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.Cette eau de nausée qui roule de sanglants micas. [Varig]
lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



18.04.20 19:57
Résumer la situation en cinq lettres : merde. Il était toujours sidéré de l'efficacité de la langue à exprimer, avec aussi peu de moyens, une réalité aussi vaste et foutraque que celle qu'il endurait depuis plusieurs semaines. La merde, littéralement et sans aucun ambage. Un chaos si brutal, une déchéance si méticuleuse qu'il ignorait encore pourquoi, à ce jour, il ne s'était pas foutu en l'air. Quelqu'un devait le retenir, pour sûr ; il ne voyait pas d'autre justification à ce qu'il continuât de respirer en dépit de la succession de catastrophes dont il avait été victime – une liste brève quoique emplie de caractères écrasants, d'enclumes toujours plus lourdes les unes que les autres, empilées sur son crâne pour l'enfoncer chaque fois davantage dans le cratère de sa détresse. Le black-out, comme on l'avait appelé, n'avait certes pas ouvert les hostilités, mais il en avait cristallisé les horreurs. D'abord, il avait perdu son emploi, ce petit boulot de secrétaire qui à défaut de lui offrir un revenu confortable lui évitait la rue et la famine ; ensuite il avait perdu son toit, du fait direct de la perte de son travail – il ne remerciait pas le traçage numérique qui s'était empressé de faire remonter l'information à son propriétaire, bailleur au cœur gros comme une cacahuète et plus vénal qu'un marchand de sommeil – ; il avait perdu Lou, sa loupiote, sa sirène lumineuse dont il aurait bien eu besoin en cette période obscure, sans trop savoir d'ailleurs si elle était toujours en vie ou si elle avait profité du désordre ambiant pour le quitter, et son propre désarroi le poussait à penser que si tel était le cas elle avait eu raison – méritant mieux pour compagnon de vie qu'un Disparu clochard dont l'unique fortune tenait à la somme des troubles physiques, psychologiques et physiologiques qu'il se traînait depuis trop longtemps ; il s'y était résolu : il ne partirait jamais en Islande avec elle. Il avait aussi perdu ses amis, Shane, Giovanni, Fredigan, tous dévorés par les ténèbres de cette cité sans électricité, et s'il avait daigné demander un peu d'aide auprès de certaines de ses connaissances, il détestait en être réduit à la mendicité. Puisque, pour couronner cette monumentale déroute, pour dorer davantage la luisance de ses échecs, il avait perdu sa dignité, son humanité, tout entière déchiquetée entre les mâchoires de sa plus fidèle ennemie qui continuait de l'insulter à chaque occasion – et nulle n'était assez belle pour lui faire ravaler sa langue de Chimère.
Non, vraiment, Enoch Livingston s'interrogeait avec beaucoup de sérieux sur ce qui l'avait empêché jusqu'à présent de se faire exploser la cervelle ou de se jeter du haut d'un immeuble.
Peut-être la honte d'imaginer l'état de son cadavre découvert après trois semaines de décomposition à température ambiante, ou bien le sursaut de remords à l'égard de quiconque serait le malheureux découvreur de la bouillie brunâtre qu'il aurait laissé derrière lui en guise de signature. Il n'avait plus de dignité, mais il lui restait sans conteste une once d'empathie.

Pour ne pas imposer sa médiocre présence, aussi spectrale fût-elle, il avait trouvé refuge dans cette Cabane de forêt où il avait déjà passé de longs jours à son arrivée dans la Madison du futur ; la bande d'adolescents constructeurs de la bâtisse, avec qui il avait développé depuis une curieuse proximité domestique, avaient pour certains tenté de l'en dissuader, proposant en substitut un hébergement décent à leur domicile ; l'Ancien avait refusé. Encore et encore. Bien sûr, il n'avait rien à justifier : il adorait l'intelligence verbale de Nolan, la sobriété consciencieuse d'Anselme, la fougue caractérielle de Silène, la bonhommie protectrice de Talweg et la jovialité immature de Faustine ; il leur était reconnaissant d'avoir pris soin de lui à la manière d'un chat errant que l'on nourrit de miettes de thon et de mie de pain dans son carton. Or il ne voulait pas abuser de leur gentillesse, surtout en cette période trouble – il ne voulait pas de leur pitié.
Et c'était durant l'une de ces nuits loin du monde, à l'abri de l'effervescence urbaine et des pétillements humains, que le Fantôme avait rêvé de ces ruines mordues d'obscurité. Il n'en avait pas tout de suite compris l'importance.
À son réveil, son esprit pâteux, englué dans les marécages de ce songe aux airs de tambour de machine à laver, avait mis quelques minutes à laisser émerger l'évidence selon laquelle il ne s'agissait pas d'un cauchemar ordinaire. Il ne s'agissait d'ailleurs pas d'un cauchemar, plutôt d'un transfert provoqué par le don d'un Evolve – si du moins avait-il retenu ce qui avait été dit pendant la nuit. Par réflexe, il s'était emparé de son carnet pour y griffonner les noms dont sa conscience avait attrapé les sonorités avant qu'elles ne s'échappassent, néanmoins le balayeur de l'aube avait déjà ramassé quelques syllabes égarées ; ne demeuraient que trois patronymes, Elizabeth, Yoachim et Ismaël Greenbridge, parmi la réminiscence de figures peu ou prou familières. Il avait reconnu Giovanni, ce qui dans l'immédiat ne constituait pas une preuve de neutralité ni de rationalité, au contraire. Tu veux savoir ce qui n'est pas rationnel ? Ton degré d'imbécillité. Trop tôt pour lutter contre les assauts matinaux ; il avait négligé l'insulte, s'était extirpé de son tas de plaids, avait enfilé son pull-over menthe puis avait quitté la Cabane non sans emporter la fin du paquet de biscuits que Ruben lui avait offert la dernière fois qu'il était passé à l'herboristerie ; depuis qu'elle avait accouché, elle avait commencé à grignoter et avait donc profité de la situation d'Enoch pour se débarrasser auprès de lui des objets de ses tentations. Il n'avait jamais été friand de sucreries, sinon des fruits rouges qui mûrissaient douceâtres sur les lèvres de Lou, mais allez savoir, celles-ci lui donnaient presque envie de se convertir.

Mai respirait frais et bleu ce jour-là, trop pur pour ne pas être divin, pourtant le garçon peinait à prêter attention à ces trivialités météorologiques. Son cerveau rembobinait en boucle les messages oniriques, ces histoires de clinique à moitié détruite à cause d'une catastrophe – à moins qu'il ne s'agît d'une tentative pour étouffer une affaire épineuse ? – et comme souvent dans ces cas-là, le plus l'Ancien y songeait et le plus il avait envie de confirmer ses hypothèses en se rendant sur place. Après tout, ce n'était pas comme s'il avait autre occupation en tête, sinon errer comme un vagabond dans une ville qui lui avait toujours craché dessus ? Et je ne peux que l'approuver, sur ce coup-là. La Chimère bondissait devant lui dans les sous-bois, ses trois queues de serpent giflant l'air en désordre, et lui suivait, indolent, devinant que sans accès à Internet il n'existait aucune chance de remonter les archives de ce fait divers afin d'espérer en obtenir davantage de renseignements ; ne rémanait à sa disposition que la mémoire humaine, à questionner les gens – par chance l'histoire remontait à un mois tout au plus –, fouiner dans le voisinage, enquêter sur les lieux dès lors qu'il aurait déniché l'adresse.
Ce fut moins pénible que prévu. Alors que midi claquait sa chaleur au-dessus des calottes, Enoch se tenait devant les grilles INTERDICTION D'ENTRER qui entouraient les lieux du drame ; une pancarte holographique en rade avait dû, en son temps, afficher le projet de réaménagement de l'endroit. L'atmosphère était d'une extraordinaire banalité, loin de ce qu'il avait pu interpréter à l'aune de ses souvenirs. Appeler cela des « souvenirs » était probablement aussi étrange que la sensation qu'il ressentait devant ces ruines : il ne s'était jamais rendu ici, au fond. Qu'escomptait-il y trouver ? Des réponses, à quoi ? Des confirmations, de qui ? Une façon de conforter sa santé mentale en berne ? T'attends le déluge ? Bouge, crétin, avant de te faire embarquer ! Il tourna la tête vers la Bête qui, se contorsionnant contre un jour dans le grillage, avait élargi un passage à travers lequel elle s'était ensuite faufilée ; elle ignorait sans conteste qu'être ramassé par les forces de l'ordre importait peu au jeune homme. À l'inverse, c'en devenait presque plus tentant, car avec un peu de chance il pourrait demander un café durant sa garde à vue, et rien que pour cela il était au moins prêt à vandaliser une crèche – alors une escapade illégale n'était pas grand-chose. L'unique chose qu'il regretta cependant fut l'accroc dans la laine de son vêtement que lacéra le fer barbelé. Un détail supplémentaire vers le statut de miséreux.
Comme s'il avait continué à compter après le troisième trou dans son jeans, les cernes violacées sous ses yeux orageux, la crasse sous ses ongles. Au pire, si on le chopait à l'intérieur, il pourrait prétendre qu'il dormait là ; il avait à peu près le profil de l'emploi, à défaut d'en posséder un autre.
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Varig Cross

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Varig Cross
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19.04.20 17:38
La chambre d’hôpital baignait dans la lumière d'une belle matinée de mai. Connectée à un appareil médical ronronnant, l'occupante des lieux semblait dormir paisiblement; sa respiration soulevait insensiblement sa couverture.
Mais malgré ses signes vitaux stables, Varig savait qu'elle était morte. Son esprit s'était perdu dans le cauchemar d'un Evolve, mis en pièces par un charognard onirique de la pire espèce. L'Eraser ne se réveillerait jamais de son coma.

Il quitta la pièce sans lâcher un mot. Avant qu'il ne referme la porte, son regard s'attarda sur les fleurs apportées par sa famille ou ses collègues. Les deux probablement.

-Quel gâchis, lâcha-t-il à voix basse.

Une fois ressorti à l'air libre il se dirigea vers son véhicule, privilège d'Eraser. Les rues étaient plutôt peu fréquentées; la ville se remettait péniblement du blackout, la soudaine et inexplicable destruction de son réseau énergétique. L’hôpital et le QG de la milice Eraser avaient été les premiers à bénéficier du retour du courant, grâce à des générateurs d'urgence péniblement approvisionnés.

L'agent s'installa à la place du conducteur et tira de sa poche une petite alliance supportant une inscription gravée à l'intérieur: Oliver ∞ Yoachim. Un des objets ramenés de son rêve agité... Il rempocha la bague et démarra et se fraya rapidement un passage dans le trafic famélique.

Il ne lui avait pas fallut longtemps pour constater que son voyage onirique n'avait rien d'un cauchemar ordinaire. Un terrible accident s'était produit quelques mois en arrière dont un Evolve avait su tirer parti: le docteur Ismael Greenbridge était devenu un croque mitaine hantant les songes et dévorant les rêveurs, comme la malheureuse Eraser. Mais dans le monde réel il était tout aussi vulnérable que n'importe quel humain. Bien conscient de cet état de fait il avait fait en sorte de disparaître de la circulation, mais c'était un médecin pas un criminel endurcit, sans compter que le blackout avait réduit à néant ses chances de quitter la ville. Il avait forcément fait des erreurs, laissé des traces. Une piste que Varig comptait bien remonter pour le mettre hors d'état de nuire. Définitivement.

La clinique était en piteux état. Nichée dans un quartier résidentiel tranquille, le bâtiment était cerné d'un parc que plus personne ne prenait la peine d'entretenir, sans doute depuis la fermeture. Les clôtures qui interdisaient l'accès n'étaient pas très hautes; Varig gara son véhicule tout près du grillage, jeta un œil aux alentours puis monta sur le toit et franchit l'obstacle d'un bond en s'appuyant sur un piquet, atterrissant souplement de l'autre côté.

Les accès du rez de chaussée semblait barricadé, mais il devrait pouvoir trouver un accès par l'arrière. L'Eraser se mit en marche, entrouvrant sa veste pour pouvoir plus facilement dégainer son arme au besoin. Greenbridge était peut-être dans le coin, sans parler d'éventuels squatteurs pas forcément très accueillants.

Comme il s'y attendait, il n'était pas le premier visiteur indésirable; une des fenêtres avait été forcée. Avec le blackout les alarmes avaient cessé de fonctionner, et la milice avait autre chose à faire que de se soucier de locaux abandonnés. Le quand était plus difficile à dater. Il escalada souplement le rebord et pénétra dans la clinique.

L'agent dégaina son arme et activa la lampe tactique pour éclairer un couloir plongé dans une demi pénombre. Bien qu'il n'ai jamais réellement mis les pieds dans la clinique, les lieux lui semblèrent aussitôt familiers; il s'orienta instinctivement vers la réception.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



21.04.20 15:17
Se faufiler dans une brèche du bâtiment ne causa guère de difficultés à Enoch ; il s'y glissa telle une souris dans un trou de gruyère, à ceci près qu'il ne dénicherait là-dedans aucun paradis gastronomique. Il ne savait même pas quelle véritable raison le poussait à agir de la sorte, sinon cette insatiable quête de vérité qui l'avait toujours précipité aux devants des ennuis, même quand il ne faisait rien pour les attirer. À l'évidence, cette fois-ci il ne pourrait se défendre d'avoir cherché ceux qui lui tomberaient dessus à l'intérieur de cette clinique, somme toute des plus banales, mais à cet instant il n'y songeait pas. Des semaines déjà que ces ruines n'accueillaient plus personne, pas même un maçon, alors il n'y avait rien à craindre de particulier en dehors du tétanos et des fatales glissades sur le linoléum poussiéreux. La seule créature ici capable de lui dresser les cheveux sur la nuque caracolait présentement devant lui, bondissant d'un puits de lumière à un autre, sous les percées du plafond, assombrissant son chemin d'éclaboussures vertes ou mordorées. Oui, qu'était-il venu chercher en ces lieux ?
L'assurance de n'être pas fou. De n'avoir pas rêvé les événements de cette nuit-là, de n'avoir pas halluciné ces quelques heures en compagnie d'inconnus plus ou moins anonymes, plus ou moins inconnus, d'ailleurs, de ne pas avoir déliré ces ténèbres et cette compagnie bigarrée luttant pour s'extraire d'un cauchemar aux allures de boucle temporelle. La confirmation de posséder encore toute sa tête. Oh, ça, j'en serais pas si sûre si j'étais toi.
« La faute à qui ? » lâcha-t-il, contrarié, oubliant tout à coup la prudence et la discrétion qui seyaient aux circonstances.
Tu vois ? Tu parles tout seul, tu marmonnes dans tes non-poils de barbe et tu litanies dans ce capharnaüm comme si quelqu'un allait te répondre ! Tu n'es pas fou, tu es dément : quitte cette clinique ennuyante et retourne à l'asile ! Et elle feulait toujours, crocs apparents, tandis qu'il déambulait le long des couloirs.

S'étant introduit par une des ailes de l'établissement, plutôt étroit, il n'avait pas mis longtemps avant de trouver la réception et l'ascenseur – quoique ses souvenirs étaient encore lents à ressurgir. S'il passait devant la double porte d'entrée condamnée par des planches, s'il contournait la rampe d'escaliers démolis pour poursuivre au-delà de l'accueil, il ne tarderait pas à retrouver, sur sa gauche, la salle d'attente où il avait atterri. La porte de la pièce était grande ouverte, à demi-défoncée. Rien à l'intérieur. Ou du moins, rien de plus que ce qu'il aurait pu en attendre ; même les éventuels journaux numériques qu'il avait feuilletés naguère avaient disparu, sans doute emportés lors de la première inspection des lieux. Si inspection il y avait eu, personne n'ayant – de source plus qu'approximative – jamais rien réclamé. Enoch s'interrogeait. Si le cauchemar dans lequel ils avaient été prisonniers se répétait en boucle, avec chaque fois son lot de victimes différentes, et qu'ils avaient en effet été les premiers à briser ce cercle vicieux, qu'étaient donc devenus les anciens rêveurs ? Il ne s'était pas renseigné. Il ignorait par ailleurs si ce Greenbridge, éminent directeur de la clinique, avait fait parler de lui dans les actualités depuis l'écroulement du bâtiment ; il en doutait beaucoup. Difficile d'arracher à l'oubli du sommeil davantage d'informations sur l'endroit. C'était déjà un miracle s'il se rappelait qu'après la salle d'attente se trouvait le bureau de ce même Greenbridge, et que s'il était un lieu où il avait plus de chances de tomber nez à nez avec le cerveau de l'histoire, il s'agissait incontestablement de celui-ci.
Il n'avait pas du tout envie de le rencontrer.
Pas tout de suite, du moins, ni de rencontrer quiconque d'autre, d'ailleurs, car cela signifiait à 80 % son arrêt de mort, son décret d'anéantissement, sa clause L-231 de cessation d'activité vitale, ou quelque chose dans ce goût-là. Or, il n'avait pas rejeté la tentation du suicide si ardemment pour finir aujourd'hui dans la gueule du loup, enterré à la va-vite dans les décombres d'un hospice démoniaque. Plutôt crever. Mauviette, qu'elle ricana face à ses réflexions, plantée goguenarde devant l'antre à secrets. Tu as juste peur de franchir une porte. L'électricité ne fonctionne plus, ce n'est pas comme si tu ne pouvais pas rentrer... Elle avait raison, comme toujours. Il n'aurait même pas pu feindre l'absence de poignée à ce battant futuriste : le code d'accès n'avait pas besoin de lui revenir en mémoire pour que, par la seule force de ses bras, il fasse coulisser la paroi. Alors il tendit les mains. Les appliqua sur la porte. Exerça la pression nécessaire pour qu'elle s'écartât.
Sauf qu'elle ne s'écartât pas.
Il réessaya, y mettant plus d'énergie ; il y avait du mouvement, parce qu'il n'y avait pas de verrou, mais il sentait comme un poids contraire de l'autre côté, une masse à déplacer. Il prit peur sur la nature de cette dernière, et s'écarta d'un bond. Au même moment, le frottement de semelles sur le sol, quelque part plus loin dans l'édifice, mit la Chimère aux abois – il tendit l'oreille avec elle, soudain apeuré. L'avait-on suivi ? Greenbridge revenant d'entre ses lambeaux de songes pour se débarrasser de ceux qui en savaient désormais trop ?

À reculons, sur la pointe des pieds, l'Ancien s'éloigna de la porte jusqu'à coller, dans son dos, celle donnant sur la petite infirmerie du rez-de-chaussée. L'embrasure étant suffisante pour qu'il y insère un bras, il poussa le plus silencieusement qu'il put avant de s'introduire, toujours à l'aveugle, dans la pièce. Laquelle, s'il s'était trouvé dans un de ces films d'invasion zombie, aurait pour sûr contenu un mort-vivant prêt à lui arracher la carotide par-derrière.
Par chance, une série Z demeurerait du domaine de l'imaginaire, pure spéculation, une œuvre de fiction.
Par malchance, la réalité rattrapait parfois la fiction : à son insu, Enoch en fit une nouvelle fois l'expérience.
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Varig Cross

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26.04.20 14:42
D'après les recherches de Varig la clinique n'avait fermé que depuis quelques mois, mais il y régnait une ambiance lourde. Une poussière dense avait commencée à s'accumuler sur le sol et dans l'air, accrochant les rayons de sa torche. L'endroit sentait le renfermé et il flottait encore une vague odeur de désinfectant.

L'agent éteignit sa lampe en arrivant près de la réception, l'endroit recevant assez de lumière à travers les planches qui barricadaient les ouvertures et les fissures du plafond. Ses souvenirs le guidèrent.
C'était bien là.

Il hésita. Un des escaliers s'était effondré, mais il en restait un encore praticable. Descendre au sous-sol? Le bureau de Greenbridge était là. Mais il n'y avait plus d'électricité depuis le black-out, sans doute même avant. Si quelqu'un vivait encore ici, il avait dû préférer une pièce où il pouvait encore recevoir un peu de lumière naturelle ou pouvoir s'échapper...

L'agent s'avança dans le hall, regardant autour de lui. Par où commencer? Son regard s'arrêta sur la porte de l'infirmerie sur sa droite. Là où il avait... Mieux valait ne pas y penser. De toute façon il n'y avait pas de fenêtre là-bas.
La salle de réunion. Plus vaste, avec des siège confortables, de grandes fenêtres... Et même une pièce dérobée, à moins qu'elle ne soit le fruit d'un délire onirique. Oui ça paraissait un bon endroit où commencer ses recherches.

Un choc sur sa gauche le fit soudain dégainer à nouveau son arme, activant la lampe tactique en même temps que le mode de tir paralysant. Le pistolet émit un vrombissement menaçant alors que le cercle de lumière accrochait un carton tassé sous des planches.
Effrayé par la brusque illumination de sa planque un rat traversa le hall en trombe, se terrant dans une meilleure cachette.

Varig abaissa son arme. Il était un peu trop nerveux... Mais cet endroit mettait ses nerfs à vif. Autant en finir rapidement.
Il se dirigea d'un pas décidé vers la salle de réunion, sans pour autant ranger son pistolet. Au cas où; en matière d'Evolve, la milice avait eu des siècles pour perfectionner une conduite tactique prudente: tirer d'abord, poser les questions ensuite. Les armes non létales du 23ème siècle rendait cette doctrine nettement moins meurtrière que son application au 21ème, mais il y avait des exception.

Dans les rêves Greenbridge était extrêmement puissant; l'agent ne tenait pas à vérifier si il était capable de faire la même chose dans le monde réel ou d'activer ses pouvoirs une fois endormi. Le premier tir réflexe serait pour l'assommer, mais ensuite il le tuerait. Pas question de lui laisser la moindre occasion de tuer l'une des seules personnes à ses trousses et de continuer sa cavale onirique meurtrière.
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



04.05.20 21:32
Il n'avait pas le don de se foutre dans les emmerdes jusqu'au cou. C'était sa nature. On ne parlait pas d'un super-pouvoir, d'une malédiction divine, non, rien d'aussi épique ou fataliste. C'était tout simplement inscrit dans son patrimoine génétique. Le chromosome de la poisse, greffé quelque part dans son acide désoxyribonucléique, entre la gamète essaye encore et tu l'as bien cherché, et aucune technique CRISPR au monde n'aurait su l'en défaire. Il avait grandi avec. À la longue, il s'y était presque habitué, même lorsque dans des situations semblables il tentait de se convaincre que ce n'était pas entièrement de sa faute ; certes il s'était introduit illégalement dans un chantier, certes on y avait accueilli et opéré des Evolves jusqu'à la crise meurtrière de l'un d'entre eux, certes le criminel commanditaire errait sans nul doute dans les environs. Et lui s'était plongé dans cette fange avec une délectation presque palpable – mais non, ce n'était pas tout à fait sa faute s'il le regrettait. Après tout, ce n'était pas lui, le savant fou qui avait enfermé des innocents dans leur sommeil pour les lobotomiser en douze heures top-chrono. Il était peut-être dément comme le prétendait la Chimère, d'accord, soit, mais il n'était pas mauvais comme Greenbridge. Il n'avait assassiné personne, lui.
Il s'apprêtait à l'être, nuance.
Ou du moins, il aurait pu finir ainsi s'il n'avait pas eu le réflexe, sitôt entré dans l'infirmerie miniature, de se terrer sous une table pour y attendre l'arrêt des bruits de pas. Qui s'interrompirent juste devant la porte ; ils avaient entendu la présence du Fantôme. Ce fut pour ce dernier les plus longues seconde de son existence. La silhouette qu'il apercevait dans la pénombre, dont le buste se découpait à travers le hublot du battant, s'apprêtait-elle à l'arracher de force de son abri pour lui tirer deux plombs dans la cervelle ? En cet instant, l'Ancien était incapable de réfléchir à une issue. À peine parvenait-il à se concentrer sur sa respiration, qu'il contenait derrière ses mains jointes de manière à l'assourdir au maximum. Une contrainte impossible à tenir sur la durée, tant il perdait en oxygène au fur et à mesure. Il espérait que l'inconnu de l'autre côté de la paroi se lasserait de guetter un mouvement ou, mieux, qu'un nouveau bruit le réquisitionnerait à l'autre bout des ruines.

Tout à ses exercices d'asphyxie volontaire, Enoch sentait la capricorne lui mâchouiller le crâne. Bien qu'elle n'eût pas de raison de provoquer son décès, elle continuait de s'amuser de ses peurs et réactions, quitte à trahir sa localisation si jamais il venait à lui céder. La situation était semblable à un jeu de cache-cache où l'un des enfants planqués se retrouvait les pieds chatouillés par un gigantesque serpent, et ne devait bouger en aucun cas au risque de tomber dans la lave.
Ce qui n'était pas franchement semblable à une simple partie de cache-cache.
La réflexion l'autorisa cependant à distraire ses pensées assez longtemps pour que la menace finît par s'écarter de l'infirmerie, et dans son sillage la frayeur du garçon de réduire d'un cran bienvenu. Il attendit toutefois encore un instant avant de s'estimer tiré d'affaire, puisqu'il était encore possible que l'individu soit parti récupérer une pioche ou n'importe quelle arme, contondante ou non, pour lui faire la peau dès son retour. Sauf qu'il n'y eut pas de retour. Pas davantage que de nouveaux bruits.
Rassuré – quoique encore angoissé –, Enoch quitta son dessous de table avant de coller son oreille contre la porte. Rien à déclarer. Il compta jusqu'à dix. Toujours rien à déclarer.
Il se faufila hors de la pièce avec la plus grande précaution, veillant à ce que le moindre de ses mouvements n'engendrât qu'un son minime. Une fois qu'il fût certain qu'on ne lui sauterait pas à la gorge, il courut vers les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée. Peu lui importait alors de se trahir, tant qu'il réussissait à sortir d'ici avant qu'on ne lui tombât dessus ; même s'il ne pouvait espérer semer un marathonien, encore moins un sprinter, il comptait sur une volée de marches pour ralentir ses potentiels assaillants.
Et puis, en toute honnêteté, cette histoire de chirurgien meurtrier, c'était juste un mauvais rêve, non ?

Sa semelle se posa sur la première marche des escaliers non-détruits, sans qu'aucune balle ni aucune lame ne lui perforât l'estomac, et il en éprouva un soulagement indicible. La pulsation d'après, il ravalait un cri de peur et de stupeur mêlés.
« Vous avez trois secondes pour me dire qui vous êtes et ce que vous faites ici, avant que je ne vous explose l'encéphale. »
La voix avait la décence de paraître polie – un luxe, en ces circonstances. Et trop intellectuelle pour appartenir à un pauvre hère sans éducation. Il ne fallut pas une fraction de seconde à Enoch pour reconnaître que, s'il avait été le grand vilain de l'histoire coincé dans un bâtiment sans électricité en train de chasser le lapin trop curieux, et qu'il n'avait existé qu'une seule issue pour rejoindre la sortie, à savoir une paire d'escaliers, lui aussi serait allé se tenir embusqué près de ce passage pour y attendre sagement la bestiole idiote.
Bestiole idiote, répéta-t-elle, persifleuse, et maintenant qu'est-ce qu'on dit, abruti de lagomorphe ?
« Un. »
Il n'essaya même pas de se retourner en entendant les pas se rapprocher de son dos ; l'autre aussi devait manquer de lumière, laquelle était plus présente à l'étage. Le Fantôme serra le poing.
« Deux. »
Oh, tu ne vas pas faire ça, tout de même ? Tu n'oserais pas ?
« Tr-... »
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