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♔ Morphée ou morfler ?
Anonymous
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07.11.12 0:26
♔ Morphée ou morfler ?



Le militaire le fixait. Il fixait le militaire. Tous deux s’étaient compris : l’un était le chasseur, l’autre la proie. Une éreintante partie de chasse sous la pluie avait commencé. Pas le temps de réfléchir, juste de mettre à profit son art du repli stratégique…bien qu’ici le mot « fuite » soit plus qu’approprié à la situation. La pluie fouettait son visage, elle était aussi froide que l’était son corps à présent. Drôle de phénomène.

Le bruit de ses pas se faisait retentissant dans les ruelles. Véritable labyrinthe, il tournait à droite et à gauche en fuyant les impasses comme la peste et le militaire au passage. Ils n’étaient pas si loin que ça l’un de l’autre. A savoir qui gagnerait : une personne entraînée à faire face à toutes sortes de situation avec un bon physique ou un expert de la fuite et du cache-cache ? Il frémissait, la plupart de ses poursuivants ne faisaient pas vraiment le poids contre lui à ce jeu, si une embrouille en venait aux mains c’est parce qu’il n’avait pas eu le temps de s’éclipser. Une certaine joie dans tout ce malheur le poussait à ne pas s’arrêter, à continuer ce jeu du chat et de la souris. Et la vicieuse petite souris ira se cacher dans un trou où le méchant chat ne pourra pas l’attraper. Vous connaissez l’endroit parfait pour se cacher ? Rien ne sert de courir à la surface, les égouts sont les amis des fuyards, profitant d’une toute petite avance il se glissa tant bien que mal dans une de ces ouvertures assez larges pour laisser passer un enfant…ou quelqu’un de pas bien épais.

Il se laissa tomber sur le sol poisseux. Et poursuivit son chemin dans les dédales des égouts, plus tranquillement cette fois, histoire de reprendre son souffle. Certes il avait l’habitude de fuir, mais il n’en restait pas moins un jeune homme qui manquait d’endurance. Le poste de police était son refuge préféré quand il prenait part à une embrouille. Maintenant il allait devoir éviter ce lieu au risque de se retrouver dans les mains de personnes indésirables.

Il n’entendait plus les pas du militaire, pas très futé celui-là ou trop épais. Et impossible de savoir où Campbell se rendrait. Il marcha jusqu’à trouver une échelle qui le mènerait à la surface. Une fois extirpé de ce trou à rat il se posa à terre. Visage face à la pluie il apprécia ce moment calme, elle n’était pas froide mais rafraîchissante, comme si elle était quasiment à la même température que son corps. Il ferma les yeux quelques minutes. Où pouvait-il aller ? Midi avait sonné, il avait faim mais ne pouvait pas retourner chez lui. Il ne pouvait pas non plus aller s’acheter quelque chose au risque de tomber sur eux. Aller chez Birdie ? Trop risqué aussi pour le moment… Il rouvrit les yeux. Peu de choses se présentaient à sa vue hormis cette vieille usine qui devait être désaffectée…normalement. La plupart savent qu’elle n’est pas restée vide bien longtemps. Une bonne cachette en attendant de trouver une autre solution.

Titubant il se rendit dans l’usine désaffectée, la tête rentrée dans les épaules, l’échine courbée, ses cheveux trempés gouttant sur le sol, ses pas laissant des traces à la limite de la petite flaque d’eau. Il se traîna jusqu'à un coin vide et se laissa tomber au sol. L’adrénaline de la course poursuite était retombée. Son corps tremblait, il avait froid, très froid. Ses vêtements trempés n’arrangeaient pas la chose. Il se recroquevilla sur lui-même, tenant ses genoux avec ses mains…finalement non, il laissa tomber ses mains sur le côté. Une douleur lancinante lui avait rappelé que ses mains étaient légèrement brûlées. Oui tout avait commencé par là…par cette douce chaleur, par ce chat qui avait brûlé, par ce soulagement, par ce froid qui l’avait saisi tout de suite après. Par cette fatigue…oui il était fatigué…ses yeux se fermèrent le laissant sans défense, mais il ne pouvait pas lutter. Il positionna sa tête entre ses bras de façon à ce qu’on ne puisse pas voir son visage et se laissa glisser dans les bras de Morphée.

Il ne savait plus quelle heure il était quand il sentit son corps trembler plus violemment qu’avant, toujours à cause du froid. A en juger la population qui se faisait plus importante on devait être en soirée… Il referma ses yeux, il peinait à les garder ouvert…
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Anonymous
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07.11.12 8:25
Vide. Personne. Pas un chat. Affalée sur le comptoir du bar, les bras croisés sous mon menton dans une posture indubitablement négligée, j’attendais que le premier client daigne pointer le bout de son nez. Mon regard se promenait entre le piano mécanique d’où provenait un son démodé et passablement désagréable au bout d’un certain moment, et le porte vitrée qui formait l’entrée de ce pub. Car oui, c’était un pub. Un endroit tout fait de bois, du moins, c’est l’impression que cela donnait à première vue, l’endroit semblait plutôt chaleureux. A partir du moment où il y avait du monde et où le patron n’était pas là. La piano, il l’avait dégoté sur une brocante, et obtenu pour une poignée de pain. D’après lui, ça donnait une touche « ancienne parfaitement délicieuse » à l’endroit. Moi, j’y voyais juste un truc de plus à devoir nettoyer le soir, et qui me ruinait les oreilles les trois quarts du temps qui plus est. La pièce en elle-même n’était pas bien grande, une fois bien remplie d’ailleurs, l’endroit paraissait ridiculement petit, il fallait supporter la proximité des autres pour ne pas étouffer dans cette atmosphère. Mais vu les trombes d’eau qui tombaient désormais dehors, et la poussière qui s’accumulait dans mon tiroir-caisse, je doutais sérieusement de voir grand-monde aujourd’hui.

Lâchant un profond soupir désenchanté, je finis toutefois par me redresser, mon dos commençait à tirer légèrement à me tenir constamment tordue. Une petite escapade ne m’aurait certainement pas fait de mal, et ce malgré la pluie. En fait, je l’aimais la pluie. Même si je ne croyais en rien et surtout pas en dieu, j’avais toujours eu l’impression que la pluie c’était le déchainement des éléments, une espèce de reprise du pouvoir par la nature. Et puis, il fallait bien avouer que se tenir blottie contre un bon feu de bois en regardant tomber l’averse avait quelque chose de réconfortant, de plaisant, même si généralement, c’est truc là on les faisait en famille. Le piano continuait de balancer sa mélodie nasillarde, je ne pus m’empêcher de balancer dessus le premier truc que me tomba sous la main, soit un shaker métallique. Tant pis pour l’objet de collection, j’en avais plein la tête. Il n’aurait pas pu se trouver un jukebox non ? Au lieu de ramener cette épave … Au moins, on aurait eu un choix de musique un peu plus varié tout en conservant le côté traditionnel !

"Lynn ! Fait gaffe aux meubles nom d’un chien !"

Je haussais légèrement un sourcil avant de lâcher un nouveau soupir. Depuis quand il était arrivé celui-là ? D’ordinaire, le patron ne se pointait qu’en début de soirée, histoire de ne pas trop se fouler. Le restant de la journée, le/la serveur/se était seul/e et peu importe s’il y avait foule, on se démerdait toujours. Au fond, je préférais ça. L’avoir sur le dos, ce n’était pas une partie de plaisir, loin de là. Cet enfoiré portait plus de considération à ses verres qu’à son personnel. C’était un ancien poivrot qui profitait désormais de la tendance à boire de ses anciens compagnons de beuverie, entre autre. Il savait parfaitement comment pousser les gens à consommer plus, et connaissait les ficelles de ce métier sur le bout des doigts. Une véritable ordure sous des dehors de bon samaritain. Il m’avait dégoté un boulot, j’imagine que je ne devrais pas en dire du mal, mais si ça suffisait pour racheter l’homme qu’il était, je la fermerais volontiers, or, ce n’est pas le cas, bien au contraire.

"Combien de fois je t’ai dit de prendre soin de ce piano espèce d’empotée ?"

Son visage rubicond venait de passer par l’embrasure de la porte qui menait à la plonge et il me fixait l’air méprisant. Je lui rendis son regard sans sourciller, l’air parfaitement nonchalante avant de hausser les épaules pour toute réponse en détournant la tête.

"C’est ça, cause toujours …"

J’avisais le shaker toujours au sol, et esquissais un léger sourire narquois. Visiblement, il ne l’avait pas vu lui, sinon j’aurais eu droit à la grande scène du douze. Ce n’était pas la première fois que je m’en prenais à cette antiquité, loin de là, d’ailleurs, on commençait à apercevoir les traces de mon passage sur le côté droit du piano, de légères bosses çà et là. Je le sentais me fixer sans pour autant le voir et par pure provocation, je me laissais retomber sur le comptoir, bras croisés sous mon menton, l’image même d’un ennui profond. Il lâcha un grognement méprisant avant de se retirer et je reportais mon regard blasé sur l’extérieur. Les rues étaient vides à cause de la flotte, aucunes chances d’avoir du monde cette après-midi. Ce soir par contre, ça risquait d’être une autre paire de manches. Et ce soir, je devais m’absenter, il avait intérêt à suivre la cadence le vieux. De toute façon, c’est à peine s’il savait que j’étais encore là passé dix-neuf heures, tant il passait de temps à discuter et à picoler en compagnie de ses anciens compères.

Quatre heures passèrent, toujours aussi mornes et calmes. Je vis deux personnes. Un café, et une limonade. Pas de quoi prendre mon pourboire … Puis peu à peu, la clientèle arriva. Habitués, nouveaux, jeunes, vieux, peu importe, l’essentiel était qu’il y ait du monde. Mais j’étais à moitié concentrée sur mon boulot, servant plus par réflexe que par concentration. Mon regard ne cessait de scruter la pendule murale, surveillant l’heure avec attention. Il ne me fallait pas être en retard, Il risquait de mal le prendre si je lui posais un lapin une fois de plus. Déjà que j’avais eu du mal à le convaincre de revenir ce soir … Trois commandes arrivèrent en même temps et je cherchais mon patron du regard en m’activant pour les honorer à temps. Je le trouvais affaler sur un fauteuil, un bras autour des hanches d’une jeune femme blonde qui visiblement s’intéressait beaucoup à lui, et je lâchais un profond soupir. Il était définitivement irrattrapable. Tant pis, il se démerderait, je devais filer. Au pire, je prendrais un savon le lendemain, ça ne serait pas le premier et au fond je ne craignais même pas d’être renvoyée, j’étais la seule à l’avoir supportée assez longtemps pour rester plus de deux mois. M’emparant de ma veste que je passais sur mes épaules, je m’éclipsais après avoir servie les dernières commandes et fermée la caisse à clefs.

L’eau froide ma glaça rapidement les épaules alors que je constatais que la pluie avait redoublée d’intensité par rapport à l’après-midi. Sans pour autant trembler, je me faufilais dans les ruelles rendues sombres par le soir et le nombre affolant de lampadaires brisés. Peu importe, je connaissais parfaitement ma route. Un endroit à la fois peu fréquenté, et peu fréquentable. Si le monde se pressait dans les rues pour fuir le torrent déversé par le ciel et se planquer dans le premier boui-boui venu, je devais être une des seules à affronter la pluie. Cinq minutes plus tard, j’étais de nouveau à l’abri alors que je rabattais en arrière ma capuche détrempée. Une vieille usine, c’était ça le point de rendez-vous. Classique je dirais, ce n’était pas la première fois que je venais trainer ici, pour diverses raisons d’ailleurs. Toujours est-il que l’endroit était relativement sombre, simplement éclairé par quelques panonceaux de sortie qui n’avaient pas été mis hors circuit. Je mis un certain temps à adapter ma vue à l’obscurité, avant de me poser contre un mur poussiéreux, les bras croisés. Il n’y avait plus qu’à attendre maintenant. Seul le bruit incessant de l’ondée qui se répercutait sur les toits de tôle était audible, rien d’autre. Pas vraiment sûre qu’il me trouve ainsi dissimulée dans la pénombre, je finis par me bouger, scrutant les lieux avec attention tout en avançant. Si j’avais eu un peu plus de jugeote, j’aurais pensé à prendre une lampe-torche. Pas pour voir, mais pour être vue plutôt. Je discernais suffisamment les contours et les objets pour pouvoir avancer sans crainte. Merci à toutes les années que j’avais passées à zoner dans les ruelles le soir, sans véritable source de lumière. Les mains dans les poches, je traversais les lieux tranquillement lorsque mon regard fut attiré par un mouvement diffus sur ma droite. Instinctivement, je me raidis en tournant la tête dans cette direction. Une main posée sur la crosse de mon arme, je m’approchais doucement, incertaine que ce soit bien mon rendez-vous. Il ne manquerait plus que de se faire chopper par des flics maintenant !

C’est à peine à un mètre devant moi que se trouvait une silhouette totalement recroquevillée contre le mur. En aucun cas mon fournisseur, c’est clair. Les sourcils légèrement froncés, je lâchais mon arme, la laissant planquée dans le creux de mes reins avant de faire un pas supplémentaire, légèrement sur la défensive toutefois. J’observais avec une certaine attention la personne qui se trouvait devant moi. Pour le moment, impossible de définir s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme, la seule chose que je pouvais voir c’était un corps visiblement fin et une chevelure assez longue. Replongeant ma main dans sa poche, je finis par lâcher d’une voix morose.

"Hey, t’es qui toi ? C’est pas franchement un lieu pour dormir ici tu sais … "
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07.11.12 14:36
♔ Morphée ou morfler ?



"Hey, t’es qui toi ? C’est pas franchement un lieu pour dormir ici tu sais … "



Quelqu’un perturbait son sommeil, il le savait que ce n’était pas un lieu pour dormir, qui voudrait dormir dans ce véritable nid à problème ? Mais c’est pour ce qu’il est qu’il pouvait se reposer un minimum avant de partir je-ne-sais-où. Il garda les yeux fermés et la tête entre les bras, répondant à la femme – il avait conclu que c’était une femme au son de sa voix – sur un ton peu aimable, à limite l’ours mal léché. Il ne mentirait pas, il n’avait plus d’appartement, ses vêtements étaient poisseux, il avait faim et tremblait comme un de ces drogués en manque. Il cacherait juste des éléments plus ou moins importants du pourquoi il était là. Elle n’avait pas besoin de tout savoir.

« J’suis juste un clodo qui s’abrite d’la pluie, ma p’tite dame. »


Si elle était là elle ne serait pas seule bien longtemps, tout le monde ne vient pas ici pour se cacher. Il devait bouger, aller plus profond dans le bâtiment, là où personne n’irait s’aventurer. Il releva sa tête, il avait une mine affreuse entre la fatigue et les tremblements qu'il essayant de retenir, grimaçant à moitié, les joues rougie par l'effort et le froid. Et il détendit ses jambes engourdies par les heures. En regardant le sol il vit une petite flaque d’eau, en partie la cause de ses tremblements. Tant bien que mal il se releva en faisant attention à ses mains. Il titubait encore un peu, le réveil était difficile. Penchant la tête d’un côté puis de l’autre il fit craquer son cou, du revers de ses mains il s’épousseta. Il prit le temps d’observer autant que possible la personne en face de lui – l’obscurité ne facilitait pas la chose mais il ne s’était pas trompé en l’appelant « ma p’tite dame ».

« Si j’vous dérange j’vais aller m’chercher un autre endroit pour dormir, vous avez l’air d’avoir à faire dans l’coin. »


Il se passa la main dans ses cheveux emmêlés en grimaçant. Il s'appuya dos au mur. Le sol n'était pas confortable, il avait mal partout à présent et n'était pas plus reposé que lorsqu'il était arrivé. Un simple matelas manquait cruellement à ce lieu. Bon ce n’est pas qu'elle paraissait méchante la p'tite dame, mais c'est qu'il avait « autre chose » à faire... Il se décolla du mur, oui on pouvait utiliser le verbe « se décoller », son t-shirt avait littéralement collé au mur et laissait à présent une tâche foncée derrière lui. Un pas après l'autre il commença à avancer. Ses jambes étaient flageolantes. Rien de mieux pour aller s'éclater sur la personne en face. Il s'était senti partir en avant mais ne pouvait pas – et n'avait pas eu le réflexe – tendre ses mains devant lui. Situation clichée. Il atterri la tête la première dans la poitrine. Comme si de rien était, il se redressa.

« Vous êtes dans l'chemin... »


Oui, il lui avait bien dit ça… Il n’était pas du « matin » le p’tit gars, et il l’était d’autant moins quand il avait mal dormi. Vous avez du café sous la main ? Peut-être se rendra-t-il compte de ce qu’il venait de faire et dire à une demoiselle. La contournant il continua son chemin, marchant droit devant lui – avec quelques zigzags – il alla droit dans le mur.

« Vous êtes dans l'chemin... »


Pathétique... Et dire que c’était la même personne que ce matin… Mais où va le monde ? Hum…au moins une chose s’arrangeait pour lui et d’après lui. Il n’avait plus froid, cette douce chaleur était de retour, elle lui apportait tout le confort dont il avait besoin à présent.


Spoiler:
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Anonymous
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07.11.12 19:00
« Ma p’tite dame » ! Non mais oh, j’suis pas une vieille ! Je fixais le jeune homme qui semblait peiner à ne serait-ce que relever le visage, un air maussade gravé sur mes traits, je le dévisageais. Il était jeune, ou du moins, il faisait jeune. Allez savoir maintenant quel âge avait un tel, l’apparence ne voulait vraiment plus rien dire dans ce monde de faux-semblants. Toujours est-il qu'en promenant mon regard sans gêne sur le corps chétif recroquevillé sous mon nez, je m’aperçus rapidement qu’il n’avait probablement rien d’un clodo ordinaire. Trop jeune, trop propre, et surtout, trop fragile. S’il l’était vraiment, il ne ferait pas long feu dans la rue, c’était certain. Je reculais d’un pas prudent, mains toujours dissimulées dans les poches de mon jean, et l’observais alors qu’il tanguait sérieusement en cherchant à se redresser. Combien de temps mettrait-il avant de tomber ? Dans son état, je ne lui donnais pas cinq minutes à vrai dire. Au fur et à mesure que ma vue s’adaptait sans trop de mal à l’obscurité, ce que je discernais de mon interlocuteur dans la pénombre m’évoquait plus un gosse accro à je ne sais quelle saloperie bon marché dont il n’avait pas eu sa dose plutôt qu’à un simple sdf cherchant à sa protéger de l’averse. Tremblant, fébrile, les traits visiblement tirés par la fatigue ou autre chose, il n’était pas franchement beau à voir, qui sait depuis combien de temps il gisait là. Une fois debout, je l’écoutais parlait d’une voix passablement affaiblie, il semblait presque délirer en fait. Allons bon, il allait me faire un malaise sous le nez à ce rythme ! Je jetais un coup d’œil curieux autour de moi, mon fournisseur n’était plus censé trop tarder, or s’il me voyait accompagné, il se tirerait aussitôt. Ce mec était un véritable trouillard, quoi que je puisse admettre qu’il ait ses raisons. C’est dans un léger soupir que je l’observais se battre contre sa propre faiblesse avant de lui répondre.

"T’as juste l’air paumé, c’est tout. Le hangar est à tout le monde, tu peux finir ta nuit ici si tu veux, c’est pas mon problème. "

Je haussais les épaules, prête à me détourner, lorsque, ratant un pas, il partit de l’avant, et je n’eus pas le temps de réagir pour l’empêcher de me tomber dessus. A peine m’avait-il touché que je le repoussais cependant, le maintenant quelque peu pour éviter qu’il ne se retrouve à nouveau les fesses par terre, avant de froncer les sourcils en l’observant. Il avait l’air à peine conscient de ses actes et voilà que je lui bloquais la route. Quel merdeux ! Je le lâchais alors qu’il commença à me contourner pour se diriger droit dans le mur opposé avant de sortir à la parcelle de béton qui venait de le bloquer la même phrase qu’il venait de me balancer. J’émis un léger soupir, il n’était vraiment pas net ce garçon. Mais contrairement aux barges que j’avais eu l’occasion de croiser toutes ces années, celui-ci me faisait de la peine en fin de compte, il semblait complètement perdu. Perdu et grelottant, à l’évidence, dans ses fringues trempées. Ce n’était pas franchement mon genre de jouer les bonnes samaritaines, mais là je me retrouvais plus ou moins au pied du mur. Et Yann qui n’allait pas tarder, j’en avais le pressentiment, or il me fallait absolument le colis qu’il devait me porter. Je pris sur moi avant de me diriger vers le blondinet qui était de nouveau à deux doigts de s’effondrer sur le sol, le front appuyé contre le mur glacial. Retirant ma veste au passage, je lui posais sur les épaules en m’approchant avec une certaine prudence, avant de l’aider à se retourner puis à s’assoir en appui contre le mur. Il n’aurait pas pu mieux choisir son endroit en fait, le lieu était dissimulé derrière des caisses de bois. D’une voix grave et plus ou moins morose, je m’adressais au garçon.

"Reste là, j’ai un truc à régler et j’reviens. Vu comment tu as du mal à différencier un mur d’un être humain, je te conseille vivement d’attendre « la p’tite dame » avant de bouger tes fesses mon gars. "

Je me redressais, lui jetant au passage un dernier coup d’œil maussade, avant de contourner la pile de caisse qui s’élevait facilement à deux mètres pour rejoindre le centre de la pièce en frissonnant légèrement. Il me faudrait bien cinq-dix minutes pour m’habituer à la fraicheur des lieux, un simple détail. Je n’eus guère à attendre longtemps au final, j’entendis rapidement le lourd portail d’acier du hangar glisser sur ses rails rouillés, dévoilant ainsi la présence de mon rendez-vous nocturne. Un homme âgé d’une quarantaine d’années au bas mot, cheveux poivre et sel, les traits visiblement retravaillé plusieurs fois et de nombreuses façons différentes à l’évidence, il en gardait désormais un visage presque inexpressif. Vêtu d’un manteau noir entièrement constitué de laine épaisse, un jean habillement déchiré par endroit, et une chemise blanche ouverte sur son poitrail qu’il arborait fièrement, affichant sans vergogne sa virilité à qui voulait bien s’y intéresser. Bref, une personne totalement inintéressante, de mon point de vue en tout cas. Bras croisés, je l’attendais patiemment appuyée contre une poutre métallique alors qu’il scrutait visiblement avec minutie les lieux pour déceler un éventuel guet-apens. Rapidement lassée par son attitude craintive, je soupirais avant de lui balancer d’une voix froide.

"Mais oui, tu sais bien que je ramène systématiquement une vingtaine de flics à mes basques. Maintenant, on peut activer le mouvement ? J’ai un taff qui m’attends moi !"

Me fixant de ses yeux verts pâles, la quadragénaire fit quelques pas de plus dans ma direction, visiblement encore sur la défensive, avant de reprendre un air hautain pour répliquer.

"Tu sais bien que c’est la procédure. J’assure mes arrières, rien de plus."

"Tsss …. On croirait entendre un bureaucrate avec ta procédure … Tu crois vraiment que les flics attendraient sagement derrière moi que tu te pointes? Pense à t’acheter un cerveau Yann, ça te sera utile. ‘fin, peu importe. Tu as ce que je t’ai demandé ? "

Fouillant rapidement dans la poche intérieure de son manteau, il en ressortit sa main quelques secondes plus tard avant de la déplier sous mes yeux, me révélant un petit sachet, visiblement plein. Je m’en emparais prestement avant de l’ouvrir pour en vérifier le contenu. Et le pire, c’est que ce n’était même pas pour moi, mais juste pour me permettre de boucler les fins de mois … Après analyse rapide, j’enfonçais le bien dans ma poche avant de fouiller dans l’autre pour en sortir un certain nombre de billets froissés que je remis à l’homme qui me faisait face, attendant patiemment que ce dernier les compte. Visiblement satisfait, il enfourna le tout avant de me sourire. Enfin, d’essayer, ses traits s’apparentant plus à une grimace qu’autre chose dans ces cas-là. Tsss … Jusqu’à quel stade était-on capable d’aller pour conserver l’aspect de la jeunesse ? L’humain me faisait peur par moment …

"Les tarifs augmentent la semaine prochaine."

"Quoi ? Encore ?! "

"Et oui, la demande augmente, on ne fait que suivre."

Je lâchais un soupir avant de tourner les talons, la saluant d’un signe de la main avant de me diriger vers l’autre sortie du bâtiment. Toutefois, je me déportais lorsque je parvins à hauteur des caisses, après avoir vérifié que le brun avait fichu le camp, pour aller retrouver le jeune inconscient. Visiblement bien sonné par sa « rencontre » avec le mur, ce dernier n’avait toujours pas bougé, à la limite de l’inconscience j’avais l’impression. Je m’accroupis devant lui et l’observais, l’air songeuse. Ce n’est pas comme si j’avais le temps de jouer les nounous avec le premier inconnu qui se présentait, d’autant plus que celui-là m’avait l’air vraiment atteint quelque part. Mais pour autant, est-ce que j’allais le laisser moisir ici ? Non, pas franchement. Les avant-bras posés sur les cuisses, plus ou moins en équilibre, je le fixais tout en réfléchissant.

"Eh gamin … -si ça se trouve, il était plus âgé que moi, mais peu importe – tu comptes tenir le mur toute la nuit ou tu accepterais autre chose ?"
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08.11.12 0:26
♔ Morphée ou morfler ?



Campbell s’assit par terre et écouta sagement la « p’tite dame », de toute façon il n’avait plus envie de bouger. Il avait mal à la tête suite à sa rencontre passionnelle avec le mur, mur qui l’avait sonné et aussi un peu réveillé. Ça ne faisait jamais de bien de se prendre un mur, pourquoi était-il en plein milieu du chemin ? C’est vrai…une ex-usine de voiture ne devrait pas avoir de murs pour faire les voitures à la chaîne. Elles avaient besoin de beaucoup d’espace !

Il était de nouveau sur le sol dur et glacé. Mais il n’avait plus froid, elle était revenue, cette douce chaleur. Il l’aimait, elle faisait disparaître peu à peu le froid et la fatigue. Elle était comme le soleil qui faisait fondre la glace. Il s’adossa de nouveau contre le mur, se délectant de la douce. Elle l’enserrait doucement dans ses bras confortables, susurrant des mots doux. Elle caressait ses joues de ses larges mains, et releva d’un geste fluide une mèche de cheveux tombante. Elle avait les yeux couleur terre de feu, des yeux profond et intenses. Il resterait des heures à la regarder.

Des bribes de conversation le remmenèrent à lui. Une histoire de flics... Elle peut-être n’avait ramené aucun flic mais Campbell avait bien failli ramener quelqu’un de pas mieux. Ces deux-là l’avait échappé belle en quelque sorte…

Puis les minutes passèrent. Il n’était pas dans le faux quand il avait pensé qu’elle avait à faire ici. Les yeux dans le vague il était resté sans bouger, à l’attendre. Il avait été étonnement obéissant avec cette étrangère. Pour l’instant elle n’avait pas l’air de savoir ce qu’il était…ou elle devait penser à un quelconque gosse en manque de camelote. L’utilisation de cette chose avait de drôles d’effets sur lui, l’avantage c’est qu’il pouvait se faire passer pour ce qu’il n’était pas.

Elle revint…elle le fixait. Il était plongé dans ses pensées vides de sens, les yeux dans le vague. Mais elle éveilla sa curiosité avec une proposition plutôt alléchante.

Bien que le mur semblait pas mal actuellement… il avait l’air différent…il avait des couleurs chaudes et apaisantes : du rouge, du orange, les couleurs d’un feu de bois dans une cheminée, un feu de bois qui vous réchauffe tranquillement. Sans oublier la tasse de chocolat chaud au goût amère et avec quelques guimauves flottant à la surface. Le sol avait des allures de tapis en peau de bête à poils longs, des poils qu’on aurait envie d’attraper à pleine poignée et de se fourrer dedans.

Il n’en restait pas moins que si le sol et le mur étaient chauds ils restaient toujours durs… La douce chaleur était présente depuis un moment et aucun des deux humains présent – dont un absent maintenant – n’avait brûlé, tandis que le chat n’avait pas mis longtemps à cramer… Pourquoi un chat et pas un humain ? Il y en avait pourtant plus d’humains que de chats dans la rue… La logique fit le reste. Il pouvait demander un matelas à l’étrangère sans qu’elle risque quelque chose pour le moment. Mais pourquoi ne pas retenter l’expérience sur un animal ? Il trouverait bien un rat quelque part, personne n’aime les rats, un rat n’appartient à personne. Ah mais s’il le faisait devant elle il n’allait pas avoir son matelas…mais il était curieux…la chaleur était encore là et il voulait voir si le rat allait cramer comme le chat. Y avait bien des rats par ici, non ? Il devait bien y en avoir un, y en a toujours qui traînent dans les coins lugubres et abandonnés. Y en a pas un qui pouvait se pointer devant lui comme le chat. Pauvre chat quand même, s’il appartenait à quelqu’un…tant pis pour lui, il lui restait toujours le cadavre carbonisé ! Bon pas un chat rat à la ronde… Il retenterait l'expérience à la première occasion...s'il le pouvait. Au moins pouvait-il demander une nuit confortable auprès de l’étrangère… Elle ne représentait aucun danger dans l’immédiat et au pire il pouvait lui faire du chantage : si elle faisait quoique ce soit il pouvait révéler ses activités d’une manière ou d’une autre. C’est donnant-donnant.

« J’accepterais bien de dormir autre part que sur le sol et contre le mur. »


Le son de sa voie était déjà plus grave et moins tremblant que quelques minutes auparavant. Mais il avait toujours cette mine fatiguée, cette douce chaleur avait beau avoir atténué sa fatigue mentale il n’en restait pas moins qu’il avait mal dormi pendant des heures sur le sol, la fatigue physique restait. Il regarda droit la femme dans ses yeux et lui tendit sa main brûlée, une certaine façon de dire « J’ai besoin d’une bonne nuit mais aussi de quelques soins. ».

« Tu m’aides ? »

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08.11.12 20:25
J’observais sa main, l’air perplexe, un sourcil légèrement haussé. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes que je remarquais la particularité, cette dernière semblait avoir été méchamment brûlée. Relevant le regard vers le visage du jeune homme, je fus prise d’un léger doute. Qui était donc cet énergumène ? Plus les minutes filaient, plus il me semblait tout sauf commun. M’enfin, il était visiblement dans un piteux état, et je ne pouvais décemment pas le laisser croupir ici comme un chien. Sans pour autant me saisir de sa main abîmée – je me doutais qu’il en souffrirait, il n’y avait qu’à en regarder l’aspect pour comprendre – j’attrapais son poignet et le redressais lentement jusqu’à m’assurer qu’il tienne debout. Il semblait déjà en meilleur forme que quelques minutes auparavant. Enfin, il tenait droit sans tanguer sans arrêt, c’était déjà un mieux. Voyant qu’il semblait tenir droit, je fis quelques pas, l’incitant à me suivre, avant de venir le soutenir plus ou moins en voyant qu’il peinait, lâchant un soupir au passage.

"Non mais sans rire … t’as fait quoi pour finir dans un état pareil au juste ? Tu t’es fait lynché ou quoi ?"

Ami du tact bonjour ! Ce n’était pas vraiment mon fort la discrétion, je mettais les pieds dans le plat sans réfléchir une seconde à mes paroles, une attitude on ne peut plus classique venant de moi. Dehors, la pluie semblait avoir redoublée de violence. Tout en avançant, je réfléchissais à où le mener. J’étais censée bosser, le plus simple restait donc le bar, je le collerais dans l’arrière-boutique le temps qu’il se retape un peu. Repoussant d’une main le battant qui tenait la porte de l’usine fermée, j’observais les lieux quelques secondes avant de lever les yeux au ciel, sourcils froncés. En marchant vite ou non, dans tous les cas nous arriverions trempés à destination, alors autant ménager le jeune homme. J’essayais vainement de me souvenir pourquoi j’avais accepté de lui venir en aide déjà, lorsqu’un coup de tonnerre me tira de mes songes. Et allez, un orage pour couronner le tout ! Enfonçant profondément mon paquet dans la poche de mon jean pour l’épargner de l’ondée, je repassais le bras de l’inconnu derrière ma nuque en tenant son poignet pour le maintenir droit avant de partir d’un bon pas sous la pluie battante.

Moins d’un quart d’heure plus tard, nous passions la porte de service du bar, trempés comme après un plongeon tout habillé dans un lac. Prudente, je jetais un bref coup d’œil dans la cuisine du bar pour m’assurer que cette dernière était vide avant d’y faire entrer le blond, lui indiquant une chaise que je poussais du pied tout en allant chercher de quoi nous sécher un minimum. Un vieux poêle à bois était installé dans la pièce et opérationnel, la chaise que j’avais indiqué à l’étranger était juste devant, il sécherait plus vite ainsi. Quant à moi, je fouillais dans l’armoire pour trouver ce qui ressemblait à une trousse de premier secours, chose que je dégottais rapidement pour la balancer sur la table proche avant de mettre la cafetière en route. Revenant vers le jeune homme, j’attrapais au passage un tabouret et m’assis en face de lui avant de m’emparer de sa main blessée, silencieuse. Enfin, de tenter de m’en emparer, car en observant les deux, je me rendis compte qu’elles étaient toutes deux dans le même état déplorables, soit profondément brûlées. Je relevais le regard vers le visage du blondinet, un air maussade marquant mes traits une fois de plus, avant de relâcher ses deux poignets pour chercher de quoi le soigner.

"Hm … où as-tu mis tes mains ? Je m’en fous, c’est simplement pour savoir comment je suis censée soigner ça, elles ont juste l’air … carbonisées ! "
Rendue nerveuse par la présence inopinée d’un squatteur dans le bar, j’attrapais le paquet de clopes qui trônait dans la poche arrière de mon jean et allumais un bâton de nicotine que je bloquais entre mes lèvres en inspirant profondément la fumée nocive, les mains occupées à trier le matériel médical. Je marmonnais pour moi-même, pestant contre le gérant des lieux.

"Quel bordel là-dedans … ça a pas dû servir depuis la guerre ce truc !"

Je dégotais enfin quelque chose ressemblant à la crème que l’on se met sur les coups de soleil – plutôt rares dans le coin ! – et attrapais une bande au passage avant de me tourner de nouveau face à ma victime … ou mon patient plutôt. D’une main, je fis tombé la cendre dans un verre vide qui patientait sur la table d’être lavé avant de remettre la clope entre mes lèvres, alors que de l’autre, je débouchais le tube de crème. M’emparant d’une main du jeune homme, j’appliquais le tout en faisant attention, même si la délicatesse n’était définitivement pas mon fort. Morose, je me contentais de garder le silence en effectuant ma tâche. Le seul bruit qui retentit dans la pièce fut la cafetière m’indiquant que la boisson chaude était prête.

Spoiler:
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