Analysant la foule tout en marchant d’un pas assez lent, Lexus effectuait une de ses nombreuses patrouilles au sein de Madison dans un quartier de l’Entre-Deux. Tout était calme pour l’instant, elle n’avait pas eu affaire à des activités suspectes provenant des habitants. En réalité, elle était plutôt détendue. Se promenant dans les quartiers de son enfance lui faisait du bien, en quelque sorte. C’était comme se sentir chez soi, malgré la responsabilité qui lui était donnée en cet instant. Elle se revoyait parmi ses groupes d’enfants qui jouaient un peu trop bruyamment, se courant après en riant aux éclats, bousculant quelques passants au passage. Mais sincèrement, qui pouvait en vouloir à une telle insouciance ? Parfois, la jeune femme essayait de s’imaginer un monde rempli d’enfants, où les adultes n’existeraient pas. Ce serait tellement bien. Tellement plus simple. Mais c’était totalement impossible et bien évidemment immature. Elle devrait sans doute arrêter de s’imaginer des mondes parallèles, tous autant parfaits les uns que les autres, et plutôt se concentrer sur ce qu’elle pouvait arranger ici, à Madison.

Soudain, le bracelet qu’elle avait autour de son poignet émis des petits sons tout en provocant certaines vibration, signe qu’elle recevait un appel. Une simple pression sur un des boutons qui composaient l’appareil et un hologramme en taille réduite s’afficha au dessus de l’engin, matérialisant ainsi son supérieur. Ce dernier prit rapidement la parole.

« - Une hausse d’activités illégales vient d’être signalée dans un secteur de l’Entre-Deux. Je vous envoie les coordonnées, rendez-vous sur place. Une de vos collègues se joindra avec vous pour régler le problème.

- Compris chef. »

Et la communication s’arrêta là. Court, rapide et concis. Les Erasers n’avaient pas besoin de plus et surtout, il ne devait pas en avoir plus. Une mission nécessitait de la rapidité de la part des hommes et femmes sur le terrain tout comme ceux qui donnaient les ordres en amont.

C’est donc sans attendre que Lexus se mit en route vers sa destination, non sans regarder les informations qu’elle venait de recevoir : cela se trouvait non loin du marché noir, comme de par hasard. Toujours au même endroit où les problèmes survenaient le plus souvent. Et cela n’allait pas en s’arrangeant, malheureusement. La jeune américaine s’interrogea quelques instants sur la personne qui allait se joindre à elle durant cette mission. Son supérieur n’avait pas précisé de nom, sans doute qu’elle ne la connaissait pas. Bien que cela faisait plusieurs années qu’elle travaillait dans la milice, elle n’avait pas eu l’occasion de rencontrer tous ses compagnons et elle doutait que quelqu’un de son rang ait pu le faire un jour. Il y en avait tellement. Mais qu’importe, son objectif n’était pas de rencontrer tous ses collègues mais de faire ce qu’on lui demandait, tout en gardant en tête son objectif principal.

Elle arriva rapidement au lieu où était fixé le rendez-vous, observant minutieusement les alentours. Une rue totalement déserte, avec des immeubles délabrés un peu partout. Super, ils avaient le chic pour l’emmener dans des lieux paradisiaques. Elle risquait sa vie tout de même, un peu de reconnaissance ne ferait pas de mal ! Un peu d’humour avant de commencer une mission n’avait jamais tué personne à sa connaissance.

Un petit sourire idiot sur les lèvres, elle s’adossa donc un des murs plutôt effrayants, qui tenait à peine la structure du bâtiment et croisa les bras, attendant patiemment que sa collègue pointe le bout de son nez pour qu’elle puisse commencer les choses sérieuses. Visiblement ce n’était qu’une simple affaire de trafic, où il leur fallait arrêter les marchands illégaux. Lexus avait déjà effectué ce genre de missions de nombreuses fois, certaines s’étant déroulées sans aucun accro. Néanmoins, elle garde bien en souvenir certaines qui ont un peu dérapé, puisque les dealers étaient bien plus équipés que ce que l’on pensait. De vrais pros en somme. Elle espérait que ce n’était pas le cas pour cette affaire là. Après tout, elle n’aimait vraiment pas faire usage de son arme pour des cas pareils. Du gâchis, tout simplement.

Lexus Sheppard. Bien sûr je connais au moins de nom la plupart des collègues que je suis susceptible de croiser sur le terrain, mais j’ai jamais bossé personnellement avec elle. Si je lui ai balancé un « bonjour » une fois au détour d’un couloir, c’est bien la fin du monde. Y a pas mieux qu’une petite mission pour se dérouiller un bon coup et faire connaissance, on connait jamais vraiment quelqu’un une fois qu’on ne l’a pas éprouvé sur le terrain. « Yo ! » Je lui lance en la rejoignant, petit salut de la main et sourire aux lèvres. « J’espère que ça valait le coup d’interrompre ma séance de muscu, j’aime pas devoir m’arrêter en laissant quelque chose d’inachevé, ça m’fait bien chier. » C’est pas sa faute bien sûr, j’sais bien, mais c’est pas une raison. Je lui tends la main dans le but de serrer la sienne, enchaînant : « Lexus c’est ça ? Moi c’est Axelle. Enchantée, tout ça, bref on va pas s'éterniser. » Aucune idée de si mon nom ou ma réputation a filtré jusqu’à ses oreilles alors autant prendre les devants. Et une fois les présentations torchées, je rembraye : « On m’a juste dit de te rejoindre ici pour régler un souci de trafic pas trop clean, t’as eu un brief plus détaillé ou on y va à la bonne franquette ? T’as les coordonnées GPS delà où on est censées se pointer ? » Je passe sous silence le fait que si j'en sais pas plus, c'est parce que j'ai coupé le sifflet à mon interlocuteur pour aller me préparer, ravie de pouvoir prendre l'air en dehors de la base.
Remarquez que moi ça me gêne pas qu’on me laisse la bride sur le cou, mais j’sais bien par expérience que certains de mes supérieurs s’en sont déjà mordu les doigts.

Sa collègue la rejoignit rapidement, Lexus l'a reconnu grâce à l'uniforme identique au sien. Elle semblait détendue, n'ayant pas vraiment d’appréhension sur la mission qu'elle allait devoir effectué. C'était un bon point mais il ne fallait pas non plus se montrer trop sûr de soi, on ne savait jamais ce qui pouvait arriver dans les quartiers de l'Entre-Deux. Présentations très familières, sa collègue ne portait pas grande importance aux formes de politesse, elle devait avoir un sacré caractère. C'était généralement le cas pour ce genre de personne.

Lexus serra sa main en lui accordant un sourire, nullement gênée par sa façon de parler. Elle ne semblait pas manquer d'enthousiasme, elle n'allait donc pas faire équipe avec un zombi et c'était tant mieux. Elle préférait ça à une ambiance morne.

« - Enchantée Axelle, je suis bien Lexus lui répondit-elle. Je n'ai pas eu d'informations supplémentaires, seulement les coordonnées GPS. Alors on va aller sur place et improviser. C'est à deux pas d'ici, dans l'angle de la rue. Va falloir se la jouer discret. »

Ainsi, elle lui fit un signe de main pour lui indiquer de la suivre et se dirigea vers le lieu du trafic illégal. S'accroupissant à l'angle de la rue, caché par un mur, elle jeta un coup d’œil de l'autre côté, là où elles devaient se rendre. A première vue, tout semblait désert, il y avait juste un vieil entrepôt. Sans doute là où se cachaient les dealeurs. Cela allait compliqué la tâche, malheureusement.

« - Bon, je propose qu'on fasse le tour du bâtiment histoire de localiser toutes les sorties et entrées possibles et on entre par celle qui semble la moins utilisée afin de jouer sur l'effet de surprise. On ne sait pas du tout s'ils sont armés ou non ni combien ils sont à l'intérieur alors je n'ai pas trop envie de prendre des risques. Tu en penses quoi ? »

Heureusement qu'elle avait encore toute sa tête pour l'instant et que ce n'était pas son seul instinct qui guidait ses actions. Le plus souvent, elle arrivait à établir des plans afin de limiter la casse durant ses missions au tout début de ces dernières mais une fois plongée dans le feu de l'action, elle ne suivait plus aucune tactique en particulière, à moins que l'on la rappelle à l'ordre. C'était le seul gros point faible que l'on pouvait noter sur son dossier et qui pouvait faire échouer une mission. Elle le savait, pertinemment, mais il était difficile de combattre son propre caractère.

Tournant la tête vers sa coéquipière, elle se demanda si cette dernière était plus du genre stratégie ou à la sauvage, comme elle disait assez souvent. Elle pencherait plus pour la deuxième option mais cela restait à vérifier. Si c'était le cas, il n'y en aurait pas une pour rattraper l'autre, en espérant que cela ne posera pas d'énormes problèmes.

Alors comme ça on y va comme à la vieille époque, freestyle, zéro préparation et tout à l'inspi ? Ok nickel pour moi, exactement ce que j'aime et comme je l'aime ! Je jette un œil au vieil entrepôt en espérant qu'il puisse nous réserver quelques bonnes surprises sous le couvert d'une bonne dose d'action, avant de reporter toute mon attention sur Lexus. « Comme tu proposes, ça me va. On splite, au moindre souci tu me contacte et j'te rejoins. Et vice-versa. » Oui parce que par contre si on commence à s'enfourner dans la merde solo, ça risque d'être galère. « Fais gaffe aux caméras, ils savent bien les planquer ces cons. La dernière chose dont on a besoin c'est de se faire remarquer avant même d'savoir où c'est qu'on fourre nos grolles. » Sur ces bonnes paroles, je l'abandonne et m'avance vers le bâtiment désaffecté, tous les sens aux aguets. L'bidule est pas trop grand et, vu le type de construction, m'étonnerait qu'on y trouve trop d'entrées. Une petite porte dérobée ou deux en plus de la grande du hangar, j'm'attends à guère plus. Le sol est jonché de détritus en tous genre, super pour la discrétion ! En plus de pas se faire capter aux fenêtres et de prêter attention à ce qui m'entoure, faut aussi que je regarde où j'fourre mes pieds. Great. Les mecs pourraient pas se réunir dans un truc plus clean pour leurs trafics illicites ? On s'ferait moins chier à leur pourrir leur rassemblement comme ça.
Je me plaque contre l'arrête d'un mur lorsque, m'apprêtant à négocier le virage, j'aperçois un dude à quelques mètres. Le dos tourné, heureusement. Être le clampin délégué à la surveillance, c'est vraiment un taf de merde mine de rien. Par sécurité, je porte la main à mon arme de service et la dégage de son étui : j'ai beau avoir tendance à préférer le corps à corps, mieux vaut être prêt en cas de souci. Mais bon, le gars est pas un problème. Trop longtemps qu'il s'endort debout peut-être ? Faudra songer à dire aux autres d'organiser des tours de garde plus court, peut-être. Ou d'embaucher du personnel plus compétent ? Allez savoir… J'active mon oreillette : « Lexus ? » Je garde la voix basse au cas où, tout en laissant un œil vigilant sur ma victime, laquelle gît assommée et ligotée à deux pas. « T'en es où ? Un gars neutralisé ici, entrée libre et tarif gratuit. Du neuf de ton côté ? »

« - C'est d'accord, je te contacterais dés que j'aurais sécurisé de mon côté. »

Elle avait raison, elles devaient rester sur leur garde, ils pouvaient très bien avoir installé plusieurs dispositifs pour accueillir comme il se doit les fouines dans leur genre. Elle laissa sa partenaire partir de son côté tandis qu'elle se dirigea vers l'autre face du bâtiment. S'accroupissant légèrement pour ne pas être vue par les fenêtres, elle accéléra le pas afin de pouvoir longer les murs de la vieille bâtisse. Tous ces sens en éveil, elle tenta de percevoir le moindre bruit suspect. Une respiration, un bruit de pas, une conversation, qu'importe tant que cela signifiait qu'une personne n'était pas loin.

Avançant prudemment, elle prit soin d'éviter les détritus qui jonchaient le sol. Des bouteilles, des canettes, des emballages de tout et de rien, ce n'était vraiment pas très propre. A croire que le vent avait tout amené ici, ou alors les habitants des lieux étaient de vrais porcs.

Elle arriva au bout du mur, qui continuait sa route sur le côté gauche. Elle jeta un coup d’œil de l'autre côté. Il y avait un type qui tenait une arme et qui faisait les cents pas devant une porte, sans doute. Levant les yeux, elle chercha une quelconque caméra fixé au mur. Rien. Bon, tant mieux, cela ne lui compliquera pas la tâche. Il n'y avait rien pour se cacher près du trafiquant, elle allait devoir se montrer rapide et très discrète. Heureusement pour elle, l'homme ne semblait pas très attentif à ce qui l'entourait, chantonnant quelque chose et effectuant des petits pas de danse à certains moments. Comme quoi, on pouvait faire des choses illicites, on n'en restait pas moins humain, à apprécier certaines musiques et autres.

Lexus attendit que le jeune homme lui tourne le dos pour sortir de sa cachette, toujours à pas de loup et accroupie. Avec une vitesse déconcertante, elle se retrouva juste derrière sa cible qu'elle assomma à l'aide de la crosse de son arme. L'homme ne poussa même pas un râle de douleur, s'effondrant lourdement au sol. Un coup bien placé au crâne permettait de rendre inconscient quelqu'un pendant quelques minutes. L'ancienne blonde s'attela à lui lier les mains et les pieds en pensant à détruire l'oreillette qu'il possédait. Comme ça il ne pourrait pas contacter ses copains si jamais il se réveillait.

Ces choses faites, elle porta son attention sur la porte qu'il surveillait précédemment. C'était une porte métallique assez rouillée qui soulignait son âge certain. L'Eraser s'en approcha avant de l'ouvrir lentement, observa ce qu'il y avait à l'intérieur. C’était un couloir sombre, sans aucune lumière et étroit. Son oreillette grésilla à cet instant avant que la voix d'Axelle n'émane de cette dernière. Bien, cela faisait donc deux entrées.

« - Situation identique ici répondit-elle en portant son doigt à l'appareil. Je vais condamner cette entrée, ils tenteront sûrement de s'enfuir par ici mais le couloir est sombre et étroit, ce sera facile des les éliminer s'ils se retrouvent tous parquer dedans. »

Sur ces paroles elle récupéra un vieux tuyaux en métal qui traînait sur le sol et le glissa entre les deux poignées de la porte, refermant ainsi cette dernière. Elle vérifia si cela tenait suffisamment pour les ralentir quelques minutes avant de faire le tour du bâtiment et de retrouver sa partenaire. Debout près d'un homme qui avait la face contre terre, elle avait ouvert légèrement la porte du bâtiment. Elle avait sans doute usé de la même technique pour assommer son ennemi. Lexus était rassurée, pour l'instant tout se passait correctement. Tout allait se jouer à l'intérieur.

« - On va pouvoir entrer déclara-t-elle à l'intention de sa coéquipière. Tu préfères ouvrir la marche ? »

Lexus était prête. Quel que soit leur nombre, ils seraient tous arrêté. Si elles se montraient rapides et précises, il n'y aurait aucun problème. Il ne fallait simplement pas faire d'erreur et espérer que la résistance ne soit pas trop lourde.

En attendant que Lexus se ramène dans le coin, je déplace un peu mon bonhomme afin qu'il ne reste pas en travers de la route. La dernière chose dont on a besoin, c'est de se viander sur un corps qui traîne en cas de repli précipité. Tudieu qu'il est lourd, le tas de muscle ! Moi qui pensais, en bonne âme, le laisser dans une position plus confortable, je me contente finalement de juste le bouger le strict minimum afin qu'il ne représente plus un obstacle potentiel. Ma donzelle arrive peu de temps après, alors que je suis en train d'observer l'intérieur du bâtiment. Heureusement, ça a pas l'air de donner dans la grande pièce principale, mais la lueur diffuse et quelques éclats de voix dont j'arrive pas à discerner le sens m'indiquent tout de même qu'on doit pas en être bien loin. « Et comment ! » Je m'exclame à mi-voix devant sa proposition de partir en avant. Ça ne se refuse pas, de jouer le rôle de chair à canon ! « Allez on bouge, j'ai hâte de voir à quoi ressemble la réunion Tupperware. »
Sur ces bonnes paroles, j'entrouvre la porte juste ce qu'il faut pour qu'on puisse s'y glisser et attend qu'elle soit passée à ma suite pour la refermer. Les portes qui claquent en pleine mission ninja, c'est pas le summum de la discrétion. Et puis comme elle s'ouvre vers l'extérieur, ça nous ralentira pas si jamais on a besoin de ressortir par là.
Dans la semi-obscurité qui nous entoure, j'attends que mes yeux finissent de s'habituer à la luminosité moindre avant de me remettre en mouvement. Nous sommes dans une pièce qui ressemble à un petit bureau poussiéreux. La seconde porte donne sur un couloir qui, quant à lui, aboutit clairement sur la salle du meeting. Je fais signe à Lexus de m'attendre là et rase les murs jusqu'à l'ouverture, balance un coup d'œil aussi discret que possible, et reviens rapidement sur mes pas. « Ils sont six, et armés » j'annonce dans un murmure. « On peut en descendre d'abord un ou deux, ça sèmera un vent de panique sur le reste. Et puis c'est toujours plus sympa de s'annoncer en fanfare ! » Le sourire sur mes lèvres fait montre du peu d'égard que j'ai pour la vie de ces crapules. Déformation professionnelle j'imagine. « Le mec qu'on entend parler là, c'est Beringer, on a un dossier sur lui donc je pense que les boss seront content de s'le faire si on le ramène en vie. Les autres, leur tête me revient pas donc on verra s'ils sont sages ou pas. »

Lexus fut presque surprise face à l'entrain de sa coéquipière pour se mette en danger en passant devant. Mais dans un sens, elle ne devait pas être très surprise. Axelle semblait être une tête brûlée, à foncer tête baisser et sûrement à chercher le danger, comme un enfant jouant avec le feu. Son comportement confirmait ces dires. Elle lui ressemblait un peu en fait, impulsive et imprévisible. Sauf que pour Lexus cela se voyait beaucoup moins, caché derrière son masque de sérieux et de concentration.

La remarque de sa camarade la fit sourire. Elle ne manquait pas d'humour non plus ! Elle l'observa s'enfoncer dans l'obscurité du couloir, jetant des coups d’œil derrière elle afin de voir si d'autres trafiquants traînaient dans le coin ou non. On n'était jamais trop prudent. Son regard ce porta sur l'homme qui était étendu au sol à quelques mètres d'elle. Il avait des vêtements un peu sales ainsi que des cheveux noirs désordonnés et gras. Pendant un instant, elle imagina la vie de ce jeune homme qui ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Comment ce type en était arrivé à là ? Comment pouvait-on tomber aussi bas ? Lexus savait qu'avec son mental elle ne pourrait jamais flancher, tomber du mauvais côté mais dans le monde dans lequel ils vivaient à présent, il était facile de succomber à ce genre de choses. Ça paraissait sans doute plus simple. Même après avoir côtoyer des centaines de criminels elle ne comprenait toujours pas cet univers. Finalement, elle haussa les épaules. Tant pis, au moins elle était sur le bon chemin.

Elle reporta son attention sur sa collègue qui revint vers elle pour lui donner des informations. Vu ce qu'elle lui disait, ça ne s'annonçait pas simple. Elles allaient devoir prendre certains risques. Néanmoins, certains propos de s coéquipière l’interpella. « Les descendre » ? « Ramener en vie » ? Merde, visiblement elles n'avaient pas le même mode de fonctionnement. Lors de ses missions, l'ancienne blonde prenait toujours soin de faire en sorte que ses ennemis sorte de leur affrontement en vie. Et jusqu'à maintenant, elle avait toujours réussit. Avec leurs armes non-létale à air comprimé c'était assez facile d'éviter la morte de qui que ce soit. Mais apparemment, cela n'entrait pas dans la ligne de compte de l'autre Eraser. Les sourcils froncés, elle observait cette dernière comme si elle venait de commettre un pêcher capital.

« - Je pense que neutraliser serait plus approprié corrigea-t-elle. On pourra facilement les blesser de sorte à ce qu'ils ne puissent pas s'en prendre à nous dans les minutes qui suivent mais on va éviter les bains de sang. Si jamais le trafic est plus grand, ils nous seront utile pour démasquer leurs copains. »

Un premier désaccord, cela n'était pas forcément bon pour le bon déroulement de la mission. Elle espérait juste que sa coéquipière n'en fasse pas qu'à sa tête.

« - Autrement le plan me va. Enfin, si on peut appeler ça un plan s'amusa-t-elle devant la simplicité de leurs futures actions, qui se résumait à foncer dans le tas Je te laisse te charger de Beringer. »

Sans plus attendre, elle se faufila à son tour dans le couloir sombre, laissant la porte se refermer doucement derrière elle. De façon à ne pas alerter les trafiquants, elle préféra garder sa lampe éteinte. De toute manière, il y avait de la lumière dans la pièce du fond où se trouvaient les malfrats.

La pièce n'était pas vraiment très grande mais heureusement, il y avait des caisses en bois un peu partout qui permettrait de se mettre à couvert. Trois personnes étaient au centre de la pièce à discuter, visiblement, tandis que les autres faisaient des rondes. Furtivement, Lexus se glissa derrière une des caisses, à quelques mètres de l'entrée. Elle se concentra sur un type dans le coin gauche de la pièce. Ce serait sa première cible.

Jetant un regard à sa camarade, elle attendit son signal pour pouvoir commencer les hostilités. Son arme à la main, elle était calme aux premiers abords mais son cœur, à cause de l'adrénaline, battait la chamade. Elle n'avait qu'un hâte : pouvoir se plonger dans le feu de l'action.

Neutraliser ? Je hausse les épaules avec indifférence, pour moi c'est du pareil au même. Tant que les gus me font pas chier et qu'ils se laissent faire bien gentiment, ça me va aussi bien de faire comme Lexus demande. J'suis tout de même pas une meurtrière assoiffée de sang, c'est juste l'expérience qui m'a appris qu'on a souvent pas des masses de choix quand il s'agit de réagir vite face à un mec qui fait deux fois ta taille et ta masse musculaire. On a beau être surentraînés dans la milice, être une femme est loin de ne procurer qu'avantages face aux confrères masculins. Alors à trop prendre l'habitude de ne pas se faire taper sur les doigts à chaque bavure, les mauvais réflexes finissent par s'installer bon gré mal gré.

J'acquiesce dans un hochement de tête aux propos de ma coéquipière. Pas de souci pour Beringer, il va voir de quel bois je me chauffe le bonhomme ! Avec milles précautions, je retire mon pistolet de son holster et amorce l'arme : autant le faire maintenant tant qu'on est hors portée d'oreille plutôt qu'une fois dans la salle, où le moindre petit clic fera l'effet d'une détonation. Puis je m'engage à la suite de Lexus et part à l'opposée d'elle, prenant bien garde à privilégier les zones d'ombres pour me déplacer. S'il y a bien un avantage à se retrouver dans un vieil entrepôt comme celui-là, c'est bien les caisses abandonnées dans tous les sens ! Pas de quoi relâcher sa vigilance néanmoins, car les trois dudes qui font la ronde n'ont pas l'air aussi endormi que ceux de tout à l'heure qui poireautaient dans le froid. A l'instant où l'une d'entre nous se fera repérer, l'alarme sera donnée et Beringer sera protégé par ses chiens de garde et mis hors de notre portée. L'évidence s'impose alors, c'est lui qu'il faut mettre hors d'état de nuire le premier afin qu'il ne puisse pas être évacué aussi facilement que s'il était capable de tenir sur ses jambes.

Bien retranchée derrière une rangée de caissons en bois, je cherche du regard Lexus et lui fait signe de ne pas bouger. Avec un luxe de précautions, je mets en joue le directeur évident des opérations illicites de ce soir, pestant intérieurement contre un de ses interlocuteurs qui me gêne la vue. S'il pouvait seulement faire un pas de côté ! Mon sang bout dans mes veines dans l'impatience bridée par mon immobilité forcée et, tandis que j'attends l'ouverture adéquate pour tirer, j'entends des pas qui se rapprochent sur ma droite. Merde ! Un des larbins s'approche de ma position, je n'ai qu'une poignée de secondes devant moi avant d'être démasquée, et ce crétin qui ne se bouge toujours pas ! Mon doigt meurt de l'envie de presser la gâchette mais je me contiens à grand peine, attendant un moment adéquat qui n'a pas l'air de vouloir pointer le bout de sa trogne. Les secondes me paraissent aussi longues que des heures quand soudain la voix résonne, autoritaire. « HEY TOI ! » Je sais sans avoir besoin de me retourner que l'injonction m'est adressée, mais elle me fournit la diversion dont j'avais besoin. A l'instant où l'homme se fait entendre, celui qui empiétait sur mon champ de tir sursaute et s'écarte de ma cible en se retournant. Je tire, l'arme à air comprimé fait son affaire, Beringer s'effondre au sol, assommé.
Et je sens une poigne m'agripper fermement par le col de mon uniforme et me soulever à moitié de là où je m'étais accroupie. A l'aveugle, je balance un grand coup de coude vers l'arrière et heurte quelque chose de mou, un juron retentissent fait suite tandis que le mec me lâche et que je m'écrase au sol sans douceur. That's it, les choses sérieuses commencent ! Je pense et j'espère que Lexus s'est mise en mouvement au moment où j'ai été découverte mais je ne me retourne pas vers elle pour vérifier : d'abord parce que je ne souhaite pas trahir sa position si elle est encore camouflée, ensuite parce que j'ai d'autres chats à fouetter à l'heure actuelle. Enfin un seul pour l'instant, mais vu sa dégaine j'ai pas besoin de plus. Let the fun begin !

Observant sa coéquipière qui lui intimait de ne pas bouger, elle arriva rapidement à la conclusion qu'elle souhaitait précisément en neutraliser un. Sans doute le Beringer dont elle lui avait parlé. S'il y a un dossier sur lui, ce n'est pas par hasard, cela voulait dire que c'était un individu dangereux. Malheureusement, elle semblait gênée dans son entreprise, sans doute un des types qui lui gâchait la vue. Avec la légère obscurité, elle ne voyait pas totalement ce qui se passait de son côté mais d'après les formes qui se mouvaient, un des homme armé semblait s'approcher dangereusement d'elle. Si Lexus ne réfléchissait pas un minimum, elle se serait levée pour éviter des désagréments à sa camarade mais ce serait du suicide. En faisant ça elle ne ferait que révéler sa présence aux trafiquants.

De ce fait, elle se concentra sur son côté, reportant son attention sur le gars dans le coin gauche. Elle leva son arme au niveau de son visage pour viser l'homme qui faisait les cents pas. Dans ces moments là, elle avait l'impression que tout ses sens étaient décuplés : elle entendait ses dents et ses genoux grincer, son souffle et ses battements de cœur, les mouvements de chaque hommes présents dans la pièce, les bruits de tissus, de chaussures raclant le béton. Et c'est là qu'elle entendit l'homme qui s'adressait à Axelle, suivit d'un coup de feu qui mit à terre le supposé Beringer. Tous les hommes se tournèrent vers le source du bruit et Lexus en profita pour assommer sa cible à l'aide d'une balle. Rapidement, elle pivota pour se concentrer sur un type qui était au centre de la pièce et tira mais malheureusement, la balle n'atteignit pas sa cible qui partir se réfugier derrière une caisse.

L'Eraser prit quelques secondes pour analyser la situation : sa collègue était en prise avec un des hommes tandis que trois autres s'étaient planqués. Un sur les côtés et les deux autres vers le centre si elle ne se trompait pas. C'était l'heure de la partie de cache-cache.

Habilement elle quitta sa cachette pour en rejoindre une autre. Elle se dit que sa coéquipière réussirait à maîtriser le gars, elle avait l'air assez forte. Si besoin est, elle viendrait la soutenir. Mais en attendant, elle se devait d'en neutraliser le plus possible. Essayant de repérer la position des trois restants, elle se concentra sur son ouïe tout en progressant entre les caisses. C'était assez risqué, il suffirait qu'un type la surprenne pour qu'elle se retrouve dans les vapes. Elle espérait que ces hommes ne soient pas vraiment intelligents en fait. D'ailleurs, il y en avait un pas loin, derrière une des caisses. Elle l'entendait souffler comme un bœuf. Se faufilant sur le côté pour le prendre à revers, dés qu'il fut dans son champ de vision elle lui asséna un coup de poing sur la tempe, le faisant tomber sur le côté. Bien que surpris et légèrement sonné, il se redressa rapidement et elle pu voir sa carrure qui faisait le double de la sienne. A présent sur ses deux jambes tandis et plus en mode grenouille, elle faisait une cible parfaitement pour les autres trafiquants planqués. C'est pourquoi elle se recula le plus possible pour être dans un coin sombre, de façon à être la moins repérable possible. L'homme fonça sur elle afin de lui donner plusieurs coups qu'elle tenta tant bien que mal d'éviter. Tout en muscle, il était tout de même rapide et ses coups de poing semblaient lui arracher la mâchoire. Mais cela ne l'empêchait en rien de répliquer. Profitant d'une ouverture, elle lui donna un coup de pied dans le genou, lui faisant perdre l'équilibre, et écrasa son poing dans sa côte. Le souffle coupé, le gars grogna, visiblement mécontent. Lexus aurait bien voulu savourer ce spectacle mais elle devait pas lui laisser le temps de se reprendre. Ainsi, elle continua de le frapper jusqu'à ce qu'il tombe à terre. Alors qu'elle s'apprêtait à l'assommer à l'aide de son arme, elle sentit un projectile la frôler de près. De trop près. Une balle. Merde, un des types l'avait prise pour cible.

Immédiatement, elle s’accroupit et s'éloigna de son adversaire afin de se planquer derrière une des caisses. Elle tenta de chercher Axelle du regard mais elle fut rapidement mise à terre par le gars qu'elle venait de tabassé. Il lui lançait un regard fou, prêt à lui arracher la tête. Merde, c'était un vrai costaud celui-là, elle s'imaginait qu'il resterait au sol pendant de courtes minutes, certes, mais ce serait suffisant pour elle. Au lieu de ça il lui a fallut quelques secondes. Il lui avait coincé les jambes mais il lui restait toujours sa tête. Alors, bêtement, elle fracassa son front contre le sien, le faisant rouler sur le côté dans un râle de douleur. Oui, ce n'était pas le chose plus intelligente à faire puisqu'elle se trouvait avec une douleur affreuse également mais mieux valait une grosse bosse que perdre la vie. C'est donc en grimaçant qu'elle pointa son arme sur lui afin de lui tirer une balle, le faisant perdre connaissance, enfin. Adossée à la caisse, elle tenta de calmer le rythme effréné de son cœur, une main sur son front. Bordel, ça lui faisait super mal, elle voyait presque flou tout autour. Elle avait également la lèvre en sang et sa mâchoire qui l'élançait. Deux minutes de repos et elle replongerait dans le feu de l'action. Deux minutes c'était très peu mais suffisant.

La vision toujours floue avec un crâne qui lui faisait un mal de chien, Lexus reprenait son souffle. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, signe qu'elle était toujours belle et bien en vie. L'adrénaline qui circulait dans son sang aiguisait tous ses sens, à tel point qu'elle pouvait entendre les sons les plus infimes autour d'elle. A ses pieds se trouvait le corps de l'autre fou, qui avait tenté de mettre fin à ses jours. Elle voyait son dos se soulever à un rythme régulier et ses visage écrasé sur le sol froid et morne de l’entrepôt. Instinctivement, elle porta sa main à son front mais lorsqu'elle toucha la bosse qui commençait à s'y former, des décharges de douleurs la firent sursauter et elle grimaça. Merde, c'était peut-être pas une si bonne idée. D'autant plus que maintenant, elle allait devoir s'occuper du gars qui l'avait repéré. Il attendait sans doute à quelques mètres qu'elle se redresse pour lui asséner le coup fatal. Une seule balle et elle pouvait mourir. Une seule balle et tout pouvait s'arrêter. Elle déglutit.

Regardant autour d'elle, elle réfléchit à la stratégie à adopter. Inutile de tenter une attaque de front, elle avait de grande chance d'y laisser sa peau. Les armes à feu, elle n'était pas particulièrement à l'aise avec. Ce serait plus le corps à corps. Elle devait jouer sur son agilité. De nouveau évoluer jusqu'à atteindre sa cible ? Ça pouvait marcher. Les chances de se faire tuer n'étaient pas nulles, évidemment mais, mais ça faisait partie du boulot. Si elle ne risquait pas un minimum sa vie, ça ne servirait strictement à rien. C'était ça protéger les autres. Tenter de rendre le monde meilleur. Il y avait toujours des bruits de lutte du côté d'Axelle. Si elle ne se trompait pas, elle en avait neutralisé un. Ça en faisait donc trois K.O. Plus que trois.

Alors qu'elle s'élançait enfin entre les caisses, restant le plus possible à l'abri tout en regardant partout autour d'elle, un cri rapidement étouffé se fit entendre, venant de sa gauche. Qu'est-ce que c'était ? Un autre trafiquant qui venait de tomber ? Non... Non. C'était des intonations plus... Féminines. Axelle ? Refrénant les craintes qui commençaient à affluer, Lexus ne s'arrêta pas. Elle localisa rapidement son adversaire à l'aide de son ouïe et, comme pour le précédent, le prit par surprise. Arrivant sur son flanc droit avec une vitesse certaine, sa paume se retrouva contre son crâne avant d'y mettre toute sa force et de lui fracasser contre le sol. L'homme laissa échapper un cri de douleur et l'Eraser en profita pour écraser son genoux à l'aide de son pied, fracturant ainsi l'os dans un craquement qui la fit frissonner. Au lieu de se recroqueviller sous la douleur, il réussit à se hisser à l'aide de ses deux bras et de sa jambe valide pour tirer la jeune femme vers lui et lui écraser son poing dans la figure. Elle tomba au sol, lâchant un râle de douleur mais revint rapidement à la charge en assénant un coup de coude au visage de son ennemi, qui rechuta sur le sol, cette fois-ci trop faible pour se relever. La pointe des pieds de Lexus rencontrèrent les côtes du gars dans un coup puissant, lui coupant le souffle et lui faisant cracher l'air qu'il avait dans ses poumons. Elle était prête à lui redonner autant de coups qu'il voulait. S'il continuait à s'obstiner, elle était prête à lui briser tous les os de son corps, à le défigurer à vie et à le laisser aux frontières de la mort. Oui, pendant quelques secondes, elle s'était imaginée s'acharner sur ce type, qui était prêt à tout pour la tuer. Pour survivre. Et tout ça pour quoi ? Un paquet de drogue ? Une liasse de billet ? Et elle alors, qui se laissait emporter trop facilement par ses émotions. Qui rêvait de rendre le monde meilleur non pas avec la haine ni dans le sang. Qu'est-ce qu'elle s'apprêtait à faire là ? Torturer un type avec une vie de merde. Et c'était comme ça qu'elle comptait changer les choses ? Merde, Lexus, reprend-toi !

Et alors que son regard quittait l'homme à terre, elle remarqua un autre type dans le fond de la salle, debout, la tête tournée vers elle. Il tenait une pistolet dans sa main droite mais étrangement, il ne pointait pas son arme sur elle. Il aurait pu la tuer, là, tout de suite, alors qu'elle s'efforçait de quitter sa folie. Mais non, il ne faisait que la fixer d'un regard vide, sans émotion. Et Axelle ? Où était-elle ? L'endroit était devenu soudainement silencieux. Pourtant un autre gars devait se cacher quelque part, à moins qu'il se soit enfuit.

L'homme se mit alors en mouvement, laissant tomber son arme. De son côté, la jeune femme pointa la sienne sur lui, les sourcils froncés, lui intimant par ce geste de ne pas faire un pas de plus. Et c'est là qu'il sourit. Un sourire à vous en faire froid dans le dos.

« - Tu penses vraiment avoir une chance contre moi ? chuchota-t-il assez fort pour qu'elle puisse l'entendre. Tu penses vraiment que je te crains ? Pauvre fille... Tu devrais pourtant savoir qu'il faut se méfier de n'importe qui. »

Sa voix était à glacé le sang. L'Eraser glissa une deuxième main sur son arme afin de ne pas trembler. Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Pourquoi était-il si confiant ? Avait-il une bombe sur lui ? A moins que... Oui, c'était sans doute ça. Ce gars était un Evolve. Que pouvait-il faire ? La tuer d'un simple regard ? La faire flamber ? Il y avait tant de possibilités, c'était impossible de savoir. Tout ce qu'elle savait c'était que cet homme était dangereux. Il continua d'avancer vers elle, son sourire toujours au visage.

« - Ta copine là, elle m'a sous-estimé continua-t-il. Elle pensait que j'étais une merde comme tous les autres. Que j'avais besoin d'un joujou pour me défendre. Grave erreur de sa part, elle a finit par grillée. C'est dingue n'est-ce pas ? De voir comment je peux arracher la vie avec un simple toucher. Ça te fascine par toi ? Et attend, le mieux dans tout ça c'est les effets secondaires. Eux c'est les meilleurs. »

Il aurait presque pu rire à sa remarque. Elle voyait ses traits se plier au niveau de ses yeux.

« - Et y a ceux qui disent que c'est un don. T'y crois toi ? Tuer n'importe qui, n'importe quand, tu crois vraiment que c'est Dieu qui nous l'a donné ? Il doit être bien fou le pauvre gars. De toute façon j'en ai marre. »

Il s'était planté juste devant elle, sa respiration venait chatouiller son visage. Son torse s'appuya contre le canon de son arme et elle pouvait sentir les vibrations de son cœur contre ce dernier. Elle n'osait même plus respirer, tout se bousculait dans sa tête.

« - On devait juste faire un échange, récupérer notre fric et se barrer cracha-t-il avec une animosité soudaine. Continuer à vivre nos misérables vies mais vous avez foutu la merde. Si ça avait pas été vous, ça aurait été quelqu'un d'autre. Mais puisqu'on est seuls à présent, que l'autre couille molle s'est tiré après avoir pissé dans son froc, j'vais te demander un service : tue-moi. »

Son cœur manqua à battement alors que son estomac se serrait affreusement.

« - Tu sais rien et tu sauras sans doute jamais rien. Y a un type là-haut qui attends qu'une chose, qu'on s’entre-tue les uns les autres. J'en envie de lui faire plaisir alors prend ton putain de couteau et fais ce que t'as à faire. »

C'était quoi ce bordel ? Elles devaient juste s'occuper d'une bande trafiquants. Des petites frappes comparées à d'autres. Des types voulaient à tout prix sauver leur peau, pas l'inverse. Mais voilà qu'elle se retrouvait en face de lui et qu'il lui offrait sa mort. Mais elle comprenait. Il avait suffisamment parlé pour qu'elle saisisse le problème. Il ne supportait plus sa condition. D'abord fugitif essayant de fuir un gouvernement méfiant et loin d'être tendre, voilà qu'il se retrouvait en plus maudit pour une faculté qu'il n'avait pas demandé. Qui sait, il allait peut-être mourir dans quelques jours en agonisant. Ou alors il finirait par se faire torturer. A Madison, tout était possible, et rien n'était loin d'être rose. Et pourtant on donnerait presque l'impression d'une ville paisible et calme, en dehors de cet immense mur qui se dressait autour.

Son arme tomba dans un cliquetis métallique et sa main vint chercher  la lame qui attendait sagement dans son fourreau. Pendant un court instant, elle y vit son reflet, mélange de terreur et de douceur. Et avant même qu'elle n'ait pu se dire quoique ce soit, le sang commença à tomber par gouttes sur le béton. Elle retira la lame d'un coup sec, ne voulait pas faire souffrir encore plus l'homme qui, juste avant de s'effondrer, lui lâcha un merci presque inaudible. A présent, il n'était plus que son meurtre.

La bouche pâteuse, elle sentit la nausée arrivée, accompagnée d'un sentiment de malaise. Il y avait cette odeur de rouille et de chaire brûlée qui lui tordait l'estomac. Qu'est-ce qu'elle allait faire maintenant ? Tout ce en quoi elle croyait venait de s'effondrer comme un simple château de carte. Les Evolves à protéger, était-ce toujours d'actualité ? Sa détermination de changer les choses sans verser une goutte de sang, était-ce encore possible ? Raisonner les gens à coups de paroles afin qu'ils cessent de se méfier les unes des autres, était-ce réalisable dans cette ville ? Elle devrait être une héroïne mais à présent, elle ne savait plus rien. Ces choses là, étaient-elles sous son nez depuis le début mais avait-elle été trop aveugle pour les voir ? Aucune de ses missions n'avaient pris une telle tournure. C'était réussite sur réussite, malgré les imprévus. Et là, qu'en était-il ? Axelle était morte, électrocutée par ce type. Beringer gisait au sol, inconscient, tandis qu'un autre devait endosser sa douleur. Et à ses pieds il y avait ce cadavre encore chaud qui lui avait voué toute sa reconnaissance pour lui avoir fait quitté ce monde. Pouvait-il appeler ça une réussite ? Non, certainement pas.

Elle fit quelques pas en arrière et se détourna du cadavre, pour finalement s'accroupir. Utilisant son bracelet, elle informa son supérieur dans un message très bref que les trafiquants pouvaient être récupérés. Elle ne mentionna pas Axelle. Elle n'avait même pas eu l'occasion de la connaître. Elle était partie aussi vite qu'elle n'était arrivée. C'était donc comme ça que ça se passait à Madison ? Les morts allaient et venaient dans l'ignorance ? Et ses supérieurs dans tout ça ? Personne n'était donc au courant qu'un Evolve se cachait dans les rangs ennemis ? Cherchaient-ils simplement à les envoyer en pâture, espérant qu'ils feront le sale boulot quitte à y laisser un bras ? Décidément, elle ne savait plus à qui se fier, même en ce qui la concernait. Mais elle devait rester forte, n'est-ce pas ? Ne pas sombrer. Continuer à avancer vers son but. Autrement, elle allait mourir. Mourir en ayant rien accompli. Mourir comme un pantin. Mourir comme n'importe qui.