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Métiers d'Avenir [PV Judy]
Anonymous
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08.05.16 17:47
Métiers d'Avenir
C'est fou ce qu'elle parlait beaucoup. Elle n'avait même pas une voix très agréable, en plus. Pas pour une jeune femme aussi souriante. Elle n'arrêtait pas de replacer ses boucles blondes derrière ses oreilles, même quand elles ne la gênaient pas, et elle avait un affreux tic de langage. Elle disait « hum » à peu près toutes les quatre secondes. Ce ne posait pas de problème tant qu'on ne s'en rendait pas compte, mais dès le moment où on y prêtait attention, ça devenait incroyablement agaçant.

Jonathan poussa un long soupir. Avec son sourire de publicité pour dentifrice et son pull rouge affriolant avec un col en V, sa collègue attirait tous les étudiants en mal de réconfort. « Et est-ce que je vais trouver un boulot après avoir été diplômé ? », « Et combien de temps je risque de devoir attendre ? », « Et en combien de temps je vais pouvoir rembourser mes prêts ? », « Et est-ce que l'université nous prépare correctement au monde du travail juridique ? »... Carmen, elle avait terminé ses études deux ans plus tôt, elle se souvenait très bien des craintes et des espoirs qui l'habitaient à cette époque. L'autre, à côté, le grand monsieur taciturne à l'air las, il avait des pattes d'oie, les tempes pâles et les mains dans les poches de son pantalon de costume. On aurait dit un agent de sécurité chargé de protéger les tablettes. Le chargé de recrutement faisait à peu près tout pour avoir l'air le moins avenant possible.

Quand le directeur du département lui avait annoncé que cette année, ce serait à lui de représenter l'OARM à la Career Fair de l'université, il avait acquiescé silencieusement en haussant les sourcils et en passant la langue sur ses lèvres. Trois jours à rester debout derrière un comptoir couvert d'hologrammes colorés, avec des photos de jeunes avocats enjoués et des titres affreusement clichés – à répéter les mêmes informations environ trente fois par heure, à faire semblant de s'intéresser aux projets de carrière des étudiantes vulgaires qui essayaient de se le mettre dans la poche et à boire un café absolument immonde. N'étant pas de mauvaise foi, il n'aurait jamais prétendu avoir mieux à faire puisque ces derniers temps, les recrutements dans le domaine juridique étaient quasiment au point mort, mais il aurait nettement préféré occuper son temps à autre chose.

Les deux jeunes hommes qui papotaient gaiement avec Carmen s'éloignèrent enfin après lui avoir serré la main, et elle se tourna vers lui avec sourire très forcé qui avait tendance à rider ses lèvres dans le sens de la longueur. Jonathan ne lui adressa qu'un regard en biais largement désintéressé.

« – Quel plaisir de revenir ici ! Je me souviens qu'il y a quelques années, c'était moi à la place de ces jeunes, hahaha... C'est peut-être ma mémoire qui me joue des tours mais maintenant que j'y pense, je crois bien que vous êtiez venu quand j'étais en première ou en deuxième année, et je vous avais posé plein de questions !

Mmoui, c'est possible... »

Carmen laissa un rire nerveux lui échapper et fit mine de se replonger dans la lecture d'un hologramme qu'elle avait probablement rédigé elle-même. Son supérieur la toisa rapidement avant de lever les yeux sur l'immense horloge accrochée sur le mur juste en face de lui. Pile en dessous, il y avait le stand destiné au Management, et au fond à droite, les informaticiens. En temps normal, tous étaient dissimulés derrière une horde d'étudiants mais l'heure de pointe à la cafeteria coïncidait toujours avec l'heure creuse à la foire, et les derniers universitaires qui traînaient encore semblaient tellement peu motivés à rester qu'ils adressaient à peine la parole aux professionnels postés solennellement derrière leurs comptoirs. Une longue minute de silence s'écoula avant que Jonathan ne craque.

« – Je vais faire un tour, il faut que je marche. Tu vas t'en tirer toute seule, non ? »

Question réthorique. Avant même qu'elle ne lève les yeux, il s'éloignait déjà d'un pas pressé, les mains toujours enfouies dans les poches. Il se dirigea vers la sortie du hall, espérant déboucher sur une machine à café potable ou même un peu d'air pur. Il lui restait encore trois cigarettes et il était temps qu'elles se réchauffent.
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evolve studies
Judy Thyde
Judy Thyde
evolve studies



17.05.16 18:59
« Non, non et non. Je n’irai pas dans cette école. Trouvez quelqu’un d’autre. »

Ce n’était pas faute de l’avoir dit. Mais Keaton avait tendance à être insistant. Elle l’aimait de moins en moins ce gaillard. Cela faisait pas moins de la deuxième fois qu’il se servait d’elle littéralement pour le remplacer à un moment où il devait avoir simplement envie de faire autre chose. C’était pénible. Alors certes, au terme du premier remplacement, elle avait demandé d’elle-même de récupéré la responsabilité de la dénommé Ruben. Et elle n’avait aucun regret à ce niveau. Seulement… Ce crétin de scientifique était revenu vers elle avec un sourire blancheur extrême. Il ne s’était pas gêné pour lui dire qu’il avait fait le bon choix en lui confiant « sa protégée » parce qu’il savait que ça allait bien se passer et qu’il voulait aider Judy à progresser et se faire un avenir. Foutaises… Il avait simplement abusé de son autorité pour refourguer à la scientifique une patiente dont la présence l’encombrait. Il n’avait rien fait pour elle, rien. Et maintenant il osait en parler comme une femme précieuse qu’il avait eu du mal à quitter ? La dérogation il l’avait signé en cinq minutes sur son bureau comme s’il avait eu hâte de se débarrasser d’elle et des risques qu’elle représentait pour lui !

S’il était resté dans son coin et n’était pas revenu vers Judy, elle ne s’en serait pas vexée non… En revanche, voir que maintenant il s’attribuait le mérite de leurs relations et qu’il se permettait de revenir la voir de nouveau pour « l’aider à progresser plus encore » ça non. Alors certes, la plupart des chercheurs avait cette responsabilité idiote que d’intervenir auprès d’étudiants pour leur faire une présentation médiocre qui attirait le regard de deux trois rejetons, qui se lançaient dans des paris débiles sur le fait de savoir si tel evolve montré en présentation s’était fait capturé ou non par la milice. Elle connaissait bien cet univers. Elle en sortait elle-même et savait comment ils réagissaient tous. Pas un n’y portait de l’intérêt. Seulement, Keaton était plus buté qu’il n’y paraissait. A peine avait-elle nié en bloc et était-il parti bougonnant de son bureau que, quelques heures plus tard, l’un de ses supérieurs rentrait avec lui dans la salle pour lui imposer cette responsabilité. Ce que l’homme à ses côtés avait ponctué d’un :

« C’est pour votre bien. »

Et même si elle avait gueulé et exigé qu’on la lui retire, les deux hommes étaient restés inflexibles.

--------------------------------

Furieuse, elle était furieuse. Et voilà qu’elle se retrouvait au centre de cette scène avec des tas de chaises devant elle sur lesquels étaient assis ces fameux « étudiants en soif de connaissance » qui baillait littéralement aux corneilles, trop contents de pouvoir esquiver leur cours pour autre chose qui n’impliquait pas le moindre effort de réflexion. Elle jeta un coup d’œil à l’assemblée, on l’avait laissée seule, mais mis à part cela, cette scène était ouverte sur la grande bâtisse dans laquelle on trouvait toute sorte de stand pour aider à l’orientation de ces jeunes. Et eux qui parlaient entre eux, pianotaient sur leur bracelet électronique et se prélassait un peu plus sur leur dossier… La plupart avait ramené un sandwich ou un repas pour manger à un endroit moins bondé que la cafétéria. Cela faisait donc une belle assemblée de branleurs. Probablement s’attendait-il à une énième description de la « méta-physique » des evolves. Seulement ils allaient être surpris. Peut-être qu’elle avait été obligée de participer à cette petite assemblée. Mais elle avait obtenu un droit au moins au cours de ces négociations. Celui de choisir le sujet qu’elle allait présenter. Et les étudiants n’allaient pas être déçus. Un léger sourire qu’elle effaça rapidement passa sur son visage. Entendant le bruit ambiant, elle n’eut pas l’envie de crier dans son micro pour capter l’attention de l’auditoire. À la place, elle tripota quelques informations sur son bracelet. Là-dessus, elle ajusta des bouchons d’oreille et fit bien garde à sortir des lunettes de soleil qu’elle ajusta sur son nez au cas où elle ferait preuve d’une quelconque inattention. Elle afficha alors une image, celle d’un jeune homme assis sur une chaise fixant l’écran ; les murmures de tous les étudiants qui fixaient l’écran se turent soudainement. Les autres, ne comprenant sans doute pas se mutisme brutal s’intéressèrent aussi à la scène. Une fois que toute l’assemblée se fut tut et resta immobile, Judy reprit d’une voix grave dans son micro.

« Si l’un de vous pouvait parler je lui demanderai sans aucun doute pourquoi il se sent soudainement pris d’une paralysie toute relative. Vous vous sentez pitoyable, pas vrai ? Incapable de vous défendre, vulnérable. Vous avez parfaitement raison. A l’heure actuelle, je pourrais descendre dans l’assemblée et m’amuser à faire ce que je veux du moindre d’entre vous. J’espère que vous comprenez ce que ça signifie. »

Un silence, bien plus bref que prévu passa dans l’assemblée. Pourtant, une voix sortie de nulle part.

« Qu’est-ce que vous leur avez fait ? »

Judy détailla l’assemblée de plus près. Une jeune fille avait une main plaquée devant ses yeux et la tête tournée dans une autre direction. Impressionnée, la scientifique reprit la parole.

« Moi ? Rien du tout. Le responsable est le garçon que vous avez si justement évité du regard. Un evolve dont la capacité est la suivante : la paralysie totale ou dit autrement, la mystification. D’un regard, il a cette capacité à paralyser n’importe quel être humanoïde. Et ce même au travers d’une caméra. »

La voix de la jeune fille se brisa alors que les curieux autour de la scène s’assemblaient pour comprendre ce soudain intérêt qu’il pouvait porter. Certains même n’avaient pas la méfiance nécessaire et se tournaient vers l’écran se paralysant à leur tour.

« Vous savez que ce que vous faites frôle l’illégalité ? On pourrait vous poursuivre en… »

« Vous ne pourriez pas non. J’ai vérifié la réglementation moi-même. L’utilisation de pouvoir en voie public est juridiquement répréhensible, c’est vrai. Cependant, la loi indique également que la démonstration de pouvoir d’evolve à but éducatif et contrôlé est tolérée. »

Ceci étant, si vous devez vous plaindre, mon responsable en prendra l’entière responsabilité, donc n’hésitez pas. La jeune fille commença à tourner le regard en direction de la vidéo. Lentement mais sûrement. Pourtant, elle tremblait et tentait de résister. Cela faisait enfin effet ? Alors que celle-ci se laissait statufier comme ses camarades, Judy reprit la parole.

« Maintenant que j’ai obtenu l’attention de tout le monde, je peux vous parler. Vous voyez, les pouvoirs sont des choses dangereuses. Si vous êtes devant moi, c’est normalement que vous aussi vous chercher à pouvoir les contrôler, ou plutôt les supprimer. Je vais maintenant lancer deux polémiques et je vais compter sur votre attention à tous. Cependant, avant toute chose, j’aurai besoin de plus que votre simple présence physique. Une assemblée sans réponse n’est pas une assemblée. »

Elle manipula à nouveau la vidéo pour la couper entièrement. Certains s’affaissèrent, d’autres se touchèrent le visage. Certains regardèrent leurs mains pour voir s’ils en avaient à nouveau le contrôle. La jeune fille elle était confuse. Pourquoi avait-elle finit par tourner son regard ? Elle ne comprenait pas. Et enfin, parmi tous ceux-là, il y avait ceux sur lesquels un sourire se dessinait, qui n’en revenait pas de s’être fait avoir. D’autres qui pensait sans doute sortir d’un trippe. Et même si quelques étudiants se levèrent de leurs sièges et partirent pour marquer leur mécontentement, Judy savait que ceux qui restaient l’écouterait jusqu’au bout. Et curieusement, la jeune fille qui lui avait répondu en faisait partie, et même si elle affichait toujours un regard entre la confusion et la peur, il y avait toujours une étincelle de défiance qui luisait au fond de ses yeux. Elle lui plaisait beaucoup la petite.
Judy retira ces lunettes de soleil, les replaçant dans sa blouse, ainsi que ses bouchons d’oreilles qu’elle déposa sur une table derrière elle.

« Vous avez assisté à la manifestation de non pas un, mais bien deux pouvoirs. Le premier vous l’aurez tous compris vous paralyse d’un simple regard. Le second n’était pas visible sur cette vidéo, en revanche. »

Judy tapota son oreille pour faire comprendre où elle allait en venir.

« Le sifflement, ou la convocation. Il met du temps à agir mais force les personnes qui l’entendent à se tourner vers l’appelant pour y jeter un regard. C’est aussi simple que ça. Au niveau moléculaire, on a pu observer que le premier s’illustre par un changement infime de la pigmentation de l’œil, capté cependant par l’œil humain. Comme si les fluctuations de la pupille pouvaient entrainer une certaine hypnose. Le second répond à un principe de cri animal perceptible uniquement par l’homme. Car on le sait tous, l’homme est un animal. Il est capable de faire un bruit qui en appelle à l’instinct qui sommeille en nous ce qui nous fait irrémédiablement nous tourner vers lui. »

Elle s’interrompit un instant avant de reprendre.

« Ces deux evolves ne se connaissaient pas et heureusement, c’est nous même scientifique qui avons remarqué la possibilité de combiner ses deux pouvoirs. Mais il y a des limites. Pour le premier, si on ne tourne pas le regard vers lui ou que nous ne sommes pas concentrés, rien ne se passe. De plus, il ne peut pas bouger pendant qu’il utilise son pouvoir. Quant au second, il faut que le bruit dégagé soit au-dessus des autres sons environnant sinon il demeure sans effet. »

Et puis je n’aborde pas là les effets secondaires qui peuvent être désastreux pour l’un comme pour l’autre…

« Cependant comme vous pouvez le voir, j’ai tout de même pu utiliser leurs pouvoirs… »

Et dieu sait que j’ai dû peser le pour et le contre avant de m’y engager…

« … Pour tous vous paralyser d’un seul coup. Je ne supporte pas de parler seule, il est hors de question que je vous fasse une simple démonstration de mes idées et que vous buviez mes paroles. Cela m’agacerait et ne serait pas constructif, nous allons donc parler tous ensemble sous forme de deux débats. Le premier, où s’arrête le pouvoir des evolves et celui-ci augmente-t-il à mesure du temps. Pour rappel, les deux evolves en questions n’étaient pas là. J’ai tout de même pu utiliser des outils purement technologiques pour me servir de leurs pouvoirs. Cela veut dire que même indirectement, il vous a touché. Et en second, voici une autre question intéressante : Faut-il se servir des evolves pour en arrêter d’autres. Mon avis à ce sujet est tranché, mais j’aimerais entendre vos réponses. Allez-y, je vous écoute… »

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Les questions et réponses avaient fusés en tous sens. Personne n'avait tranché, c'était le principe même d'un débat, il n'y a pas de réponse universelle. La jeune scientifique se sentait vidé au terme de cette « présentation ». Elle avait pourtant réussi à intéresser une partie de son audience. Pas tous, certes, mais c’était comme tout. Au moment où elle était descendue de la scène, le débat n’était même pas terminé et demeurait houleux. Les étudiants en discutaient encore entre eux. Cependant, malgré cette fatigue, Judy savait qu’elle pouvait être fière d’elle. Parce que les avis divergeaient tellement que si certain allaient finir par se plaindre à son responsable – bien fait pour lui – d’autre au contraire semblaient ravi de ce qu’ils avaient découvert. Aussi son supérieur même s’il le voulait ne pourrait lui jeter la pierre. La partie de l’assemblée qui avait apprécié étant trop catégorique et écrasante face à l’autre minorité. De son côté, c’était la dernière fois qu’elle participait à ce genre d’évènement. Trop d’effort pour trop peu de gains. La seule chose qui ressortirait de cette histoire serait cette fameuse étudiante, celle qui l’avait si farouchement défié. Flora MacDown de son nom. Elle avait retrouvé la scientifique au moment où celle-ci avait quitté la scène pour lui dire qu’elle rentrerait elle-même chez les scientifiques, insistant en passant sur le fait qu’elle ne deviendrait pas comme elle. La scientifique avait souris et lui avait donné sa carte, lui disant qu’elle pouvait la contacter si le besoin s’en faisait sentir. Ce n’était pas courant pour elle bien sûr, mais elle lui plaisait beaucoup la gamine. Elle avait tout ce qui fallait pour devenir une bonne scientifique et une collègue d’exception.

Ce fut donc lessivé que la jeune femme se dirigea à son tour vers la cafétéria. Pour son intervention, Elle avait droit à un de ses repas minable que l’on réchauffait rapidement. Mais cette fois, elle allait le savourer et se reposer un peu. Elle se dirigea vers le réfectoire, y récupéra son dut, avant de se diriger vers une salle réservée aux intervenant, un peu à l’écart de cette masse grouillante. Là, elle remarqua une table sur laquelle elle posa son plateau avant de se laisser choir sur la chaise inconfortable. Après tout, c’était mieux que rien. Elle ne s’empara pas immédiatement de ses couverts, préférant de loin prendre son temps. Peut-être avait-elle faim, mais finir son repas signifiait repartir dans la foule en délire derrière un stand. Et si c’était la seule trêve qu’on lui accordait de la journée, alors elle comptait bien en profiter.

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05.06.16 16:19
Spoiler:

Métiers d'Avenir
L'université disposait d'une petite cour intérieure, juste après le grand hall que Jonathan venait de quitter. On y trouvait des plantes plus ou moins exotiques et un chemin de gravier en faisait le tour. Là, assis sur un banc, deux étudiants grignotaient quelque chose, plongeant régulièrement la main dans le sachet qui les séparait. Le recruteur passa devant eux et s'installa plus loin, appuyé sur un rebord de fenêtre. Il venait de remarquer un cendrier, qu'il prit pour un signe et une invitation.

La cigarette aux lèvres, il se perdit dans des pensées fugaces et inintéressantes. Malgré la profonde réticence qu'il avait émise à participer à la Career Fair, l'énervement dû aux tics de Carmen et l'ennui qui l'assommait depuis plusieurs heures, son état émotionnel ne se résumait qu'à une indifférence blasée, comme une majorité du temps à son travail. Si on lui avait demandé pourquoi il donnait l'impression d'être absolument incapable d'une quelconque forme d'emportement, il aurait sans doute prétendu être trop vieux pour s'exciter de si peu.
Il apprécia l'essence du tabac avec modération, ne se concentrant pas plus sur la drogue que sur les questions que les étudiants lui avaient posées pendant toute la matinée. La pause n'était ni méritée, ni particulièrement satisfaisante, et seuls le silence et la solitude semblèrent lui apporter le faible apaisement qu'il était venu chercher.

Une fois la dernière cendre tombée, il jeta un oeil à sa montre et demeura immobile un moment, les mains de nouveau invisibles dans ses poches. Il leva les yeux pour constater la hauteur vertigineuse du bâtiment et la pâleur grisâtre de la voûte, puis se redressa d'une impulsion vers l'avant et rentra à travers une autre porte, à l'opposé de celle qu'il avait prise pour sortir. Il erra lentement dans les couloirs, tentant de se faire silencieux et peu remarquable aux yeux des quelques visages qu'il croisa, et finit par déboucher sur une longue allée scintillante et déserte sur les côtés de laquelle on reconnaissait les immenses portes caractéristiques des entrées d'amphithéâtres. Il s'arrêta un instant et contempla l'immense galerie avant de se remettre de nouveau en marche. Devant chaque porte, il tendait l'oreille afin de percevoir la voix de quelque professeur en plein cours magistral, mais tous les auditoriums n'étaient pas occupés. A deux reprises, il s'approcha de l'écran à droite de l'entrée afin de lire le nom de la conférence. Chaque fois, il haussa les sourcils, peu emballé. Il poursuivit son chemin avec le même détachement jusqu'à ce que, une dizaine de mètres devant lui, une porte s'ouvrit avec violence et un groupe de cinq étudiants s'en échappèrent avec précipitation. Une conversation forte et houleuse les animait, et ils furent rapidement suivis de plusieurs autres jeunes gens visiblement choqués. Sans presser le pas, Jonathan s'approcha de l'écran et laissa ses yeux parcourir les informations données sur le séminaire en cours. Son visage s'assombrit soudainement et il sentit naître en lui une émotion plus vive que tout ce qui l'avait mu pendant ces dernières heures. Son regard se porta de nouveau sur le flot qui quittait la salle avec indignation et, sans vraiment s'en rendre compte, il s'approcha de la porte et se posta de façon à en voir l'intérieur. Personne ne sembla assez calme pour la fermer, et il en profita pour laisser traîner ses oreilles.

Le discours de l'intervenante portait, sans surprise, sur les capacités des Evolves, et deux en particulier dont elle semblait avoir fait une démonstration. Au moment de comprendre ce qui venait de se passer, Jonathan tourna instinctivement la tête vers les derniers étudiants à avoir quitté la salle. Il reporta ensuite son regard sur le sol afin de se concentrer sur les paroles de la fameuse Mrs Thyde.
Contrairement à certains scientifiques qu'il avait eu le malheur de rencontrer, et à quelques autres personnes de tous horizons, la jeune femme ne laissait transparaître aucune compassion particulière, aucun émerveillement, lorsqu'elle prononçait le nom de cette autre race. Elle semblait d'une neutralité sévère, du genre de celle des professionnels les plus habitués à ce qu'on les pousse à donner leur avis alors que ce n'est pas leur boulot. Lorsque le débat qu'elle avait souhaité lancer commença, élevant largement le volume sonore, Jonathan leva les yeux sur la scientifique et la fixa un moment, avec une certaine intensité. Il parut se focaliser sur ses manières et sa façon de répondre aux provocations, sans ciller. Elle était sans aucun doute de ces chercheurs qu'il est si difficile de percer à jour parce que déjà bien trop loin dans les tunnels obscurs et interminables de l'exploration scientifique, où eux-seuls ont des yeux de chat et la volonté nécessaire pour creuser davantage. S'ils savent se rendre clair dans les faits, ils sont d'autant plus secrets que leurs opinions sont parfois très obtues alors qu'ils ne peuvent se permettre de les partager.
Au bout d'un moment, sa voix et ses commentaires se noyèrent complètement dans ceux de son auditoire, et le brouhaha se fit tellement incompréhensible que Jonathan ne put se concentrer que sur ses propres réflexions. Il s'éloigna à pas mesurés, la mine légèrement renfrognée et les poings serrés dans ses poches. Le sujet des Evolves avait ce don de rendre tumultueuse la mer d'ordinaire calme et plate de ses humeurs, et ce en quelques instants. Et s'il n'appréciait pas les scientifiques de manière générale, il admettait sans trop d'hésitation que leurs recherches étaient pertinentes pour lui et les anti-Evolves. Le visage et les propos de Mrs Thyde s'encrèrent donc profondément dans un coin de sa tête.

Un peu plus tard, il reçut un message – probablement passif-agressif – de Carmen qui lui signalait qu'il était officiellement l'heure de la pause et qu'elle espérait le retrouver à la caféteria. Jonathan lui répondit en faisant l'innocent et lui promit de l'y rejoindre, ignorant le fait qu'il avait bien disparu une demie-heure et qu'il l'avait laissée clore le stand toute seule. Il se dirigea donc vers le fameux réfectoire, même sans avoir vraiment faim, et échappa habilement aux regards en passant furtivement pour ne prendre qu'un café et une petite viennoiserie coquette qui lui rappelait celle qu'Eleanor prenait toujours en dessert dans leur restaurant favori. Cherchant les boucles blondes de Carmen du regard, plus pour l'éviter qu'autre chose, il tomba sur la mine pâle et fraîche de la jeune intervenante qu'il avait quitté des yeux moins de dix minutes plus tôt. Elle était seule. Etait-ce l'occasion d'assouvir sa sombre soif de connaissance sur les Evolves ? Oserait-il adresser la parole à cette inconnue, peut-être motivée par des convictions opposées aux siennes ? Etait-elle un moyen d'échapper à Carmen ?

Oui, oui, et oui.

D'un pas leste – comme si, à la perspective de s'engager dans un acte de socialisation, il devenait automatiquement plus avenant – il s'approcha de la chercheuse qui n'avait pas même encore commencé à manger. Avec ce qui s'apparentait à un sourire aimable, il lui adressa poliment la parole.

« Mrs Thyde, n'est-ce pas ? »

Il posa sa tasse et la petite assiette avec la pâtisserie sur la table et, ne laissant à la jeune femme que le temps de confirmer ou d'infirmer mais pas de le rejeter – un des principes fondateurs de l'éloquence, il poursuivit.

« J'ai pu entendre la fin de votre intervention il y a quelques instants, mais je crains avoir manqué le plus fascinant... »

Enfin, il laissa à la scientifique l'occasion de refuser de s'entretenir avec lui, même s'il espérait qu'elle la tiendrait loin de Carmen et, peut-être, qui sait ?, lui fournirait des informations intéressantes sur une meilleure façon d'éradiquer la race de monstres responsable de la mort de l'être le plus précieux de cette terre.
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Judy Thyde
Judy Thyde
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26.09.16 9:19
La fatigue continuait à la tourmenter. Elle n’avait pas imaginé un seul instant qu’elle pourrait se sentir vidée à ce point simplement en parlant. Pourtant, n’importe qui devant maitriser une assemblée aurait pu affirmer que les effets n’auraient jamais pu être autres. Mais la scientifique n’était pas habituée à ce genre de discours. Parler autant, devoir élever la voix, répondre à des questions, trop de questions, calmer l’assemblée, relancer son intérêt. La jeune femme, bien que parfaitement sociable à condition que l’interlocuteur supporte le déni et l’indifférence, n’avait curieusement pas l’habitude de se trouver ainsi au milieu d’une jungle. Du moins, une jungle autre que ses interminables réunions entre collègues ou elle intervenait le moins possible. Parce que personne ne tiendrait compte de ses propos, et qu’il ne servait à rien de perdre son énergie à convaincre des ignares. Ce qu’elle ne comprenait pas elle-même en revanche, c’est ce qui l’avait poussée à contourner ce principe pour cette fois. Était-ce parce qu’elle s’adressait cette fois à plus jeune qu’elle et que son instinct maternel reprenait le dessus ? Parce qu’elle était la seule à pouvoir prendre la parole sans quoi personne ne le ferait ? Ou était-ce parce qu’elle parlait à plus ignare encore que le dernier des abrutis ? Elle ne le savait pas, mais pour ainsi dire elle s’en fichait. Ce n’était pas quelque chose de rationnel, autant laisser les choses telles quelles et les accepter.

C’est à cet instant qu’un illustre inconnu s’installa devant elle, viennoiserie au poing en guise d’arme. Et dire qu’elle avait pensée ne devoir s’adresser qu’à des enfants. Que lui voulait-il exactement ? Comment avait-il seulement entendu son nom ? Les deux réponses vinrent rapidement avant qu’elle n’ait le temps de demander ce que cet homme voulait. Sa prestation précédente n’avait pas dû passer parfaitement inaperçue… Elle ne comptait pas réellement échanger. Du moins pas initialement. Le repos signifie de l’apaisement et de la tranquillité, ce dont elle était privée en l’instant présent. Cependant, cet homme qui avait littéralement envahit sa sphère privée ne lui avait pas laissé le moindre choix. Pas depuis qu’il s’était installé en posant son plateau repas. Et pas depuis qu’il ne lui avait laissé aucune ouverture pour clore la conversation. Et vu qu’elle n’allait pas être la première à se lever – elle était arrivée avant tout de même ! – elle n’allait pas se débiner. Sa fierté ne lui aurait pas permis.

« C’est moi-même. N’ayez crainte, vous n’avez rien raté si ce n’est une trombe d’étudiants plus hargneux qu’une bande de rapace autour d’un cadavre. »

Sa voix était neutre. Pourtant, quelqu’un d’avertit aurait pu y sentir une pointe d’agressivité et de rancœur. La première parce qu’elle n’avait pas main mise sur la conversation, et que dès lors que l’homme était passé à l’offensive, elle se trouvait immédiatement, par mesure de balancier, sur la défensive. La seconde était quant à elle dû au fait que l’homme avait souligné un instant de sa vie qu’elle souhaitait oublier. Pour parvenir à une conversation d’égal à égal, elle se devait cependant de posséder une information qu’elle n’avait pas en cet instant. Quelque chose qui leur permettrait de faire jeu égal.

« Et à qui ai-je l’honneur ? »

Attendant une réponse, elle récupéra sa fourchette pour la planter dans son gratin de pâtes réchauffées. Elle la porta à sa bouche, avant de la reposer pour s’installer plus confortablement sur sa chaise.

« Et en quoi puis-je vous aider ? »

En temps normal, il était peu probable que quelqu’un aborde la laborantine, surtout au vu de l’aura qui l’entourait. C’était un peu comme si des panneaux autour d’elle indiquait « FOUTEZ MOI LA PAIX, JE MANGE. » Et pourtant cet homme, qui qu’il soit, avait bravé l’interdit. Alors pourquoi le faire si ce n’était pour un intérêt personnel ? Il ne pouvait tout de même pas s’agir d’une personne venant simplement dire bonjour, si ?

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