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I've got the devil on my shoulder [Libre ♥]
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lost in the grey urban woods
Enoch Livingston

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Enoch Livingston
lost in the grey urban woods



04.06.16 18:08
Rien de pire que cette sensation de se dépiauter de la moindre trace d'amour-propre, de se réduire au morceau le plus misérable de soi-même sous le regard intransigeant d'un juge. On lui aurait demandé de se déshabiller devant une foule entière qu'il n'aurait pas ressenti autant de honte, ni autant d'excitation d'ailleurs, comme si ces trois mots suffisaient à eux seuls à convoquer un trouble plus féroce qu'une rasade d'encre dans un verre d'eau – la chaleur en sus. À moins que ce ne fussent précisément les prunelles de Jesse au-dessus de lui qui provoquèrent pareille réaction ; sans doute un peu de chaque, des insistances par-ci, des frôlements par là, de quoi décomposer le lien corrosif éclos entre eux. S'il avait eu les mains libres, sans doute Enoch les aurait-il laissé s'échouer autour du cou de l'ancien soldat, fragiles araignées aux pattes blanches, sans doute se serait-il plaqué davantage contre cette paroi osseuse dans l'attente qu'elle s'écroulât sur lui, dans l'espoir peut-être qu'elle s'effondrât afin qu'il pût s'extirper de sous les décombres et s'échapper de cette caverne où le voleur l'avait entraîné. Mais ce dernier le maintenait toujours au sol, jamais lassé du spectacle de ces larmes qu'il avait toujours été seul à faire couler, et lui, chétif pantin déglingué, parvenait peu ou prou à les tarir. Ou plutôt y serait-il parvenu s'il n'avait pas, une nouvelle fois, déclenché la colère de l'Ogre à cause de son comportement, cette insupportable bascule entre le recul et la lèche, entre la collision et la fuite, incertain de ce qu'il voulait vraiment, de ce qu'il repoussait sans conviction. C'était comme se retrouver face au Slender par une belle nuit de juin et se frotter en miaulant contre un arbre – un subterfuge à l'horizontal. Sauf que c'était grotesque, que personne au monde n'aurait cette idée et que le petit Poucet, tout à ses feintes et ses tressaillements, ne songea pas une seconde avoir réussi à amadouer le monstre lorsque celui-ci l'agrippa par le col pour l'agiter brutalement. Tout juste s'il eut le temps de placer ses mains en barrière contre un éventuel coup.

Les cris furent si violents qu'ils balayèrent toute émotion autre que la peur ; en une brassée de hurlements, Jesse faucha tout ce qui n'était pas de l'effroi, de l'épouvante, tout ce qui ne ressemblait pas du près ou de loin à une tétanie brutale, et le garçon qui en était la cible aurait hurlé à son tour si la douleur n'était pas venue trancher son esprit à l'instant où sa tête rencontra le sol. Sonné, il en oublia jusqu'à gémir, ne respirant que par saccades, les nerfs de l'encéphale à vif, les orbites grandes ouvertes rivées sur le visage du militaire. Il aurait voulu parler aussitôt qu'il n'aurait relâché qu'une plainte sans contours, honteuse, et de toute façon il manquait encore l'attaque finale, le coup de grâce, qui ne tarda guère à se faire entendre. Cependant, la souffrance occultait trop ses cinq sens pour qu'il y fût réceptif, bien qu'elle ne fût pas suffisante pour dissiper l'aura de haine que l'ancien Eraser lui imposait à quelques centimètres de son visage. Alors le sang qui pulsait à ses tempes quitta ses genoux en miettes pour consolider au mieux son assise, sa main droite éloigna sèchement le torse du blond tandis que l'autre prenait appui sur le sol, et le fantôme se remit sur son séant tout en répliquant d'une voix aussi livide qu'amère :
« Assume ? Et assumer quoi ?! Le fait que tu me détraques complètement ou que je te dégoûte ? Reconnaître que j'ai la trique alors que tu te retiens de me fracasser la gueule ? Mais oui, Jesse, oui, bien sûr, si c'est ce que tu veux ! » Cynique, acide presque goguenard, le ton se mit à grimper quatre marches à la fois une échelle qui n'en comptait que deux. « Tu crois que je le fais exprès ? Tu crois que ça me plaît de ne rien comprendre, que je m'humilie par plaisir ?! Pour ne récolter que des coups et du mépris ?! C'est vrai, n'importe qui a-do-re-rait écarter les jambes pour qu'on lui crache dessus ! »
D'ailleurs, en parlant de jambes, il avait ramené les siennes contre son ventre, prêt à les lever comme barrière si son ennemi essayait de revenir à la charge.
« Tu sais ce qui est facile ? Oublier. Ça c'est facile, mais je n'ai pas eu cette chance, moi, je dois vivre avec ça au fond de mon crâne, me dire que je suis taré et le supporter chaque putain de jour de cette époque de merde !! » Il aurait voulu que son discours ne se brisât pas, que sa gorge fût de fer d'un bout à l'autre ; pourtant il savait qu'elle se fêlait déjà, qu'elle ne soutiendrait jamais tant de colère. Elle n'était pas taillée pour les vociférations et cela s'entendait dans son cran soudain perdu, dans sa brusque faiblesse, jusqu'à ce qu'elle ne devînt plus qu'un chuchotis. « Et dire que je t'ai cherché, je me suis inquiété, je voulais te revoir... parce que... parce que... » Il se jura que cette larme-ci serait la dernière qu'il se permettrait, tout en sachant pertinemment qu'il y en aurait d'autres. Au loin, dans la ruelle, un chat chouina sur un muret. « …tu es important pour moi, c'est tout. Et ça, tu n'en auras jamais rien à foutre. » Ce n'était pas comme s'il l'ignorait. Il ne l'avait juste jamais dit à quiconque, encore moins au principal intéressé, car il avait l'impression que l'avouer sonnerait le glas de leur relation. Et vu où est-ce qu'ils en étaient arrivés, ce n'était plus un souci désormais.
Après tout, il avait dit qu'il le haïssait. Mais qu'on ne vienne pas lui dire qu'il n'assumait pas.
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burn the bitch down, I never will cross that bridge again
Jesse McMillan

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Jesse McMillan
burn the bitch down, I never will cross that bridge again



28.06.16 16:28

Si l’un avait l’impression d’être réduit en morceau, le second se donnait l’impression de se liquéfier sous une pression qu’il ne parvenait plus à maitriser. De quel droit l’avorton se permettait de foutre le bordel dans sa vie, dans sa tête ? D’où sortait-il pour se permettre de venir et de l’assiéger à coup de vérités que le blond refusait de reconnaître ? Il n’y avait plus que l’assurance qu’eux deux, ce n’était ni rien ni quelque chose. Qu’ils ne devaient jamais se retrouver tout en ne se séparant plus. Maintenant et à jamais. Le blond sera les dents et agrippa la gorge fragile, tendre et tendue, pâle et sans défense. Y enfonçant ses doigts, comme il aurait enfoncé sa main dans sa poitrine pour lui arracher le cœur. « Personne t’a jamais rien demandé. T’es le genre à venir fourrer ton nez et pleurer après parce que t’as pas aimé ce que t’y a trouvé. » C’était comme le regarder d’un œil nouveau ; le gamin qui se prenait pour l’innocence personnifiée, qui se justifiait et se dissimulait pour ne pas reconnaître qu’il n’avait fait que chercher ce que le blond déclenchait chez lui. C’était probablement mieux qu’il ne se souvienne pas de lui, au fond ; après tout, qui voudrait se souvenir de quelqu’un qui ne faisait que pousser la faute sur l’autre ? Un sourire presque angélique éclaira le visage du blond qui venait de trouver confusément sa propre résolution. « Tu t’entends parler ? Je je et je. T’es pire que moi ; j’ai au moins l’cran de reconnaître que je pense qu’à moi. » Il se pencha lentement, prononçant chaque syllabe avec la clarté d’un adulte parlant à quelqu’un d’un peu lent. « T’es venu me chercher. T’es entré dans cette foutue boutique, t’es venu m’aider. J’en ai rien à foutre de pas atteindre tes espérances. » Les ongles s’enfonçaient, faisant légèrement perler le sang sur le cou qu’il étranglait. Il aurait été tellement plus simple de se débarrasser définitivement de lui et de ces traces de culpabilités qu’il se trimballait par sa faute ; mais à quoi bon ? Cacher un cadavre, nettoyer les traces… Autant le laisser se démerder seul avec ses délires et ses idées. Le blond le relâcha, se relevant négligemment. « La prochaine fois, tourne les talons. J’veux rien avoir à faire avec quelqu’un comme toi» Si lui refusait d’assumer beaucoup de choses, il n’était assurément pas le seul dans ce cas. Sourire cruel aux lèvres, le blond s’autorisa l’honneur d’envoyer son pied dans l’estomac du garçon, tenant à marquer la fin de cette discussion d’une manière marquante. « Sois moins con la prochaine fois. » Il tourna les talons, bousculant la porte d’un coup d’épaule pour retourner dans les ruelles obscures de l’entre deux, un goût amer au bout des lèvres et un drôle de sentiment au fond du cœur. Ça passerait. Il n’y avait rien à tirer de ce genre de gosse, de toute manière. Les mains dans les poches, le blond disparu à nouveau dans les rues, n’aspirant qu’à retrouver le confort que l’oubli procurait.
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