde parti dans une course chaotique. Il n'eut pas besoin de poser de question ; l'odeur fournissait la réponse, et la couleur de l'encre parlait pour elle-même – un parfum rouge oxydé que buvaient les rainures du bois. Hormis le rire d'Ulysse, il était l'unique vivant dans cette pièce.

Sa première pensée fut de se sauver pour éviter une fin similaire, puisque le responsable se trouvait peut-être encore aux alentours. La seconde le figea sur place quand il sentit enfin le poids dans sa main, et il sursauta tellement fort en posant les yeux sur lui qu'il le laissa tomber sur le parquet, si droit que la lame se planta dans un interstice. Un bruit sec. Sous l'impact, quelques taches éclaboussèrent les lattes. Un ou deux centimètres à droite et le couteau lui aurait transpercé le pied, mais il ne s'en inquiéta même pas tant les réflexions se bousculaient dans son esprit, comment, pourquoi, quand, qui, et tant le vertige lui tordait les tripes et lui essorait l'encéphale. « Shane ! » essaya-t-il de crier, mais le nom lui parvint étranglé. Sortait-il d'un songe pour mieux se réveiller dans un cauchemar ?
Se concentrer. Réfléchir. Condenser les souvenirs, activer la mémoire, mettre en branle ce putain de cerveau qui nageait en plein brouillard. S'apaiser, surtout. Peine perdue. Rien ne fonctionnait, rien ne voulait fonctionner, il s'embourbait dans le noir et le sang qui s'étalait jusqu'à lui. D'un geste brusque, il recula comme si la flaque allait lui happer la jambe. Il sauta vers la porte derrière, sans savoir sur quoi elle donnait ; le verrou lui barra le passage. Il essaya à l'autre, juste à côté, mais le contour brûlé d'une poignée inexistante le perturba. Son attention se porta en dernier secours sur les deux battants de l'entrée principale, encadrés par des vases emplis de lys et de glaïeuls ; il eut beau forcer sur l'ouverture, et même mettre son épaule à contribution, il n'obtint rien de plus que la promesse d'une belle ecchymose sur l'articulation. La confusion cédait du terrain au désarroi. Une souris prise au piège n'aurait pas fait montre de plus de sérénité. En se retournant pour contempler l'espace vide et pourtant plein de mort, il aperçut du coin de l'œil un tableau décroché et un panneau métallique ouvert dans le mur, mais il n'y prêta guère plus de soin. Apeuré, il s'abandonna contre la cloison, glissant jusqu'au sol où il s'accroupit la tête entre ses bras.
Rappelle-toi, rappelle-toi... suppliait-il sa propre conscience.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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17.10.14 23:17
Cela faisait un moment à présent que le petit fantôme était parti et cela inquiétait Shane. Il ne pensait pas réellement que celui-ci ai quelque chose à craindre, la principale menace était hors d’état de nuire. Mais il n’empêchait que ce mauvais pressentiment ne l’avait pas quitté depuis son séjour dans la bibliothèque. Bien évidemment, Enoch avait une entrevue de prévu avec le propriétaire, mais celle-ci ne durait pas un peu trop longtemps ? Et au vu des évènements récents, n’y avait-il vraiment rien qui puisse arriver ? À ces côtés, Parker continuait de faire les cents pas. Certes, ces deux-là avait été placé comme garde d’Ethan, le frère du propriétaire qui s’était mal conduit un peu plus tôt, mais il n’empêchait que l’ambiance pesait. C’est au moment où Roland les appela inquiet que le palpitant de Shane rata un battement.

« La porte de monsieur ne s’ouvre plus, je ne comprends pas bien ce qui se passe… »

Le détective n’attendit pas de se faire prier, sans doute trop heureux de pouvoir s’intéresser à autre chose qu’à la garde de son prisonnier. Shane ne résista pas à l’envie de le suivre. De toute manière, l’homme dormait sans doute encore trop atteint par tout l’alcool qu’il avait dû ingurgiter tout au long de la soirée. Attaché comme il l’était, il ne pourrait pas aller bien loin. Tous trois avalèrent les marches quatre à quatre, prenant à peine le temps de se rattraper à la rambarde en trébuchant, et déboulèrent sur un long couloir bordé de multiples tableaux. Le traversant et passant l’angle, ils virent les deux domestiques qui les attendait devant la porte. Meredith, l’air soucieux, ne touchait pas un mot, Grace, quant à elle, laissait transparaitre son impatience et son air inquiet, frappant du doigt sur ses bras croisés.

« Enfin vous êtes là ! »

Le détective ne poussa pas même un soupir, bousculant presque les jeunes femmes pour tambouriner sur la porte.

« Kennewick ? Vous m’entendez ? Répondez ! »

Il frappa à nouveau à plusieurs reprises. Non loin derrière eux, sans doute alarmé par le bruit de la porte, Aaron jeune homme blond ne quittant pas son tablier, sortit d’une pièce non loin de là interrogeant le groupe sur ses agissements. Le sang de Shane se glaça dans son échine. Il se passait quelque chose d’étrange… Et surtout, de toutes les personnes présentes, il n’en manquait que deux, dont le fantôme. Son cœur battait crescendo dans sa poitrine, si bien que le petit brun aurait pu frôler la crise cardiaque. Le détective pris du recul.

« Bougez pas, je vais enfoncer la porte ! »

L’homme fit deux pas en arrière avant d’infliger un violent coup d’épaule à la pauvre porte en poussant sur la poignée. La porte trembla sur ses gonds mais tint bon. Cependant, à la seconde tentative, un craquement sonore se fit entendre et la porte s’ouvrit en heurtant violemment un vase qu’elle brisa au passage. Là, dans la pièce vide, se situait le petit fantôme adossé à un mur. Immédiatement, Shane se rua sur lui pour le couvrir de ses bras.

« Enoch ! Tu vas bien ?! Pourquoi c’était fermé ? Que… »
« Recule ! »

Shane tourna immédiatement la tête vers Parker, surpris par cet ordre aussi puissant que soudain. Pourtant, il ne bougea pas d’un pouce, et il fallut que Meredith vienne le prendre par les épaules pour le retirer au spectre. Shane se débâti mais pourtant, sans le moindre son laissant transparaitre un effort, la domestique le tira lentement vers tous ces visages à l’air horrifié. Le petit brun était le seul à ne pas comprendre pourquoi cet attroupement tirait une telle face, mais il réalisa à son tour en observant le cadavre nageant dans une flaque de sang derrière le bureau. Son esprit du alors faire un blackout. La porte était fermée à clef, la seule issue était condamnée… Il y avait dans cette pièce Enoch, un cadavre anciennement abritant l’âme de monsieur Kennewick, et une lame portant le pommeau d’un dragon fiché dans le sol et couverte du liquide rougeâtre. Non… Quelque chose clochait… Nécessairement ! On avait enfermé Enoch avec le cadavre ! C’était la seule explication poss…

« C’est toi qui a fait ça ! »

Parker n’avait pas trainé, immédiatement, il avait récupéré le spectre par le col avant de le soulever tout en le plaquant au mur. Shane n’entendit pas bien ce que le fantôme articula, de toute manière, il était certain que tout ne se limitait pas aux apparences… Il n’avait pas eu ce mauvais pressentiment pour rien ! Ce n’était pas possible ! Mais son sang se glaça lorsque le détective sortit une clef de la poche de son ami. Non… Parker lança le petit objet à Roland.

« Vérifie-ça ! »

Le majordome, pour la première fois sans doute, ne pris même pas la peine de s’incliner, se hâtant vers la porte, et faisant tourner la clef dans la serrure jusqu’à entendre un petit *clic*. Non… Grace surenchérit.

« Personne n’a pu passer par ses deux portes, l’une est brûlée, et la seconde est fermée à clef également. Aaron a trouvé la clef sur monsieur… »

Non… Parker tourna un visage de requin vers son ami.

« Alors nous avons notre coupable… Et ton mobile est évident. »

L’homme qui paraissait jusque-là si gentil avec eux détourna le regard vers une porte d’un métal renforcé qui ouvrait sur un coffre.

« Tu t’es enfermé à clef discrètement, puis tu as récupéré le couteau sur la table pour menacer Kennewick et obtenir le code ! Une fois ceci fait, tu l’as poignardé pour ne pas qu’il alarme le manoir et tu es allé ouvrir le coffre, mais, entendant du bruit, tu as opté pour la fuite en mimant la p’tite pute choquée dans un coin ! »

Les poumons de Shane peinaient à le fournir en oxygène, et, même s’il n’en avait pas la moindre envie, il sut qu’il devait regarder son compagnon d’une bien étrange façon. Et cela ne lui plaisait pas… Il voulait avoir confiance en lui, il le voulait de tout son cœur mais… Soudain, l’esprit de Shane le ramena quelques temps en arrière. Cette situation… Il l’avait déjà vécu… Ou à défaut de la vivre, connaitre quelque chose de très proche. Et à cette époque, lorsque sa confiance en le fantôme avait faibli et que tout semblait l’accuser, il s’était avéré que celui-ci n’avait œuvré que pour son bien… Non… Il méritait que l’on croie en lui, que l’on ne songe même pas un seul instant à sa culpabilité. Le regard de Shane se durcit tandis qu’il raclait son cerveau à la recherche d’une réponse, fouillant la pièce du regard. Une porte brulée, deux fermée à clefs, une paire de clef dans les poches d’Enoch… De l’entrée, on ne voyait qu’une étendue rouge en un seul endroit, une bouteille de vin couchée sur la table qui semblait goutter sur cette flaque qui n’était pourtant pas le précieux liquide que celle-ci aurait dû contenir. À côté, était posé le socle du couteau, arme du crime, à n’en point douter, un réceptacle à lames qui optait pour la forme d’un dragon bestial. On devinait que la lame s’y rangeait à cause du pommeau de celle-ci qui complétait parfaitement la forme du corps, lui offrant le faciès agressif qu’il lui manquait. Non loin d’Enoch, le coffre-fort était ouvert et contenait une photo et une carte magnétique dont Shane ignorait l’utilité. Le coffre était effectivement à code mais aucune trace d’infraction n’y était visible. Rien de concret ! Il y avait forcément un détail… Quelque chose…

« Bizarre… Je ne me souviens pas avoir déjà vu cet objet sur le bureau de monsieur… »

C’était la petite donnée qu’il manquait à Shane. Il se jeta presque immédiatement entre le bourreau et l’accusé, tendant les bras en guise de protection. Parker eu un mouvement de recul, surpris par cette vigueur soudaine.

« Qu’est-ce que tu es en train de faire ! »
« … Je sais qu’Enoch est innocent. Je ne peux pas encore le prouver mais je le sais ! »

Il souffla discrètement quelques mots pour celui-ci le regard désolé.

« J’ai mis un peu de temps à réagir, navré… »
« Et explique-moi comment tu justifies tout ça… Hmm ? Sa bonne foi ne suffira pas à le tirer de cette situation. »

L’adolescent se tourna à nouveau vers Parker. Le majordome avait été surpris par un détail sur le bureau qu’il n’identifiait pas… Or, la présence de la bouteille de vin n’aurait pas dû le surprendre ainsi. Pourquoi ? Parce que cet élément aurait potentiellement pu s’y trouver et que cela n’attirait pas le regard. Et si ce n’était pas la bouteille de vin…

« Je… Ne sais pas encore… Mais j’en suis certain… Roland ? À l’instant vous avez dit que vous n’aviez jamais vu cet objet sur le bureau. Vous parlez du socle en forme de dragon n’est-ce pas ? »
« Vous m’avez entendu ? C’est cela même monsieur… Je ne me souviens pas l’y avoir déjà vu… »
« En ce cas, il demeure que peut-être ce socle n’était pas là initialement ? Cela expliquerait pourquoi vous ne l’aviez pas vu. »

Le détective ne prit même pas le temps de réfléchir avant de sourire et de secouer le doigt comme si ce que venais de dire Shane était complètement insensé.

« Et alors, où se trouvait ce socle, hein ? Je rappelle que tout était fermé et on ne peut pas dire que la pièce permette nombre de cachette. »

Shane serra la mâchoire. Il disait vrai… Où le socle avait-il pu se trouver si ce n’était ici. Il fallait trouver une réponse à tout prix ! Sinon Enoch…
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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19.10.14 22:48
We will be thankful to all of our friends
That they didn't leave us as we got to the end ♫

Combien de temps était-il demeuré prostré de cette façon, le crâne entre ses phalanges, agrippant les mèches de cheveux pour les tirer sans force comme s'il allait en sortir une idée numineuse ? Combien de temps s'était-il évaporé depuis qu'il était rentré dans cette pièce – pour y faire quoi, excellente question – et avait compris qu'il n'en échapperait pas ? Combien de temps, surtout, lui resterait-il à attendre avant que ne se dissipe le brouillard entre ses tempes, avant que la mémoire n'émerge de sa torpeur de crépuscule, seule issue possible à ce mauvais rêve ? Sa respiration, unique vibration dans ce gigantesque salon, lui parvenait sifflante, nerveuse, à l'instar des pulsations sous sa peau ; il tournerait peut-être de l'œil d'ici quelques instants, juste assez pour que le blanc termine d'envahir son esprit et ne le réduise qu'à un spectre mort d'inquiétude. Une telle nausée l'empêcha même de se redresser lorsque des coups répétés heurtèrent la double porte. Il fut presque aussi terrorisé par le meurtre inexpliqué que par cette véhémence de la part du marshal en titre, de l'autre côté du mur, et ne possédait certainement plus assez de nerfs pour bouger. La tractopelle Parker eut tôt fait de défoncer les battants, s'engouffrant dans l'espace à grand renfort de hurlements. Mais Enoch se trouvait incapable de réagir, tout au plus pris d'un tremblement qui ne voulait pas cesser et que la sollicitude de Shane ne sut apaiser. Complètement perdu, la conscience éteinte, le gamin regarda son ami comme il l'aurait fait d'une vitre transparente, cherchant à voir quelque chose derrière lui qui n'existait pas. Un symptôme de junkie.

« Je ne sais pas » murmura-t-il alors, sans préciser s'il répondait pour son état ou pour celui de la fermeture. Il ne savait rien du tout, et ce vide le plongeait dans un atroce marasme. Même lorsque Meredith fit reculer le petit brun, l'arrachant à son étreinte rassurante, le fantôme n'émit aucune objection, à peine un léger mouvement de tête comme pour signifier pourquoi tu pars ? Cependant, l'intervention du détective fut plus efficace à lui remettre les idées en place, voire un peu trop. Soulevé de terre, écrasé contre le mur, Enoch sentit la surprise et l'effroi raviver d'un coup ses réflexions ; aussitôt ses yeux s'écarquillèrent face à la figure hirsute de Parker, et il bredouilla un « vous faites erreur » qui n'intéressa personne. Imprégné de son rôle policier, l'homme tâtait ses poches à la recherche d'un objet qu'il trouva bien vite, victorieux sans le montrer. Pour le garçon malmené, ce fut le début d'un doute étrange qui s'empressa de faire son nid dans un recoin de sa tête béante, une suspicion qui le soulagea autant qu'elle le révolta : quelqu'un voulait le faire passer pour le meurtrier. S'il n'y avait pas eu cette clef, soigneusement déposée dans ses vêtements, il aurait pu croire que, dans un souvenir absent, il ait véritablement tué Kennewick. S'il n'y avait eu que ce poignard ensanglanté et cette brume dans sa cervelle, ç'aurait été possible – improbable, de toute manière, mais possible. Sauf qu'avec cette clé, et avec elle les constatations de Grace – oh, Grace, tu aurais été charmante si tu n'avais pas été toi – la manipulation éclatait au jour. Manque de chance, pas au visage de Parker.

Qui était cet Aaron qui avait trouvé la clé avant même le détective ? Et pourquoi diable la bibliothécaire savait-elle que la porte du fond était condamnée, si elle n'avait pas essayé de l'ouvrir ? Serait-ce elle qui l'avait fermée juste avant, à des fins particulières, disons, pour piéger un étranger et en faire le dindon de la farce ? Enoch n'en écouta pas moins son soi-disant mobile, une mine déconcertée peinte sur son museau. Code, coffre, coin. Quoi ?
« C'est faux ! »
Le cri s'était échappé, brutal comme une première inspiration après l'apnée, triste sans être coupable. Il ne se trouvait pas en mesure de dire autre chose et, au bout du compte, c'étaient les trois seuls mots qui s'accordaient à la situation. Tout semblait faux, peut-être, de sûr, un truc n'allait pas, sans pouvoir mettre un doigt ou deux dessus, il y avait erreur, une regrettable erreur, et il en paierait les conséquences s'il n'était pas capable d'en faire la preuve. Alors que Roland prenait soudain la parole, le petit poucet tourna le regard vers Shane, visiblement aussi accablé. Le croirait-il, lui ? Le croirait-il s'il jurait ses grands dieux n'y être pour rien dans cette affaire ? Ils ne se connaissaient pas trop mal maintenant ; si l'un d'eux avait couvé des folies criminelles durant tout ce temps, l'autre s'en serait rendu compte. Et le mouvement qui agita soudain l'Evolve confirma la réponse positive.

Shane, sauveur de l'humanité d'outre-tombe, défenseur de la veuve et de l'opprimé. Shane le gosse aux nobles vertus, la justice faite adolescente, avec un cœur trop gros pour réussir à le tenir dans ses mains. Shane, enfin, avec cette candeur, cette spontanéité maladroite qui était sa marque de fabrique, cette sincérité naïve qu'Enoch adorait sans lui avoir jamais avoué. Ça oui, il avait mis du temps à réagir, mais personne ne pourrait l'en blâmer, et surtout pas le gosse trop pâle. Une nouvelle fois, le brunet sautait à sa rescousse, refusait d'intégrer l'opinion commune sous prétexte qu'elle était majoritaire, se dressait face au parti de la violence aveugle et cela dans l'unique but de venir en aide à son ami. Le fantôme en demeurait coi, sa gorge s'étranglant sous l'afflux de reconnaissance. Un jour peut-être, dans des circonstances plus calmes, il arriverait à lui dire ce qui refusait d'être prononcé par pudeur ou par honte, ces remerciements si longtemps gardés muets, ces phrases qui appartiennent au langage des sentiments, si aigre sur la langue et pourtant si doux une fois extrait des poumons. Il s'excuserait de son silence, de son introversion qui dut étonner le cadet ou le blesser à plusieurs reprises ; il déclarerait que ce n'était pas une question de confiance mais que rien ne lui suffisait plus que de savoir que, à n'importe quel moment, n'importe quelle minute, il pouvait lui annoncer tout ce qui lui passait par la tête ou, à l'inverse, recueillir le moindre de ses aveux. Au fond, c'était cela qui cimentait leur relation avec un béton indestructible : la conviction qu'ils pouvaient tout se dire sans avoir à en souffrir, et sans jamais devoir verser dans cette extrémité.

Cependant, en attendant cette occasion, il y avait une enquête à mener qui requérait toute leur attention. Avec les remarques de Roland et le point de vue de Shane sur la question – on passait sur la mauvaise foi patente de ce cher Parker, obtus comme un balai – Enoch reposa les yeux sur le dit dragon, dont le socle ne présentait aucune tache. Cela avait beau être l'arme du crime, il se demandait pourquoi sa présence ici était sujette à discussion ; un homme aussi riche que Kennewick ne pouvait donc pas exposer sur son bureau pareil objet d'art de son propre chef ? Par ailleurs, il était étrange que, si précieuse soit la sculpture, elle ait ainsi trôné en évidence ; une cachette aurait été plus appropriée pour la dissimuler aux possibles convoitises. Où, alors ? La logique fit son entrée triomphale dans un silence de mort.
« Dans le coffre... »
D'un doigt timide, le fantôme désigna l'ouverture dans le mur, jetant des coups d'œil aux domestiques puis au détective avant de revenir vers Shane d'un air entendu.
« Si personne ne l'a vu avant aujourd'hui, c'est que M. Kennewick devait le conserver à l'abri des regards, là où il aurait seul accès. » La pupille de Parker en disait long sur le grommellement qui naissait dans son gosier. Pour sûr, il devait avoir l'impression d'avoir un blanc-bec assassin à deux pas de lui qui se permettait de lui faire la leçon en rabrouant ses spéculations. La vérité, c'est qu'Enoch était tellement terrorisé que sa voix tremblait légèrement, bien que franche dans ses assertions, et il ne cessait de réfléchir sur les circonstances actuelles à défaut de se souvenir de l'entretien ante-mortem.
« Et c'est lui qui l'a ouvert. Je n'ai pas le code, je vous jure. Il n'a rien dit. » Et quand bien même il l'aurait prononcé, il ne s'en souvenait pas ; mais cela, le marshal n'était pas censé être au courant, malheureusement. « Il était déjà mort quand... » Quand quoi, déjà ? Son front retomba, de dépit autant que de fatigue. « Je ne me souviens plus. »
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Shane Treazler
Shane Treazler
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29.10.14 13:08
Si Shane était en panne sèche d’idées, ne savait plus ni que dire, ni que faire, c’est le fantôme lui-même qui vint à sa rescousse à grand renfort de respiration haleté.

« Dans le coffre... »

Le petit brun mis un temps avant de comprendre ce dont parlait le spectre. Un peu désorienté par le coffre, il se demandait s’il ne s’agissait pas là d’une incitation à la violence. Le coffre, ferait alors référence à Parker et sa voix imposante, impliquant donc de sous-entendre à Shane d’exécuter un plaquage sur le dit sujet. Petite rancune de la part de son ami peut-être… Seul bémol demeurant, que ce n’était pas le détective qui en aurait été le plus affecté à coup sûr… Le garçon resta planté comme une statue le cœur battant à folle allure. Tu ne veux pas que je fasse ça quand même ?...
Il fallut attendre de détecter, à l’aide d’un coup d’œil furtif, le doigt qui pointait le trou dans le mur pour s’assurer qu’Enoch ne voulait pas le pousser au suicide. Alors seulement, Shane pu suivre le raisonnement qui animait l’esprit de son compagnon.
En effet, il avait raison. Cela expliquait le pourquoi du comment. Faute de preuve, le raisonnement éclaircissait les points sombres et le détective ne pourrait rien y redire. Malgré tout, un point était maintenu obscur dans l’esprit de l’adolescent. Pourquoi vouloir conserver un tel objet dans un coffre ? Bien entendu, il était ainsi à l’abri des convoitises et nul ne pourrait le lui « emprunter ». Seulement, au vu des circonstances, il s’agissait aussi d’un objet purement décoratif. Les bijoux et l’argent étaient conservés dans un coffre. Cela apparaissait normal, l’argent pouvait être utilisé de manière instantanée, et les bijoux portés à certaines occasions. Mais un objet de ce type resterait éternellement à pourrir dans un coffre, sans jamais être vu par personne ? Est-ce que quelqu’un mettait un vase d’une grande rareté dans un coffre-fort où il ne pouvait jamais être même effleuré du regard ? Ce genre d’objet allait le plus souvent en vitrine… Quelque chose ne tournait pas rond, mais Shane garda en lui ses réflexions. Pour le moment, il ne fallait pas tendre de perche ou laisser une occasion au requin qui leur faisait face de contrer. Il fallait gagner du temps…
Enoch continuait d’expliquer sa logique, mais, lorsque la mémoire flanche et que l’on laisse au chasseur une ouverture, celui-ci ne la laisse pas passer… Aussi, lorsque son ami retomba dans le silence, faute de mémoire, immédiatement, Parker se remit à l’attaque.

« Cela t’arrange bien de ne pas te souvenir, n’est-ce pas ? Maintenant vous deux écoutez-moi bien. Supposons en effet que le couteau se soit bien trouvé dans le coffre. Cela ne prouve surement pas l’innocence de ce gars. »

Cela ne sentait pas bon, et le sang qui continuait d’embaumer la pièce n’était pas seul responsable de ce présage. Peut-être était-ce les années d’expérience qui se cachaient derrière le bonhomme, mais, loin de se laisser décontenancer, celui-ci avait immédiatement rebondi et refaçonné sa façon de voir les choses. Le bras de fer qui s’engageait allait être rude, mais ils avaient deux avantages quel que soit les spéculations de l’homme et aussi tenace qu’il puisse paraitre. Premièrement, tous deux savaient qu’Enoch était innocent, or s’il était innocent, il existait forcément une manière de le démontrer. Enfin surtout, ils étaient deux, quoi que fasse le détective et quoi qu’ils disent, leur force commune viendrait à bout de tous les défis. En son for intérieur, le brunet en était convaincu.

« Parce que maintenant, la seule chose que cela apporte, c’est la certitude que le meurtre n’était pas prémédité. Après avoir vu le contenu du coffre, il a simplement pris la lame qu’il a planté dans le corps de Kennewick, rien de moins ! »

La première question qui vint à l’esprit de Shane fut un « Pourquoi ? ». Qui voudrait tuer quelqu’un pour un coffre contenant une carte et une statuette cachant une lame, aussi précieuse qu’elle soit. Surtout si l’on se servait de celle-ci en tant qu’arme du crime. Cela n’avait aucun sens…Pourtant, au moment où ces mots franchirent sa bouche, une crainte insoupçonnée germa en lui…

« Mais ce coffre est vide, qu’est-ce que vous voulez qu’Enoch fasse de… »
« Vous avez fini de vous foutre de moi ?! Ne prétendez pas que vous ignorez ce qu’est cette carte ! »

Le gaillard était directement parti en direction de l’objet encore soigneusement entreposé au fond du coffre. Lorsque l’homme lui agita sous le nez, Shane fut tenté de rétorquez un : « Et ben non ! » mais il le ravala de peur d’envenimer les choses. C’était que Parker semblait déjà sur les nerfs, inutile d’en rajouter.

« Cette petite carte est une puce de monnaie, il y a au moins un million de dollars sur cette petite chose ! »

Shane failli s’étrangler. En effet, cela aurait suffît pour justifier n’importe quel vol. Difficile de se débarrasser d’un tel motif… Réfléchis Shane, réfléchis ! Ça ne peut pas être Enoch, tu le sais ! Alors il doit y avoir quelque chose dans cette pièce qui prouve que ce raisonnement ne tiens pas debout ! Il y a forcément quelque chose ! Le cœur du petit brun s’agitait tandis qu’il sentait l’épée de Damoclès se rapprocher de la gorge de son ami. Mais il ne se laisserait pas abattre. S’il fallait qu’il la stoppe à main nue, alors il le ferait, mais il ne laisserait pas le moindre mal arriver au fantôme, pas après toutes ces choses qu’ils avaient vécu… Pas après que celui-ci l’ai aidé et ai accepté ce qu’il était… Pas depuis qu’il était entré dans sa vie… Alors il allait continuer, dusse-t-il se mettre le monde entier sur le dos et y laisser une partie de son être. Peu lui importait en comparaison de l’importance de tirer son ami de là.
Maintenant calme-toi… Respire un bon coup, rien ne sert de paniquer… Regarde autour de toi, il doit exister un élément que tu puisses exploiter… N’importe quoi… Attends… Une seconde… Inverse ton raisonnement… Si, plutôt que de chercher quelque chose qui existe, tu cherchais quelque chose qui devrait exister mais qui n’est pas là… En ce cas…
Le jeune garçon avait encore les yeux clos et continuait de se tenir le front tandis qu’il reprit la parole, d’un ton presque trop serein pour être vrai. La panique avait aveuglé son jugement mais maintenant qu’il avait réussi à reprendre ses moyens, il parvenait à prendre du recul.

« Cela ne tiens pas… Si Enoch avait vraiment voulu le poignarder, pourquoi n’y a-t-il aucune trace de sang au niveau du coffre-fort… La seule présence de sang se trouve au niveau du bureau. Preuve qu’il a été tué là-bas et qu’il a à peine bougé, peut-être mort sur le coup… »

Si Shane avait ouvert les yeux, il aurait vu le visage du détective perdre de sa superbe et Aaron reprendre la suite de l’accusation, mais, encore plongé dans ses pensées, il ne s’apercevait plus de rien concernant ce qui l’entourait.

« Mais il peut avoir attendu que monsieur retourne à son bureau avant de le poignarder. »

Shane secoua la tête négativement.

« Qui laisserait son coffre ouvert béant, accessible au premier venu en retournant sagement s’asseoir… Si tel était le cas, il aurait au moins prit la précaution de le fermer. Et supposant même qu’il n’ait pas eu ce réflexe, quel besoin Enoch aurait-il eu de fermer à clef et tuer sa victime, ça n‘a pas de sens. »

Grace se tint le menton. Et lança une phrase qui fit tôt de basculer la balance.

« Et si Monsieur avait été menacé, ou au contraire qu’il avait fui en voyant la lame tirée de son socle ? »

Si Shane s’était pris un uppercut, cela aurait eu autant d’impact sur lui que cette simple insinuation. Le raisonnement se tenait… C’était vraiment mauvais… Très mauvais… Pourtant, une chose lui parut étrange dans cette phrase. Comme si depuis le début, ils oubliaient un élément crucial… Quelque chose de pourtant logique… Mais autant qu’il se creusa l’esprit, Shane ne parvint pas à mettre la main dessus. Parker profita de cette nouvelle brèche pour revenir à l’assaut.

« Tout à fait ! La fuite n’est pas à exclure et les menaces non plus ! Cela expliquerait même bien des choses ! »

L’esprit de Shane s’était embrouillé. Il perdait son calme et l’inquiétude revenait à grand pas. Pourtant, il était certain que tout ne pouvait être si simple, mais pourquoi ?
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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02.11.14 0:14
Need to stop hurrying slow down and take control
Gotta stop worrying about your problems you should know ♫

Et si quelqu'un lui avait retiré ses souvenirs ? Si ce blanc dans son esprit avait été creusé intentionnellement, à la pelle psychique, pour l'enfoncer de manière convenable dans le piège qui s'était maintenant refermé sur sa jambe ? Sans preuve pour en apporter la conviction, Enoch ne rejeta cependant pas l'idée ; l'hypothèse avait beaucoup de chances de tenir debout dans un monde où les Evolves n'étaient plus traités en parias. Peut-être que l'un des domestiques possédait un pouvoir de manipulation, créant des illusions psychiques, et qu'il s'en était servi sur le fantôme pour couper court à toute contre-enquête, ou bien avait-il la capacité d'effacer des souvenirs ? Même si cette situation demeurait plausible, le garçon dut lui apposer quelques restrictions qui n'allèrent pas dans ce sens et qui rendaient trop douteuse la véracité de la supposition. À moins de traverser les murs ou de ne pas nécessiter la présence de la victime, le don du responsable n'avait pu le toucher avant que tous ne rappliquent dans la pièce ; or il nageait déjà en plein cirage avant d'être retrouvé. Ensuite, s'il s'agissait d'une illusion durable, l'utilisateur devait éprouver un contrecoup à ce moment précis, sauf que personne ne paraissait souffrir de maux de têtes, se sentir mal ou quoi que ce soit qui attestait un effort silencieux. Le petit poucet n'en démordait pas néanmoins ; jamais sa mémoire ne lui avait fait faux-bond comme aujourd'hui, et il y avait une raison à cela qu'il se chargerait de découvrir. Le mystère aurait beau sembler aussi épais qu'une nappe de pétrole, il finirait par se dissiper. Et puisque Shane le soutenait, aucun trou noir ne viendrait à bout de cette certitude.

Sans surprise, Parker ne lâcha pas l'affaire. Il fit certes marche arrière, leur accordant la croyance sur la première position du couteau, mais se garda bien de retourner sa veste et, finalement, il recula pour mieux leur rentrer dedans avec tout l'élan buté dont il était capable. Ils avaient ainsi franchi l'obstacle de la préméditation, mais rien n'était encore joué quant à l'innocence, toujours hors d'accès bien qu'évidente à leurs yeux. Face à tous les individus regroupés dans la pièce et qui étalaient sur lui de longs regards mauvais, Enoch se sentait bien dépourvu et se serait sans doute recroquevillé dans une futile mais rassurante position fœtale s'il n'avait pas été obligé de suivre le détective dans ses révélations. Cette minuscule carte, ce carré poli de dix millimètres contenait donc au bas mot un million de dollars ? Sans déc', Wilson, really ? Les deux Anciens eurent une réaction identique : l'auto-strangulation fortuite. Voilà un mobile tout trouvé et valable pour n'importe quelle personne ici présente, surtout pour un demi-clochard venu du passé – chose qu'ignorait encore tout le monde. Mais revendiquer la nescience pour motif de téléportation temporelle n'était sûrement pas la meilleure idée pour calmer les ardeurs de l'enquêteur ; plutôt que d'être incarcéré, il risquerait l'internement, et ce ne serait pas moins appréciable. Aussitôt, le spectre parcourut l'assemblée de son iris bleu tandis que Shane reprenait sa défense. Si le coupable se trouvait parmi eux, un frémissement de paupière, un tremblement de lèvre le trahirait peut-être à cet instant. Toutefois, le gamin l'espérait sans trop y croire.  

Le brunet avait l'esprit vif et l'œil habile à déceler les failles dans le raisonnement de Parker. Il était pourtant seul contre une demi-douzaine d'inconnus prêts à pendre le coupable haut et court à la première occasion, dont un serait certainement ravi de passer lui-même la corde au cou, et cette réalité rendait la partie déséquilibrée dès le départ sans qu'il ne se résignât d'avance. Enoch ne lui avait rien demandé ; il avait choisi lui-même son camp et n'attendait rien en échange, mais le fantôme ne comptait pas le laisser assumer seul une telle responsabilité. C'était lui l'accusé après tout, et s'il lui fallait obtenir l'acquittement, il participerait à sa conquête aux côtés de son ami. Ensemble.
« Mais ce n'est pas logique... » Le ton était ferme mais le timbre faible, par crainte d'être agressé par ce même homme qui l'avait secoué comme un abricotier. D'ailleurs, la réaction fut instantanée, et toutes les paires d'iris qui se tournèrent vers lui déstabilisèrent une seconde le garçon avant qu'il ne reprît : « Il n'y a aucune trace de fuite ou de tentative pour se protéger ; on dirait qu'il est mort sans réagir. Il aurait appelé à l'aide, se serait débattu, non ? Personne n'a rien entendu. Et pourquoi fuir vers son bureau alors qu'il y avait d'autres pièces où il pouvait se cacher ? Cela ne peut pas être moi qui les ait verrouillées, celles-ci. » De toute façon, il n'en avait fermé aucune, puisque la clé était apparue dans sa poche par un miracle pas ordinaire. Enoch reconnaissait malgré tout que ces questionnements ne fourniraient pas matière à débattre pour le moment, et qu'il n'avait fait que broder sur les propres interrogations qui l'assaillaient sans même y apporter d'explication. Il lui fallait rectifier le tir et en finir avec cette histoire de lame ; à partir de la seconde où il prouverait qu'il n'avait pas pu s'emparer de l'arme, le plus gros du danger serait écarté car il ne serait dès lors plus désigné meurtrier d'office.

Soudain, en un éclair, un détail lui traversa l'esprit et sa voix s'en trouva renforcée :
« D'abord, si j'avais juste pris l'arme dans le coffre, son socle y serait toujours. Or, il a été déplacé jusqu'au bureau avant. Ensuite, même vous Roland – il désigna le serviteur d'un mouvement de tête – vous n'aviez jamais vu cet objet alors que vous travaillez ici depuis longtemps. Comment aurais-je pu savoir qu'il renfermait une lame quand M. Kennewick a ouvert ? Il devait être le seul à savoir qu'il y avait un couteau caché à l'intérieur. » En prononçant ces derniers mots, le gosse posa ses yeux sur Grace la garce. Elle mettait décidément beaucoup d'emphase à soutenir Parker dans ses réflexions, voire à l'orienter elle-même vers des pistes qui échappaient au détective, et cela n'était pas pour plaire au petit fantôme. D'autant plus que, à vue de nez, personne n'aurait été capable de rapprocher aussi vite les deux parties de la sculpture – la tête étant encore fichée dans le sol – et en déduire qu'il s'agissait des morceaux d'un tout. Il n'ajouta rien cependant, se gardant bien de retourner une accusation qui aurait été prise pour une vengeance personnelle ou un piètre essai pour détourner l'attention. Les étrangers feraient toujours les plus parfaits boucs émissaires.
Cela énoncé, Enoch lança un coup d'oeil entendu à Shane dans l'intention de lui assurer silencieusement que tout allait bien. Tout allait mal, certes, mais s'inquiéter ne servirait pas à grand-chose, et le seul fait de voir son compagnon perdre ses moyens pouvait le perturber en retour, ce dont il se passerait bien. Il ne fallait pas qu'ils flanchent, aucun d'eux, mais s'encourager à voix haute ou même en acquiesçant d'un air sévère serait probablement pris pour un complot ; le silence d'une prunelle parlerait pour eux.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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12.11.14 18:36
Cherche ! Cherche ! Si le brunet était en train de faire fondre son cerveau de part une réflexion intense, la solution ne lui apparaissait pourtant pas. Son esprit n’était pas sans faille, et peut-être aurait-il pu réaliser que son inquiétude de l’échec et les conséquences que celui-ci entrainerait à l’égard du fantôme tourmentait son esprit et paralysait son bon sens. Il avait la sensation que tout le monde autour était contre lui et prêt à lui retirer un ami qu’il venait juste de retrouver. Un frisson imperceptible le parcouru à cette idée. Le salut ne sortit que de la bouche d’Enoch, et le regard de Shane fut attiré tout comme ceux des personnes qui l’entouraient par le petit être parlant timidement.
La question que le fantôme aborda était la bonne, Shane le savait au fond de lui autant qu’il entendait les respirations changer de rythme aux alentours. Quand il y pensait, il était illogique en effet que l’homme ne se soit pas caché au niveau de la pièce fermée à clef par exemple. Et pour le bruit… En réalité, même si Shane comprenait les questions du fantôme, instinctivement, il tentait en vain d’y répondre… Mais il manquait des éléments… Des choses qui auraient dû être là mais qui n’y était pas… Mais comment gagner suffisamment de temps pour convaincre Parker qu’il fallait les chercher ? Une fois encore c’est Enoch qui apporta la réponse.

« D'abord, si j'avais juste pris l'arme dans le coffre, son socle y serait toujours. Or, il a été déplacé jusqu'au bureau avant. Ensuite, même vous Roland vous n'aviez jamais vu cet objet alors que vous travaillez ici depuis longtemps. Comment aurais-je pu savoir qu'il renfermait une lame quand M. Kennewick a ouvert ? Il devait être le seul à savoir qu'il y avait un couteau caché à l'intérieur. »

Intérieurement le brun bénît son compagnon. Seul lui était capable de continuer à suivre un fil logique dans ce genre de situation, et le regard que celui-ci jeta dans sa direction lui arracha un sourire bienveillant. Petit génie… Pourtant, même avec ces dires, Parker semblait peu convaincu, il cherchait encore un moyen de démordre les propos d’Enoch et de l’enterrer à nouveau. Shane sentit une pointe d’agacement le gagner.

« Oui mais… On ne peut pas être sûr que… »

Le brun serra la mâchoire avant de faire de grands pas jusqu’à la lame encore plantée dans le sol qu’il arracha d’un coup. Il sentit derrière lui un vent de panique de la part des convives alors qu’il haussait les épaules. Ah grou grou ! Je suis le méchant Shane qui va tous vous tuer ! Pfff... Sérieusement… Ne se laissant donc pas décontenancer, il se dirigea vers le bureau et rangea la lame dans son fourreau s’écartant pour laisser voir le résultat aux autres. Nul n’aurait pu penser qu’il s’agissait vraiment d’un quelconque objet tranchant. Simplement une statuette de dragon et rien d’autre. Le tout s’emboitait à la perfection, et personne ne pouvait rien y redire. Le ton du garçon devint grave.

« Vous voyez bien que cela ne ressemble pas à une lame ! Reconnaissez-le un peu ! Et puis vous tous autour, vous pouvez affirmer qu’Enoch n’est jamais venu avant aujourd’hui, comment aurait-il pu le savoir ?! »

Les regards d’Aaron et de Roland se posèrent sur leurs chaussures respectives, Grace quant à elle parut vexée et croisa les bras détournant le regard. Enfin, Parker se relâcha un petit peu – il fallait dire qu’il avait sans doute une minute plus tôt été prêt à se jeter sur Shane et le couteau qu’il tenait – fronçant les sourcils. Meredith gardait le silence en jetant un regard compatissant.

« Je dois dire que c’est vrai… Cependant… »

Shane balaya son bras dans le vide comme pour écarter toute objection.

« Vous êtes borné pas vrai ?! »

Il s’approcha de Parker, saisissant son propre bracelet. On lui avait dit de ne jamais s’en séparer mais il s’en fichait bien en cet instant.

« Écoutez-moi Parker. Vous voyez bien qu’il y a une chose qui cloche, j’en suis sûr. Tout ce que je veux, c’est faire la lumière sur cette affaire pour innocenter Enoch. Je ne vous empêche pas de faire votre travail, je veux juste que nous observions tous les éléments ensemble histoire de comprendre ce qui s’est réellement passé. Nul ne sert de rendre un verdict trop impulsif, même s’il est tentant. Tenez. »

Il lui confia le petit bracelet qu’il avait pris la peine d’ôter un instant plus tôt.

« C’est mon bracelet, une garantie que nous ne tenterons pas de nous enfuir ou de vous fausser compagnie. Dans cet objet, il y a tout ce qui me concerne, autant mon identité que mon pouvoir. Je suis sûr qu’en vous en sortant bien, vous aurez même une position temps réel de l’endroit où je me trouve grâce à ça. »

Le jeune garçon se tapota la protubérance à l’arrière du cou. Il reprit calmement.

« Nous ne partirons pas. Tout ce que je vous demande, c’est un peu de temps pour comprendre. S’il vous plait… »

Le détective parut un peu décontenancé mais agrippa pourtant fermement le bracelet. Se ressaisissant, il vérifia rapidement les informations sur celui-ci avant de le mettre dans sa poche.

« Pour moi, ce gamin est toujours le suspect numéro un. Si je trouve une preuve, je n’hésiterai pas à l’emmener. Compris ? »

Shane soupira de soulagement. Il ne pouvait pas dire oui comme tout le monde ?

« Entendu… »

Le détective jeta un dernier regard avant de se détourner du fantôme pour observer les marques de brûlure sur la porte.

« Roland, retourne voir ou en est notre ligoté en bas je te prie. »

Roland mis un temps à réagir mais s’inclina et partit prestement. Le reste du personnel paru un peu décontenancé par la réaction de l’enquêteur mais quitta la pièce. Shane, quant à lui, revint vers Enoch pour le concerter. Il avait jusque-là frôlé la crise cardiaque et soufflait enfin…

« Bon… Par où on commence ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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23.11.14 13:55
I find it kind of sad
The dreams in which I'm dying are the best I've ever had ♫

N'eût été le nombre de siècles, il n'y avait pas beaucoup de différence entre la scène en déroulement dans le bureau de Kennewick et le procès public d'un malandrin sur la place d'un bourg médiéval. Sans avocats ni juges habilités, les suspicions s'égrainaient au petit bonheur la chance, selon l'inspiration plus ou moins échevelée des faux témoins et des spectateurs, tandis que l'ensemble baignait dans l'atmosphère charbonneuse d'un bûcher auquel on n'attend que de pouvoir bouter le feu. La foule rassemblée avait beau être plutôt réduite, elle n'en demeurait pas moins compacte, tous les habitants du manoir s'étant unis contre le brigand présumé, ce pauvre gosse parmi les moins crédibles du métier et qui jamais n'aurait pu ne serait-ce que camoufler longtemps le fait d'avoir mangé plus d'un Granola. Bien sûr, l'affaire présente était beaucoup plus grave que l'affront subi par l'ingurgitation d'un biscuit supplémentaire, mais quand même. Shane était sans doute le mieux placé pour savoir que, quelle que fût la nature du crime dont Enoch serait accusé, celui-ci n'aurait pu le commettre sans se vendre aussitôt, bon gré mal gré, ou sans être pris en flagrant délit. Il en était ainsi : la discrétion qu'il exerçait dans les actes sages se réduisait à néant dans la perfidie.
Face à ce contre-argumentaire, dont l'auteur éprouvait quelque satisfaction, Parker ne souhaita pourtant pas se laisser démonter. Et bien que sa diction en prit un coup sous l'effet de la surprise, sa tentative pour ne pas offrir au silence le loisir de décider du vainqueur de la joute trahissait une détermination qui ne faillirait pas. Un inspecteur qui ne se montre pas têtu dans ses enquêtes n'en est pas vraiment un, dit-on. Le détective semblait prendre cet adage avec le plus grand sérieux, au désespoir de ses victimes présumées.

Il fallut l'intervention de Shane pour jeter un froid assez puissant afin de couper court aux contestations. Même son ami le regarda avec effroi s'approcher de la lame qu'il avait lui-même lâchée quelques instants plus tôt, et la saisir presque avec indifférence, comme s'il se contentait de récupérer un canif pour se peler une pomme. Le petit haussement d'épaules qui l'accompagna dut le faire passer pour un fou auprès de tous les domestiques et pour un meurtrier en puissance aux yeux de Wilson. Mais si l'action pétrifia chacune des personnes ici présentes, Enoch constata néanmoins que la sacro-sainte arme du crime avait perdu de sa superbe à cette époque ; nul n'aurait pu s'emparer d'elle à l'aube du troisième millénaire, au risque de se retrouver en taule pour entrave à une enquête et complicité d'assassinat. Les nouvelles technologies en matière d'empreintes et d'échantillonnages devaient donc avoir suffisamment progressé pour faire fi de ce genre d'entorses au règlement. Cela n'empêcha pas un frisson de glisser le long des vertèbres du petit poucet, pareil à un avertissement. La suite donna d'ailleurs raison à cette mauvaise impression.
À l'instant où Shane décrivit un arc de cercle avec son bras, son ami crut qu'il cherchait à employer son pouvoir pour rabattre le caquet de Parker. Il aurait certes été étonné de voir le coup partir, puisque la réussite de l'utilisation dépendait de nombreux facteurs auxquels ne répondaient pas les circonstances, mais il éprouva un léger embarras à l'avoir envisagé. Il considérait cela comme un manque de confiance à l'égard de celui qui la méritait tout entière ; imaginer le petit brun en train de recourir à la force brute pour faire passer ses idées, ce n'était pas vraiment appréciateur. Mais l'histoire passa bien vite à la trappe. Muets bien que surpris, tous assistèrent bientôt à une remarquable démonstration de sang-froid de la part de l'Ancien, et ne purent que reconnaître en lui un certain sens du sacrifice. Enoch lui-même en demeura à la fois effaré et honteux.

Afin d'éviter le lynchage en place publique à son compagnon, l'Evolve venait de mettre en jeu tout ce qui aurait pu lui permettre de retrouver un semblant d'appartenance sociale. Comme tous les Disparus de 2013, il devait considérer l'objet comme un moindre bien, un gadget assez irréaliste et sans doute pas très utile, mais pour les contemporains, cela se résumait probablement à fournir son code de carte bleue et les clés de son appartement à un tiers. En l'occurrence, Parker ne découvrirait ni compte à six chiffres, ni bien immobilier luxueux, mais il était ainsi en possession de toutes les données indispensables à une intégration en bonne et due forme. La mine grave, le suspect numéro un baissa les yeux vers son propre bracelet, le recouvrant de sa main libre. L'idée que Shane se mette dans une situation aussi précaire à cause de lui ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Il en ressentait une profonde injustice, et l'horreur de son impuissance occultait tout sentiment de gratitude. Pourquoi était-ce à lui de supporter les conséquences de cette histoire, alors qu'il n'était pas concerné à l'origine ? Pourquoi devait-il s'attirer les foudres du détective et des domestiques, là où un seul coupable était déjà de trop ? Pourtant, ce n'était pas comme s'il pouvait le lui interdire. Le brunet n'aurait sans aucun doute pas accepté de rester simple spectateur et encore moins d'être rejeté sur le banc de touche par celui-là même qu'il désirait aider. Et une dispute à ce sujet n'était pas concevable.

La pièce se vida promptement. Les derniers propos de Parker pour renvoyer Roland n'échappèrent pas à Enoch, dont le sang se glaça un soupçon, mais il n'en montra rien et préféra se focaliser sur Shane qui revenait vers lui, ainsi que les couleurs sur son museau plus pâle qu'à l'accoutumée. Il n'y eut aucun enthousiasme dans sa question et pas davantage dans la réponse fournie :
« Obtenir tout ce que nous pouvons pour combler les vides. »
D'un geste vif, le spectre attira son ami contre lui. Le temps d'une accolade maladroite, de laisser échapper quelques mots à mi-voix, un « Pardonne-moi de t'entraîner là-dedans » presque extrait de force, avant de rompre le contact aussi sec. Il aurait tant souhaité parler d'autre chose, s'inquiéter de problèmes plus ou moins graves que celui-ci, alléger la conversation ou y distiller quelques notes d'espoir. Mais l'heure n'était pas à la camaraderie ; elle ne le serait peut-être plus jamais. L'enquêteur leur jeta un coup d'œil grognon. Le garçon lui renvoya un regard sombre et alla se planter à quelque pas de lui, avec ce mélange de docilité et d'assurance typique des accusés demandant une remise de peine. À défaut de démontrer autant de courage que Shane, il pouvait au moins faire le pendant de la sagesse – et leur relique se révélerait complète dans la force de leur cohésion.
« Monsieur, commença-t-il à l'adresse de Parker, je sais que j'ai beaucoup de choses à prouver, à vous plus qu'à d'autres. En tant qu'inspecteur, vous agissez au nom de la vérité et il est normal que vous ne me croyiez pas lorsque je vous assure que je ne me souviens de rien. Mais je ne vous demande pas de me faire confiance ; s'il faut vous convaincre de mon innocence, les deux iront de pair. Nous allons essayer de mettre au jour cette affaire, Shane et moi, et alors vous saurez que je ne mentais pas. En revanche, nous allons avoir besoin de votre aide, si vous acceptez. J'aimerais savoir quelle heure il est, et combien de temps s'est écoulé durant mon absence. Que s'est-il passé pendant que j'étais ici ? Est-ce que certaines personnes sont venues vous voir ou bien, au contraire, se sont absentées ? » Il s'arrêta, légèrement essoufflé, conscient qu'une traînée de rouge s'était étalée sur ses pommettes. Finalement, il ajouta en baissant la tête : « S'il vous plaît. »
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Shane Treazler
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07.12.14 16:53
Si le petit brun peinait à récupérer des couleurs, il n’en semblait pas moins plus à l’aise que son compagnon. Avait-il les raisons de l’être ? Il n’en savait franchement rien mais cela ne le préoccupait pas plus que cela. En revanche, la réaction du petit fantôme acheva de l’inquiéter. Si Shane avait déjà vu Enoch mal en point, il ne sut réagir à l’instant où celui-ci l’attira contre lui. Son souffle se coupa et son cœur sembla se stopper tandis qu’il sentait l’étreinte d’un fantôme trop chaleureuse pour ce type d’être spectrale. Shane ne connaissait pas bien son ami. Ils avaient certes vécu beaucoup d’aventure ; peut-être qu’ils étaient plus proche que n’importe qui ayant entretenu une amitié courante depuis l’enfance ; peut-être même simplement des personnes qu’il serait presque impossible de séparer ; mais ils ne se connaissaient finalement qu’à travers leurs aventures partagées. Jamais ils ne s’étaient assis à une table, savourant un café pour parler du passé ; jamais ils n’avaient trouvé l’occasion de se joindre en d’autre terme que dans l’urgence ; jamais ils n’avaient réellement trouvé le temps de se connaitre. Et pourtant, sans comprendre pourquoi, quelque chose soufflait en Shane que l’attitude du fantôme n’était pas courante. Que ses excuses étaient bien trop rares pour être lâchées de manière hasardeuse. Que le spectre était dans un état tel qu’il avait besoin de tout son soutien, qu’il se devait de ne pas le trahir. Pourtant, trop abasourdi, le petit brun n’eut qu’à peine le temps de refermer ses mains pour y accueillir le jeune égaré. En effet, le contact fut immédiatement rompu, laissant l’evolve sur place, incapable de faire le moindre mouvement. Une part de lui s’en voulait inutilement, de ne pas avoir pu empêcher la situation d’arriver, de ne pas avoir été capable de réagir de manière adapté pour son ami, même de ne pas pouvoir endosser le rôle de suspect pour le simple bienfait de ne pas s’en vouloir et de partager des sentiments pour comprendre de quoi il retournait. Mais tout cela était absurde et même si Shane pensait à tout ça, il devinait que cette attitude n'était rien d’autre que de l’égoïsme et qu’Enoch ne désirerait rien de tout ça. Rien que le simple fait de l’imaginer, Shane savait déjà que le spectre lui en voudrait. C’était peut-être cette compréhension et cette acceptation mutuelle qui faisait de leur relation ce qu’elle était. Mais peu importe ce que pourrait en dire son ami, il le sortirait de cette situation, quoi que cela lui en coûte.

Secouant la tête pour faire disparaitre ses sombres pensées auxquelles il n’avait que peu de temps à accorder, il suivit le jeune garçon qui avait comblé la distance qui le séparait de son précédent bourreau. La question qui suivit mis un sens à ce que le suspect avait dit précédemment : Combler les vides. Mais ce que cela entrainait choqua Shane autant que l’inspecteur qui regarda le garçon avec des yeux plus rond qu’une pleine lune. Enoch était-il atteint d’amnésie ? C’était étrange… Pourquoi ? D’autant qu’il semblait se souvenir de beaucoup de chose sauf de la scène… L’inspecteur sembla se ressaisir et regarda le fantôme comme s’il pouvait voir l’intérieur de son crâne.

« J’ai accepté de vous laisser faire, je vais donc continuer de jouer pour l’instant, quel que soit le jeu auquel vous jouez… »

L’homme sembla bien peser ses mots comme s’il refusait de dire quoi que ce soit qui puisse sortir le suspect de son affaire, lui donnant la possibilité de gagner un alibi. Affichant des données sur son bracelet, il l’éteint presque tout aussi immédiatement.

« Il est précisément 23h14, si nous comptons la scène qui vient de se dérouler, scène d’environ 7 minutes, vous avez disparu durant 6 minutes au total. Je suis resté avec votre cher ami - Shane sentit une pointe d’ironie dans sa voix qui le crispa un peu, mais il ne dit ni ne fit rien de peur d’aggraver la situation. – surveiller l’homme qui est encore ligoté en bas après son acte répréhensible, que vous n’êtes pas sans ignorer, n’est-ce pas ? »
L’homme leva un cil.

« Cependant, Shane en témoignera, nous n’étions que tous les deux durant votre absence. »

Le brunet poussa un soupir.

« Je confirme oui… »

Cela ne les aiderait sans doute pas à démasquer la personne qui pourrait avoir commis le crime malheureusement…
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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12.12.14 21:45
Your whole world dropped from under you.
Left you with sorry excuses, left you with meaningless things to prove ♫

Craignait-il une mauvaise réaction de la part de l'inspecteur ? Qui veut voyager loin ménage sa monture, conseille le proverbe ; et même si Enoch désirait fuir le plus loin possible sans avoir à monter Parker, il lui fallait ménager l'ego ainsi que l'orgueil de ce dernier. Opération délicate, de toute évidence, tant il redoutait un malentendu supplémentaire entre eux, une distorsion qui aurait coupé court à toute tentative d'apaisement. Le garçon partait du principe que son innocence, acquise pour Shane et innée pour lui-même, était devenue une finalité aux yeux de l'enquêteur et, de fait, le clocher de son église plutôt que le ciment bâtisseur. L'argumentaire viserait donc moins à trouver le véritable coupable qu'à se défaire de cet a priori, objectif plus fugitif qu'il n'y parut. Quant au regard que les autres portaient sur l'affaire, le fantôme n'était pas certain de vouloir le connaître. Roland et sa clique ne semblaient pas particulièrement hostiles, auquel cas il y aurait eu davantage qu'un seul corps vidé de son sang à terre, mais les considérer comme des alliés ou, tout au plus, des adjuvants, relevait d'un pari risqué. Qui sait s'ils ne finiraient pas par se retourner contre les deux gamins, se rangeant du côté de l'autorité policière – au grand bonheur de l'un d'entre eux – plutôt que de suivre la voix des preuves, encore trop ténue pour être audible ? Cette probabilité distilla chez Enoch un nouvel effroi. Il devait trouver des éléments assez lourds afin de faire pencher une balance déjà déséquilibrée, dont l'un des plateaux ne contenait pour l'instant que deux poids plumes, au risque d'emporter son complice dans sa chute. Vaste quête.

Le reproche à peine volé de Wilson glissa sur l'échine du spectre avec la douceur d'une couleuvre. Dans sa grande magnanimité, il songeait probablement que le gamin se bernait lui-même, tentant de faire reculer au mieux l'échéance fatidique ; il tenait son talon sur la queue de l'asticot qui s'entortillait pour s'échapper et, quand il l'aurait décidé, il l'écraserait sous sa semelle avec autant de pitié qu'un rapace à l'égard d'un rongeur. La souris en question demeura abasourdie devant cette intransigeance. Elle n'en oublia cependant pas de récolter les précieuses informations que l'enquêteur consentit à lâcher, bien qu'elles n'eurent pas l'effet rassasiant escompté. Au contraire, Enoch ne s'en trouvait que plus conscient de l'abîme à combler pour parvenir à ses fins. La seule bonne nouvelle de l'histoire était la précision avec laquelle Parker disposait de l'heure ; s'ils avaient eu pour toute montre un sablier, sans doute aurait-il été en mesure de compter le temps au grain près. Le meurtre s'était donc déroulé durant un intervalle de six minutes à compter de 23h00. Le coupable avait ainsi eu un bon moment pour s'introduire dans le bureau, tuer Kennewick et repartir, certain que l'unique témoin de la scène serait incapable de se rappeler quoi que ce soit. Au vu de la position du corps, il fallait même s'appuyer sur l'hypothèse d'une grande confiance entre la victime et le bourreau, confiance autorisant un contact familier dont ne découlait nulle trace de lutte. Mais tout cela, le petit poucet le ravalait pour l'instant au second plan, trop perturbé par les révélations inédites de l'inspecteur. Il tourna la tête vers Shane avec une mine déconcertée, où s'y mêlaient une soudaine crainte et une stupeur glaçante. « L'homme ligoté en bas » ? « Acte répréhensible » ? Et pourtant, le brunet n'en paraissait nullement affecté. Quelle était donc cette soirée improbable, cette histoire d'horreur américaine en six dimensions ?

« Je vous crois... » finit-il par répondre, les yeux dans le vague. Ce n'était pas faux. Il n'avait aucune raison de penser qu'ils lui mentaient, parce qu'ils n'avaient aucune raison de le faire. Il aurait aimé ajouter qu'il s'en rappelait, que oui, bien sûr, suis-je bête, cela m'était sorti de la tête, mais ce quart d'heure entier avait pris la poudre d'escampette, l'abandonnant débile sans sa mémoire, et il ne pouvait rien répliquer de plus. Quelque part au fond de lui, une braise de fureur rougeoyait, attisée par un sentiment confus d'humiliation et de frustration. Il reposa alors son regard bleu humide sur Parker, luttant pour conserver une assurance factice.
« Merci pour ces informations. Si vous le permettez, il faut que j'aille vérifier quelque chose. » Plusieurs choses, en fait. Tout un tas. S'il avait pu vérifier la réalité entière, il l'aurait fait, de quoi s'assurer qu'il ne se trouvait pas dans un mauvais rêve sans fin. Un coup d'œil vers Shane servit à agripper le lien qui flottait toujours entre eux, invisible, et la compréhension se fit avant même que le fantôme n'ouvre la bouche. « Allons-y. » Tandis qu'il suivait son ami en direction du couloir, Enoch constata que le soulagement qu'il éprouvait du fait de quitter les lieux du crime n'avait pas allégé le pressentiment qui lui écrasait les épaules. Loin de le rassurer, l'absence de l'inspecteur sonnait tout à coup comme une perte de repères ; à présent, l'unique rempart qui se dressait entre le garçon et le cadavre arborait une crinière brune et deux pierrailles noires dans les orbites. Par conséquent, sitôt la porte refermée dans leur dos, le gamin ne put réprimer davantage son inquiétude.
« Que s'est-il passé ? Dis-moi tout. »
En un sens, il redoutait autant d'entretenir son ignorance que d'entendre la réponse.
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Shane Treazler
Shane Treazler
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22.12.14 1:54
Le petit fantôme semblait plongé dans ses pensées. Shane de son côté cherchait encore à comprendre l’attitude de Parker. Avait-il un plan en tête ? Une quelconque idée de qui pourrait-être à l’origine de l’affaire sur laquelle ils enquêtaient tous trois ? En réalité, Shane craignait que la réponse ne porte le nom de son ami… Mais de ce fait, était-ce la bonne démarche que de tenter de récupérer des informations auprès de quelqu’un qui vous jugeait comme son ennemi ? Shane ne pouvait vraiment répondre à cette question. Si la personne était honnête, c’était une possibilité envisageable, et puis même si le détective n’avait pas réellement répondu, il n’en restait pas moins qu’il avait répondu. Peut-être y avait-il une chance qu’il ne soit pas encore trop borné. Ce fut Enoch qui coupa le silence, laissant comprendre qu’il saisissait ce qu’il s’était passé. En un sens, le petit brun fut rassuré. Peut-être qu’Enoch n’avait pas complètement été occis par la scène traumatisante qui avait précédé. Pourtant, quelque chose dans le regard de son camarade inquiéta Shane. Auparavant, même dans les pires situations, celui-ci avait toujours montré un calme et une confiance exemplaire. Et d’ailleurs, même dans les pires circonstances Shane avait toujours compté sur lui. Il avait toujours eu ce personnage rassurant à ces côtés et cette impression qu’au moins l’un d’eux savait ce qu’il faisait et où il allait. Mais, à cet instant précis, Shane ne ressentait pas la douceur de cette prestance que dégageait le spectre à l’accoutumé. C’est pour cette raison sans doute, qu’avant même de saisir le regard qui lui était destiné, il était déjà prêt à suivre son compagnon hors de la petite salle. Il lui fallait à lui aussi comprendre où en était Enoch avant de pouvoir entreprendre la moindre recherche. Tout en suivant celui-ci, Shane referma soigneusement la porte au verrou brisé derrière lui, s’assurant que le maximum d’épaisseur séparerait l’inspecteur des deux garçons.
Ainsi, il reçut la salve de questions d’Enoch de plein fouet. Pourtant, alors qu’il s’y attendait, une grande inquiétude germa en lui et plutôt que de répondre dans l’immédiat à la question, il lui fallut surmonter un instant de perplexité pour rassembler ses esprits. Prenant son ami par l’épaule et l’éloignant encore un peu de la porte pour échapper aux oreilles indiscrètes, il se pencha vers lui pour lui parler à voix basse.

« Je suppose que tu me demande de quoi il parlait… L’homme ligoté en bas et ce qu’il a fait… Il s’agit d’un incident qui est survenu tout à l’heure… Il impliquait Meredith et le frère de monsieur Kennewick. Nous étions plusieurs réunit en bas dans la salle de jeu, toi, moi, Parker, Meredith, et  Ethan, le dit frère… Pendant que nous discutions, Meredith est allé voir Ethan et… »

Shane baissa le regard, l’air soudain sombre. Il ne lui était pas agréable de se souvenir de ce moment, de ne pas comprendre pourquoi ni comment…

« Il… Il s’est jeté sur elle comme possédé… Il parlait de la violer… De… Je… Passons les détails… Parker a immédiatement réagit et l’a contrôlé… S’il ne l’avait pas fait, je… Mon pouvoir… Enfin tu vois… J’ai eu vraiment extrêmement peur… C’est toi qui m’as sauvé la mise en me rassurant, sinon... Enfin… Après ça, Meredith est partie en pleurant et je suis resté avec Parker qui avait ligoté Ethan. Lui s’était évanoui… Le reste, tu le sais à présent. »

Fixant à nouveau son ami, Shane du déglutir un instant avant de poser cette question qu’il craignait.

« Mais Enoch… Tu as aussi oublié ça ? Comment est-ce possible ? Je veux dire… Cette scène a été particulièrement… Marquante… De quoi te souviens-tu exactement ? Qu’est-ce qui se passe ? »
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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03.01.15 1:35
I've seen it all before you back down and everything's changing
I needed something more you stepped down so what are you chasing ♫


Il aurait pu s’attendre à tout, et surtout à n’importe quoi. Son esprit affamé de souvenirs, en carence mémorielle, fabriquait des événements au rabais pour mieux compenser. Quelque part, inventer des circonstances passées l’aidait à supporter le mutisme de Shane, aussi inhabituel que déroutant, et Enoch se rattachait ainsi à son imagination pour combler des vides de mots et de pensées. Pourquoi Parker avait-il parlé d’un « incident » et pourquoi son ami paraissait-il si suspicieux au moment de le lui avouer ? Il n’aurait rien pu se passer de pire, au premier abord, que le meurtre silencieux du propriétaire des lieux ; alors quoi, si ce n’est une épidémie de grippe fongique, une inondation dans la onzième salle de bain du rez-de-chaussée, la fuite du dragon domestique importé d’Italie ? Le fantôme dardait sur le petit brun ses iris bleu panique, sans que la réponse qui s’ensuivit n’en levât le voile. C’est étrange d’entendre parler de soi alors que l’on n’a aucune présence psychique à assimiler à cet instant ; le garçon n’avait été qu’un corps privé de sensations dont le brunet racontait une tranche de vie qui lui échappait. Et même le récit ne faisait revenir aucune bribe, aucun cheveu d’ermite capable de lui rappeler le passé. Il n’y avait qu’une page blanche écrite au jus de citron, sans flamme ni lumière pour en dévoiler le mystère ; en lui, l’anxiété se mêlait à la frustration.
Shane était visiblement encore perturbé de la scène à laquelle il avait assisté. Loin d’être insensible à son entourage, aussi lointain fût-il, le gamin revivait la situation à travers ses paroles, et Enoch pouvait presque sentit la vague d’angoisse qui l’avait traversé quelques minutes plus tôt, encore étrangement vive. Sans doute le cadet n’avait-il jamais pris part à une altercation de ce genre, bien qu’il en eût subi des pires, mais l’épisode avait dû jurer avec l’atmosphère proprette et délicate de ce manoir à l’ancienne. Quand son discours s’interrompit enfin, l’accusé le scrutait d’un air grave. Comment son cerveau avait-il pu supprimer un acte pareil ? « Je ne sais pas… La dernière chose dont je me souviens, c’est d’avoir été dans la bibliothèque avec toi ; après, c’est le noir. »

C’était ce qui le surprenait le plus : la brutalité de l’amnésie. Il n’était pas question de morceaux de conversation, de visages ou de quelques détails glanés par-ci par-là, mais d’un intervalle précis, balisé de bout en bout, comme s’il n’avait jamais existé à cette période. Pas même un relent de décor, une tirade à moitié mangée. Rien. Et le refoulement n’avait pas grand-chose à faire dans cette affaire ; le choc ne le concernait pas. Difficile alors d’orienter son compagnon sur une quelconque piste. Son faciès perdit soudain de sa dureté, ses traits se détendirent en une attitude dépitée. « L’instant d’avant, tu étais avec moi en bas, et l’instant d’après, je me retrouve seul en compagnie de – ses bras s’agitent une seconde dans le vide, inaptes à décrire la réalité – cet homme mort. Et je ne l’explique pas. » Inutile de lui demander de le croire ; Shane respirait la confiance à son égard. Il aurait été futile de jurer ses grands dieux, et même ses petits, ou bien de cracher par terre en levant la main. Plus il y réfléchit, et plus Enoch enfonça le doigt dans la serrure de sa cervelle. La clé de l’énigme ne se trouvait pas loin, il en était convaincu ; encore fallait-il crocheter le verrou avec dextérité.
« De quoi te souviens-tu, toi ? Est-ce que Parker a commenté l’incident ? Quelqu’un est-il allé chercher Meredith ? Elle était pourtant dans le bureau, juste là, et tu ne m’aurais rien dit que je n’aurais pas deviné. Et pourquoi l’Ethan a réagi comme cela ? Il s’est évanoui à cause de quoi ? Tu penses que… ? »
La soupape fonctionnait à plein régime. En deux minutes de temps, les potentialités s’étaient renouvelées tandis que les pions s’étaient déplacés sur l’échiquier. Le frère de Kennewick était à exclure d’office de la partie, si l’on considérait qu’il avait passé le dernier quart d’heure à voler trente-six chandelles le cul sur une chaise. Meredith avait elle aussi une circonstance atténuante, pourtant elle n’en restait pas moins suspecte. Cependant, ce sur quoi Enoch s’attardait le plus demeurait  ce curieux enchaînement des actions, de l’hystérie subite de l’ivrogne jusqu’à sa chute tout aussi brusque dans les pommes. Pourquoi une telle violence ? Lui avait-elle dit quelque chose qui aurait motivé ses menaces ? Trop de points étaient négligés pour obtenir un aperçu correct du contexte. Mais quelque chose, ou plutôt quelqu’un, aurait pu se trouver impliqué de lui-même dans cette démonstration, parce qu’il existait désormais un paramètre qui n’était pas à délaisser dans une ville où près de la moitié de la population n’était plus tout à fait humaine. En conséquence, le regard d’Enoch se couvrit d’une teinte plus sombre. « Il y a un pouvoir là-dessous. »
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Shane Treazler
Shane Treazler
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23.01.15 16:46
Ce ne fut pas réellement une surprise que d’écouter la réponse du fantôme lorsque l’on raisonnait un minimum. Mais surprise ou pas, il est des choses que l’on ne désire pas apprendre de gaieté de cœur, et dieu sait Ô combien Shane aurait apprécié écouter une version des faits différentes de celle qu’il venait de recevoir. Noir ? Que voulait dire noir ? Rien ? Pas la moindre bribe à laquelle se raccrocher ? Pas le moindre soupçon de réminiscence dans lequel fouiller ? Tout n’allait pas dans leur sens et ce n’était pas pour satisfaire l’evolve. Bien sûr, il manquait quelques précisions dans le discours d’Enoch. Shane aurait notamment aimé connaitre la dernière situation qu’avait vécu le spectre. Avec moi oui mais où ? Que faisait-on ? Mais si l’esprit du fantôme nageait dans des contours encore plus flous que sa silhouette, à quoi bon valait de le harceler de questions ? Shane préféra suivre sagement les pérégrinations au sein du cerveau de son vis-à-vis. De quoi le petit brun se souvenait ? Vague question. Si seulement il avait su que les choses allait prendre cette tournure, il aurait immédiatement pris note de chaque détail, de chaque mouvement ; mais à présent qu’il était mis en face de la dure réalité, tout n’était plus que vaste mêlée de souvenirs indistincts. Des idées qui s’affrontaient et s’abattaient férocement ne laissant du champ de bataille qu’un monceau de réminiscence très brèves et inexploitable. Bribe au cours desquelles durant quelques secondes, des ombres passaient, repassaient sans pouvoir identifier ni leur identité, ni leurs gestes. Pour résumer, Shane piétinait et était incapable de retranscrire le moindre évènement. Et il s’en voulait… Si même lui tournait le dos à Enoch, bien que de manière involontaire, qui allait pouvoir le tirer de là ? Le spectre même ? Bien sûr qu’il le pourrait, il avait suffisamment la tête sur les épaules et son esprit était assez vif pour qu’il s’en sorte toujours. Mais Shane ne pourrait se pardonner de rester les bras croisé à attendre sagement et regarder son ami se débattre pour survivre.

« Je… Je… Je suis désolé… »

Il détourna les yeux un instant pour ne pas qu’Enoch saisisse la culpabilité qui subsistait au sein de ceux-ci. Pourtant, il y avait bien une question à laquelle il devait pouvoir répondre ! Juste une ! Mais cet à cet instant que son compagnon acheva son monologue et que le cœur de Shane rata un battement… Celui-ci se tourna vers son vis-à-vis, livide.

« Tu… Tu penses vraiment que… »

Un evolve ? Non… À cette époque où tous étaient fliqués il était possible que certain commettent de tels actes ? Pourtant cela expliquerait nombre de chose… En réalité tout l’inexplicable, car c’était là la définition même du mot « evolve », humain pouvant réaliser l’irréalisable… Mais si vraiment tel était le cas, qui ? Quel pouvoir ? Pour quelle raison ? Une explication peut soulever encore plus de questions qu’elle n’y répond. Malgré tout, une piste était une piste, et la suivre semblait essentiel.

« Je pense que tu as raison… Et le meilleur moyen de le savoir est encore d’aller voir la principale concernée… »

Cette fois, Shane leva le regard, comme pour réorganiser ses pensées. Meredith hein ? Cela n’allait sans doute pas être facile pour elle de répondre à leurs questions, déjà que lui avait du mal à répondre à celles d’Enoch… Mais personne n’était mieux placé pour savoir ce qui s’était vraiment passé à cet instant-là. Après un regard entendu envers son ami, Shane avança dans le couloir s’enfonçant plus loin à l’intérieur de celui-ci, jusqu’à atteindre une porte qui creusait le mur. Plus loin, il savait qu’on y trouvait la chambre des « servantes ». En toute logique, si Meredith devait se trouver quelque part, c’est là qu’elle devait-être. Poussant la porte sans trop de délicatesse, Shane se surpris à réprimer un soupçon de soulagement, se rendant compte qu’il venait de pénétrer dans une salle de bain heureusement vide. En face de lui se situait une baignoire en somme tout ce qu’il y avait de plus rétro compte tenu de l’époque, dans ce manoir cela ne changeait ceci dit en rien. À sa droite, se trouvait un lavabo au coin duquel on apercevait du dentifrice et deux brosses à dents. Respectivement à Meredith et Grace sans le moindre doute. Une salle de bain pour deux ? Peut-être même plus si l’on considérait que le cuisinier et le valet n’avait pas leur propre salle de bain. Le temps que le rouge lui monte aux oreilles, cette fois, Shane pris la précaution de toquer à la porte avant d’ouvrir quoi que ce soit et de se retrouver dans une position fâcheuse. Il entendit alors la faible voix de Meredith lui répondre de pénétrer. Il s’exécuta donc pour se retrouver face à la domestique assise au coin de son lit, une valise ouverte mais déjà pleine à ses côtés. La chambre n’était pas très grande, en ouvrant la porte, Shane aperçut à la lumière des ampoules deux lits séparés par une commode. Meredith était assise sur celui de gauche, nul doute donc qu’il lui appartenait. Cela laissait donc celui de Grace à droite. Shane avait retenu l’intégralité des chemins du manoir après avoir demandé à Roland la direction des toilettes. Celui-ci lui avait donné la direction en accompagnant ses propos de toute la cartographie du lieu. À l’époque, Shane s’était retrouvé un peu gêné car il s’en fichait, mais à présent, il remerciait le valet en secret.

« Meredith pourrions-nous vous poser quelques ques… »

Shane n’analysa le fait de trouver une valise ouverte et remplie qu’à cet instant.

« Vous faites vos affaires… Vous partez ? »

La question était posée sur le ton de la surprise.

« Shane… Vous savez, monsieur Kennewick est décédé… En l’absence de responsable, ce manoir est voué à fermer dans les prochains jours… Si je ne faisais pas mes affaires maintenant, je serais de toute manière contrainte de les préparer tôt ou tard… »

La jeune domestique baissa les yeux comme s’il lui était difficile d’envisager cette possibilité. Shane se sentit vaguement mal, mais ne sut que rajouter pour décompresser l’ambiance pesante qui régnait…

« Qu’importe… Je suppose que vous n’êtes pas venu pour parler de ça tous les deux, n’est-ce pas ? Que voulez-vous ? »

La phrase était accompagnée d’un sourire triste mais d’une volonté d’apaisement. Shane se tourna vers Enoch un peu désolé. S’il avait des questions à poser et surtout des réponses à obtenir, c’était sans doute le moment…
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



25.01.15 23:15
I realize that I got red hands, don't want to change this day
Don't ask me why I choose to lie, I stay blind all ♫

Le craquement de l'ongle se répercuta entre ses tempes avec la même fatalité qu'une trappe qui s'ouvre sous un pendu. La corne plia sans rompre entre ses dents, malmenée par des incisives anxieuses au service d'un mauvais réflexe. Dans ce genre de cas, il n'y aurait de répit que lorsque l'extrémité du doigt serait en sang, Enoch le savait bien, mais il ne pouvait s'empêcher de grignoter machinalement l'indolente courbure de son pouce, la grignoter et l'entendre grincer à l'intérieur de son crâne comme pour défaire en vain son attention. Il ne se rongeait pas les ongles, d'habitude. Pas par souci esthétique ni sérénité excessive, loin de là. Ils lui servaient parfois à gratter le chocolat sec au fond d'une casserole, à ouvrir les coquilles d'œufs ou à garder une page sur le point d'être perdue par un malheureux courant d'air ; ils servaient même – summum de l'utilité biologique – à se curer les uns les autres, dans une entraide unguéale digne des plus grands romans communistes ; alors ce n'était pas rien de les laisser pousser en paix. Sauf qu'exceptionnellement, juste ce jour-ci, peut-être les arracherait-il tous.  
Le garçon hocha la tête devant l'hésitation de son ami. S'il le pensait vraiment ? Il en aurait mis son exemplaire des Chants d'Innocence, reliure cuir, 1926, au feu. Comment expliquer sinon cette soudaine perte de mémoire, nette, aussi précise qu'un coup de scalpel dans la machine à souvenirs, et comment expliquer surtout qu'il ne parvînt pas à pénétrer l'obscurité, à en ressortir des bribes d'images, des morceaux de dialogues ? C'est le noir absolu, là-dedans, aucune lumière ne filtre. Même le brunet paraissait avoir quelques difficultés à se rappeler les événements, alors qu'il y avait assisté moins d'une heure auparavant ; l'effet du pouvoir l'avait peut-être atteint lui aussi, dans un degré moindre. Cette hypothèse vint s'ajouter aux réflexions du fantôme, ce à quoi Shane donna son feu vert. Néanmoins, les zones d'ombre se faisaient encore coriaces ; en deux minutes, les deux Anciens n'avaient réussi qu'à allumer une torche à coup d'allumettes interrogatives. Il leur restait dès à présent à s'engouffrer dans la caverne, tout prudence dehors, et à progresser pas à pas.  

Aussitôt leur intention cernée, ils se dirigèrent vers la première porte qu'ils rencontrèrent, Enoch légèrement en retrait pour laisser à son guide tout l'espace nécessaire. Ce premier fut d'ailleurs surpris de constater que son compagnon semblait connaître les lieux ; avait-il eu le temps d'arpenter l'ensemble de la demeure durant leur séparation ? Y avait-il découvert des indices futurs ? Le meurtrier présumé brûlait d'envie de le questionner sur la grandeur du manoir, sur ses possibles passages dérobés et ses escaliers secrets, mais il se reprit très vite devant la bêtise de son imagination. Aucune chance qu'un étranger ait pu obtenir l'accès à des couloirs mystérieux en aussi peu de temps ; si quelqu'un avait tracé la topographie, il s'agissait de Kennewick et de personne d'autre. Même Roland ne pourrait les aider sur ce point, par défaut d'informations autant que de volonté. En revanche, ni l'un ni l'autre ne s'attendait à tomber sur une salle de bain, et l'infime hésitation qui s'échappa de leurs gestes en dit long sur leur confusion. Étrangement, il n'y avait pas grand-chose sur le rebord de la baignoire comme du lavabo ; la pièce ne paraissait pas utilisée sur la durée, mais plutôt comme les hygiènes d'un hôtel dans lesquels on ne dépose que le strict nécessaire. Les tiroirs étaient probablement vides de toutes ces choses que les filles se mettent sur le nez, de tous ces flacons bariolés qui pullulent chez la gent féminine, et Enoch ne s'en formalisa pas. Après tout, qui aurait envie de vivre tous les jours dans une baraque aussi lugubre ?
L'inspecteur Treazler s'introduisit bientôt dans la pièce mitoyenne, non sans avoir annoncé sa venue, son assistant Livingston sur les talons. Ladite Meredith n'avait pas l'air aussi affairée que le laissait supposer son bagage, si bien que ce fut à la fois soulagé et mal à l'aise que le petit poucet observa la résidente sur le départ ; elle ne les avait certes pas renvoyés d'un ton sec, mais la perspective de discuter de choses qui fâchent n'enchantait guère le garçon. Pour l'instant, Shane s'était occupé de briser la glace. L'annonce de son déménagement, la résignation chagrine dans la voix de Meredith, la sobriété de la chambre, tout s'accordait à rendre l'atmosphère lourde de compassion. Malgré lui, le fantôme se sentit désolé. Elle n'avait rien dit sur ce qu'elle pensait du coupable potentiel ; un crime et c'était toute sa vie qui volait en éclats, et cependant, c'était la tristesse qui avait pris le pas sur un relent de colère.

Ce fut à lui de prendre la parole plus tôt qu'il ne l'avait prévu. L'espace d'une seconde, il afficha une mine confuse avant de souffler sur l'embarras qui menaçait de lui rougir les pommettes. Il n'allait tout de même pas rentrer dans le tas avec ses gros sabots, au risque de passer pour le rustre de service ; tout à coup, il ne voulait plus se trouver ici. Il fut pourtant obligé de saisir la perche, quand bien même elle lui brûla les mains. Qu'est-ce qu'ils voulaient? Là, tout de suite, maintenant ? Déguerpir. Vite. Et les condoléances balancées dans leur sillage, comme un bouquet de roses oubliées.
« Pardon... » Belle entrée en matière, mon garçon. Il y a des progrès à faire. Pardon pour quoi, d'ailleurs ? Un peu tout, certainement. « Ce ne sera pas long. » Il n'osait pas la regarder dans les yeux, non par timidité exacerbée, mais en raison d'un curieux sentiment de culpabilité. Peut-être le jugeait-elle responsable de son malheur, et ce qu'il désirait savoir ne le ferait nullement remonter dans son estime.
« C'est au sujet de tout à l'heure, au rez-de-chaussée. » L'art de décrire quelque chose dont on n'a strictement aucune idée. Il aurait bien aimé que ce soit Shane qui se charge de l'histoire, mais le petit brun avait conservé toute sa tête, lui, et n'avait donc à demander de plus. En un sens, il allait passer pour un fou en l'interrogeant sur un épisode auquel il était censé avoir assisté ; il devait la prévenir qu'il y avait eu un bug dans la matrice, mais voudrait-elle bien le croire ? Continuerait-elle ensuite de lui montrer ce visage calme quoique navré ?
« Shane vient de me raconter ce qui s'est passé. Vous allez trouver cela bizarre, mais je n'en ai aucun souvenir et nous pensons qu'il s'est produit quelque chose à ce moment qui l'expliquerait. C'est comme s'il me manquait un bout de mémoire. » Une courte pause, le temps de s'apercevoir qu'aucun poignard ne se tenait en évidence sur les dessus-de-lit, et il reprit :
« Je suis désolé de vous rappeler cet épisode... Pour l'instant, c'est la seule piste que nous ayons. Est-ce que vous connaissez des Evolves qui travailleraient ici ? Est-il possible que quelqu'un ait activé son pouvoir, volontairement ou non, à cette occasion ? » Les Evolves de cette époque parlaient-ils entre eux de leurs dons et de leurs conditions ? Leur mutation étant rentrée dans les mœurs, y avait-il encore besoin d'exhiber sa différence ou bien certains préféraient-ils la dissimuler pour éviter les commérages ? Le fantôme le saurait bien vite. Il ajouta néanmoins le fond de sa pensée à la balance, jouant quitte ou double ; si Meredith n'avait rien à se reprocher, cela se verrait sur sa figure.
« Cette amnésie n'est pas naturelle, je vous le jure. Elle profite à quelqu'un, quelqu'un qui voudrait me faire porter la responsabilité du meurtre. »
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evolve
Shane Treazler
Shane Treazler
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29.01.15 19:12
Percevoir la gêne de son compagnon ne fut pas un réel défi pour le petit brun. Comment la devinait-il ? En réalité il la partageait… Il n’était pas évident de couper le silence pesant qui commençait à s’installer dans la chambre, et Shane ressentit également une certaine honte à demeurer ainsi tétanisé, confiant la lourde responsabilité de briser la glace à Enoch. Lorsque celui-ci ouvrit enfin la bouche, l’evolve se sentit délaissé d’un poids. Lorsqu’il aborda le rez-de-chaussée, Shane ne put s’empêcher de constater que Meredith avait baissé les yeux, comme s’il lui était dur de repenser à cet instant. L’épisode avait laissé des marques traumatisantes, c’était à présent chose certaine… La suite du discours posait la situation et les préquelles à la suite du raisonnement qui leur permettrait de réaliser leur propre enquête. Alors qu’elle avait baissé les yeux à peine une seconde plus tôt, une certaine surprise se dessina dans son regard, la même que celle qui avait traversé les yeux de Shane au moment d’apprendre l’état mémoriel du fantôme. Mais si le cadet avait pu prévoir cette réaction avec brio, il n’aurait jamais su entrapercevoir ce qui allait suivre. Pas même dans la boule de cristal de madame Irma. En effet, il ne s’attendait pas à une telle sincérité de la part du fantôme, n’était-ce pas un peu hâtif de déjà lancer des accusations au nom de conjecture, certes probable, mais sans la moindre preuve tangible. Cela ne ressemblait pas tant à la conduite habituelle d’Enoch. En temps normal, il aurait sans doute été plus prudent que ça, jaugeant la stabilité du terrain avant de faire un pas. Mais là, il s’était mis à courir au-dessus du vide, croyant au saut de la foi.

Ce fut peut-être ce qui fit prendre un air si sombre à Meredith. L’adolescent avait observé précédemment une grande tristesse, mais cette fois il ne sut nommer ce que ces sourcils froncés exprimaient avant que la concernée n’ouvre la bouche. Son apaisement précédent avait disparu.

« Ne racontez pas de sottises… Il est impossible qu’un evolve ait pu exister dans cette histoire… Surtout pas dans ce manoir… Venir et exposer de telles absurdités ne vous en rends que plus suspect… Vous devriez réfléchir à ce que vous avancez avant de vous retrouver dans l’impasse. »

La jeune femme referma silencieusement sa valise se levant doucement.

« Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé en bas et ne saurait vous dire pourquoi je me suis faites agresser sans la moindre raison apparente… Pour être franche, je ne comprends pas bien ce qui m’est arrivé et n’est prêté attention à rien d’autre qu’à fuir le plus loin et le plus vite possible… Maintenant, si vous voulez un conseil, abandonnez cette théorie, elle ne vous conduira que dans l’impasse. Si vous voulez m’excuser à présent, j’ai à faire. »

Froide ? Non, plutôt gelée, et cela ne contrastait que trop avec son caractère habituel. Celle qui jusqu’à présent avait donné à Shane l’impression de les croire semblait soudainement avoir basculé dans le camp de l’opposition en une simple parole. Un peu comme si ce qu’avait dit Enoch avait achevé de lui faire choisir un camp. Pourtant ce qu’il avait dit se tenait… Pourquoi un si brutal retournement de situation ? Shane aurait aimé intercepter la domestique et le lui demander, mais l’air qu’elle affichait l’empêcha de se mettre en travers de sa route et il préféra la laisser quitter la pièce sans la moindre objection. De son côté, Shane imaginait que le fantôme devait-être aussi abasourdi que lui… Ou alors, par respect pour la femme, il n’était pas intervenu non plus.
La curiosité de Shane s’activa à grand pas. Pourquoi cette histoire d’evolve serait impossible ? Pourquoi cette réaction de la part de Meredith ? Il semblait à présent évident qu’il manquait un point crucial à leur enquête, et qu’ils allaient devoir commencer par comprendre l’ensemble de la situation avant de pouvoir avancer… Le jeune garçon consulta le regard de l’ectoplasme.

« Tu… Comprends ce qui vient juste de se passer toi ? Pourquoi serait-il impossible qu’un evolve soit dans le coup ? Ça expliquerait pourtant tellement de choses… »
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