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.Des mondes en collision. [Cass']
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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05.09.13 22:26
Tout finit par se savoir.
Le vieux transistor crachait ses boulons sur le canal trois tandis que James tapotait ses doigts au rythme d'une vague sur le bord de son bureau. Il ne s'était jamais décidé à jeter cette radio à l'agonie, quand bien même on le lui aurait reproché. Parce qu'Angela venait toujours écouter les actualités ici, à moitié assise sur le bord du meuble, il ne pouvait se résoudre à se débarrasser de cette carcasse électronique ; cela aurait été comme effacer encore un peu plus le reste de sa présence. Il y avait tant de caviar sur les ondes que le militaire peinait à tout comprendre. De toute manière, son esprit s'intéressait davantage au document ouvert sous ses yeux qu'aux élans journalistiques d'un présentateur qui avait oublié de prendre sa retraite. Le dossier portait ce nom exotique imprononçable pour la majorité de la population ; lui-même avait dû s'y reprendre à deux fois pour ne plus buter sur ces curieux enchaînement de consonnes. Et comme personne sur la base ne s'amusait à appeler ainsi le gaillard auquel il appartenait, l'effort était juste pour la forme. Juste pour l'autorité ; pour montrer que ce n'était pas l'origine du patronyme qui importait, mais la capacité à l'énoncer comme tous les autres. Parce qu'il étaient tous dans le même panier, et qu'O'Brian veillait à ne faire aucune distinction entre ses hommes.

Il avait dû en faire une cependant, depuis qu'on lui avait rapporté  certaines choses. Vraiment laides à entendre, ces histoires. Le jour où l'information lui était parvenue dans le creux de l'oreille, le grand blond avait failli casser le verre qu'il était en train de tenir. Il avait cru connaître le goût de la trahison suffisamment de fois pour ne plus grimacer en le sentant revenir sur sa langue. Comme quoi. Bien sûr, il avait mesuré les dires, considérant que les jalousies et les coups bas pouvaient être à l'origine de ce colportage, prenant en compte la méfiance que lui inspirait chacune de ses recrues, même les plus expérimentées. Puis il voulut en être certain. Une telle accusation ne souffrait aucun doute ; la laisser en suspens, et c'était la porte ouverte à d'autres débordements, d'autres turpitudes. Et puisqu'il n'est rien de mieux que de s'adresser directement au principal concerné, il avait convoqué ce dernier sans fournir d'explication. Il voulait savoir, avant toute remise en ordre, si le soldat impliqué avait assez de jugeote pour comprendre les raisons de cette entrevue. Dans son bureau. Seul à seul. À la première heure. Rien que pour cela, de sûr, il avait merdé.

Le fichier de l'Amérindien ne contenait pas grand-chose, et les quelques lignes dispersées sur son C.V. ne fournissaient guère plus d'éléments sur son passé. Contrairement à la plus grande partie de ses collègues, on ne l'avait pas refourgué chez les Erasers à cause d'un manque de discipline ou d'une connerie quelconque. Rien n'avait laissé présager un pareil revers, et c'était donc plutôt curieux qu'une telle histoire lui incombe. Mais après tout, n'était-il pas trop obéissant pour ne pas cacher quelque chose ? James se refusa à penser cela ; c'était trop facile de lancer ces suppositions une fois que le mal était connu. Plus que de savoir si les faits rapportés étaient véridiques ou non, le militaire souhaitait connaître les motivations du soldat. Les connaître pour ensuite les défaire, les ruiner, les détruire afin de le remettre à sa place. Il ne laisserait aucun mouton noir foutre le Bronx dans son troupeau.
À l'instant où des pas se firent entendre dans le couloir, le chef coupa le son du récepteur radio alors que le présentateur s'apprêtait à revenir sur les phénomènes de la veille. Écouter parler de nouveau de cette chute de météorites dans les monts de l'Oural ne ferait qu'agacer davantage l'eraser -inutile de rajouter une tension supplémentaire à la situation à venir. Les Russes n'auraient pu lui choisir un meilleur cadeau d'anniversaire, pour ses trente-six ans. À l'avenir, il faudrait qu'il garde un œil sur cet événement, au cas où il se produisait outre-Atlantique la même chose que dans le comté de Madison. Néanmoins, l'heure n'était pas aux potins interstellaires. Alors il se leva de son bureau, y abandonnant le dossier du soldat, puis le contourna pour venir s'appuyer face à la porte, de manière à n'avoir aucun obstacle entre lui et son invité.

« Entrez, c'est ouvert » lança-t-il avant qu'on ait l'idée de frapper. Pas une once de colère dans la voix ; ils étaient juste là pour discuter, n'est-ce pas ? Après que l'homme fut entré, la pièce sembla tout à coup trop petite pour les contenir tous deux. James était encore calme, pour un samedi matin. Disons même qu'il était d'humeur à écouter les petits tracas de ses recrues.
Ah, blague.
« Avez-vous une idée de pourquoi je vous ai demandé, Cassidy ? »
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08.09.13 13:10

Des sueurs froides mordaient sa nuque, arrachant des frissons électriques le long de son échine. Une appréhension familière, proche de celle précédant un combat, la fébrilité en moins. Non, là, il n’y avait que de l’angoisse ; la même angoisse qui le réveillait chaque nuit depuis cet incident. Depuis cette collaboration illégale. Il tentait de se justifier, de se persuader qu’il avait fait ça pour son bien et celui d’un civil. Mais Cassidy ne se sentait pas comme un héro, glorieux et fier de son acte, paladin de la justice inébranlable prêt à être châtié pour ses actions justes.

Cass’ n’était qu’un homme. Un homme effrayé, un condamné attendant son heure dans le couloir de la mort. L’appel l’avait mortifié sur place, paralysé sa silhouette imposante durant une poignée de minute. Puis sa conscience lui avait ordonné d’y aller le plus vite possible pour ne pas être en plus accablé d’un manque de ponctualité. A chaque pas, chaque mètre, ses jambes se faisaient plus cotonneuse, bientôt incapable de supporter la masse impressionnante pesant sur elles. Le militaire tentait tant bien que mal de réguler son souffle, de ne pas laisser poindre sa crainte. De ne pas éveiller les soupçons.  Il prendrait le temps d’inspirer et d’expirer gentiment avant de frapper à la porte, histoire de décompres--  
La voix lui avait littéralement fait faire un bond en arrière. A présent, plus le temps de se calmer avant le moment fatidique ; Omawnakw entra dans le bureau, maudissant sa taille trop imposante pour lui permettre de disparaître. Non, on ne voyait que lui, dans cette pièce définitivement trop petite, entre ces quatre murs étouffants. Son regard rencontra brièvement celui de son supérieur avant de tomber le sol. Le blond semblait si calme… Le calme avant la tempête, c’est ce que l’on disait, non ? Une citation n’augurant rien de bon.

La question tomba dans le silence ambiant, y laissant un trou béant. Un vide qui prenait de l’ampleur au fur et à mesure que l’amérindien attendait pour répondre, cherchait désespérément l’explication adéquate qui lui permettrait de s’en sortir. « … Car vous vouliez me parler en privé ? » Cela sonnait comme une réponse fort mal choisie, bien que pas si éloignée de la réalité. Bah, que pouvait-il dire d’autre ? ‘Vous avez eu vent de mes exploits’ ? ‘Vous vouliez me donner une médaille’ ? Le temps n’était pas à l’humour, et confier directement sa faute risquerait d’empirer la situation. Si ça se trouvait, l’Eraser ne l’avait même pas convoqué pour cela ; autant jouer la carte de la sécurité, pour le moment.

La pauvre amérindien ne semblait pas trouver sa place dans le petit bureau et se contentait de rester debout, n’osant pas s’asseoir en face de son supérieur. Ce genre de liberté lui avait déjà coûté par le passé. A grand renfort de coup, une chose était bien rentrée dans sa tête : le libre-arbitre n’existe pas dans les forces de l’ordre. Voilà pourquoi il attendait sagement qu’on l’invite –ou lui ordonne- à s’asseoir, droit comme un i malgré ses jambes flageolantes. « Il y a un problème, monsieur ? » Continuer sur la carte de la crédulité, ne pas laisser transparaître l’appréhension. Le jeu poursuivait son cour, de plus en plus éprouvant et difficile à tenir. Etait-ce considéré comme mentir, ce petit jeu ? Le noiraud préférait se convaincre du contraire. Non, il se contenait de préparer le terrain pour plus tard. D’appuyer ses futurs arguments en montrant qu’il ne considérait pas ses actions comme des fautes, qu’il avait de bonne raison d’avoir transcendé les règles. Mais il était dur de s’accrocher à des convictions qui n’étaient pas les siennes…

Cassidy avait merdé. Ça, il le savait depuis la minute où il avait promis à la jeune Evolve de la laisser en paix ; au moment où ils avaient franchi la porte du métro pour retrouver la lumière. Puis la situation s’était envenimée, et ça, il ne pouvait le nier. Suivre le petit groupe avait été sa vraie erreur, une erreur qu’il ne pouvait justifier à personne ; même pas à lui-même
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Ruben E. Ashter

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20.09.13 20:48
La réponse l'obligea à réprimer un rictus. Une telle franchise était loin de déconcerter James, mais il était incapable d'en apprécier l'humour. Vaguement, il se questionna sur les raisons qu'avait Omawnakw de répliquer une évidence pareille ; à savoir s'il ignorait de bout en bout le pourquoi de cette entrevue ou s'il jouait les benêts pour échapper à une sanction disciplinaire. Dans son incommensurable magnanimité, O'Brian lui octroya l'ignorance pour circonstance atténuante, même s'il n'évinçait pas la possibilité que le soldat n'use bel et bien d'une manoeuvre d'évitement. Cassidy n'était pas un mauvais homme. Contrairement à certains, on pouvait même s'avancer sans trop se mouiller en disant qu'il était digne de confiance -critère rare et vecteur de considération. Pourtant, à cette heure, il avait plus l'air perdu qu'autre chose. Il avait beau être le plus grand de la section, un des plus épais, et de surcroît le dernier homme vers lequel on se tournerait pour demander son chemin ou l'épicerie la plus proche, James lui trouvait un petit côté égaré. Alors peut-être qu'il ne savait vraiment pas pourquoi on l'avait convoqué.  

L'Eraser se redressa, acquiesça, retourna derrière son bureau et, sans s'asseoir, désigna l'une des deux chaises placées devant le meuble. « Un problème, oui... C'est le terme. Asseyez-vous. » Pas de s'il vous plaît, pas d'ordre furieux non plus. Il l'invitait sans politesse et sans brutalité, encore suffisamment empreint de diplomatie pour ne pas donner à sa voix les reliefs tranchants qu'elle aurait dû revêtir pour l'occasion. Quelques secondes encore, James jaugea l'Amérindien, puis il fit plusieurs pas jusqu'à la fenêtre aux stores entrouverts. « Cette division est peut-être dénigrée par les militaires des autres sections, mais je suis loin de penser qu'elle renferme tous les idiots et les fortes-têtes dont on l'épingle. Ici, ne donnez pas raison aux autres en vous comportant en imbécile, Cassidy, et parlons sérieusement. » D'homme à homme. Le grand blond n'aimait pas les sermons ; ça lui donnait l'impression de radoter comme un vieux grincheux. Une chance qu'il s'en tire sans le bégaiement du troisième âge et la canne en bois de chêne en prime. Il aurait préféré, pour une fois, débouler avec ses gros sabots dans la conscience d'Omawnakw, y saccager toutes tentatives de résistance et d'affront, avant de fouler du pied son plus profond repentir. Néanmoins, s'il souhaitait garder cette recrue bien sage et obéissante, à l'avenir, il devait jouer la carte de la retenue.

« Peu de gens savent ce pourquoi nous sommes là. Peu de gens comprennent l'importance de notre présence à Madison. Le triple attentat du onze septembre, les arrestations, ce climat de tension qui n'en finit plus de grossir en ville et que nous alimentons bien malgré nous... Tout le monde y va de sa petite intuition, de son petit grain de sel. On prétend même que tout ceci n'est qu'un vaste complot du gouvernement. Mais vous, vous savez pourquoi, n'est-ce pas ? Vous savez que là, dehors, certaines personnes sont différentes, incontrôlables même pour elles-mêmes, que tout ceci n'a rien à voir avec une théorie fumeuse d'illuminé. Elles détruisent et tuent sans avoir recours à aucune technologie. Le danger ne revêt plus l'apparence d'une bombe ; il est désormais à visage humain. » Cet amuse-bouche ne faisait qu'ouvrir la discussion. C'était une bête introduction, cent fois rabâchée, mais qui résumait plutôt bien la situation. Cependant, il restait trop de choses qu'il désirait encore dire. Trop de métaphores qui lui tournaient en boucle dans le crâne. Si Madison était un organisme vivant, les Evolves étaient le virus, les bactéries infectieuses qui le gangrenaient de l'intérieur. Si la ville était un fruit -petite pomme ou autre- ils étaient la moisissure à sa surface ou bien le ver autour du noyau. Ils étaient un déchet à éradiquer, une aberration venue de nulle part, détestable et anxiogène.

Revenant près du bureau, James planta ses yeux dans ceux de Cassidy. Il était toujours trop nerveux pour s'asseoir à son tour ; quelque chose en lui menaçait d'imploser au fur et à mesure de l'entrevue, et poser son cul sur un siège n'aurait eu aucun effet apaisant. « Alors, vous aimez à ce point prendre des risques, pour fréquenter ce danger jusque dans les bibliothèques ? » C'était dit. La trahison suprême. Il fallait que, sur tous ses soldats, ce genre de comportement tombe sur l'Amérindien. C'était aussi surprenant que décevant, mais O'Brian avait depuis longtemps eu l'occasion de modifier cette contrariété en une insondable rancoeur.
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21.09.13 21:17

S’asseoir ne fut qu’un maigre soulagement ; ce fut tout juste si cela n’affecta pas que ses jambes flageolantes, le reste de son corps restant crispé au possible. Et son esprit. Oh, son imagination trop vive. Elle inventait une multitude de scénario plus catastrophiques les uns que les autres ; elle écrivait terrible un futur. Pour dire : son cerveau alla jusqu’à se demander si cette boulette ne le renverrait à Tucson une bonne fois pour toute. Comme un ado’ qu’on ramènerait bien gentiment à son domicile après une longue fugue. Un animal que l’on remettrait dans sa cage. Une cage remplie de prédateur bien plus féroce. Des gens qui n’hésiteraient pas à déchiqueter sa chaire pour lui souhaiter la bienvenue à nouveau parmi eux.

Des sueurs froides le firent frissonner ; un petit sursaut presque perceptible. Chaque mot, chaque son produit par son supérieur faisait monter une nouvelle série de frisson dans son échine. L’appréhension devenait difficile à contenir; à vrai dire, Omawnakw n’avait jamais eu un teint aussi proche de celui de l’Oncle Sam. Cependant, il ne savait dire si cela était réellement dû à la peur ou à ses doigts engourdit par la douleur. Ce n’était pas le moment pour que les fantômes du passé viennent le hanter. La moindre contraction involontaire de ses phalanges manquaient de le faire grimacer, ce qui passerait sans doute moyennement face à O’brian. Les charges qui, au fur et à mesure du sermon, s’approchaient dangereusement étaient assez accablantes sans encore se faire traiter de pitre. Imbécile, ça suffisait amplement…

Et puis elles tombèrent enfin-  Non, bondirent sur lui, lui attrapèrent la gorge, la serra entre leurs griffes jusqu’à ce que le dernier soupir s’évanouisse. Il retint sa respiration un instant, ne quittant pas son supérieur du regard. N’osant pas quitter ces yeux froids. Son cerveau qui travaillait si activement une minute auparavant venait de planter et, lorsqu’il ouvrit la bouche pour s’expliquer, rien de réussit à s’échapper. Rien, l’amérindien resta juste bouche bée, avant d’enfin rompre le contacte visuel. Une situation bien trop familière pour ne pas être affreusement désagréable. « Je--  Les circonstances-- » Impossible d’arranger ses pensées. Elles ressortaient hachée, vaguement compréhensibles mais loin d’être convaincantes. Il déglutit et tenta de retrouver un minimum de lucidité. D’ignorer les pics de douleur dans ses articulations abimées, le regard d’O’brian sur lui, les frissons mordant sa nuque. « J’ai été amené à le faire pour la sécurité. » Une meilleure accroche qu’une poignée de mots bredouillés. « Je n’ai pas ‘fréquenté’ ce danger, monsieur. J’ai pris la décision qui me semblait la plus favorable sur le moment. »

Cassidy recommençait doucement à reprendre confiance en ses actions. Oui, il n’avait trahi personne, juste choisi la solution la plus sûre ; pour lui, comme pour la jeune femme. « J’ai dû agir en situation de stress, monsieur. Je crains que mon jugement ait pu être biaisé. » Ouah. De beaux mots. Le noiraud ressemblait presque à son beau-frère d’un coup, avec ses discours pompeux et compliqués. Un vocabulaire dont l’intéressé se servait souvent au dépend de l’amérindien, jouant sur son éducation quelque peu chaotique pour le tourner au ridicule. Jamais il n’aurait pensé se servir de jolies formulations en sa faveur. « … Mais, ne devons-nous pas faire en sorte de protéger les civils avant tout ? » Encore fallait-il que son supérieur considère ces gens si dangereux comme des civils. L’Eraser doutait grandement de cela, mais pour le moment, il devait continuer à la carte du grand gars naïf et utopiste. Un rôle pas si compliqué à tenir, vu ses propres opinions sur la situation planant au-dessus de Madison.
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Ruben E. Ashter

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22.09.13 22:57
Il ne se félicitait pas d'avoir une quinte flush dans la main -il en était de son devoir, après tout. Le malaise de Cassidy ne faisait que confirmer le récit qu'on lui avait rapporté, et plus il fuyait ses regards, plus James le dévisageait, pendu à ses futures explications. Raconterait-il un bobard pour se déculpabiliser comme un pleutre ou préférerait-il demeurer intègre jusqu'au bout, assumant ses fautes avec l'insupportable fermeté d'un révolutionnaire ? C'était tomber de Charybde en Scylla que de choisir l'un plutôt que l'autre, et l'Amérindien pouvait d'ores et déjà faire une croix sur sa petite pirouette verbale pour se tirer de ce mauvais pas. La sécurité. O'Brian n'était pas en mesure de lui reprocher ce terme que lui-même employait vingt fois la journée, à tel point que cela prenait parfois des allures de justification excessive. Bien sûr que la sécurité était essentielle, bien sûr qu'elle faisait vibrer de satisfaction ses tympans, mais il savait tout de même faire la différence entre une excuse bateau resservie comme un plat froid et la bravade convaincue. Au moins Omawnakw avait-il le mérite de ne pas monter sur ses grands chevaux, en conservant la déférence due à son rang ; il devait comprendre que revendiquer bruyamment ses intentions ne ferait qu'envenimer davantage la situation, chose à éviter dans la mesure du possible.

James hocha le menton tandis qu'il croisait les bras sur son torse. Ah, le stress. Même en mettant toute sa bonne volonté pour se mettre à la place du soldat concerné, le grand blond ne parvenait pas à imaginer qu'on eût pu réagir de cette manière. C'était inconcevable que, soumis à une tension externe, il se retrouvât à faire alliance -sinon à stopper les hostilités- avec des evolves. Il n'avait pas de données précises quant à la discussion que le petit groupe avait tenue, mais il devinait sans peine que cela portait sur la traque mise en œuvre, sur les grands méchants erasers et les pauvres petites victimes qui n'avaient rien demandé. Foutaises que tout ceci. Voilà qu'il espérait que l'Amérindien n'ait pas subi un lavage de cerveau à base d'apitoiements larmoyants de la part de ses compagnons du moment. Peu après, il décroisa les membres pour venir poser ses mains sur le bureau, y prenant appui afin de se pencher légèrement vers l'interrogé. Sa voix se fit alors un tantinet plus cassante. « De quels civils parlez-vous ? De celui qui était de mèche avec eux sans que vous n'y trouviez rien à redire ? Ou de ceux présents dans le bâtiment et que vous avez exposés à de possibles complications ? Avez-vous seulement réfléchi aux conséquences que l'usage de leurs capacités extra-humaines aurait pu avoir dans un lieu public ? Je n'appelle pas cela agir pour la sécurité, Cassidy. »

Il se recula d'autant après cela pour mieux refaire quelques pas le long du meuble. Nul doute que, pour envisager une véritable protection des innocents, il aurait fallu enfermer les deux spécimens à la seconde où il les avait eus sous la main. Que ce soit Ace dans le métro ou ce nouveau venu, Treazler, dont il avait eu des échos grâce aux prouesses de McMillan. Si cela ne tenait qu'à lui, vider son chargeur n'aurait pas été de trop ; cependant il y avait ces règlements auxquels il avait fait le choix de se soumettre et, au-delà de cela, une exécution sommaire n'aurait pas été suffisante pour se venger correctement de ce que ces monstres avaient fait à sa femme. « Les gens sont stupides, reprit-il plus calmement, mais toujours suintant de sarcasme. Ils se croient au-dessus de tout tant qu'ils n'ont pas éprouvé un canon contre leur tempe. Ils ignorent que les menaces peuvent désormais prendre la forme de leurs voisins, amis, proches. Et nous, nous devons les protéger de leur ignorance, en éradiquant cette menace. Comprenez-vous cela ? » Un instant, son regard s'assombrit lorsqu'il songea à Angela. Elle, il n'avait pas su la protéger. Ils ne connaissaient pas la vérité, à l'époque, ni lui, ni personne. Ils avaient cru comme tant d'autres que seul le plomb ou le fer pourrait les séparer, et ils s'étaient trompés. L'erreur n'aurait plus l'occasion de se reproduire.
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28.09.13 12:37

Omawnakw ne s’était jamais senti particulièrement petit- vu sa taille, cela aurait été compliqué. Cependant, au moment précis où son supérieur se pencha sur lui, l’Eraser se sentit infiniment petit. Le ton sec qui accompagna son nouveau sermon ne faisait que renforcer cette impression. Il ne savait plus ou se mettre, où poser son regard, que faire de ses mains incapables de se contracter davantage, quoi penser. Ses yeux se contentèrent de soutenir ceux d’O’brian, craignant que rompre le contacte n’amène de nouvelles reproches.

Puis son chef s’éloigna, lui laissant quelques secondes de répit. Le temps de remettre ses idées en ordre, de trouver des choses à redire. Oh, il y avait de la matière à rétorquer, énormément. Apparemment, les deux hommes ne partageaient pas la même vision de la situation. Mais étaler sa propre idée du problème envenimerait la conversation. Le noiraud devait se contenter de courber l’échine jusqu’à enfin être libéré de cette salle minuscule. « Oui, monsieur. » se contenta-t-il de répondre docilement, évitant cette fois soigneusement de rencontrer le regard de son supérieur.
Les secondes s’écoulaient, lentement, une après l’autre. Juste le temps que le silence reprenne sa place, la tension maintenue dans l’air, incapable de retomber malgré cet instant de quiétude. « Mais… » Sa voix sembla le trahir. Comme dans la bibliothèque. Comme lors de cette foutue rencontre qui l’avait conduit ici. Il regretta à nouveau d’avoir ouvert la bouche, mais maintenant qu’il avait à nouveau capté l’attention d’O’brian, le militaire ne pouvait que continuer sur sa lancée. « Avant d’être une menace, ces gens n’étaient-il pas eux-aussi des civils ? »

Omawnakw venait de taper dans le sujet sensible, de soulever d’un cran la tension prête à exploser. Lui qui s’était juré de ne pas exposer ses opinions, voilà qu’il s’apprêtait à en exposer un bref aperçu. Une mise-en-bouche de sa vision de ce drame. « Je conçois que leurs capacités sont potentiellement dangereuse--  Je l’ai vu-  J’ai affronté ce danger. » Oui. Ce jour-là, au centre commercial, Cassidy avait craint ces êtres ; il avait enfin accepté que les arrêter au plus vite était nécessaire. Il ne doutait plus de son but. Au moment où sa main avait saisi le bras de la tireuse, au moment où il avait arrêté de la voir comme une civile et commencé à la considérer comme une menace. Là. A ce moment là, voir les Evolves comme des parasites gangrenant Madison coulait de source.
C’est pour cela que l’amérindien n’avait pas hésité à interpeller Ace dans le métro. C’est pour cela qu’il l’avait chassée dans les compartiments. Mais cette foi, ce sens de la justice exacerbé, s’était effondrée en voyant la part humaine de la jeune femme. En se rendant compte qu’elle aussi était une victime de la météorite, pas une terroriste. En se rendant compte que tous les Evolves ne voulaient pas voir Madison brûler, qu’ils souffraient autant de ces attentats que les autres civils. « Avant cette histoire--  avant que l’on nous mobilise ici, ces gens avaient une vie. Ce sont encore des civils, nous devons les encadrer mais aussi les protéger- C’est notre devoir, vous venez de le dire ! »

L’homme se rendit compte qu’il se trouvait à présent debout. Le feu de l’action l’avait emporté, et maintenant que celui-ci s’était éteint, il ne lui restait plus rien. Plus de belles paroles pour le protéger. Plus de crédulité pour le disculper. Il venait de dépasser la limite. Au lieu de se contenter de servir sa brève mise-en-bouche, Cass’ venait pratiquement de dévoiler le menu tout entier. « … Monsieur. » Une conclusion peut convaincante qui témoignait bien de l’état confus du militaire. Il n’osa même pas reprendre sa place.
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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01.10.13 21:56
Pas de mutinerie à bord de mon navire, jamais. James se raidit un soupçon devant l'insistance d'Omawnakw. Alors que la discussion aurait dû se terminer sur son approbation aux accents résignés, alors que le silence qui s'ensuivit laissait entendre la clôture du sujet, voilà que l'Amérindien renchérissait. Pire qu'une simple question, il mettait en avant les prémisses d'une réflexion qui ne plaisait pas du tout à son supérieur. Et celui-ci n'avait pas l'intention de se faire mener en bateau. Cassidy pouvait dire tout ce qui lui passait par la tête, tenter de défendre les evolves ou, tout du moins, leur donner un caractère inoffensif en vue de les protéger de la traque, il faudrait un tank pour rompre l'esprit de son chef, si ce n'est une bombe atomique. Or, ses brèves prises de position ne s'apparentaient pour le moment qu'à de timides coups sur la porte de la forteresse. Coups qui, cependant, commençaient à agacer le propriétaire des lieux, dont les yeux glacés descendirent d'un cran supplémentaire vers le zéro absolu. S'il ne finissait pas gelé sur place avant la fin de l'entrevue, le soldat s'en tirerait remarquablement bien. Ce n'était néanmoins pas faute de prendre des gants et d'avancer avec prudence sur la banquise fragile, mais James l'attendait au tournant ; plus il écoutait, et plus il sentait son indulgence à l'égard de son interlocuteur se désagréger dans le néant. Même le monsieur final lui fit l'effet d'un atroce grincement.

« Dites-moi, Cassidy... Quel est le sens qui vous échappe dans le mot ''menace'' ? » Pas le temps de répondre que déjà, il reprit : « Vous l'avez pourtant très bien souligné ; ces gens avaient une vie. Avant. Aujourd'hui, ils n'hésitent pas à détruire ce qui se trouve sur leur chemin. Vous n'êtes pas le seul à les avoir vus à l'oeuvre alors laissez vos regrets au placard et avancez. » Et puis regrets de quoi, d'abord ? C'étaient presque des remords. Pas de place pour la nostalgie, ici. Ils étaient militaires, et par cet unique mot, ils donnaient leur conscience, leur volonté et leur chair à la nation -qu'elle en fasse d'aveugles viandes à canon ne relevaient pas de leur juridiction et ils devaient s'y soumettre. Rentrer dans l'armée, c'était un peu comme abandonner son ancienne existence, se délester d'une peau morte pour une neuve, désormais trop étroite pour accueillir des pensées utopistes ou pacifistes. Si vis pacem, para bellum, ordonne la maxime. Si Omawnakw n'était pas d'accord avec cette conception du devoir, la porte lui était encore ouverte. Enfin, il lui faudrait pour cela attendre qu'O'Brian se décale, puisqu'il s'était déplacé jusqu'à l'entrée tandis qu'il parlait, non pour obstruer le passage volontairement mais plutôt pour se rapprocher de l'ancien patrouilleur. Ce dernier avait beau être plus grand que lui maintenant qu'ils étaient tous les deux debout, James n'eut aucune hésitation à se poster à un mètre à peine, laissant sous-entendre que le cran ne se calculait pas au nombre de centimètres ni à la largeur d'une carrure.

D'un coup d'index, il remonta ses lunettes sur son nez avant d'ouvrir la bouche une nouvelle fois. « Que nous soyons sur notre propre sol ou que nous luttions contre d'anciens civils ne change rien, nous sommes en guerre. Si vous apprenez que, du jour au lendemain, l'un de vos amis ou de vos proches est passé du côté des ennemis, le traiterez-vous comme s'il était encore l'un des vôtres ? Lui tendrez-vous encore la main alors qu'il a pris les armes contre vous ? Non. Et vous auriez raison, car lui n'aura aucun scrupule à vous poignarder dans le dos. » L'Histoire avait suffisamment illustré cette théorie. Des exemples de la sorte étaient tellement banals qu'à côté, la rubrique faits-divers d'un journal en devenait follement inédite. « Le passé d'une personne n'informe pas sur ce qu'elle est au moment présent. Alors ne vous trompez pas de camp, Cassidy. Nous, nous protégeons les femmes et les hommes qui, aujourd'hui, peuvent être en danger à cause de ces êtres. Si vous vous obstinez à rester aveugle à ces préoccupations et décidez de les protéger, eux... » Un silence après la voix rauque. Le temps que l'Amérindien comprenne où le blond désirait en venir. À savoir qu'il serait considéré comme un traître. Et qu'il n'aurait droit à aucune clémence. Un traitement similaire à celui réservé à Tamara Lawn, en somme. James serra la mâchoire rien qu'à la pensée de la rouquine et eut envie qu'elle se tienne en lieu et place d'Omawnakw, juste là, pour que son soudain élan de rage trouve un exutoire.
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06.10.13 17:28

Rien, il ne comprenait rien. O’brian se contentait de rabâcher encore et toujours des exemples vides, des soi-disantes preuves complètement obsolètes. Pouvait-il seulement réfléchir par lui-même ? Avoir une opinion fondée et convaincante ? Car non, Cassidy n’était pas convaincu par ce discoure creux. Ces paroles avaient beau être menaçantes, elles n’arrivaient pas à le faire changer d’avis. Pour être franc, elles l’énervaient presque. En tenant si durement tête à tout avis extérieur, son supérieur ne se rendait que plus ridicule, à un tel point où cela en devenait agaçant de se faire sermonner par cette personne. Pire, de se dire que cette dernière se trouvait en dessus de vous dans la hiérarchie.

Le silence s’installa le temps que l’amérindien reprenne ses esprits, prépare ses arguments, ses munitions. Parce qu’il n’en avait pas fini, loin de là. Son regard déterminé le montrait bien. Oh, peut être s’attirerait-il des ennuis en continuant sur cette vois, mais à cet instant, son esprit en s’en souciait guère. Cette rage, cette combativité presque insolente qui avait bercé son quotidien avant Madison avait repris le contrôle. Mais cette fois, ce ne serait pas avec ses poings qu’il frapperait. « Vous vous rendez compte à quel point ce que vous dites est absurde ? » Pas de ‘sans vouloir vous offenser’ ou de ‘monsieur’. La seule marque de politesse qui subsistait était ce simple vouvoiement, trop implanté pour être déraciné par l’exaspération. Le noiraud se trouvait encore à côté du bureau, à une distance plus que raisonnable de son interlocuteur ; heureusement pour celui-ci, car il lui aurait bien remis les idées en places. Ou étranglé, à voir. Cette indifférence dont le blond faisait preuve le mettait hors de lui. La façon dont monsieur mettait tout le monde dans le même panier, sans étudier les cas un par un, sans chercher même à comprendre la menace. Peut-être qu’Omawnakw s’était laissé manipulé par les Evolves, et sans doute serait-ce ce qu’on lui cracherait au visage pour expliquer son comportement inadmissible. Peut-être. Reste que pour la première fois depuis des mois, l’homme semblait avoir retrouvé une vraie conviction, une vraie raison de se battre. « Comment pouvez-vous seulement savoir qu’ils comportent tous une menace ? En les regardant dans les yeux ? Grâce à de beaux diagrammes et à des hypothèses scientifiques ? » Il haussa drastiquement le volume. Qu’on entende leur échange dans le couloir, ça n’avait plus d’importance. Il avait suffisamment dépassé la ligne pour ne pas s’en sortir indemne, alors autant le faire savoir. Autant essayer d’inculquer une vision un peu sensée de la situation à ces sauvages.

« On ne parle pas d’un putain de pourcentage ici ! Pas de statistiques. On parle de vies. De vies HUMAINES. » On lui rétorquera bien que non, ce ne sont plus des humains. Et ça enragera davantage la bête, mettra de l’huile sur le feu. A force de le gaver de déclaration toute faite, elles étaient devenues insipides. Le genre de bouillie d’opinions qui donne envie de vomir. « On parle de gens qui ont tout perdu du jour au lendemain. Des gens qui n’ont rien demandé. Qu’est ce qui est si difficile à comprendre là-dedans ?! » Sa phrase fut ponctué d’un coup sur le bureau. Son poing abîmé écrasé sur le meuble, une montée de douleur qui électrisa son bras tout entier. Pas vraiment l’idéal pour le calmer. « Des terroristes, il y en a et il y en aura toujours. Humain ou je-ne-sais-quelle menace au nom stupide. Il faudrait qu’on se méfie tous l’un de l’autre, c’est ça ? Au cas où, je sais pas, l’un de nous devienne soudainement un super mutant anti-patriotisme. » Heh, si ça se trouvait, O’brian en deviendrait un. Oh, ça, ça ferait bien marrer l’amérindien. Mais genre, longtemps, sans jamais pouvoir se reprendre, en pleurant et tout. Là, il pourrait lui ressortir son discoure mille fois réchauffé. Etrangement, son supérieur changerait sûrement sa position.

Le noiraud alla s’adosser contre le bureau, déglutissant malgré sa gorge sèche. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas poussé une gueulante, et surtout pas sur un de ses supérieurs. C’était presque… Décompressant ? Pouvoir enfin sortir ce qu’il avait sur le cœur, ne plus avoir peur des conséquences. Ha, parce que les conséquences, oh mon dieu, elles risquaient d’être monumentale. Sans doute pire que tout ce qu’il avait pu vivre jusque là.
Et malgré cette réalisation soudaine, Omawnakw laissa échapper un rire résigné. Ça ne servait à rien de dire ce que l’on pensait, sauf à se faire taper sur les doigts puis remettre dans le rang. Mais autant aller jusqu’au bout. « Vous choisissez de vous cacher derrière la facilité en prenant la situation ainsi. » Oui, c’était lâche de se contenter de mettre tout le monde sur la liste noire. « J’estime que ça vous casserait trop le cul de vraiment aider les gens, hein ? C’est plus facile de blâmer tout le monde. »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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10.10.13 22:18
Qu'on lui donne une seule bonne raison pour ne pas renvoyer sur la seconde ce moins que rien de Che Guevera, ce révolutionnaire d'école primaire, ce Spartacus à la peau brune et aux idées follement stupides. Qu'on lui donne le moindre signe de tolérance à l'égard de ce soldat pour qui, désormais, il n'en avait plus en réserve. O'Brian sentit ses mâchoires se serrer tellement fort que, s'il n'y avait pas eu ses dents pour s'entrechoquer les unes aux autres, ses deux maxillaires se seraient écrasés contre son mandibule. Et son poing sur la face d'Omawnakw. Il n'ignorait pas qu'il avait hérité de toute la plèbe militaire, des dossiers dont on ne savait trop que faire, mais jamais il n'avait imaginé que l'un de ces soldats se verrait doté qu'une poussière d'éthique, d'un grain de sable de morale, assez gros tout de même pour enrayer une machine qui aurait dû se contenter d'avancer sans réfléchir. Ce cas de figure n'aurait pas vu le jour si l'armée avait été composée par des robots. Chose qui aurait résolu beaucoup de problèmes, à cette heure ; un bon formatage, un court-circuit direct dans les neurones et fini l'éclair d'insubordination, finies les revendications à l'humanité de monstres. Adieu ce coup sur le bureau, ces vulgarités mesquines, ces insultes dégoulinant de dérision et de raillerie. En à peine une minute, l'Amérindien avait accumulé assez de charges pour passer en cour martiale un bonne dizaine de fois. Néanmoins, et quand bien même il aurait aimé le faire jusqu'à plus soif, James éprouvait une infime hésitation à se débarrasser de cette mutinerie. Ce serait sans doute un châtiment bien trop aimable que de le destituer de ses responsabilités, de le renvoyer au nettoyage des latrines et à la corvée de patates. C'était de l'ordre de ces indulgences vénéneuses, qui consistent à sauver pour mieux noyer ensuite, dont il avait besoin. Et d'un sacré recadrage en prime.

« On ne vous demande pas votre avis, Cassidy, auquel cas partez lécher les bottes des politiques », finit-il par répliquer d'une voix qui filerait le rhume à n'importe qui. En plus, on l'obligeait à devenir familier, ce qu'il ne détestait que davantage. « Vous n'avez aucun sens des réalités et votre naïveté est risible. Ces gens qui ont tout perdu du jour au lendemain, comme vous dites, ne sont pas seulement ceux que nous traquons ; ils sont aussi leurs victimes. Mais vous ne voulez bien voir que ce que l'on vous montre, en oubliant que nous pouvons travailler avec eux aussi -Natan, tu ne perds rien pour attendre- en oubliant que, contrairement à ce que vous pensez, les scientifiques affiliés à cette base recherchent une solution pour enrayer ces pouvoirs et en débarrasser les personnes touchées afin de leur permettre de retrouver une vie normale. De surcroît... » Quelques pas lui furent nécessaires pour qu'il retourne derrière son bureau, temps qu'il consacra à énumérer dans son esprit les blouses blanches qui correspondaient à ces critères d'humanisme. Il fut surpris de n'en dénicher aucun -après tout, il les fréquentait à peine- mais n'en montra rien. Peut-être qu'avec un peu de chance, Omawnakw n'avait pas eu la curiosité de s'informer à propos de ces activités souterraines, et donc il ne pourrait râler sur ce sujet. « ...Il me serait très facile, en effet, d'envoyer quelqu'un d'autre appréhender vos amis bibliophiles -l'insistance qu'il marqua sur ce mot en disait long- mais nous avons d'autres priorités, à commencer par ceux qui continuent de grossir leur casier en usant à tort et à travers de leurs capacités. » Il marqua une pause, assombrie par un rictus qu'il ravala aussi vite qu'il l'avait laissé s'évader. « Non, suis-je absurde, vous allez bien entendu leur offrir le gîte et le couvert en attendant sagement que l'un d'eux vous éclate la cervelle par inadvertance ou par légitime défense. C'est tellement vous, cette générosité irresponsable. »

S'il continuait à déverser son sarcasme gluant, s'il risquait de sortir complètement de ses gonds d'une minute à l'autre, James imaginait mal Cassidy rester sous ses ordres. Il était peut-être en train de créer un nouveau futur-déserteur, et cette éventualité l'exaspérait au plus au point. Pour autant, il était convaincu de ne pas être dans son tort, et songeait toujours que s'il se voyait refiler des mentalités aussi bornées et insouciantes, c'était en partie pour leur apprendre à retourner sur le droit chemin d'un nationalisme échevelé, à leur faire prendre conscience des délicatesses de la situation et qu'il ne suffit pas de claquer des doigts pour sauver le monde. Il n'y avait qu'une mignonne petite recrue pour envisager les choses en tout blanc ou tout noir, et se revendiquer du côté immaculé en toutes circonstances. « On ne se méfie jamais assez. C'est un conseil. Prenez donc une semaine pour y réfléchir. » En d'autres termes, vous êtes mis à pied pour cette durée. Et s'il ne souhaitait pas revenir, O'Brian trouverait bien un moyen de lui faire payer d'une façon ou d'une autre cette rébellion.
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