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Fiesta ! [Enoch] [Terminé]
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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07.03.16 23:23
Sortie de la douche, j’ai un moment de doute devant mon placard grand ouvert. C’est toujours une galère de trouver comment m’habiller pour sortir. Une robe risquerait de faire trop habillé, un jean trop décontracté… Que m’a dit mon frère déjà ? « Bon Loulou, en temps normal je t’aurais pas proposé de venir, mais mon coloc t’a vu sur des photos. Interdiction d’être trop canon, j’ai pas envie qu’il te tourne autour, mais viens pas fringuée comme un sac, si on veut sortir faudrait pas que tu te face recaler ». Sympa le frangin.
Il y a un mois ou deux, c’est moi  qui expliquais à la fratrie et à notre père que je voulais me trouver une colocation, et bim, en deux semaines, c’est Steve qui dégotait un appartement visiblement plutôt sympa. D’un autre côté, il est encore à la fac le bonhomme, c’est facile de trouver un coloc dans sa promo. Alors que moi, qu’on se le dise, je ne vais pas demander à Maurice de la compta de venir partager mon loyer.

Bref, après réflexion j’opte pour un short taille haute en jean brut et un petit haut rose pâle légèrement échancré dans le dos. Ca laisse entrevoir une partie de mon tatouage. J’aurais dû réfléchir un peu plus à son emplacement à celui-ci, soit pour qu’on le voit en entier, soit pour qu’il soit entièrement dissimulé. Tant pis. Des collants noirs, une veste bleu marine, je m’observe sous toutes les coutures. Avec des talons ça va me faire une silhouette de folie, et Steve ne pourra pas dire que j’aguiche son coloc, après tout, un short, c’est simplissime, et je n’ai pas de décolleté. Je remonte mes cheveux en un savant chignon coiffé décoiffé, maintenu par une myriade de petites pinces, mes cheveux sont coupés trop courts pour ce genre d’extravagances. D’ici trois heures, le tout se sera sans aucun doute cassé la gueule. Tant pis, ce sera pour une ou deux photos.

J’attrape mon sac, y fourre mes clefs, et quitte mon appartement au pas de course. Avec tout ça, j’ai laissé filer le temps. Durant les 6 stations de métro qui me séparent de chez mon frère, je redessine mes lèvres d’un rouge profond. Comme le chignon, ça ne tiendra pas indéfiniment, mais ce n’est après tout pas pire que les nanas avec du noir plein les yeux qui finissent par ressembler à des pandas, en plus avec mes yeux bleus, ça pourrait vitre tourner au husky.


J’arrive une demi-heure après l’heure dite. Moi qui râle toujours sur les gens en retard, bel exemple Lou… J’essaie de passer inaperçue, mais bon, j’ai dû sonner à la porte quand même, une paire d’yeux inquisiteurs se tournent irrémédiablement vers moi. Grand sourire, toutes dents dehors, j’essaie de faire bonne figure. Je ne connais pas le quart des invités présents. Je reconnais deux trois potes de mon frère, ma sœur et son copain posés sur le coin du canapé comme un mignon petit couple. Ces deux-là vont se casser dans deux heures pour rentrer dans leur petit nid d’amour, c’est écrit en lettres fluo sur leur front. Bizarrement, je me sens un peu vieille d’un coup. Débarquée dans une soirée où je ne connais pas grand monde, le cap des 25 ans se fait sentir. Ils sont, pour la grande majorité, encore tous à la fac, ils parlent de cours, de profs, de partiels et de soirées étudiantes. Ces préoccupations me paraissent affreusement lointaines. Moi je pense plutôt à mes synthèses, les horaires de mes tests, la nourriture des rats de laboratoire, et les histoires de cœur de ma collègue.

Bref, Steve m’enlève ma veste et mon sac pour les ranger dans la chambre qui fera visiblement office de vestiaire et me fourre un verre d’un cocktail non identifié dans les mains. Ouh, il est corsé !
Petite frappe, je commence la soirée à papoter avec ma sœur et son mec, puis l’alcool aidant, j’élargie le cercle. Les copains de mon frère, ceux que je connais, puis petit à petit quelques inconnus. Il faut bien tenter de se sociabiliser.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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08.03.16 12:14
Ça jacasse et ça flirte autour de lui. Ça piaille gentiment, ça se moque un peu, pas trop, il ne faudrait pas être pris pour un connard mais tout de même, c'est vrai que la fille du prof' de chimie a une gueule de blobfish pêché, la pauvre, et ça discute films, musique, fringues et vacances, ça se rentre dedans en toute discrétion et ça se ressert en chips saveur paprika – le goût n'est d'ailleurs pas trop mal pour un truc dont la composition est à quatre-vingt dix-neuf pour cent artificielle. Enoch finit par reposer son gobelet où surnagent trois glaçons à l'agonie, tandis que les justifications à sa présence ici, ce soir, à l'écart d'un microcosme qu'il ne côtoie pas, lui reviennent en mémoire. Encore un coup de Nolan pour l'empêcher de rester seul une nouvelle fois. Bien entendu, les préoccupations de ce dernier à son égard lui vont droit au cœur, puisque rares sont les personnes de son entourage qui se soucieraient de nourrir sa maigre sociabilité ; néanmoins, de là à lui proposer d'accompagner son frère aîné lors d'une soirée étudiante, de sorte qu'il diversifie ses connaissances en tapant dans sa tranche d'âge. Et de là à ce qu'il accepte, en plus. Sauf que voilà, le garçon a accepté, moins pour faire plaisir à son ami que pour se persuader qu'il est encore capable de nouer des relations auprès d'inconnus, d'étrangers qui ne possèdent probablement rien, rien de chez rien, en commun avec lui. Un tee-shirt couleur glauque sous une chemise ouverte, son inséparable jean grisé, la sensation d'un fiasco prévu d'avance. C'est un test, une expérimentation. Presque une épreuve. Il ne risque toutefois pas grand-chose, si ce n'est de s'ennuyer ferme et d'avouer à Nolan, le lendemain, qu'il se découvre davantage d'affinités avec une bande de gamins de treize ans plutôt qu'avec des vingtenaires. Demi-honte. Il faut qu'il essaye, pourtant, qu'il fasse une effort. Histoire de. Mais c'est difficile, et le malaise rôde le long de son échine.

À son époque déjà, les autres lui causaient pareil embarras. Il les avait toujours trouvés plus confiants, plus spontanés, plus enclins à discuter librement de leurs goûts et de leurs envies. Plus solides dans leur expression, plus visibles dans leur apparence. Tandis que lui, ombre blanche, peinait à s'imposer dans une conversation. Une différence creusée aux dimensions d'un gouffre entre lui, introverti et silencieux, et les autres, amicaux, expansifs, vivants. On ne se refait pas, songe-t-il en grignotant un fin gressin au sésame, à moitié assis sur le large accoudoir d'un fauteuil – et le bleu sombre de ses yeux erre parmi les convives, curieux, à la recherche d'un détail à capter, d'une physionomie à étudier. Anthony, le frère de Nolan, s'arrête près de lui. Ils ont beau avoir huit ans d'écart, Enoch décèle chez lui des traits propres à la famille, des motifs héréditaires à l'instar de cette crinière d'ébène, de ces iris d'onyx et de cette malice dans le sourire, contagieuse, prompte à se libérer.
« Ça va ? demande-t-il à l'Ancien, sans affect excessif. Reste pas dans ton coin, après No' va croire que je t'ai abandonné. Suis-moi, que je te présente ! » Un geste de la main accompagne ses paroles, juste avant qu'il n'hésite imperceptiblement. Il a dû se rendre compte de la gêne qu'il peut y avoir à s'inventer une vie pour ne pas choquer l'auditoire, pour ne pas attirer l'attention sur sa bizarrerie ; pourtant, sa sympathie est telle qu'il ne s'y attarde guère, et l'intéressé lui emboîte le pas en guise de gratitude. Dans les cinq mètres qui les séparent du canapé principal, là où blablate la masse, Anthony ne peut s'empêcher de glisser une nouvelle plaisanterie sous couvert de sérieux :
« J'leur ai déjà dit que t'avais hiberné dans l'espace pendant cinquante ans et que c'était pour ça que tu n'étais pas au point niveau civilisation. T'as pas à t'inquiéter !
Hein ? »
Mais c'est n'importe quoi ! Qui goberait un truc pareil, même dans un siècle qui considère Mars comme une colonie efficiente ? Décontenancé par cet humour mensonger, Enoch ne renchérit pas ; de toute façon, c'est trop tard pour faire des plans sur la comète car les voici au cœur de la nébuleuse, avec toutes ces planètes qui échangent, rient, trinquent et minaudent. On l'y introduit sans brusquerie, le présentant comme l'ami d'un pote d'université – c'est plus réaliste et personne ne s'y intéressera plus que cela, une couverture parfaite –, et sitôt dit, sitôt délaissé, alors il en profite pour rejoindre un orbite périphérique, moins nerveux que le noyau central, occupé par un couple, un brun qui parle beaucoup trop sans être saoul et une rouquine en short et haut pastel, le visage fleuri de quelques mèches échappées de son chignon.

Il ne l'avait pas remarquée jusqu'à présent. Elle est sans doute arrivée en retard, pourtant elle connaît l'endroit, les gens, se sent à l'aise ; elle discute, s'intéresse, questionne sans que ne transparaisse aucun effort. À la place de ses yeux, deux bleuets givrés. Enoch feint d'écouter le récit de l'autre gars, mais il sent que son esprit flâne ailleurs, que son regard est happé non loin par un reflet vermeille, une bretelle saumon, un éclat de ciel. Et puis, bêtement, il se demande s'il n'aurait pas mieux fait de s'habiller mieux, de discipliner cette tignasse blanchie qui lui sert de chevelure. Si, pour un instant, il pourrait devenir un chouïa moins transparent, un soupçon moins inexistant. Un peu moins lui, pour ne pas attirer l'attention, mais attirer une attention.  
« Enoch, c'est ça ? Et toi alors, tu fais quoi ? »
L'interrogation l'arrache à ses pensées. C'est la fille du couple qui lui vient de lui adresser la parole, une petite blondinette en tunique mauve, peut-être pour interrompre le débit de son voisin ou par banal mécanisme. Qu'importe. Le jeune homme ne sait quoi répondre – il lui faut une ineptie, vite, une réponse tirée de derrière les fagots pour noyer le poisson, un truc bien compliqué qui fait peur à tout le monde et qui ne suscitera aucune curiosité. Dans un sursaut confus, il lâche :
« J'étudie la mythographie pré-islandaise. »
Tout en pratiquant la mythomanie post-américaine. À observer leurs réactions, il a cependant l'impression d'avoir sauté la case oubliez-moi pour se vautrer comme un imbécile sur celle de mes-centres-d'intérêt-sont-méga-bizarres-pardon. Tant pis. Advienne que pourra.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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08.03.16 19:22
J’ai trouvé une place assez confortable dans la pièce. Assez loin du canapé pour que la majorité de la plèbe me foute la paix, assez près du pseudo buffet de chips pour pouvoir me ravitailler assez discrètement pour ne pas passer pour une morfale.  Depuis que j’ai trouvé cette place bénite, quelques invités gravitent autour de moi, venant et repartant à un rythme irrégulier.
Je me retrouve à présent avec quatre parfaits inconnus, un type tellement bavard qu’il en ferait rougir ma grand-mère, pourtant pipelette dans l’éternelle, deux mignons petits tourteaux, et un gars aux cheveux blancs venu se greffer un peu après les autre, à côté de moi.

Le premier nous raconte sa vie, comme si on en avait vraiment quelque chose à faire. Il n’arrête pas… S’il continue à ce rythme, dans cinq minutes je serai contrainte de délaisser ce coin d’appartement pourtant bien sympa pour fuir loin, en tous cas, plus à portée de voix. La petite nana en face de moi semble ressentir la même chose, elle lui coupe la parole pour s’adresser à mon voisin.
Enoch ? C’est un prénom biblique ça non ? Ce n’est pas commun, pas plus que sa crinière immaculée, ou que… Que quoi ? La mythographie ? Pré-islandaise qui plus est. Bon sang, il y a vraiment de tout pour faire un monde, je ne savais même pas que ça existais. Le reste de l’assistance non plus visiblement. La blondinette lâche, pour toute réponse, un « Ah » peu convaincu avant de passer à autre chose sans en demander d’avantage. Moi j’aurais bien voulu savoir ce que c’est la mythographie pré-islandaise. Les jeunes de nos jours n’ont aucune curiosité ou quoi ? Putain je pense comme une vieille.
Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour le questionner que la nana jette son dévolu sur moi, espérant sans doute trouver un sujet de conversation exploitable.

- Et toi ? T’es la sœur de Steve non? Tu fais quoi dans la vie ?

Ahah, merde c’est à mon tour. Ma couverture de nana lambda au milieu de tous ces étudiants va donc tomber à l’eau. Que lui répondre ? « Ce que je fais ? Je gagne ma vie à la sueur de mon front ! ». Nop, pas génial. « Je participe activement à l’euthanasie d’un certain nombre de rats et de souris », c’est pas mieux, alors on peut aussi oublier «je dirige une équipe de techniciens pour la plupart plus âgés que moi et pourtant j’ai l’impression d’être maîtresse en maternelle » . Allez, la simplicité, faut bien tenter le coup de toute façon. Et quand ils verront que je ne peux pas discuter de la dernière soirée inter BDE avec eux, ils iront surement voir ailleurs.

– Je suis chercheuse… En pharma.

J’écope du même regard que celui qu’ils ont servi à mon voisin. Incompréhension. Et toujours pas de sujet de conversation exploitable apparemment.

C’est le moment que ma sœur à choisit pour débarquer dans ce petit cercle, ne portant aucune attention au reste de l’assistance. Glissant une main sur ma taille, elle pose sa tête sur son épaule et vient me sortir de cette situation, comment dire, peu agréable.

– Hé Louloute, t’es pas assez saoule pour parler boulot non ? Allez viens on va jouer !

Elle m’attrape par la main. J’ai l’impression de la revoir à 6 ans. Son grand sourire éclaire son visage encore poupin, ses mèches brunes dansent autour d’elle à chaque mouvement. Elle est adorable. Alors que je m’attendais à ce qu’elle m’attire vers un autre coin de la pièce, elle se bloque, et observe le dénommé Enoch.

- C’est super cool les cheveux blancs ! Allez viens jouer aussi !

Elle l’attrape à son tour par la main et avant qu’on ait le temps d’émettre la moindre plainte, elle nous conduit à l’autre bout du salon, s’assoit autour d’une petite table basse et nous invite d’un signe de tête à faire de même. Fouillant dans un meuble non loin de là, elle reprend.

– Au départ je voulais juste faire un petit concours de shooter avec toi Lou, mais Steve refuse de voir ses frangines se pinter sans raison. Il a dit que s’il devait nettoyer le vomi de l’une de ses aînées, on perdrait à jamais le peu d’estime qu’il a encore de nous.

Cette réplique me fait sourire. Je n’ai pas franchement envie de me pinter, mais je dois bien avouer qu’on se fait chier pour le moment. Je regarde le jeune homme embarqué là-dedans certainement contre son grès et hausse les épaules, comme pour lui dire « désolée mon gars, mais elle va nous gaver tant qu’on n’aura pas joué avec elle ».
Lucie sort du meuble trois shooters, une bouteille de vodka et une de sirop. Elle pose le tout sur la table d’un geste brusque et entreprend de les remplir, 50% de sirop, 50% de vodka. De l’alcool et du sucre pour faire passer le gout… Bon… Pourquoi pas.

– C’est quoi le deal alors ?

– Je vous propose de jouer à « j’ai déjà, je n’ai jamais » ! Le principe est simple : Je vous lance une affirmation du style « J’ai déjà mangé des brocolis » et celui qui n’en a jamais mangé vide son verre. C’est le même principe pour je n’ai jamais. Le but étant bien entendu de faire boire ses adversaires !

Elle fait glisser les verres devant chacun de nous. Je me tourne vers le jeune homme. Remarque, c’est une bonne méthode pour faire connaissance. Tout sourire, je lui demande :

– Tu joues avec nous Enoch ?

Sans lui laisser le temps de répondre, Lucie commence. « Je n’ai jamais… Embrassé de fille ! », elle me regarde triomphante, très fière de sa trouvaille. Avec ce genre d’affirmations, elle espère ne faire boire que notre invité. Je lève les yeux au ciel et vide mon verre d’une traite. J’ai le droit à un regard courroucé de la part de ma cadette auquel je réponds par un haussement d’épaules et un  « J’ai une vie même quand tu n’es pas là… ».
D’un même mouvement, nos deux têtes se tournent vers Enoch, attendant de voir s’il videra son verre, et s’il accepte le jeux, quelle pourrait-être l’affirmation suivante.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



08.03.16 22:30
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce mensonge éhonté sur une discipline méconnue n'attire pas la curiosité du public ; quel dommage, vraiment, personne ne relance l'histoire pour en savoir un peu plus, et ce n'est certainement pas en vue de ne pas étaler son ignorance devant témoin. Enoch respire. De toute manière, on l'aurait invité à poursuivre sa description qu'il n'aurait pas été à court de palabres, le sujet étant peu ou prou lié à ses origines et aux contes qu'il lisait enfant, sous la couverture, un livre d'images sur les mythes islandais à portée de ses doigts avides. Guère enclin à démontrer sa science pour les beaux yeux d'autrui, il accueille donc le silence avec soulagement, voire avec une pointe de satisfaction lorsque la conversation dérive vers la rouquine. Les questions qu'il n'oserait pas lui poser, les pensées qu'il énonce tout bas à son attention, peut-être quelqu'un d'autre les déclarera-t-il, le laissant ramasser les réponses l'air de ne pas y toucher, ainsi qu'un collectionneur secret. Cette même envie qui l'étonne et, sans un bruit, il se traite d'idiot.
La sœur de Steve. Bien, mais encore. Qui est Steve ? Qu'il aille lui demander en personne le prénom de sa sœur, puisqu'à les entendre, pas un des trois hurluberlus qui composent présentement leur cercle n'est fichu de fournir cette information pourtant banale et ô combien importante tout à coup. Néanmoins, un indice sur « ce qu'elle fait dans la vie » – une autre interrogation de ce genre et il lèvera les yeux au ciel – est mieux que rien alors, inconsciemment, sa mémoire se déploie pour envelopper les quelques mots qu'elle prononce. Une chercheuse en pharma, pharmacie, pharmacologie. Des médicaments. Quelle horreur ; Enoch réprime un frisson que le terme précédent, chercheuse, éclipse suffisamment pour le rendre imperceptible. Ainsi, elle cherche. L'idée lui plaît, l'amuse même. Une exploratrice. Il voudrait lui demander ce qu'elle fouille, ce qu'elle déniche, ses perspectives, ses outils de prédilection ; mais visiblement tout ce qui touche à l'intellect ennuie les trois autres, pour ne pas dire le monde entier, et la discussion s'abîme jusqu'à l'intervention saugrenue d'une jolie brune, tactile en diable, qui tente d'emmener la fée rousse. L'espace d'une seconde, le garçon imagine qu'il ne lui reste plus qu'à franchir le seuil et rentrer chez lui, abandonnant la Louloute à ses camarades et ses propres turpitudes au sommeil. Sauf que la nouvelle venue ne l'entend apparemment pas de cette oreille et, soit qu'elle a un sixième sens fort développé comme c'est souvent le cas chez les créatures de ce sexe, soit qu'elle est aussi fédératrice qu'elle est sans-gêne, elle a tôt fait de transformer un compliment en ordre dissimulé. À peine le temps de baisser la tête qu'il est emporté par une bourrasque féminine.

Cette main dans la sienne lui fait un drôle d'effet. Lorsqu'il y réfléchit, il n'a pas parlé à une fille de son âge depuis Alice, d'autant que sa rencontre avec celle-ci ne fut pas des plus réjouissantes. Et voilà que, sans prévenir, une demoiselle qu'il ne connaît ni d'Ève ni d'Adam, surtout pas d'Adam d'ailleurs, lui prend la main et l'entraîne vers un nouveau groupe, toute guillerette, en parlant alcool et gerbe. La classe. Pourquoi est-ce qu'il s'est retrouvé là, déjà ? Au moins il attrape un prénom à la volée, le prénom qu'il cherchait, ce qui le console de sa tranquillité perdue ; il va peut-être rester un moment, en fin de compte, même si l'idée de se prendre une murge ne l'enchante guère et qu'il risque de cramer sa couverture en deux en trois gorgées de ce breuvage atroce que la minette est en train de concocter pour agrémenter leur activité. Muet, le fantôme écoute les règles, acquiesce sans conviction, soupire discrètement et s'assied enfin, la dénommée Lou à sa gauche et un shooter plein sous le nez. Il pourrait encore s'esquiver, prétexter une affaire urgente, un hamster à nourrir ou quelque chose du style. Il n'est pas trop tard pour la poudre d'escampette. Pourtant, il suffit que sa voisine l'appelle, qu'elle relâche deux syllabes du bout des lèvres et le garçon reste en place, fait cogner un ongle sur le rebord de son verre, attentif aux premiers échanges.

Début des hostilités. C'est bien des indiscrétions de filles, ça, de savoir qui a embrassé qui. À dix ans comme à soixante, les baisers sont au cœur des potins ; qu'à cela ne tienne, Enoch observe le geste mutin avec lequel Lou vide son verre tandis que le sien reste devant lui, intact. Le regard de la frangine est aussi épique que celui qu'elle vient de balancer à la buveuse, mais dans un autre registre cette fois-ci. Faussement désolé, le garçon étire un coin de sa bouche. Vrai. Il n'a jamais embrassé de fille, sans qu'il en retire une quelconque honte. Et si cette particularité semble décontenancer la brune, qui pense peut-être que les deux personnes à qui elle s'adresse auraient dû échanger leur place pour convenir à l'idée qu'elle se faisait d'eux, l'Ancien lui trouve un charme indéfinissable. Sans le savoir, ils forment déjà un duo insolite.
« À moi, alors ? » lance-t-il en feignant de réfléchir, certain de son prochain coup. Si elles veulent jouer, alors il va jouer, lui aussi, une fois n'est pas coutume. Toute gêne mise de côté. Parce qu'au fond, qu'est-ce qui le retient, ce soir-là ? Personne ne le connaît, personne ne le connaîtra jamais. Il est libre, car anonyme. « Je n'ai jamais... porté de la dentelle. » Heu... Oui, c'est bien ça. Un peu plus, et il aurait hésité lui même. Mais avec une telle injonction, il est certain de les faire boire toutes les deux, sans même chercher à les embarrasser. Son ton est trop neutre pour cela, son innocence trop évidente pour leur manquer de respect de cette manière. Il tient juste à préserver sa sobriété, de quoi ne pas sombrer trop vite dans la somnolence qui accompagne l'ivresse. De quoi profiter aussi longtemps que possible de cette présence rougeoyante à ses côtés, quitte à user des spécificités de son genre pour orienter ses assertions.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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09.03.16 19:15
Les yeux rivés sur le jeune homme, nous attendons toutes les deux de voir s’il va jouer le jeu. Visiblement oui, mais son verre reste irrémédiablement plein. Oh, alors comme ça, il n’a jamais embrassé de nana. Pas intéressé ? Gay peut-être. Vas savoir… Cette petite révélation me donne des envies de potins, j’aimerais bien tout savoir de sa vie sentimentale depuis le jardin d’enfant jusqu’à maintenant. Un truc de meuf certainement, ou peut-être la présence de Lucie. Quand elle est dans les parages, j’ai soit l’impression d’être sa mère, soit d’avoir à nouveau 15 ans.
Alors qu’il fait mine de réfléchir à ce qu’il va nous demander, ma cadette remplit à nouveau mon verre. Jamais porté de dentelle hein ? Mes lèvres s’étirent en un fin sourire, je hausse un sourcil et ne peux retenir un « Hum, fourbe ». Lucie lève son verre vers moi, je ne trinque pas. Ses grands yeux noisettes écarquillés, elle me lance «Bah, tu bois pas ? ». Mon sourire s’étire, je pose un coude sur la table basse, mon menton dans ma main, puis les regardant tour à tour :

– Je n’ai pas de fringues en dentelles et… Je ne porte jamais de sous-vêtements. un sourire mutin aux lèvres, j’observe mon auditoire un instant avant de hausser les épaules et de faire tinter mon verre sur celui de ma sœur. Oh si on peut plus déconner…

Je vide ce deuxième shooter, grimaçant un peu. C’est pas ultra bon quand même… Heureusement qu’il y a du sirop.
J’étends les jambes sous la table, effleurant au passage celles de mon voisin. Je lui adresse un sourire poli comme toute excuse avant de prendre la parole, mon tour est arrivé.

– Je n’ai jamaaaiiiss… Etudié la mythographie pré-islandaise.

Tiens, bonne question ça. Soit il boit et je pourrais lui demander un peu plus tard de m’expliquer deux trois trucs, soit j’apprends qu’il a raconté des cracs au petit groupe précédent et il me restera à découvrir à quoi il occupe réellement ses journées.
Nous l’observons toutes les deux, une fois de plus, Lucie prête à le resservir s’il boit son verre. Puis elle prend la main.

-A moi ! Je n’ai jamais fantasmé sur une personne présente à cette tab… Elle marque une pause, je fronce les sourcils, me demandant où elle veut en venir, elle se corrige. Jamais fantasmé sur une personne présente à cette soirée.

Elle n’a pas quitté Enoch des yeux alors qu’elle disait cela. J’ai la nette impression d’avoir raté un épisode. C’est quoi cette histoire ? Qui est en crush sur qui ? Elle a un sixième sens pour les amourettes, qu’est ce qu’elle a bien pu voir ? Il n’empêche que... Je fais claquer ma langue avant que quiconque n’est eu le temps de faire un geste.

– Tututu, Lucie vilaine tricheuse ! Il y a ton mec ici ce soir, tu peux pas dire ça, tu nous trouve autre chose. Ou sinon c’est super triste pour vous…

L’air vraiment surprise, elle lâche un «Ah putain c’est vrai ça… ».  Ca me fait rire. Pendant qu’elle réfléchit, j’en profite pour replacer quelques mèches rebelles échappées de mon chignon. Il aura tenu moins longtemps que ce que je pensais. Les pinces sont déjà en train de se casser la gueule. J’essaie de rattraper le tout, vainement. Pas de miroir, pas deux heures devant moi… Je peux laisser tomber là je pense. Je retire une à une les petites barrettes qui retenaient ma crinière, les accroche les unes aux autres avant de les fourrer dans ma poche. J’ébouriffe légèrement mes cheveux pour qu’ils perdent le pli donné par le chignon, puis reporte mon attention sur le jeu.

– Je n’ai jamais pissé debout.

- Glamour…

Visiblement, elle a envie de faire boire notre invité. En ce qui me concerne j’ai envie de changer de jeu, je ne sais pas lequel, mais je me lasse vite. Je fredonne la chanson qui passe en fond sonore, observant du coin de l’œil la tignasse blanche et les yeux bleus d’Enoch, attendant qu’il prenne le relais.
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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10.03.16 13:43
Peu fier d'avoir fait d'une pierre deux coups, Enoch guette l'éclat malicieux, l'étincelle espiègle qu'il espère voir jaillir dans l'œil de Lou ; il n'est guère déçu, quoique l'embarras qu'il sent poindre en lui occulte en partie ses réjouissances dès l'instant où elle poursuit la plaisanterie, la tourne à la dérision et, avec une délicate impudeur, dévoile quelque secret qui ferait s'exciter n'importe quel garçon. N'importe lequel sauf lui, à qui il ne vient même pas l'idée de vérifier la chose et qui se contente d'admirer la complicité qui unit les deux sœurs, le remous de l'alcool qui valse dans le verre avant de finir dans un ou deux gosiers, aussi sucré qu'écœurant. Puis il y a ce contact contre sa jambe, comme une brûlure, et malgré sa surprise il ne bouge pas, l'épiderme électrique. Confusément, il voit le jeu glisser vers une situation qu'il ne peut contrôler, qui lui échappe tant en mots qu'en actes, et il se reproche en silence de participer à un mensonge qu'il se force à poursuivre – une duperie menaçant de le tromper lui-même. D'ailleurs, la rouquine se montre plutôt perspicace à ce sujet, car l'affirmation qu'elle propose pointe du doigt ce qui apparaît maintenant comme une rouerie sur le point d'être mise au jour ; elle doit se douter que cette histoire de mythographie sortait de nulle part, une excuse malhabile lancée pour se dépanner à la sauvette, par réflexe. Alors ce sont soudain deux paires d'yeux qui attendent sa réponse. S'enliser dans la feinte ou faire table rase ? Le garçon hésite. D'un côté, sa propre attitude lui déplaît ; de l'autre, il craint que la demoiselle s'éloigne si jamais il se montre à son habitude, c'est-à-dire fade, austère et maladroit. Ses doigts s'emparent du shooter, le lèvent à hauteur de sa bouche. Pour ensuite le reposer.
« Navré, souffle-t-il sincèrement en direction de sa voisine, tandis que la brune ne saisit pas les raisons de ce repenti. N'ayant pas assisté aux tenants et aboutissants de cette histoire, elle ne relève pas l'allusion, mais Enoch ne cherche pas pour autant à se justifier ; s'il doit s'expliquer, il préfère le faire à l'abri des oreilles indiscrètes. Et si, en effet, Lou ose l'interroger là-dessus, il lui devra bien la vérité.

La nouvelle affirmation se veut plus sournoise. La légère rectification dans l'énoncé n'échappe à personne, pourtant aucun ne réclame une autre proposition pour se rattraper. Encore une fois, le fantôme découvre une énième forme de gêne, comme s'il n'était pas déjà passé par tout un spectre de troubles divers et variés depuis qu'il a mis les pieds dans cette soirée à laquelle il n'aurait jamais dû assister. Ce sera quoi, la prochaine ? On lui demandera d'aller draguer le petit roux à côté du buffet ? D'autant que fantasmer, fantasmer, tout est relatif ; à partir de quel degré d'imagination y a-t-il fantasme ? Est-ce qu'entendre un rire qui n'a pas encore fleuri en est un ? Est-ce que sentir une joue invisible contre son épaule en est un ? Si oui, il lui faut boire. Chose qu'il s'apprêterait à faire si Lou ne s'était pas insurgée envers cette pseudo-tricherie – merci le dit copain caché quelque part dans la pièce – évitant ainsi à l'Ancien de s'enfiler un plein verre de vodka. Malheureusement sa masculinité le rattrape trop vite et, comme lui en avait usé auparavant pour piéger les filles, la voici qui se retourne contre lui à cause de cette capacité à pisser debout. Pourtant, lorsqu'il avale non sans dégoût sa gorgée de sucre moisi, son esprit s'est entièrement détourné de ces préoccupations éthyliques pour repasser en boucle la scène précédente, anodine pour tous fors lui, durant laquelle la chevelure de la rousse décida de n'en faire qu'à sa tête et de s'affranchir des règles du peigne. En quelques mouvements, il s'est accroché à cette forêt flamboyante qui ondoie sous ses yeux, et l'envie de faufiler ses phalanges entre les mèches l'a pris au torse.

Le goût de la boisson est vraiment atroce, lui arrache un haut-le-cœur. Il n'a plus envie de continuer. Il aurait l'air malin s'il finissait par vomir au bout du troisième shoot. D'autant que, à en juger par la nonchalance avec laquelle se poursuit le jeu, l'intérêt retombe peu à peu ; c'est comme s'ils pressentaient déjà l'impasse. Intervient alors un joyeux drille, les bords du crâne rasé, un nœud papillon jaune autour d'un col serré, type hipster du futur.
« Hé, vous faites quoi ? J'peux m'incruster ? »
Lucie l'accueille avec enthousiasme – plus on est de fous, plus on rit ! Mais pour le joueur aux cheveux blancs, c'est plutôt plus on est de fous, moins il y a de riz, et l'irruption de l'hurluberlu ne l'inspire pas, a fortiori lorsqu'il impose sa génialissime idée :
« C'est plan-plan comme jeu, ça, faut trouver de vrais défis ! Faire des trucs marrants, tiens, se lancer des paris : cap' ou pas cap' ? Et celui qui ne fait pas ou rate doit boire.... Cul sec par échec ! »
Il s'esclaffe tout seul devant sa blague : auto-hilarité. Enoch a l'impression de retomber en enfance, en primaire même, avec ce genre de mec populaire qui s'imagine que toute la cour de récré le trouve hyper drôle et intéressant, et qui raille en permanence les mioches comme lui, timide et gauche. Mauvais souvenirs. Ce gars-là l'ennuie d'avance, à se comporter pire qu'un gosse, et la nausée qui monte en lui n'est pas due à la vodka. Il se relève, réprimant un soupir de frustration.
« Non merci, je passe mon tour... Mais c'était sympa'. »
C'est que Mister Nœud-pap' s'insurgerait presque de ce départ, vexé qu'on cherche à esquiver sa fabuleuse compagnie ; sitôt qu'il s'éloigne, l'Ancien l'entend ronchonner sur le manque d'investissement de certains invités – il ne vise personne, bien sûr – et sur leur absence d'humour. Il ne se douterait pas une seule seconde que tout est affaire de circonstances et que, pour le coup, Enoch n'a pas la tête à endurer les défis stupides d'un étudiant en mal d'attention. Discrètement, le fuyard zigzague entre les corps à la recherche d'un coin tranquille, jusqu'à l'étroit balcon, là où il pourrait se faire oublier.

Quelque chose le contrarie, sans qu'il ne sache la définir. L'alcool lui a laissé un arrière-goût désagréable sur la langue que rehausse la proximité de tous ces étrangers autour de lui. Il aimerait le calme ; que la musique cesse, que les éclats de rire s'amuïssent, que les lumières s'éteignent une à une pour ne garder qu'une lueur diffuse, pâle comme le vêtement de Lou. Soudain, son regard happe la silhouette d'Anthony en train de trinquer avec un de ses amis. Pas question de le déranger s'il s'amuse, lui, surtout pas pour le prévenir qu'il rentre. Les bras croisés sur la rambarde, tête renversée dans le vide de la nuit, la tiédeur de septembre lui tire un frisson.
« L'époque ne change rien ; qu'est-ce que tu croyais ? »
Ses propres illusions l'attristent. Il aura essayé, mais cela n'aura pas fonctionné.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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10.03.16 19:26
Enoch n’a bu qu’une fois sur deux. Il a donc menti lorsque les autres lui ont demandé ce qu’il fait. Pourquoi ? Ce qu’il fait n’est pas intéressant ? Ou interdit peut-être ?  Mafieux ? Ohoh, il n’a pas franchement la tête de l’emploie. Mais après, qui sait… Il ne faut pas se fier aux apparences.
Un type nous rejoint. Son style me fait sourire, ce n’est pas franchement à mon gout, mais bon, personne ne me demande mon avis, et je ne le reverrais sans doute jamais… Ah quand même, son nœud pap me pique les yeux…  Il nous propose un petit cap ou pas cap. Je hausse un sourcil dubitatif. Ca me tente moyennement… Il a l’air un peu imbu de sa personne ce minet. Enoch semble avoir le même avis, se lève, et nous abandonne. Entendre le nouveau venu cracher sur son dos gratuitement me hérisse les poils. Il faut vite que je trouve un moyen de fuir. Je n’ai franchement pas envie de passer plus de cinq minutes en sa compagnie. Lucie, elle, ne semble pas gênée, après tout, elle a envie de jouer, et c’est tout à fait son style de jeu.
Nœud pap jaune alpague un petit groupe non loin de là pour se joindre à nous. Me disant que c’est une parfaite diversion, je tente de fuir, attrapant au passage une bouteille d’eau posée sur la table adjacente, Lucie me retient par le bras, me questionnant de ses grands yeux bruns. Merde, une excuse qui passe mieux que « Ce type me donne la gerbe »… Vite vite vite, trouver quelque chose. Mon bracelet vient me sauver, le communicateur m’informe que l’on tente de me joindre. Un coup d’œil rapide, en plus c’est le labo. Bizarre ! Qu’importe, c’est l’excuse rêvée. Lucie ne peut rien répondre à un « C’est le boulot », elle me laisse partir.

Je me relève, je suis un peu instable sur mes talons. Tant que j’étais assise, je ne sentais pas franchement l’effet de l’alcool, maintenant c’est une autre histoire. J’active la communication, un petit hologramme se forme au-dessus de mon poignet. Je n’arrive pas vraiment à distinguer mon interlocuteur, je n’arrive pas non plus à entendre ce qu’il me dit. Trop de bruit, trop de passage, de mouvements… Il faut que je me trouve un endroit calme. Un coup d’œil circulaire dans la pièce, la salle de bain ? J’appuie sur la poignet, verrouillé…  Le balcon ! Je pousse le battant de la porte fenêtre pour me retrouver sur le tout petit balcon. Tiens, d’ailleurs, je ne suis pas seule. Enoch. Toujours lui, mais on se suit ou quoi ? Qu’importe, je reporte mon attention sur l’hologramme. Un homme d’une quarantaine d’année, avec un début de calvitie, légèrement bedonnant, mais l’air avenant. Oui, je le connais, c’est le gardien du laboratoire… J’ai un petit coup de flippe.

– Mam’zelle Sullivan ? Vous m’entendez ? C’est agité chez vous...
– Oui excusez-moi…  Que se passe-t-il ? Un problème ?? Ma voix tremblote, ma nervosité s’entend très clairement.
– Oui… Enfin non… Ecoutez, je suis venu travailler ce soir, comme chaque jours, […] Il est bavard le gardien, le voilà qui me raconte en détail son début de soirée, alors que clairement, je n’en ai pas grand-chose à faire, moi j’aimerai juste savoir pourquoi il m’appelle à une heure pareille. […] et quand j’ai fait ma ronde, j’ai remarqué que la porte de l’animalerie était entrouverte. Et puis bon, comme c’est votre nom dans la case « personne à prévenir en cas d’urgence »…
Mon cœur ratte un battement, la porte de l’animalerie ouverte ? Les yeux écarquillés, je sens un frisson me parcourir l’échine. J’imagine déjà un type encagoulé venir ravager une partie du labo, voler les animaux, divulguer des secrets concernant la synthèse de nos produits ou les résultats de nos tests.
– Pardon ?! C’est comment à l’intérieur ? Les animaux ? Comment vont les animaux ? Il en manque ?
Le pauvre homme semble tomber des nues. Il n’avait même pas franchit la porte semi-ouverte. Ce n’est pas rare ce genre de réaction. Il a surement l’impression qu’il peut chopper une saloperie en touchant simplement une paillasse. Ca ne rassure pas de savoir que l’on travaille avec des substances parfois nocives.
Il fait ce qu’il faut pour répondre à mes questions. Tout semble en ordre, il y a le bon nombre de cobayes, aucun signe d’effraction. J’en conclu que c’est un de mes techniciens qui a oublié de verrouiller la porte. Un long soupir de soulagement s’échappe de mes lèvres. Il va se prendre un savon au boulot lui lundi. Je remercie le gardien après lui avoir expliqué comment verrouiller la porte à l’aide de son badge. L’hologramme s’estompe avant de disparaitre totalement.

Mon cœur bat à tout rompre, je voyais déjà l’entreprise sombrer, et ma responsabilité remise en cause. Je calme ma respiration, débouche la bouteille que je tenais toujours dans la main, et la porte à mes lèvres. Une longue gorgée plus tard, je me rappelle de la présence d’Enoch sur ce même balcon, et me rend compte qu’une légère lueur dorée éclaire ma poitrine. Merde.
Je me débrouille pour m’éteindre au moment même où je change d’orientation, pouvant laisser croire à un reflet de la lumière du lampadaire d’en face sur ma peau. Je tente un sourire détaché à celui qui partage le balcon avec moi, lui tend la bouteille avec un haussement d’épaule.

- De l’eau ? Ca fait passer le gout de la vodka.

Je remarque sur le goulot la légère marque qu’a laissée mon rouge à lèvre. Et l’espace d’un instant, je me demande si je ne ferais pas mieux de déserter ce balcon. Il voulait peut-être se retrouver seul. Penaude, j’esquisse un pas vers la fenêtre, l’air de dire « Tu veux que je te laisse ? ».
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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11.03.16 19:15
Les étoiles occultées par les néons de la ville, le charivari de quelques corps que la musique entraîne dans des déhanchements comiques, les relents salés des amuse-bouches au cheddar ou bacon le rappellent douloureusement à la réalité : il n'a jamais été à sa place en soirée. Ce ne sont pourtant pas les autres les responsables, quand bien même le chargé de playlist aurait pu prendre des cours de bon goût musical, mais c'est lui, sa nature fuyante, sa maladresse constante. S'il reste trop longtemps, il le sait, il finira par les envoyer paître. Monsieur nœud pap' dans les ronces, Lucie au jardin d'enfants et même Anthony, le brave Anthony qui voulait juste rendre service à son petit frère en acceptant de l'emmener avec lui, il lui aurait dit d'un air désolé que c'était une mauvaise idée, une tentative foireuse à ne pas réitérer. Bonjour la réputation, ensuite. Une main sur la nuque, le front bas, Enoch se fustige en silence. Au fond, est-ce que ce saut temporel ne l'a pas fait vieillir trop vite ? Déjà qu'il n'était pas particulièrement jeune avant.
Du mouvement en périphérie de sa vision le tire de ses rêveries. D'ailleurs, ce n'est pas la présence en soi qui l'interpelle, mais bien l'aura qui en réchappe, le frisson de l'air lorsque la silhouette se glisse sur le balcon. Il ne l'a pas rencontrée depuis plus d'une heure que déjà il en reconnaît le parfum, l'infime chaleur, les nuances de couchant. Son visage se relève, ses yeux se lancent tel une ancre en quête d'une berge où s'accrocher sauf que, très vite, il se recroqueville et n'attrape que du vent. Lou n'est pas venue pour lui ; elle discute avec son bracelet, ou plutôt avec l'hologramme de son bracelet, une figure verte et trapue, anxieuse à en juger par son discours échevelé – presque autant que lui. L'oreille traînante, le garçon ne peut s'empêcher de capter la conversation, bien qu'il n'y prête qu'un demi-intérêt. L'autre moitié se consacre à la jeune femme, à l'inquiétude qui perce dans sa voix, à sa peau qui semble onduler d'appréhension sous le halo de la transmission. Le souci l'embellit. Néanmoins, il préférerait l'entendre rire plutôt que s'affoler pour des animaux. Ou alors, il aimerait bien être à la place d'un rat. Imbécile. Les rats n'ont même pas conscience d'être nourri par une telle créature, dommage pour eux.

Ce n'est qu'au moment où la conversation se coupe qu'il remarque, à hauteur du buste de la rouquine, cette tache luminescente, la lueur d'une lanterne cachée sous la tissu de son vêtement. Il aurait pu croire au reflet de l'hologramme ou à une réverbération succincte, mais non. On dirait qu'elle porte une flamme dans la poitrine. Et ses propres joues se colorent quand il se rend compte de l'endroit qu'il observe ; au même instant ils se détournent l'un de l'autre – l'a-t-elle surpris en train de l'observer ? Cherche-t-elle à l'esquiver à cause de cela ? Il ne lui en faut pas plus pour qu'il s'en veuille et imagine le blâme qu'elle pourrait lui adresser, à moins qu'elle n'en passe par sa sœur pour le démolir dans son dos. Ah, c'est vrai qu'il doit s'excuser pour tout à l'heure, aussi. Il aurait failli oublier, avec cette houle fleurie qui va et vient dans son crâne, cette colline aux myosotis qui s'étale d'un bout à l'autre de son esprit quand elle est à côté de lui. D'un geste trouble, inconscient, il agrippe la bouteille qu'elle lui tend, puis hésite à l'emporter avant qu'elle ne la lâche d'elle-même. Avec un peu de chance, il aurait pu effleurer ses phalanges.
« Merci. »
C'est tout ? Si la Chimère était encore là, si elle hantait encore sa cervelle embuée, elle n'aurait pas manqué de le railler sur sept générations ; en échange, il n'y a que le bruit répétitif, martelant, de sa tête qu'il frappe contre un mur fictif. Elle va partir, l'abandonnant avec une bouteille auréolée d'une trace de rouge, et ce sera tout. S'il ne l'arrête pas, quelque chose qu'il ne parvient même pas à définir va se rompre, tout de suite, un fil qu'il ne distingue pas, et il lui sera impossible d'en nouer les deux extrémités de nouveau. Alors, avant qu'il ne puisse s'y opposer, son instinct s'empare de sa volonté, balance sa raison par-dessus la rambarde et sa gorge libère un « Lou ? » titubant.
Elle s'est arrêtée. Et maintenant ? Est-ce qu'il a le droit de sauter par-dessus la rambarde, lui aussi ?
« Pour tout à l'heure, la mythographie... Excuse-moi, c'était idiot. Il a fallu que j'invente n'importe quoi parce que, enfin, je n'ai pas réfléchi. Je ne voulais pas attirer l'attention. »
Sans rire, on ne s'en serait pas rendu compte ! Mais comme excuse, c'est médiocre, il sait. Si elle a un minimum de jugeote, et si cette histoire l'intrigue un chouïa, elle ne se contentera pas d'une aussi mauvaise explication. D'autant que, d'une certaine manière, il s'agit d'un nouveau mensonge déguisé. La vérité, la pure et stricte vérité, le tout vrai tout juste, c'est que...
« Ce n'est pas vraiment ma place. »
Sa place n'est nulle part, au fond. Il n'a juste pas envie que tout le monde le sache – tout le monde s'en fout, de surcroît – mais il ne saurait expliquer pourquoi là, il tient à le dire, à ne parler qu'authentique. Même si, rétrospectivement, ses paroles sonnent bizarre. Il avale une gorgée d'eau sans s'apercevoir qu'il n'en a pas essuyé l'empreinte de baume à lèvres ; le liquide a un léger goût d'émoi. « Il y a eu un problème à ton travail ? Désolé d'avoir écouté. » C'est ça, change de sujet, idiot.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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11.03.16 22:48
J’ai surpris son regard posé sur moi avant que je ne me détourne. Je ne croyais pas dire ça un jour, mais j’aimerai tellement savoir qu’il ait maté mes seins plutôt que remarqué la lueur à peine dissimulée par le textile clair qui ne couvre pas autant qu’il aurait dû le faire. C’est stupide comme réflexion… Pas sur le matage, plutôt sur l’opacité de mon vêtement. Je ne vais pas me mettre à me faire des fringues en toile de store occultant juste pour être sûre que ma bioluminescence sera bien cachée à la face du monde. Bref.

Il accepte ma bouteille d’eau, mais semble affreusement mal à l’aise. C’est moi qui le mets dans cet état ? Il s’est vraiment rendu compte de cette fichue veilleuse sous ma peau, je l’ai sans aucun doute fait flipper. C’est bon je suis maintenant fichée evolve dans sa tête, et surement bientôt pour tous les autres convives de cette soirée. Bah ouais, les jeunes discutent entre eux. A la rigueur, je m’en fous un peu d’être dans la catégorie « monstre » ou limite « fille bizarre » pour les plus tolérants, mais ça me fait surtout chier pour mon frère. La moitié de la population présente ce soir, ce sont ses amis, ou des personnes qu’il espère faire rentrer dans le cercle de ses amis. Sauf que se faire des potes quand on a une frangine bête de foire, c’est pas le top.

J’ai déjà reçu de la propagande pseudo élitiste, voulant me convaincre que les humains lambda ne sont pas à la hauteur, que nous autres evolves avons un pouvoir hors du commun et ne devons plus nous abaisser à leur hauteur… Et parfois, je ne dirais pas que j’y crois, mais savoir qu’il y a peut-être un lieu je ne sais où avec des dingues tout aussi pourris que moi par un pouvoir que je n’ai jamais réclamé, qui ne me regarderons pas de travers dès qu’ils auront appris pour cette lueur radioactive qui me brûle les entrailles.

Je m’apprête à quitter le balcon, persuadée que sa gêne est due à ce qu’il a décelé sous mon haut, sous ma peau. Mais il m’interpelle. Je me retourne sans dire un mot. Je ne sais pas franchement à quoi m’attendre. Finalement, je m’attendais à tout sauf ça. La mythographie ? Sérieusement ? Ahah, il m’a retenue pour s’excuser de son petit mensonge bidon ? On ment tous quotidiennement sur nos conditions respectives, moi la première, et on a tous certainement une excellente raison de le faire et de ne pas s’en excuser auprès des autres.
Mes lèvres s’étirent en un mince sourire en coin. Si ça se trouve il n’a rien vu, ou il fait comme si. Allez, on tente de se convaincre qu’il ne s’est rien passé ? Oui, on tente le coup.

- Je ne suis pas sûre que la mythographie soit le meilleur moyen de ne pas attirer l’attention. T’aurais pu sortir un truc plus bidon et qui n’intéresse vraiment personne, caissier à la superette de quartier… Il n’y a pas grand-chose à raconter sur le métier de caissier, en tout cas, rien qui n’intéresse cette joyeuse bande d’étudiants pas très curieux…

Allez je m’emballe, c’est bon, il ne m’a pas claqué la porte au nez, alors moi je commence à papoter, non-stop, bavarde comme la concierge de mon immeuble qui m’a tenu la jambe pendant une heure et demi le jour de mon emménagement et que je m’arrange pour éviter quand je rentre et sors de chez moi.

– Si la nana n’avait pas jeté son dévolu sur moi juste après ta réponse, je t’aurais bien demandé des détails sur la mythographie. Remarque, je ne sais pas ce qui est le plus intéressant entre le sujet lui-même, ou la raison pour laquelle tu as sorti cette excuse.

Je m’éloigne de la porte fenêtre pour venir m’accouder à la rambarde, le nez en l’air, les yeux perdus dans l’immensité du ciel. Les étoiles sont toutes invisibles à cause des lumières de la ville, la seule chose qui brille là-haut, c’est la lune. Superbe, pleine, ce soir. Je souris en la regardant. Je ne sais pas trop pourquoi, mais elle me rassure. Le côté brillant surement… Comme les pies, j’aime tout ce qui brille. Ah la blague !
Je sens mes jambes flageoler légèrement, je n’ai pas assez mangé ce soir, j’ai déjà trop bu, c’est fou comme je ne tiens plus l’alcool par rapport à mes années étudiantes, et mes talons ne sont pas aussi stables que des basquets. Les coudes toujours sur le garde-corps, le glisse mes mains sur mon cou, les laissant remonter sur ma nuque et s’enfouir à la racine de mes cheveux.

Enoch change de sujet avant que je n’ai eu le temps de répondre à ce qui semblait être une révélation. Je suis peut-être un peu lente ce soir.

– Ah le boulot… Pas franchement de problème finalement. On est trois chefs de services au labo, il y a la synthèse, le vitro, et le vivo. Le vivo c’est pour moi, donc je gère, entre autre, l’animalerie. S’il y a un souci, c’est ma responsabilité. Là c’est juste mon technicien qui n’a pas verrouillé la porte en partant. Tout est en ordre. Il n’y a plus de problème.

Je tourne la tête vers lui et lui adresse un petit sourire. Quel soulagement n’empêche. Je n’imagine même pas la merde noire dans laquelle j’aurais pu sombrer s’il y avait réellement eu effraction.
Bon, c’est pas tout ça, mais il y a des choses plus intéressantes à aborder ce soir que le travail. C’est surtout que je n’ai pas franchement envie d’en parler. Ca me prend suffisamment de temps en semaine pour ne pas venir bouffer mon vendredi soir.

– Pourquoi dis-tu que ce n’est pas ta place ?  Si ça peut te rassurer, je ne me sens pas super à ma place non plus.

Plus les mêmes préoccupations ni les mêmes centres d’intérêts. Je ne suis là que parce que je suis la sœur de celui qui invite. Et encore, même pas, juste parce que son coloc a craqué sur une stupide photo.
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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14.03.16 0:37
Il y a dans ses déclarations quelque chose de sincère sans être acide, de lucide sans être amer. Sur sa manière de lui reprocher doucement sa bêtise, sur ses façons de railler la populace sans jouer les prétentieuses ou les supérieures. C'est vrai, caissier à la supérette aurait sans doute moins capté l'attention d'un public amorphe que cette ineptie sur un programme scolaire qui n'existe même pas à Madison – encore heureux qu'il ne se soit pas trouvé dans le cercle, à ce moment, un spécialiste des domaines d'études sur le campus qui lui aurait dressé la liste des secteurs d'enseignements en guise de doigt d'honneur. Le seul fait que Lou se soit arrêtée sur cette mention, mythographie pré-islandaise, signifiait bien que son intention était tombée à l'eau et faussait son jugement ; elle s'y était intéressée, elle, et il oscilla entre la gêne caractéristique du menteur découvert et une subtile satisfaction due à cette curiosité. Il n'aurait pu mieux trouver comme appât pour une demoiselle qui, à en juger par ses réflexions, en avait dans le crâne. Bon détecteur à intelligence.
Cependant, loin de l'embarrasser ou de l'enfoncer davantage, cette soudaine tirade rousse l'amuse. À l'entendre, elle n'a pas l'air d'être à sa place elle non plus, mais elle s'adapte à la situation avec plus d'humour que lui, plus de naturel, certainement parce qu'elle a déjà connu ce contexte auparavant – il n'y a guère que les asociaux latents et les ermites patents qui n'ont jamais, au grand jamais, participé à une soirée étudiante. Mais pourquoi est-elle ici, alors ? Qui l'a amenée, arrachée à sa douce solitude au creux de son appartement en cette calme nuit ? Si cette Lucie est présente, et qu'elle a été désignée tout à l'heure comme la sœur de Steve, alors il n'y a pas besoin de réfléchir plus d'une fraction de seconde pour comprendre que sa fratrie, joyeuse meute de fêtards, est à l'origine de cette invitation. Une présence par lien du sang, en quelque sorte. Réalité à laquelle Enoch, enfant unique, ne peut compatir. Pour autant, il serait presque reconnaissant envers ces deux personnages d'avoir poussé leur sœur à les accompagner puisqu'en un autre monde, en une dimension dans laquelle Lou serait seule fille de ses parents elle aussi, aucune heureuse circonstance n'aurait pu les réunir ce soir. Vive les obligations fraternelles.

« Je pourrai t'en parler... plus tard. » Le murmure lui a échappé alors qu'elle s'approche de la barrière, dépose ses bras sur la ferraille et se laisse aller à l'atmosphère nocturne. Les lueurs des lampadaires glissent sur le relief de son visage, roulent le long des plis de ses vêtements, se perdent dans ses mèches relâchées qu'elle agite tout en commentant son métier. L'Ancien, concentré sur les nuances de son timbre autant que sur le contenu, acquiesce en signe d'entendement ; ainsi est-elle chef de sa section – un poste à responsabilité pour un être responsable –, ce qui ne manque pas d'impressionner le garçon. Elle lui paraissait si jeune encore, vingt-cinq ans tout au plus, et apprendre qu'elle dirige une équipe de pharmacologues ne fait qu'augmenter d'un cran supplémentaire sa curiosité. D'ailleurs, il songe qu'une fille de sa trempe n'atteindrait jamais le plafond, la limite de sa lassitude ; non, impossible, il serait incapable de s'habituer, de sombrer dans la monotonie tant qu'elle lui tiendrait compagnie.

Cependant, alors qu'il aimerait qu'elle lui parle encore d'elle-même, qu'elle lui raconte sa vie dans les moindres détails, certes sans irrespect ni impudeur, qu'elle lui dise ce qu'elle mange au petit-déjeuner, les films qui la font pleurer pour qu'il les regarde avec elle en lui tendant un mouchoir, les livres qu'elle dévore durant ses nuits blanches et la minute qu'elle préfère dans la journée pour en compter les soixante secondes lorsqu'ils sont séparés, Lou oriente de nouveau la discussion à l'instant où il s'apprête à prendre une seconde gorgée d'eau – en réaction, il passe une main dans ses cheveux blancs, l'air déconcerté, bien qu'un seul soupir lui soit nécessaire avant qu'il ne réponde :
« Parce que... à dire vrai, j'ai l'impression de ne plus avoir vingt-deux ans. »
Ainsi exprimé, il n'a pas la sensation de trahir son origine ni de lui mentir. La réplique reste toutefois étrange, il en a conscience, mais elle ne souligne pas de manière ostentatoire une situation que personne ne comprendrait. Tout le monde le qualifierait d'extra-terrestre s'il avouait venir du passé et, en effet, il est une espèce d'alien de l'espace-temps, un objet temporel non identifié, pire encore que les Evolves. À côté, un mutant a sa place en société, même si celle-ci est bancale, même s'ils sont privés de certains droits et font l'objet de pénibles contraintes ; ils demeurent des citoyens en phase avec leur époque. Enoch, lui, est un pur produit obsolète, un sujet désuet, une broutille ancestrale. Un Ancien. Un Disparu réapparu, et ses vingt-deux ans dissimulent mal deux siècles de trop. Le poids des ans lui pèse, alors il le chasse en secouant la tête.
« Aussi bizarre que cela paraisse, je n'ai jamais assisté à une fête comme celle-ci. Je ne suis pas vraiment un animal sociable, tu as tout de suite dû le remarquer. » Ou comment, avec un bref rire, adresser un compliment sur la perspicacité de son interlocutrice. Et quand il parle, il évite de la regarder dans les yeux, coulant ses iris bleus de la fenêtre à la rue, du sol à l'ourlet de son tee-shirt, rabat une mèche pâle derrière son oreille. « Et un prétendu étudiant qui travaille dans une épicerie, ce n'est pas très crédible ; ils se seraient posé des questions sur ma présence. Donc au cas où ils auraient voulu en savoir plus, il me fallait un domaine dans lequel je possède un minimum de connaissances, histoire de ne pas cramer ma couverture à la première interrogation. » Le bluff, tout un art. Une stratégie guerrière, même. Jamais il n'avait révélé ses techniques à quiconque – chanceuse qu'elle était. Ou pas.

D'un geste du bras, il lui indique bientôt l'intérieur de l'appartement, non pas pour lui proposer de rentrer ou de réintégrer la masse agitée, mais plutôt pour appuyer la proposition qu'il ose lui faire sans réfléchir, ça lui vient comme cela, une lubie, brusque et délicate :
« Si tu veux, on peut aller discuter ailleurs ? Leur fausser compagnie. Filer sans qu'ils ne s'en aperçoivent. » S'enfuir, courir les trottoirs et laisser la nuit les engloutir dans son drapé noir. Partir. Une étincelle vient d'illuminer son regard de vagabond, et déjà c'est un nouveau crépuscule qui commence par cette invitation, la première qu'il ose faire à une inconnue, l'attrait de la fuite, l'appel de la cité. Oui, mais si elle refuse ? S'il s'est laissé éblouir par l'envie de disparaître encore, et qu'elle ne partage pas cet instinct nomade, solitaire ? Est-ce qu'il accepterait de rester, juste pour elle ? C'est son cap ou pas cap à lui, et c'est au tour de Lou de répondre.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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14.03.16 22:59
Les yeux perdus dans l’infinie de la nuit, j’écoute la voix d’Enoch répondre une à une à mes questions et affirmations. Sa voix est agréable, c’est un peu le calme après la tempête. Tellement calme après le brouhaha de la soirée qui parvient encore jusqu’à nous par la porte fenêtre.
Cette soirée me fatigue et m’ennuie, en regardant dans la rue, j’aperçois quelques passants. Je m’imagine à leur place, la peau fouettée par l’air frais… Ma balader dans les rues après le coucher du soleil me donne toujours envie de faire la roue. Je ne sais pas pourquoi, surement un retour en enfance.

Je tique un peu lorsqu’il m’explique ne pas se trouver à sa place. Ne plus avoir vingt-deux ans ? Etrange… Ce n’est même plus l’histoire d’un garçon qui aurait grandi trop vite. Je ne comprends pas tout à fait où il veut en venir. Je me contente de le regarder, interdite, espérant qu’il m’en dise un peu plus au fur et à mesure de la conversation.
Et il n’a jamais participé à une soirée étudiante ? Ça aussi c’est étrange. Je lui adresse un petit sourire mutin.

– Et bien, il y a une première fois à tout…

Alors qu’il me parle, j’essaie de le détailler un peu d’avantage. Je l’avais à peine remarqué avant que Lucie ne jette son dévolu sur lui comme nouveau compagnon de jeu. Malgré ses cheveux blancs atypiques, il n’attire pas l’attention. C’est surement dû à des années d’entrainement pour passer inaperçu. Ça fonctionne plutôt pas mal.
En le regardant je pense à ces gens superbes, qui, après avoir prononcé trois mots perdent instantanément tout l’intérêt que j’aurais pu leur porter.  A l’inverse, certaines personnes qui ne me tapent pas dans l’œil au premier abord deviennent d’une beauté sans pareille au fur et à mesure qu’ils parlent. Enoch semble plutôt faire partit de la seconde catégorie. Il éveille ma curiosité.

Le mouvement de son bras me sort de mes pensées. Je hausse un sourcil à sa proposition. Oh, c’est qu’il a de l’audace !

– Tu me proposes de m’enfuir avec toi ? Je me redresse, reprenant mon équilibre sur mes talons, peu aidée par les shooters de Lucile. Allez.

Je rouvre la porte fenêtre, lui fait signe de me suivre. Je devrai me demander pourquoi j’accepte de quitter la sécurité relative d’une soirée dont mon frère est l’organisateur pour aller me perdre dans des rues que je ne connais pas, de nuit, avec un type que je ne connais pas. Ce n’est pas très malin quand on y pense. Oui mais cette soirée me saoule, j’ai envie de prendre l’air, la chaleur étouffante qui règne ici me donne la nausée. Et puis, il a l’air si inoffensif… Au pire… Non, le pire n’est pas censé se produire.

Me faufilant entre les convives, j’atteins la chambre changée en vestiaire pour l’occasion. Je déniche mon sac et ma veste dans le tas de fringues posées sur le lit. Un petit moment de réflexion plus tard, je me retrouve à ouvrir un placard pour en sortir un énorme foulard d’un gris tristoune. C’est d’ailleurs le moment choisi par une très jolie petite brune pour entrer dans la pièce et me lancer un regard mauvais. S’en suit un dialogue assez affligeant.

T’es qui pour fouiller dans les affaires de Steve comme ça ? Les sourcils haussés, je prends mon petit air de meneuse d’hommes. Et toi ? Je m’y attendais, l’alcool aidant surement, ou peut-être voulant se faire mousser, elle en oublie que je ne réponds pas à sa question pour assouvir ma propre curiosité. Moi ? Je suis sa copine ! Elle prend un air tellement supérieur que j’en lâche un sourire. C’est si mignon de la voir se prendre pour la gardienne des effets personnels de Steve. Et c’est bien d’ailleurs ! Mais il ne faudrait pas trop la laisser prendre la confiance… Ah ok. T’as partagé son lit alors tu sens pousser des ailes… Attends d’avoir partagé des gastros, des grippes, et des repas dominicaux chez la vieille tante qui sent la naphtaline, on en reparle ensuite. Je lui adresse un sourire avant de quitter la pièce sur un J’espère vraiment qu’il va te présenter à la famille, ça promet d’être drôle. Elle va percuter. Un peu plus tard peut-être, mais elle va percuter.

Quittant la pièce, je me dirige le plus naturellement du monde vers la porte. Sans chercher à être trop discrète, ce serait suspect, ni en disant au revoir. Je pense que ma fratrie ne me laisserait pas déserter de la sorte, si je ne me cache pas, ils penseront juste que j’accompagne un fumeur au pied de l’immeuble. Réflexion à la James Bond ! Bon sang, je pense vraiment n’importe quoi… La fatigue certainement.

Je pousse la porte et me retourne pour vérifier qu’Enoch me suit bien. Je referme derrière lui, et mon visage qui jusqu’alors était d’un sérieux à toutes épreuves se fend d’un sourire radieux. C’est ridicule, mais j’ai un peu le sentiment de m’être échappée d’une prison de haute sécurité, d’être libre de faire ce que bon me semble l’espace d’une nuit. Oui, c’est ridicule. C’est l’alcool qui monte…
J’attrape le jeune homme par la main et l’attire jusqu’aux escaliers que je dévale au pas de course. Une fois en bas, dans la rue, je le lâche avant de me retourner vers lui, j’ai la gueule d’une enfant qui s’apprête à faire des bêtises.

– Et maintenant ? Tu proposes quoi ?
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
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16.03.16 0:11
En effet, elle retranscrit bien la proposition, à sa manière, plus franche qu'il n'aurait osé le faire. S'il ne l'a pas exprimé ainsi, c'est peut-être parce qu'il craignait de la bousculer, de mettre la charrue avant les bœufs et de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais elle le rassure en quelques mots, enthousiaste quoiqu'un tantinet sceptique, et le garçon ne regrette pas son initiative. Une fraction de seconde, il la voit s'équilibrer afin de repartir – les trois verres font-ils déjà effet ? Sans doute est-elle à jeun pour accuser aussi vite l'alcool, contrairement à lui qui n'a avalé qu'une gorgée ; il songe bientôt qu'il l'enlève à un buffet gratuit, au confort d'un canapé rembourré et aux plaisanteries de ses amis pour lui offrir en échange les halos blafards des luminaires, le froid nocturne et le mutisme tout relatif d'un inconnu. Et c'est de loin la meilleure idée qui lui est venue en tête.
Se faufilant dans la tranchée rousse qu'elle trace pour aller récupérer sa veste, Enoch réintègre quelques secondes la bulle moite de l'appartement. Tout y est strictement identique que lorsqu'il l'a délaissé. Les mêmes couples flirtent contre la porte des toilettes, la même chatte pioche des olives farcies sur la table, les mêmes copains blaguent sur leur nouveau professeur de sciences. Cette similarité est une bonne chose, malgré les apparences, puisqu'elle prouve que personne ne remarquera leur absence. Personne pas même Anthony, que l'Ancien découvre à la périphérie de sa vision en train de boire une bière, le rire toujours volage – une accolade l'amène à relever la tête et, à la faveur d'un instinct furtif, ses iris noirs croisent ceux du fantôme pour l'interroger. Est-ce que tu t'amuses, finalement? semble-t-il demander à quelques mètres de distance, ce à quoi l'intéressé aimerait répliquer par l'affirmative, preuve à l'appui en désignant Lou, mais celle-ci a disparu au profit d'une musique douceâtre qu'un petit comique a décidé de colorer d'un éclairage bleu, tamisé, follement soporifique. Il est temps de prendre la poudre d'escampette. Dès que la chercheuse sera revenue.

Pendant qu'il patiente, adossé à un montant de porte, Enoch redoute de se faire alpaguer par quelqu'un, invité ou organisateur, qu'importe, une personne qui se sentirait l'âme charitable et souhaiterait le tirer de nouveau de son incommensurable solitude, mais c'est sans compter sur l'égocentrisme patenté des adolescents, réunis en petits groupes de çà de là, aveugles à sa posture. Seul un homme, au centre d'un cercle étroit, daigne lui accorder un regard. Non, ce n'est pas vraiment cela. Il a cherché à se confronter, l'Ancien le sent ; quand leurs yeux s'accrochent, il y a cette infime piqûre d'embarras qui pointe en lui, comme s'il prenait conscience d'une faute qu'il venait de commettre malgré lui. Et même s'il ne percute pas tout de suite, s'il a ce moment de latence durant lequel il préfère détourner les yeux, il comprend que Steve l'a repéré, l'étudie de loin, et compte bien faire récolter quelques ragots sur cet étranger qu'il a bien vu rôder autour de sa sœur. Génial. In extremis, Lou réapparaît.
D'un mouvement fluide il se glisse dans son sillage, conservant un écart raisonnable entre eux au cas où quelque rétine curieuse voudrait s'imaginer des choses qui n'ont pas lieu d'être – et le claquement de la porte sonne comme une délivrance, la fin d'une torture psychique qui débouche cependant sur d'autres incertitudes, d'autres troubles qu'il s'efforce de chasser de son esprit embué. Il n'arrive toujours pas à croire qu'elle lui ait dit oui, que le goût de l'inédit fût plus fort que celui des sandwiches ail et fines herbes, et que les heures peuvent défiler sans qu'il n'y prête plus guère attention. D'un bond, ils sont dans les escaliers – l'ascenseur, c'est pour les vioques – et cavalcadent comme des écoliers au jour des vacances, leurs cartables jetés en l'air lorsque retentit l'ultime sonnerie. Plus d'une fois Enoch manque de trébucher, de rater une marche et de s'étaler sur la créature qui l'entraîne d'un pas leste, toutefois il se rattrape toujours à cette main qu'il agrippe, une petite paume aux doigts aussi fins que les siens, aux ongles vermillon, dotée d'une force que l'on ne soupçonnerait pas. Arrivé au rez-de-chaussée, franchi le seuil de l'immeuble, son myocarde tambourine gentiment à l'intérieur de sa cage thoracique, tout d'effort et de joie contenue. Et la lumière des réverbères autour d'eux, à l'aune des yeux de Lou, éclaire à peine leur chemin. Il relâche aussitôt sa main avec un sursaut maladroit.

« Hum... » Eh oui, il n'a pas réfléchi à ce qu'ils feront une fois en bas, tant il ignorait si elle accepterait son invitation. Cela dit, il ne lui faut pas plus d'une inspiration pour qu'une foule d'envies lui vienne en tête. Même si, à cette heure-ci, les possibilités sont réduites de moitié, car à moins de s'infiltrer en douce dans l'aquarium, de cambrioler une librairie ou de geler sur place en trouvant un glacier d'ouvert, il n'y a pas grand-chose à faire. Enfin, ne soyons pas pessimiste ; c'est lui qui a voulu s'enfuir, alors s'il n'est pas capable de proposer mieux par ailleurs, il n'a qu'à s'excuser et retourner d'où il vient fissa. La honte. « Je suis arrivé il n'y a pas longtemps, alors je ne connais pas beaucoup le coin... Je travaille dans le quartier périphérique, au village des artisans, et loge dans l'Entre-deux. Mais il paraît que la nuit, l'accès à l'observatoire de la tour parabolique est libre ; un ascenseur mis à la disposition du public monte jusqu'au dernier étage. Si cela te tente, j'ai toujours eu envie de m'y rendre, sans jamais trouver le temps. C'est l'occasion ? »
Un panorama à trois cent soixante degrés sur tout Madison grâce à une vaste salle vitrée qui, d'ordinaire, servait d'amphithéâtre pour les réunions professionnelles. Peu utilisée en raison de sa hauteur, elle a finalement été réhabilitée en table d'observation géante ; les fenêtres tactiles dispensent toutes les informations voulues sur la ville, de l'itinéraire du tram aux noms des boutiques du centre commercial. Parfait pour les touristes qui voudraient profiter de la vue pour préparer la suite de leurs visites. Des touristes à Madison. Oh, la belle blague. Vraiment, c'est à se demander qu'elle est le réel intérêt de cet espace presque à l'abandon, dont seuls les employés des bureaux et les associés sont au courant de l'accessibilité. Va savoir où le garçon a chopé ces informations.
« Et puis en chemin, tu pourrais me parler de toi. Sauf si cela te gêne, auquel cas j'essaierai de le faire, mais ce sera sans doute moins intéressant. Il vaudrait mieux que tu poses les questions. »
Alors, pour la première fois de la soirée, peut-être depuis qu'il s'est levé ce matin d'ailleurs, Enoch fend son visage d'un sourire sincère, authentique, tandis qu'il s'apprête à ouvrir la marche à reculons, certain de se diriger vers cette immense tour qui chatouille les étoiles. Si elle accepte de nouveau de le suivre, il est convaincu qu'il sera incapable de lui refuser quoi que ce soit.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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16.03.16 22:47
Enoch semble tellement maladroit, mal à l’aise presque lorsqu’il lâche ma main. Je ne comprends pas vraiment. Comme il nous a dit tout à l’heure, il n’a jamais embrassé de fille, si ça se trouve, il n’a jamais eu l’occasion non plus d’initier un quelconque contact physique avec la gente féminine… Qui sait… Une tonne de questions se bousculent dans ma tête sur le pourquoi de son air gêné suite au fait que je lui ai pris la main.

Pendant qu’il réfléchit au programme du reste de la soirée, je lève le nez pour regarder le ciel. Alors que les réverbères éclairent à peine la rue autour de nous, leur lumière parasite tout de même l’intégralité du ciel, nous cachant les étoiles.
Je me souviens de ciels remplis d’étoiles quand nous allions voir une grand-mère pendant les vacances d’été, au fin fond de ce qui ressemble vaguement à la campagne, loin des éclairages de la ville, loin de tout. Le silence presque pesant seulement interrompu par le chant des cigales, et les brises encore chaudes qui faisaient voleter mes cheveux en même temps que les hautes herbes. Je me rappelle aussi de la peur panique de me retrouver seule, dans le noir, dehors, sans pouvoir me repérer. Je n’ai plus ce problème maintenant, d’ailleurs je ne l’aurais plus jamais. Ma bioluminescence a parfois du bon finalement.
Je prends une grande inspiration, ce n’est pas l’air pur de la campagne mais les restes pollués de la ville qui m’emplissent les poumons. Qu’importe, je ne n’y porte pas plus d’attention que ça, Enoch me soumettant sa proposition pour le reste de la soirée. Tiens, je ne savais pas qu’il y avait un observatoire. Et c’est une sacrément bonne idée. Cependant, parler de moi pendant tout le trajet ne l’est peut-être pas autant.

Lorsqu’il me sourit je me rends compte que je n’avais pas vu son visage s’éclairer depuis le début de la soirée, dommage, ça lui va bien de sourire…
Je resserre l’énorme écharpe volée à Steve autour de mon cou, le mélange de son odeur et de celle, fleurie, que mon shampoing a laissé sur mes cheveux est assez étonnant.

– Vas pour la tour parabolique. Je n’y suis jamais monté non plus. Par contre, tenir le reste de la soirée avec moi comme seul sujet de conversation me semble un peu ambitieux.

Je le regarde marcher à reculons, enfonce les mains dans les poches de mon short, et le suis, la tête légèrement rentrée dans les épaules comme protection contre le froid peu concluante.

– Je peux te dire une quantité de choses sur moi, mais ce n’est pas forcément ce que tu veux savoir…

Et puis, moi aussi j’ai envie d’en savoir un peu plus.
Je me rappelle d’une soirée, que j’aurais surement du me débrouiller pour éviter maintenant que j’y repense. Chez un collègue de boulot, avec deux autres collègues, et l’ami de l’un d’entre eux, inconnu au bataillon. On papote un peu et me rends vite compte que ce type m’ennui, qu’il me rend mal à l’aise, que j’aimerai me débrouiller pour ne plus avoir affaire à lui pour le reste de la soirée. Cependant lui ne l’entend pas de cette oreille. Je réponds distraitement à ses nombreuses question, essaie de fuir la conversation, ne le relance pas. Il avait fini par me sortir d’un ton accusateur « Qu’est-ce que t’as ? Je te questionne depuis une heure, et tu ne m’as pas demandé une seule chose en retour. Tu ne t’intéresse pas aux autres ? Il n’y a que toi qui compte ? Tu n’as aucune curiosité ou tu te penses trop bien pour t’abaisser à faire ma connaissance ? ». Piquée au vif, je n’avais su quoi lui répondre, et avais passé le reste de la soirée à me remettre en questions, me demandant si j’avais un sérieux problème de sociabilité.
Maintenant que j’y pense, ce n’était pas moi ou ma sociabilité le problème, mais le désintérêt total qu’il m’inspirait. Là, tout de suite, une série de question longue comme mon bras veulent toutes sortir en même temps pour tomber sur Enoch. Ca me rassure.

Toutes ces tergiversations pour pas grand-chose. J’arrive à me perdre dans le seul fil de mes propres pensés. Bon allez, je vais lui faire plaisir et parler un peu de moi, et j’embraye sur lui. Ca me semble bien.

– Tu en sais déjà plus sur moi que je n’en sais sur toi… Comme tu as pu le remarquer, j’ai un petit frère et une petite sœur, tu en connais déjà pas mal sur mon boulot finalement… Hum… Je ne sais pas ce que je pourrais te dire de plus sans t’ennuyer. Je danse, j’adore l’odeur du pain grillé, j’aime me réveiller avec la lumière du soleil, je ne supporte pas les bruits de bouche, je n’aime pas l’odeur de l’herbe après la pluie, j’aimerais voyager… Rien de bien palpitant en soi. Il faudrait que tu me pose des questions toi aussi si tu veux en savoir plus.

Je ne vais pas passer le trajet à déblatérer des infos en vrac sur ma petite personne. Ça pourrait bien nous durer la nuit, mais ça n’amuserai pas grand monde non ?
Les yeux rivés dans ceux d’Enoch, je suis son rythme, écoutant le claquement régulier de mes talons sur le bitume. Je sens des frissons me parcourir, cet espèce de froid qui m’enserre l’estomac, me fait me recroqueviller sur moi-même, faire le dos rond, et enfouir d’avantage mon visage dans mon foulard.

Je lui adresse un sourire, sourire certainement caché par l’épaisse couche de tissu autour de mon cou, et prend la main au niveau des questions.

– Tu dis que t’es arrivé il n’y a pas longtemps, c’était quand ? Pourquoi Madison ? Tu étais où avant ? Est-ce que tu es allé en Islande ? Tu bosses dans quoi près du village des artisans ?

Je m’oblige à m’arrêter, il faut bien que je lui laisse le temps de répondre avant la prochaine volé de question.
Un petit couple nous croise dans la rue, un échange de regards, de sourires polis. Nous ne sommes pas seuls au monde, j’ai presque tendance à l’oublier. La noirceur de la nuit nous enveloppe le temps du trajet entre deux réverbères, et me laissait imaginer que rien n’existait autour de nous.
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Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



20.03.16 21:44
Que proposerait un autre à sa place ? Ferait-il davantage preuve d'originalité, de témérité dans ses initiatives, distillerait-il plus de poésie dans sa demande ou imposerait-il juste son choix comme étant le meilleur ? Ce n'est clairement pas les méthodes d'Enoch mais, bien qu'il ne puisse s'empêcher de douter sur la manière dont il vient de présenter l'affaire, il ne voit pas ce qu'il aurait pu offrir de mieux qui leur plaise à tous les deux – non pas qu'il prétende déjà connaître les goûts et les envies de Lou, loin de là – car il a l'intuition qu'elle tiquerait s'il décidait de l'emmener dans un bar. Quitter une soirée étudiante pour échouer dans une taverne du centre-ville, ou comme tomber de Charybde en Scylla à l'échelle socio-éthylique. Quant à lui ouvrir sa porte, hors de question, moins par prudence que pour lui éviter de découvrir que le garçon avec qui elle a choisi de prolonger la nuit habite sous les combles, dans un quartier mal-famé si ce ne n'est peu fameux, parce qu'il vit avec deux tiers d'un salaire normal. Elle pourrait être écœurée, la pharmacologiste, se dire qu'il ne vaut rien, aspirer à un parti plus intéressant, plus sécure comme disent les bourgeois, le planter sans autre justification et... oh, pourquoi réfléchit-il à cela, enfin ? Ce n'est pas comme s'il était parti avec cette perspective en tête – il désire simplement lui montrer la Tour et, au-delà de la nuée scintillante qu'est Madison livrée aux ténèbres, apercevoir l'espace de l'autre côté, hors le Mur, le dehors de toute chose. Et songer qu'il aurait de la chance ailleurs, quelle bêtise.
Furtivement, alors qu'ils progressent l'un près de l'autre, l'Ancien biaise un coup d'œil vers la rouquine. Engoncée dans l'épaisse écharpe qu'elle a récupéré à l'appartement, ses talons claquant sur le dallage blanchi du trottoir et ses mains fleuries de rouge au fond de ses poches, elle ressemble à ces fouines enjouées, une belette mutine qui guetterait le bon instant pour jaillir de son terrier, à l'affût d'un jeu, d'une taquinerie. Jamais il ne penserait qu'une soirée entière à l'écouter parler d'elle-même soit ennuyeux, contrairement à ce qu'elle lui annonce. Ou bien la personne qui lui a dit cela un jour, et à cause de laquelle elle a construit cette mise en garde, n'a même pas pris la peine de l'entendre plus d'une minute, ce qui est fort regrettable. Tant pis pour l'imbécile en question ; Enoch, lui, est tout ouïe dès la seconde où elle commencer à se raconter, se gardant une nouvelle fois de lui dire que ce genre d'épanchement ne le dérange pas, qu'à l'inverse, il préfère, qu'à l'intérêt de la connaître s'ajoute le plaisir de capter sa voix, de sentir les vibrations de l'air qu'elle brasse en marchant. Faites qu'elle ne s'arrête pas.

Un petit frère, une petite sœur, un boulot, un loisir artistique, l'amour du pain grillé et des réveils ensoleillés, un curieux dégoût des tics buccaux – mon dieu, aurait-il déjà fait claquer sa langue sans s'en rendre compte alors qu'elle était à côté de lui ? – le désagrément de l'herbe humide et le bruit du vent dans le cœur. C'est vrai, ce n'est guère palpitant, cela ressemble à des milliers d'autres énumérations de caractère, pourtant celle-ci résonne différemment, elle libère une harmonie particulière que le garçon ressent plus qu'il ne la comprend, comme si elle convoquait des odeurs, des sensations plutôt que des mots, et qu'il en recevait l'essence et non les significations. Il s'imagine la saveur des pains croustillants et les froissements de la pluie sur les feuilles, se rappelle l'aplat des campagnes vues à travers la vitre d'un véhicule et l'atmosphère mentholée d'un cabinet de dentiste. Elle aurait pu ne pas lui communiquer tous ces détails. Pire, elle pourrait ne pas l'inciter à lui poser d'autres questions et couper court à sa curiosité, mais non, au lieu de se renfermer elle lui laisse la porte ouverte ; au cas où il souhaite en passer le seuil, découvrir plus en amont ce qu'elle cache dans son univers, elle l'y autorise en une phrase. Alors si cela ne se nomme pas confiance, il veut bien se payer une psychanalyse complète. Par contre, il s'interroge sur d'éventuelles intentions sous-jacentes. En se montrant aussi décomplexée, le vrai message de Lou ne serait-il pas de l'enjoindre à agir de même envers elle, à démolir ses propres barrières vis-à-vis de la crainte qu'elle lui inspire à son insu ? Il se comporte ainsi avec tout le monde, malheureusement. Une citadelle de méfiance ne s'effondre pas avec des sourires.    

« Les questions, ce n'est pas ce qui manque », admet-il bientôt sur le ton d'une demi-plaisanterie, plus comme une promesse sur le fait qu'en temps voulu, il lui sortira une liste aussi longue que le diamètre terrestre. « Mais merci de m'en dire autant. C'est rare de croiser des personnes qui se dévoilent de cette manière, sans artifice. » Qui sait, elle finira peut-être par regretter d'avoir laissé la porte ouverte. En attendant, c'est à son tour de le bombarder d'interrogations, une, deux, encore, une giboulée de ponctuation, une averse d'accents ascendants avec, pour conséquence directe, une recrudescence d'embarras chez le fantôme, notamment sur les deux premières phrases. Ce n'était pas une si bonne idée que d'avouer son statut de nouvel arrivant sans veiller ses arrières, d'autant qu'il aimerait mentir le moins possible à cette fille, par respect pour le naturel avec lequel elle s'exprime en sa présence. Une forme de gratitude, une reconnaissance qu'il désirerait ne pas bafouer trop vite, alors qu'il possède déjà ses mensonges tout préparés, ses vérités à réchauffer au micro-onde de la prudence. Le sol sur lequel il avance, soudain, se fait instable et ses phalanges accusent un tremblement nerveux qu'il enterre dans ses poches.

« Je suis arrivé cet avril, un peu par défaut. Avant j'habitais chez ma mère à Brunswick, sur la côte est, mais l'existence là-bas était étouffante. Mortelle, en vrai. Depuis tout petit, j'avais envie de voir le monde – c'est niais dis comme cela, non ? – alors un jour, sans prévenir, je suis parti. Je n'avais aucune idée d'où aller, pas d'argent, j'ai fait du stop et je me suis retrouvé ici au bout de quelques mois. Le hasard. » Une pause. Un silence suspicieux. Qui croirait qu'un péquenot dans son genre a réellement atterri à Madison suite à un concours de circonstances ? Quel timbré s'installerait dans une ville clôturée par un Mur infranchissable, réputée pour être le berceau séculaire de mutants ? La blague. Pourtant c'est le cas, sauf qu'à son époque, il n'y avait pas inscrit « ASILE DE FOUS » au-dessus du portique d'entrée. Pourquoi n'a-t-il pas fui aussitôt, alors ? Zappe. Avec de la chance, elle ne relèvera pas l'absurdité de ta décision. Et avec de l'intelligence, elle t'acculera au mur. « Ma mère était Islandaise. Elle a rencontré mon père là-bas, au cours d'un de ses voyages, et elle l'a suivi quand il est rentré en Amérique. Ce pays était gravé en elle ; elle en parlait souvent, et tous les contes et les récits qu'elle a pu me raconter provenaient en grande partie de ces terres. J'aimerais m'y rendre au moins une fois, pour mettre enfin des images sur ses mots. »
Pour lui demander pardon, aussi. Et faire son deuil. Ce serait une belle occasion. Dire que depuis le bond dans le temps, il n'a pas eu la foi de faire le trajet jusqu'à l'ancienne ville de Brunswick, aujourd'hui reconstruite sur l'eau après qu'elle fut montée au point d'engloutir le littoral du vingt et unième millénaire. Il pourrait – il est humain, après tout, il peut quitter l'enceinte sans problème – mais il n'a pu s'y résoudre. À sa manière, il a fui, encore, toujours. Il n'arrête pas de s'enfuir dès que le sujet touche à ses parents, car il sait trop que leur souvenir éveille en lui une douleur sourde, écarte la brèche dans laquelle s'est vautrée avec tant de plaisir la Chimère et sa cohorte de maux. Son âme telle une boîte de Pandore, et la mémoire de ses géniteurs pour seule clé. Tout à coup, le garçon redresse la tête, paraît s'extraire d'un mauvais rêve ; il ne s'est pas aperçu qu'il s'était autant assombri. Il n'a même pas remarqué le couple tout sourire qu'ils viennent de croiser, et qu'il n'envie pas. D'une phrase, Enoch s'empresse d'évacuer le propos précédent, trop sensible pour s'y attarder.
« J'irai lorsque j'aurai assez d'argent. » Un défi à lui-même, plus qu'une promesse. « Si tu veux, je t'emmènerai. » Oups, il a lâché cela sans y penser. Une tache rouge lui croque les joues si vite qu'il est obligé de détourner le regard en espérant que Lou ne distinguera rien dans l'obscurité. C'est quoi cette proposition foireuse ? Il désespère déjà d'obtenir un salaire correct – quand bien même il lui convient pour faire ce dont il a envie – alors si en plus il doit financer un second billet, il a de quoi trimer pendant une année supplémentaire. D'ailleurs, en parlant monnaie...
« La famille d'un ami tient une joaillerie et ils avaient besoin d'un comptable pour s'occuper de la partie administrative ; c'est lui qui m'a proposé. Ce n'est pas aussi impressionnant qu'être un vrai orfèvre, bien sûr, tu les verrais à l’œuvre... Leurs créations sont magnifiques. En plus, ils travaillent à l'ancienne, pour la gestion aussi, alors c'est pratique. » Ah, le papier, c'est tellement 2013. Au moins n'est-il pas trop dépaysé dans cette boutique ; merci Fredigan !
Mais alors qu'ils tournent à l'angle d'un boulevard, celui qui donne sur la Tour, l'idée qu'il sème des indices ne le percute même pas.
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Lou Sullivan

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Lou Sullivan
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25.03.16 0:18
[hrp : Je m'excuses d'avance, c'est pas ouf, mais j'ai écrit dans le train et mes voisins étaient bruyants =( ]

Enoch est bien la première personne à me remercier de l’autoriser à me poser des questions et à lui dire quelques banalités sur moi. Ce garçon m’intrigue. Je ne comprends pas son raisonnement, cet intérêt qu’il semble me porter. Je dois certainement me faire des idées… Mais au lieu d’enfoncer une porte ouverte en me posant à son tour de nouvelles questions, il prend le temps de répondre aux miennes.
Sans le regarder, je tends l’oreille, fixant la pointe de mes pieds sur les pavés recouvrant le trottoir qui nous mène jusqu’à la Tour.

Il m’explique comment il est arrivé dans la ville, en faisant du stop. Je fronce les sourcils. C’est bizarre. Concrètement, qui aurait envie de s’enfermer ici ? Pas de tourisme, pas franchement de boulots vacants, et à part les evolves, pas de faune ou de flore locale méritant le détour. Comment quelqu’un venant de l’extérieur aurait pu avoir envie de s’enterrer ici ?
Et puis, quitter la côte est pour Madison ne me serait jamais venu à l’esprit. Pour un autre pays, pourquoi pas, carrément même, mais pas pour la ville des bêtes de foires… Chacun son truc remarque hein, qui suis-je pour juger les choix d’itinéraire d’un autostoppeur parmi tant d’autres ?

Mes sourcils se défroncent lorsqu’il commence à parler de ses parents. L’Islande, ça me semble être le bout du monde. J’aurais tellement aimé, moi aussi, avoir un parent, ou même un proche, venant d’un pays aussi différent de l’Amérique que peut l’être l’Islande. Découvrir pas le biais d’un être aimé, une autre culture, une autre façon de vivre, des coutumes étonnantes… Des contes différents. J’adore les histoires, je pourrais passer des jours entiers à écouter quelqu’un me raconter des histoires. Mes parents avaient eux même l’habitude de nous raconter des récits, inventés de toutes pièces, reprenant des personnages récurant et leurs aventures à travers le monde et les saisons. Quels pouvaient bien être les contes et légendes qu’Enoch a entendus durant son enfance ?

– Tu voudras bien me raconter un des contes de ta mère ?

C’est étrange comme question. J’espère qu’il ne va pas interpréter ma curiosité pour le folklore local comme une bizarrerie de ma part. Des bizarreries j’en ai suffisamment pour ne pas avoir à en rajouter.
Ah, remarque, le jeune homme aussi à son lot d’étrangetés. Me proposer de m’emmener en Islande ? J’ai un petit sourire amusé. J’aurais envie d’accepter en hurlant un grand « oui », mais dans tous les cas, on ne me laisserai pas quitter la ville. Mon sourire s’éteint, je hausse les sourcils, comme si de rien n’était.

– Me proposer de fuir avec toi dans la rue est une chose, partir tous les deux sur un autre continent en est une autre. C’est peut-être beaucoup pour une première rencontre.

Détourner le sujet sensible avec un peu d’humour. Plus qu’à espérer qu’il ne relève pas. Je tourne la tête vers lui, distinguant à peine ses traits dans la noirceur de la nuit. Je me serai bien allumée pour profiter de ma lumière et mieux distinguer son visage. Au ton de sa voix, je jurerai qu’il a piqué un fard, mais je n’y vois pas grand-chose.
Je fronce à nouveau les sourcils lorsqu’il aborde le sujet de son travail. Une joaillerie c’est cool, le travail de la matière à l’ancienne, ça l’est d’avantage, mais la compte à l’ancienne… Qu’est-ce qu’il entend par là ? Pratique ? Depuis quand « à l’ancienne » rime avec « pratique » ?

- Quand tu dis à l’ancienne, tu veux dire que ce n’est pas informatisé ? Tu bosses sur des livres de comptes ? Format papier ?

Le collègue qui m’a formée à mon poste, vieil homme réfractaire à la technologie, avait tenté de me convaincre que de tenir le registre des naissances, traitements, et euthanasies des animaux était bien plus pratique dans une sorte d’énorme cahier à la reliure en cuire. Alors oui, on voit les ratures quand corrections il y a, mais bon sang, la fonction contrôle + F est tout de même super pratique pour retrouver une info précise. Rien que de m’imaginer feuilleter cet énorme bouquin pour retrouver quelle dose fut administrée à la souris n°11 du lot 76946A, en décembre dernier, ça me donne mal au crâne. Et pourtant, c’est des animaux, c’est « ludique », avec des séries de chiffres, ce doit juste être l’enfer.

Un petit vent frais s’engouffre entre les hauts immeubles qui longent la rue qui mène à la Tour. Un frisson me parcours l’échine, me secouant des pieds à la tête. Ce sentiment désagréable persiste quelques longues secondes, jusqu’à ce que je puisse à nouveau baisser les épaules sans me sentir trop gelée.
D’un pas de côté, je me rapproche d’Enoch, sors la main de ma poche pour la glisser au creux de son bras avant de la glisser à nouveau dans les plis de mon manteau. L’espace d’un instant je me demande si je dois me justifier. Lui qui parait par moment tellement gêné de quelques malheureux rapprochement va peut-être que claquer dans les mains suite à cela…

– Je suis gelée… Tournant la tête vers lui, un sourire radieux, je tente une explication un peu foireuse. Je tente un réchauffement à la chaleur humaine, comme les pingouins qui s’entassent en cercles pour se tenir chaud… Par contre si ça t’embête, n’hésite pas à me le dire…

L’air de rien, je lève la tête pour regarder le haut de la tour. Heureusement que je n’ai pas le vertige, ça fait quand même une sacré hauteur.
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