Votre sauveur vous observe chacun tour à tour, tour à tour surpris, courroucé puis amusé en vous écoutant débattre pour juger de la confiance à lui accorder. Les poings sur les hanches, il éclate d'un rire puissant, sans que vous ne puissiez dire s'il est en colère ou ravi, s'il va vous assommer d'un seul poing ou bien vous prendre dans ses bras en vous tapant vigoureusement le dos – ce qui revient peut-être au même, d'une certaine façon.
« Un PNJ ?! Vous vous êtes cru dans un jeu vidéo ou quoi ? M'enfin, si vous voulez vous défouler, continuez d'traîner dans les bois, ya tout c'qui faut pour ! »
D'un haussement d'épaules, il rajuste la bride de son arme avant de se gratter la barbe, l'air de réfléchir.
« J'vais pas m'lancer dans un discours sur la confiance, tout ça tout ça, j'suis pas aussi doué qu'le vieux schnock. Mais de sûr, si vous restez là, j'donne pas cher de vot' peau. On a dressé un camp avec les survivants, pas loin du hameau de Braille, au bord de la Neth. Ya tout c'qui faut là-bas : eau, nourriture, médocs. C'est l'seul endroit clean à des kilomètres, alors j'imagine que si vous avez croisé l'autre singe, y vous a dit d'aller là-bas, non ? »
Ça n'a pas l'air de vous convaincre davantage. À court d'arguments, il se tourne brusquement vers le gamin resté muet, celui qu'il a failli renverser un instant auparavant, et le pointe de son gros doigt :
« Toi, là, ose dire que j'ai pas l'air de quelqu'un d'confiance ! » Néanmoins, devant la tentative bafouillante du garçon pour se justifier, il s'esclaffe de nouveau en se tapant le ventre : « Roooh, j'rigole ! Allez, on s'casse, les clebs vont pas tarder à rappliquer. J'vous expliqu'rai en route comment toute cette merde est arrivée. »

Ni une, ni deux, il attrape votre compagnon anciennement blessé, le jette en travers de son épaule et s'éloigne avec ses immenses foulées, sans prêter attention aux protestations de son chargement. Sans doute aurait-il préféré porter la demoiselle, mais faute de grives, on mange des merles, et il ne boudera pas pour si peu.

Lui emboîterez-vous le pas ?

Vous vous pensiez peut-être à l'abri. En sécurité derrière ce colosse aux larges biceps qui vous menait vers son carrosse blindé. Et cela aurait sans doute été le cas, si vous aviez eu le temps de vous y réfugiez. Encore aurait-il fallu vous montrer plus pressés.

Tout à coup, c'est la forêt tout entière qui semble se refermer sur vous. Les rais lumineux de la lune s'évaporent entre les branches nues ; les troncs se mettent à s'étendre à l'horizontale, vaste muraille contre laquelle bute votre regard ; de loin en loin, le paysage s'opacifie, s'obscurcit jusqu'à se transformer en un fond de lac noir, un gouffre infini où ne filtre plus aucune lueur, où ne perce plus aucun espoir. Quelque chose de terrifiant se prépare. Vous le sentez. Dans le vent lugubre qui soudain se lève. Dans les hululements sinistres des hiboux. Dans ce martèlement qui toujours revient, qui vous traque, qui se presse à vos tympans. Mais de son origine, vous ne saurez rien.
Et pour cause, vous êtes déjà morts.

Surgi de nulle part, la menace vous a frappé. Pas le temps de réagir que la douleur irradie vos muscles, vous met à terre et vous tire parmi les cris de vos alliés ; à peine distinguez-vous leurs corps qu'une masse indéfinissable démembre avec rage, éparpillant les morceaux çà et là, et la morsure des ténèbres leur broyant les os. Et aussitôt, c'est votre votre propre chair que vous entendez se déchirer le long de vos vertèbres, plaie brûlante qui vous arrache à votre effroi et vous jette dans l'inconscience.




Un ruban d'écriture s'affiche à l'écran tandis que vous émergez peu à peu du jeu. Sous vos yeux, un étrange logo se dessine, insolite – vous ne l'avez jamais vu, et certainement pas sur les jaquettes estampillées Onyx. Une voix vous informe que la démo est à présent achevée et vous remercie d'avoir joué, mais vous sentez que le ton n'y est pas. Ou plutôt, que son enthousiasme ne s'adresse pas tout à fait à vous. Et termine par cette phrase énigmatique :