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Amère inconstance [PV Phear I. Rothgrüber] [Terminé]
wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



19.09.15 1:26
Le bruit de l’humidité contenue dans ses cheveux, ruisselant et dégoulinant jusqu’à l’extrémité de ses mèches, pour venir s’écraser en grosses gouttes, crevant ainsi la surface de l’eau pour se mêler à celle-ci, troublait le silence de la salle de bain à intervalles réguliers. Enfoncé dans la baignoire, avec le niveau de l’eau lui arrivant tout juste en dessous du nez, le garçon ne remuait pas même un cil. Son esprit s’était égaré au milieu de lointaines réflexions, ces pensées qui imposent au cerveau de retourner tous les éléments d’une situation, espérant la voir sous un angle complètement différent afin que l’être humain fut à même à dénicher l’erreur qui avait tout fait basculé. Une seconde de trop. Le grain de sable dans la machine du quotidien. Les minutes avaient succédé aux secondes, si bien que l’eau du bain, auparavant chaude et destinée à apaiser les diverses tensions qui se nichaient un peu partout dans le corps du jeune baigneur, avait vu sa température baisser au gré des minutes qui s’écoulaient sans cesse, les unes après les autres. De chaude, elle passait à tiède. Pas encore froide au point d’en devenir désagréable cependant. Le corps du garçon n’en ressentait pas le changement de température progressif pour le moment, si bien qu’il demeurait immobile. Un œil extérieur, en avisant son regard vide et sa position figée, aurait pu croire à un suicide, les poignets tailladés laissant voir les veines à vif, en moins. Soudain, Sulkan s’ébranla. Comme tiré de sa torpeur par quelque force invisible et imaginaire, sans doute un sursaut de conscience, il s’ébroua. Son esprit regagna le monde réel et sa première décision fut d’immerger complètement le corps de son propriétaire, si bien que le jeune hackeur s’autorisa une petite séance en apnée. Et en souvenirs.

Quelques heures plus tôt…

Passer des journées entières sur le ventre, en se levant uniquement pour aller aux toilettes ou bien se traîner jusqu’à la porte d’entrée pour ouvrir au livreur de pizzas – ou tout autre type de plats préparés d’ailleurs – n’avait pas amélioré l’état de son dos autant que le principal intéressé l’aurait souhaité. Le baume s’était révélé d’une aide précieuse, accélérant la cicatrisation, surtout appliqué à deux reprises en peu de temps par des mains expertes mais étalées sur plusieurs semaines, ses effets bénéfiques – voire miraculeux – avaient un peu perdu en intensité. Bien malgré lui et à reculons, le garçon se résolut à prendre la direction de l’hôpital. La gaité de cœur ne résidait pas en cette décision. La simple vue du haut bâtiment lui donnait des sueurs froides mais il devait prendre sur lui et espérer pouvoir porter autre chose que des T-shirts menaçants de se déchirer en deux, tellement ils étaient fins. Passé son malaise et une bonne dizaine de questions pour le moins embarrassantes pour comprendre comment il avait pu être victime de telles brûlures dans le dos, Sulkan subit un examen approfondi, lequel déboucha naturellement sur la prescription de pommades à appliquer plusieurs fois par jour. Une infirmière eut la bonté infinie de lui bander son dos, épargnant ainsi au jeune hackeur cette tâche ingrate et surtout, la douleur d’avoir à le faire soi-même, compte tenu de l’angle difficile et de la mauvaise maîtrise de sa force.

Son quotidien se résuma à ça pendant les jours qui suivirent, même si le garçon dut renouveler sa visite afin que l’on puisse suivre l’amélioration de son état. Vers la fin, seules quelques traces témoignaient encore de la violence de l’explosion, rien de plus. Sulkan se réjouissait par avance du caractère bref de cette ultime visite, compte tenu des nets progrès de sa cicatrisation. C’était sans compter sur le professionnalisme du corps médical. On demanda à lui faire une prise de sang, une banale petite prise de sang, dans le but de suivre l’évolution du gène susceptible de muter. Celui qui était capable de le faire passer d’humain à moins que ça : Evolve. Dans un premier temps, le jeune hackeur ne s’alarma pas. Ce contrôle sanguin, il s’y était habitué. Davantage que ça, c’était son environnement qui l’angoissait. Paradoxalement. Cependant, le temps anormalement long que mettait l’infirmière pour lui communiquer ses résultats, avec son sourire habituel accompagné de ces mots « Tout est en ordre Monsieur. » telle une représentante des forces de l’ordre reconvertie, fit grimper son angoisse d’un cran, prête à la transformer en panique. Autant pour s’occuper l’esprit et les doigts en pensant à autre chose que tous ces murs blancs qui l’entouraient, le garçon se mit à pianoter sur son bracelet. Il ne fut pas long à pirater le système regroupant les analyses sanguines de l’établissement, plus particulièrement leurs résultats.

D’abord le déni, le sentiment d’avoir mal lu ou de s’être trompé de nom. Puis l’incompréhension, le besoin de rejeter la faute sur quelqu’un, un membre du corps médical par définition, même la femme de ménage s’il le fallait. Pour l’anéantissement. Un poids terrible qui venait s’écraser sur les épaules, obligeant soudain tout le haut du corps à se courber en même temps que le monde s’écroulait tout autour. Positif ? Comment ce putain de test pouvait l’être ?! Il n’était pas un Evolve mais un humain bordel de merde ! Rien d’autre ! Encore moins l’un de ces monstres, souris de laboratoires ! Un tremblement incontrôlable le prit de la tête aux pieds. Bientôt suivi par d’autres, dignes transmetteurs de la peur panique qui l’envahissait à vitesse grand v. Soudain, une seule explication, claire et limpide, justifiait ce temps d’attente : on s’organisait, non pas pour lui annoncer la nouvelle, mais pour sécuriser le périmètre en attendant la milice chargée de le neutraliser. Evolve oui, dangereux, pas encore. Dans le doute, nul ne voulait prendre de risque. Lui le premier. Toutes ces fois où il avait évité les Evolves dans cette optique-là lui revinrent brutalement en pleine figure.  Sulkan bondit sur ses pieds, manquant de justesse de faire crier la chaise sur le carrelage. Un son qui aurait pu alerter une éventuelle oreille indiscrète tendue dans sa direction. Il lui fallait faire vite et se tirer d’ici au plus vite, le temps que cette histoire soit tirée au clair ! Pas question de finir comme cobaye pucé ! Le jeune hackeur jeta sur la pièce un regard avide du moindre élément susceptible de l’aider à quitter l’hôpital sans être arrêté.

L’armoire lui fournit ce dont il avait besoin, en partie du moins : une blouse blanche, laquelle aurait pu le faire passer pour un certain Docteur Scoethe, la tignasse verdoyante en moins sans aucun doute. En désespoir de cause, le garçon l’enfila aussitôt puis se dirigea vers l’unique porte de la pièce, essayant vainement de se constituer un plan solide. Mais alors qu’il jetait un coup d’œil prudent derrière la porte, la vue d’un groupe approchant dans sa direction au moyen de bruits de pas précipités dans le couloir le contraignit à la diversion. Quand deux miliciens, un médecin et un infirmier débarquèrent dans la pièce, la fenêtre du premier étage où ils se trouvaient était ouverte. Sulkan quant à lui, retenait sa respiration, retranché dans l’armoire. Si l’un d’entre eux, pour une bonne ou une mauvaise raison, se décidait à regarder à l’intérieur…

« Merde ! Il nous a filé entre les pattes ! Sécurisez immédiatement le périmètre, il ne peut pas être loin ! » beugla l’un des deux miliciens, probablement le chef à se permettre des ordres ainsi.

Aucune protestation – vaine ou justifiée – ne fut faite à l’encontre des nouvelles directives, d’autant plus qu’un flot incessant de reproches franchissait désormais les lèvres de l’homme qui venait de parler. En résumé, il accusait le personnel de l’hôpital de négligence mais en des termes moins courtois. Ce qui n’était, dans le fond, pas si éloigné de la réalité. Lorsqu’il jugea que ressortir de sa cachette improvisée ne constituait plus un danger immédiat, le jeune hackeur ne fut pas plus soulagé pour autant. Il ne faisait que retarder l’échéance et mettre en rogne ses futurs bourreaux à travers d’une partie de cache-cache ne lui paraissait pas être l’idée du siècle… Esprit de contradiction ou simplement rebelle, Sulkan décida d’aller jusqu’au bout de son idée de base : s’enfuir d’ici. La brève hésitation envolée, il déclencha l’alarme incendie. Le va-et-vient d’individus de toute taille, âge et sexe, submergea le barrage mis en place par les quelques miliciens envoyés sur place. Le fait d’avoir pris de vitesse ses adversaires permit au garçon d’en réchapper, de justesse. Peut-être que quelqu’un remarqua une tignasse verte dans la masse mais quoiqu’il en soit, l’intéressé ne fut pas arrêté en cours de route.

Parfaitement conscient que son logement ne tarderait pas à être perquisitionné, Sulkan rentra prudemment chez lui. Le temps de récupérer quelques affaires, détruire les preuves impossibles à déplacer et de mettre les voiles. Il devait se faire discret pendant quelques temps. Ce n’était pas la première fois, ni la dernière si tout s’arrangeait concernant cette malheureuse erreur de ligne. Quoi de mieux que le motel alors ? Le propriétaire de l’établissement eut la décence de ne faire aucune remarque concernant le teint un peu pâle de son interlocuteur – un drogué en manque n’aurait pas fait mieux et certainement que l’hypothèse vint à l’esprit de l’homme – ni à sa fébrilité mais dans le fond, les affaires qui amenaient ses clients jusqu’ici ne le regardait pas. Jetant son sac sur un coin du lit, sa première intention fut de se laver les cheveux. Ou plutôt, de faire disparaître cette couleur apparaissant soudain comme un peu trop voyante, dans le mauvais sens cette fois. Retrouver sa chevelure ébène dans le reflet du miroir acheva de le déprimer. Dire que le choix d’une telle coloration avait servi ses intérêts pour quitter la Russie et maintenant l’inverse était aussi vrai concernant Madison et plus largement, les Etats Unis ?

Retour au présent…

L’apnée se prolongeait, imperturbable. Pour un peu, le jeune hackeur songeait à ne jamais remonter à la surface. La mort semblait être un sort des plus enviables comparé à ce qui l’attendait si cette bande de scientifiques fous lui mettait la main dessus. D’abord il aurait cette épreuve de la puce, humiliation supplémentaire à celle de l’annonce de la mutation de son gène. Puis les études menées à son encontre pour déterminer quel était véritablement son pouvoir. Malheureusement pour les scientifiques, ça n’apparaissait nulle part sur le cobaye en question, contrairement à la liste des ingrédients sur un produit donné. Un bruit sourd le tira de ses pensées et Sulkan se redressa brusquement, soudain sur le qui-vive. Il avait l’air fin, surpris dans son bain mais son arme restait à proximité. Dissimulée sous une serviette. Le clapotis de l’eau dérangée dans sa torpeur s’estompa doucement, ne révélant rien d’autre qu’un silence des plus oppressants quand on savait que l’on vivait à quelques mètres d’autres individus, avec des murs pas plus épais qu’une dizaines de feuilles de papiers superposées. Le garçon se mordit la lèvre, conscient de la nervosité extrême qui l’habitait depuis peu. Ses nerfs ne se détendaient pas pour autant mais il replongea, espérant peut-être conserver encore un peu de la chaleur restant dans l’eau de la baignoire pour chasser ses idées noires. Il n’eut pas le temps de se replonger dans ses projets de suicide qu’une ombre se dessina soudain au-dessus de lui. Ouvrant grands les yeux malgré son environnement aquatique, le jeune hackeur aperçut distinctement une silhouette penchée sur lui. Il voulut se redresser mais une prise solide lui agrippa la tête avec force. L’instant d’après, il se retrouvait bloqué sous l’eau, luttant comme un pauvre diable pour espérer échapper à la noyade. Les minutes se décuplaient à la vitesse de l’éclair, la panique lui faisait ouvrir la bouche, avalant trop d’eau par mégarde. Il n’avait plus assez d’air ! Ses mains se refermaient vainement sur l’avant-bras de son agresseur, laissant la marque de leurs ongles dans la chair de ce dernier, alors que le contenu de la baignoire trouvait dans les poumons du garçon, un second récipient. Bientôt, sa vision ne fut plus qu’un mélange flou, que la surface de l’eau brouillait à peine. Il perdait conscience. La noyade était là.

Et pourtant, l’inconscience ne dura pas. Lorsqu’il aperçut le plafond ainsi qu’un pan du mur en carrelage usé au-delà du voile que constituait la surface de l’eau, Sulkan crut halluciner. Il respirait normalement ? Sous l’eau ? Etait-il mort ? Alors pourquoi les questions s’enchaînaient-elles dans son esprit ? N’était-il pas censé se voir lui-même dans la baignoire si son âme ou quelque chose de similaire quittait son corps pour rejoindre un endroit meilleur ? Quand le constat devint certitude, le garçon creva la surface de l’eau à grands renforts d’éclaboussures et de tentatives pour reprendre son souffle. Contrairement à ce qu’il aurait pensé, l’air ne parvint pas immédiatement dans ses poumons. Pire, il eut la sensation de suffoquer de nouveau. Pour l’avoir expérimenté brutalement il y a peu, l’impression n’en était que plus amère. Le jeune hackeur parvint à se traîner hors de la baignoire, tant bien que de mal. Son arme. Il lui fallait son arme. Tout en s’aidant du rebord de la baignoire, il se remit debout, les jambes flageolantes. A tâtons, il dénicha la serviette puis la fit tomber, manquant de peu de perdre de vue son objectif par la même occasion. L’intérieur de sa tête bourdonnait, faute d’oxygène mais il crut percevoir des bruits de pas dans sa direction, ainsi que la voix d’une femme. Son agresseur ? La TV ? Ou bien les deux à la fois ? Sulkan ne chercha pas à savoir et mit en joue le nouveau venu au moment où ce dernier franchissait le seuil de la salle de bain, visiblement aussi secoué que sa victime de la savoir en vie. Le coup de feu partit. La détonation fit sursauter le garçon, lequel retrouva subitement l’usage normal de ses poumons. Le pistolet toujours braqué en direction du corps étendu sur le sol, il savourait de profondes goulées d’air, d’abord avec précipitation comme s’il craignait de renouer avec l’asphyxie puis plus lentement, à présent conscient que la situation redevenait normale de son côté. Sauf qu’il avait désormais un cadavre sur les bras. Dans un motel dont la moitié des clients avaient dû entendre le coup de feu. Et on ne pouvait pas compter sur la TV pour le couvrir. Ou peut-être que si ?

Le jeune hackeur ne voulut pas prendre ce risque et entreprit aussitôt de se préparer à partir. Si ce n’était pas la milice qui débarquerait prochainement, ce serait le propriétaire des lieux, furieux que l’un de ses clients dérange le reste de ses locataires… Enjambant le corps inanimé, le garçon rassembla ses affaires, y compris le vieux pistolet sans trop d’espoir de pouvoir le réutiliser par la suite étant donné son état et quitta la chambre du motel qu’il venait de louer pour trois fois rien… Finalement, il trouva son point de chute devant l’entrée du métro. Pesant le pour et le contre, Sulkan décida de troquer le temps capricieux contre la relative sécurité des rames de métro. Qui sait ? Si on venait à l’importuner, tant en raison de son âge que de son statut de SDF, l’arme suffirait à décourager les voleurs les plus couards. C’est ainsi qu’il se retrouva assis sur la banquette de la rame, regardant sans vraiment le voir, son reflet dans la vitre qui lui faisait face. Il avait une expression à faire peur, toujours avec ce regard complètement vide, le teint pâle en moins. Son estomac se nouait à la simple perspective qu’il était tout bonnement en train d’aggraver son cas, à fuir de la sorte en laissant un macchabé dans son sillage. Quel type innocent irait jusqu’à employer des moyens aussi extrême pour se défendre de tout crime ? C’était insensé… Y compris aux yeux de la loi… Il se sentait sur le point de craquer. Devait-il se présenter devant cette boutique désarticulée, tout comme la volonté de sa propriétaire ? S’il faisait ça, alors il toucherait vraiment le fond. Cette pensée lui arracha un pauvre sourire. Comme s’il avait le choix après tout ? Il ne lui restait plus qu’à descendre à la prochaine station.
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Phear I. Rothgrüber
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22.09.15 20:28

 

    The Hunting Party
Avril. Le fait est là : il fait beau. Le ciel est dégagé, pas un nuage ne parcour le vaste domaine d'un bleu tiède. Le vent est léger et une délicate chaleur se fait ressentir. Il est indiscutable que le soleil est au rendez-vous, avec ses doux rayons de soleils qui illuminent, depuis quelques heures déjà, la ville paisible de Madison. Peu à peu, elle sort de sa torpeur. Elle étire ses longs bras fins, ses jambes interminables. Se frotte les paupières, émet un bâillement discret, et finit par ouvrir ses grands yeux verts.
Avril. Les demoiselles allaient commencer à sortir leurs jupes légères aux imprimés fleuris. Elles allaient s'éveiller aux paisibles sons des moineaux qui chantaient le retour de l'été. Les bottes laissaient place aux bottines de mi-saison et aux élégants talons de couleurs chaleureuses. Les pulls de laines commençaient à rester dans les placards, là un un cardigan se posait merveilleusement bien sur un chemisier immaculé. Oui. Avril dans toute sa splendeur. Avec ses femmes élégantes et ses hommes fous. Ses bipèdes avides du moindre bout de peau apparent, les yeux rivés sur quelques  espaces indécents. Regardez celui-là qui matte la naissance d'une poitrine, et celui-ci qui ne se gêne pas pour dévorer goulument cette paire de fesses merveilleusement bien mises en valeur par ce jean délavé. Avril et son éveil estival. Madison et son effervescence.
C'était un jour rayonnant, ravissant, un jour à vous donner de la joie, du peps et de l'entrain pour aller bosser.


Sauf que. Pour ta pomme, soldat, c'était un jour de repos forcé. 24 heures de tranquillité. D'ennui infini. Pire que d'être contraint de laver les chiottes du bâtiment F. Eh ouais, c'est ça de finir trop vite ses missions.« Rothgrüber, demain, pas la peine de ramener ta carcasse. C'est repos pour toi. ». Sans état d'âme, ton commandant t'avais balancé cet ordre à la tronche, avec un air franchement malsain. Dans ses yeux, t'avais pu discerné sa satisfaction de te mettre au carreaux pour un jour. Le regard qu'il te lançait n'avais pas son égal. Il jouissait de voir ton cerveau se mettre en pause, analysant un ordre qu'il savait impossible pour toi d'accepter. Et pourtant. Un ordre reste un ordre. T'es fait pour obéir. Alors tu prends tes cliques et tes claques et tu dégages du hall de la caserne. On dirait un fantôme. A déambuler au rythme sourd des échos lents de ton cœur. Tu es... de Repos. Tu te demandes ce que ça veut concrètement dire. Faut que tu sortes ? Faut que tu restes ? Faut que tu fasses quoi ? Rentrant dans ton 9m², tu te regardes dans le petit miroir au dessus du lavabo. Plongé dans la prairie de tes yeux verts, c'est le No Man's Land dans ta cervelle. Comment tu vas occuper ta journée de demain ? 24 heures sans rien faire, c'est long. Ça va te faire chier. Tu va rôder comme un lion dans sa cage en attendant qu'on te donne un bout de viande à bouffer. En gros, l'Horreur. Oui, avec un grand H.
Et puis soudain, ça te reviens en mémoire. Demain, c'était le jour de livraison. Elle allait être rapidement débordée, dépassée, par la montagne de cartons qui allaient lui être amenés. Un sourire tendre te fend le visage. Tu venais de l'imaginer entourée de ces lourdes boîtes, telle Raspunzel dans sa tour de pierre en attendant son valeureux chevalier.
C'était décidé. Demain, t'allais au Salon pour une visite surprise.

Après une courte nuit, t'enfile ton plus beau treillis. T'y appose ton fidèle partenaire au creux de tes reins, y glisse ton marcel noir, y pose ta veste kaki.  Les rangers bien cirées, tes plaques à la vue de tous, t'es beau comme un camion. Un vrai coq en pâte. Une dernière vérification de ta gueule de tueur dans la glace, tu remets une mèche en place avant de partir vers le centre ville. T'as la tête plein de pensées pour Elle. T'imagines déjà sa petite tête de guimauve avec des yeux ronds comme des œufs au plat. Tu lui en faisais pas souvent des surprises comme ça. T'avais eu une sacré bonne idée hier, un élan d'intelligence comme tu sais peu les avoir. De loin, tu la vois à côté du livreur, dépassée par la taille immense des cartons. L'abruti était nouveau et s'en foutait royalement qu'elle galère pour ranger la marchandise de ses magasins. Le temps qu'elle vérifie, et qu'elle baisse son regard sur le bon de commande pour signer le reçu, tu t'étais adossé contre l'une des piles : « Hey gars. Tu peux pas mieux lui parler ? C'est la gérante. Pas la gamine des proprios ou la stagiaire. Puis la prochaine fois, t'évitera de faire des maisons de trois étages avec tes cartons. Tu seras mignon. ». Classe. Délicatesse. Diplomatie. Dans toute ta splendeur, tu venais de prendre part sur la scène. Acte II scène 5. Le type te regardait sans trop savoir quoi dire, tandis que ta pomme d'amour te fixait, abasourdie. Elle s'attendait à tout sauf à ça. Ton plan avait marché. En plus, t'avais tout eu ; le sac de bonbon avec un bonus de la boulangère. Cassé dans son élan, le pauvre gars s'en retournait à ses voyages, essayant tout bonnement de se remettre.
Tel le mâle Alpha moyen, tu lui rentre toutes ses boites à l'intérieur, les disposant là où elle te le dis, prêt à l'emploi. Si le temps radieux ravissait les habitants de Madison, rien qu'avec ta venue tu venais d'illuminer la journée de Lise. Belle comme un cœur, qu'elle est. Belle à croquer toute crue. Le travail achevé et de profonds regards de braise échangés, les clients commençaient déjà à faire sonner la clochette de la porte. Il fut un temps où ça te portait sur le système. Mais genre sérieux. Un temps où des spasmes ébranlaient ton corps ; tu voulais l'arracher et la ruiner. A peut près comme l'autre énergumène qui chantait à qui voulait l'entendre qu'il était l'homme le plus proche de ta belle rousse. Avant toi, le « Traitre », le « Soldat », le « Nullard », comme il se plaisait à te qualifier.
T'es mitigé quant à Avril. Les yeux rivés sur ta Poupée, t'es partagé entre cette adoration malsaine et masculine pour son corps. Son petit corps qui se trémousse autour des clients. Sa robe rose pâle à petites fleurs qui moule son anatomie à la perfection. Ses seins suivent le mouvement de ses bras, se levant et s'abaissant légèrement au grès de la hauteur à couper. Et ses fesses se balançant de droite à gauche nonchalamment.... C'est tellement exquis à regarder que tout le reste autour de toi avait disparu. Il n'y a que toi et Lise. Ta petite femme. Celle à qui tu ruines volontiers son mascara à chaque occasion possible. Et puis au fond de toi, y a ce besoin irrésistible d'abattre quiconque pose son regard sur son corps. Cette envie de glisser délicatement tes doigts dans l'orbite de ta victime afin d'en extraire le globe oculaire qui avait disséqué la moindre parcelle de tissus qui recouvre sa chair. Le cri de douleur, le sang chaud sur tes phalanges. Un délicieux moment. Oui. T'es partagé. Et au final, tu la laisses travailler tranquille en dissuadant tout bipède mâle d'imaginer autre chose qu'une douloureuse émasculation.

Mais, Litzy n'en finit pas de ses rendez-vous. Les femelles voulaient être la plus belle, rivalisant avec leurs voisines de fauteuil à qui aura meilleure allure en sortant de l'un des salons le plus prisé  de Madison. La gérante a beau être petite, elle n'en fait pas moins bien son travail. Mieux, elle le fait à merveille, redonnant du baume au cœur à tout être en manque de confiance. Elle a ce don là, ton sucre d'orge. Et t'en es pas peu fier. Et c'est ainsi que la matinée passa. Affalé sur le canapé d'un rouge clair du salon, t'as bu toutes ses paroles, tu t'es rendu aveugle de ses mouvements gracieux. Une activité peu cher, et terriblement charmante. D'autant plus que de voir son visage débordant de joie te met sans cesse du baume au cœur.
Sauf que ça, c'était avant.
Treize heures. Dix huit secondes. Tu poses ton coude sur l'accoudoir, tandis que ta tête vient se poser sur ton poing fermé. La chaleur de la pièce t'enveloppe, et te conforte dans l'hypnotique danse de ta petite chose fleurie. Treize heures. Vingt secondes. T'as une sensation bizarre sur le torse. On dirait qu'on t'envoie une décharge. Sourde. Légère. Elle se fraie un chemin à travers tes fringues, caresse ta peau délicatement. Ta main vient machinalement se poser sur la poche de ta veste ; c'est ton portable. Lascivement, tu décroches, sans même regarder l'écran. Faut dire que pas grand monde a ton numéro... A l'autre bout du fil, t'entend une voix rongée par la frustration et par l'empressement. « Rothgrüber. On a une urgence. Ramène tout de suite tes miches à la caserne. » T'arques un sourcil, pas franchement sûr d'avoir compris. « Hein ? ». Classe. Politesse. Virilité. « M'balance pas un « Hein » soldat ! S'tu magnes pas ton cul tout'suite, tu s'ras bon pour l'isolement ! T'as 15 putain de minutes pour ram'ner ta gueule ! ». Tu te redresses instantanément, presque à la limite du salut militaire. Ouais... Ton commandant était définitivement dans une fureur monstre... Et quand il avait tendance à dire quelque chose, il n'y allait pas de main morte. « Oui mon Commandant. ». Au moment où tu raccroches, y a le salon qui te dévisage. Faut dire qu'un grand dadet comme toi qui se lève d'un bond suite à un coup de téléphone, c'est pas habituel. En coup de vent, tu saisis le menton de Lise, lui murmure à l'oreille que tu dois partir pour la caserne et lui dépose un baiser sur le front. La laissant rouge d'embrassement et aux proies des nombreuses clientes curieuses, tu passes la porte du salon et fait le chemin inverse de ce matin. Au pas de course.

T'arrives à la caserne dans le temps imparti. C'est bien. T'es un bon soldat. Tu rejoins dans le bureau du commandant tes autres camarades. Vous êtes quatre pour une mission à haut risque. Faut redorer le blason des Erasers. Un Evolve s'est échappé de la surveillance de tes collègues, de l’hôpital. On sait pas trop son niveau de dangerosité. Par contre on sait qui c'est. Un mange merde de hackeur qui s'amuse à péter les système quand il en a envie. Le chef te regarde droit dans les yeux. « C'est une chasse, soldats. Le maximum syndical est qu'il respire. » Un sourire malsain fend ton visage. Une chasse. Le meilleur moment. Le meilleur ordre. Tu sens une bouffée d'adrénaline alors que vous vous dirigez tous ensemble vers l'armurerie de la caserne. Gilet pare-balles, taser, matraque, pistolet automatique, un grappin. Tu te rajoutes tout de même des genouillères et quelques grenades aveuglantes. Faudrait pas que le type ait ta peau. Oh. Wait. C'est toi qui allait avoir la sienne. Tu te mets à rire. C'est flippant. Hyper flippant. Tu te récupères deux regards en coin et un sourire compatissant. Bande de vermines. « Hey. Je vous parie mille dollars que j'vais le retrouver en premier. » Tu lâches un ricannement. « Qu'est-ce t'as, Rothgrüber ? Tu te crois malin ? » Il te bouscule. Tu ricannes encore en t'approchant de lui. Tu lui colles ta tronche au plus près, tes yeux à quelques centimètres des siens. « Prépare le blé. »
Et puis tu te barres en laissant ces merdeux.
Au fond de tes pupilles vertes, on peut y voir, ce grain de folie qui te va si bien.

Posté en haut d'un bâtiment, tu te remues les méninges. « Si j'étais une sous-race. Que-ce que je ferais. » Tu te mets à la place de ta Proie. Découverte, mise à nue, quelle serait la première chose qu'elle ferait. Certainement rentrer chez elle. Sauf que, se sachant traquée, elle n'y resterait probablement pas longtemps. Il était alors inutile de se rendre à son domicile. Pas même pour savoir comment elle vit. Les us et coutumes des rats, ça t’intéresses pas. Du moins pas pour ce cas-ci. Lors du briefing, on t'avais donné suffisamment d'éléments pour que tu cernes la personnalité de la gazelle. Paisiblement, tu te glisses dans la peau de l'être étrange aux cheveux verts... « Partir. Je me casserais d'ici. » Mais recherché... J'aurais pas beaucoup d'endroit où me planquer. Et me sentir en sécurité. A moins que je recherche le calme, et la proximité d'une voie rapide pour me tirer dans le cas où on me retrouve. » Un motel. Ce gueux était certainement dans un motel. Mais un truc bien dégueulasse, histoire qu'on ne lui cherche pas des noises, qu'on lui poses pas de questions, et que ce soit le dernier endroit où le trouver. Tu te cales alors sur ton téléphone et, un par un, t'appelles les motels situés dans tes contacts enregistrés. Un a un, tu vérifies les endroits où t'as déjà été ; c'est à dire à peu près tous les trucs les plus glauques de Madison. C'est alors qu'en pleine conversation avec un patron, t'entends un coup sourd. Aux oreilles du gérant, c'est une énième engueulade de couple, faudrait qu'il répare une énième porte. A tes oreilles, tu n'as pas de doutes : c'est un coup de feu. « Mettez-vous sur la fonction appareil photo de votre smartphone et prenez en photo le premier mec qui sortira d'une des chambres que vous avez loué dans les cinq dernières heures. J'arrive pour venir la récupérer. » Sur ce, tu raccroches et tu te met en route. Trente minutes plus tard, tu te retrouves avec deux photos, et les compares avec celle donné lors du briefing. Un rire sourd sort de ta gorge. « Hey, P., y s'croit malin le p'tio. Essayer de nous berner en changeant sa couleur de cheveux... Il nous prend pour tes cons ou quoi... Haha. En plus, il laisse un cadavre derrière lui. Quel gland. ». Ton pouce et ton index viennent trouver l'arrête de ton nez tandis qu'en fond y a le petit tas de graisse qui s'insurge d'avoir un mort encore tiède dans l'une de ses chambres. « Écoutez, j'ai autre chose à faire. Appelez la police, elle sera ravie de servir enfin à quelque chose. ». Et puis tu te casses. Passer inaperçu.... Dissimuler sa présence... Se cacher... Où est-ce qu'à Madison, on pouvait bien se planquer suffisamment bien pour se faire oublier de la société ? De la masse populaire ? Wait. Masse. Populaire. Un endroit qui réunie les deux. Et où l'on se fait oublier du monde... Tout en réfléchissant, tu marches, perdu dans les méandres de la Traque. Face à une vague d'air chaud et à quelques soupirs de mécontentement, tu lèves enfin la tête. « Subway ». Comment t'y a pas pensé plus tôt, putain... Lentement, tu descends les marches de la volée d'escaliers en direction du poste de contrôle du Metro. « Brigade Eraser. Je recherche un Evolve qui s'est échappé du centre médical. Il est hautement dangereux. Je veux voir les enregistrements de cette ligne sur ces vingt dernières minutes. ». « C'est insensé !!! Vous vous rendez compte du nombre de gens qui montent et qui descendent de cette rame ? ». « Si vous n'obtempérez pas, je vais être au regret de vous démettre de vos fonctions. A tous. Je suis votre supérieur. » Ils cèdent. Avec regret. En ces temps difficiles, faut nourrir la famille. Sur un petit écran, on te rembobine le film que t'as demandé. Et bingo. Tu vois entrer un amas de fringues, avec une tête dépourvue de tout espoir. « Où mène cette ligne. Quelle est la prochaine station ? ». Les informations en poches, tu prends l'accès de service, dégagé de toute cette foule en cols blanc et vestons grisâtres. Bien plus vite que tu ne l'aurais pensé, tu arrives à la station d'après ; le conducteur avait été mit au courant de la situation, et le train avait ralenti progressivement sa vitesse, sans que personne ne s'en rende compte.
Innocemment, tu vérifies qu'il est toujours dans la rame, et tu montes.
Nonchalamment, tu t'assois à côté de lui, croissant les bras sur ton torse.
Volontairement, tu gardes le silence.
« Tu la sens la pression, chaton ? »
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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26.09.15 23:01
Descendre ou ne pas descendre. Telle était la question. Ce n’était pas l’enthousiasme qui l’étouffait à l’idée de remettre les pieds dans cette drôle de boutique parfumée d’un millier d’odeurs différentes dont il aurait peiné à en reconnaître ne serait-ce qu’une petite dizaine. Dire qu’il avait pris la première rame sans réellement s’intéresser au nom du terminus. Allait-elle vers le centre-ville, le ramenant ainsi sur ses pas ? Un frisson l’agita nerveusement des pieds à la tête, si bien que son plus proche voisin lui jeta un regard en biais. Au prix d’un véritable effort, Sulkan parvint à se maîtriser, s’efforçant d’éloigner la moindre pensée qui pourrait causer un nouvel élan de panique. Inspirer profondément. Se détendre. Autant que possible. Se reprendre. Et récolter les informations dont il avait besoin. Levant paresseusement les yeux, le jeune hackeur observa l’hologramme représentant une succession de stations aux noms tous plus compliqués les uns que les autres. Celui de la prochaine s’inscrivit immédiatement dans son esprit. Aussitôt suivi d’une multitude d’images du lieu en question, de l’entrée de la bouche de métro jusqu’à l’arrêt de bus en face, en passant par la cabine de chiottes publiques qui ressemblait à un suppositoire géant quand on s’attardait dessus quelques secondes. Comme il l’avait redouté, la rame de métro lui refaisait revenir sur ses pas, vers les quartiers sûrs aux yeux d’une bonne partie de la population. Certainement plus les siens désormais. Son attention revint au moment présent et le garçon lista mentalement les stations suivantes, jusqu’à trouver celle où il devrait descendre. A cet endroit précis, il pourrait changer de rame, prenant ainsi la direction opposée pour atteindre les quartiers, disons, moins fréquentables mais tout de même desservis par le métro. C’était ce qu’il y avait de bien avec les transports en commun, nulle discrimination. Peu importait que les rames en partance pour les quartiers mal famés soient en plus mauvais état que les autres, ça décourageait les petits voyous de les taguer de plus belle. Oui sauf qu’en réalité, seuls les gens issus de ces mêmes quartiers s’entassaient dans ces tubes en verre plastifié. Passé u certain niveau de vie, on ne fréquentait plus le métro, pas plus que le bus. Là était toute la réalité et l’origine du regard empreint de dédain que d’autres vous adressaient dès lors que vous faisiez allusion à ces moyens de locomotion économique. Mais qui était-il pour refaire le monde au juste ?

Un peu plus loin sur sa gauche, une gamine mal élevée fit toute une scène à son pauvre père qui ne savait visiblement plus où se mettre. Les tentatives d’apaisement se multiplièrent, sans changer quoi que ce soit au volume des sons stridents qui s’échappaient de la bouche de la gosse. Sulkan sentit un début d’agacement s’installer parmi les occupants de la rame et il s’enfonça un peu plus dans son siège. Du moment qu’il n’était pas le centre d’attention pendant les prochaines heures, la pourrie gâtée pouvait hurler autant qu’elle le souhaitait. Contrairement à bon nombre de passagers, dont le père et la fille, le jeune hackeur ne bougea pas de son siège. Il devait encore patienter le temps de 3 stations avant de relancer son errance. Il ne fit pas réellement attention aux flux humains qui allaient et venaient dans la rame, pas plus qu’à la personne qui s’installa à ses côtés. Non, le détail qui l’intrigua fut justement que l’inconnu choisisse cette place alors que d’autres étaient libres, sans voisins directs. D’ordinaire, l’être humain apprécie de conserver un maximum de son espace vital, encore plus dans ce genre d’endroit où l’on était rapidement soumis à un sentiment de claustrophobie ambiante. Ça n’existait pas les personnes qui se collent volontairement les unes aux autres lorsqu’il reste de la place ailleurs. Un sursaut de curiosité légèrement agacée qu’on vienne l’importuner jusque dans le métro, le garçon leva les yeux en direction de l’inconnu et perdit aussitôt le peu de couleurs que son visage avait conservées jusqu’à présent. L’espace d’un instant, il ne perçut plus les battements de son cœur, comme gelé dans sa poitrine. Ses oreilles bourdonnaient, pourtant insensibles aux conversations qui se déroulaient autour d’eux. Il n’y avait plus que cet homme. Pas déjà. Pas ici. Nerveusement, Sulkan baissa les yeux, serrant plus fort contre lui, le sac comprenant ses quelques affaires. Des vêtements. Ce qui avait le plus de valeur demeurait directement sur lui : bracelet ou supports USB pour transporter plus facilement la moindre donnée virtuelle dont il faisait son métier. Peut-être n’était-ce qu’une coïncidence des plus cruelles pour son esprit, déjà suffisamment perturbé comme ça. Oui, il devait s’en convaincre, agir normalement, ne pas paniquer et se focaliser sur cette putain de station !

Après tout, si l’autre ne lui était pas encore tombé dessus, il ne pouvait pas être venu pour lui, si ? Son esprit lui jouait un tour, le rendant parano. Voilà, c’était ça. Son pied droit se mit à battre la mesure sur le sol dégueulasse de la rame. En dépit de ses efforts pour rester calme, Sulkan ne se sentait pas tranquille. Et quand, enfin, le nom de la station tant convoitée fut annoncé, le jeune hackeur eut toutes les peines du monde à ne pas s’enfuir en courant hors du tube en verre. Plus louche, tu meurs. Ce fut donc avec une lenteur des plus atroces à endurer qu’il sortit de la rame, tout comme certains passagers le firent également. Le garçon ne parvint à se détendre qu’au bout d’une petite dizaine de mètres mis entre lui et la rame du métro, lequel s’éloignait de nouveau après que ses portes automatiques se soient refermées. Il s’autorisa un soupir de soulagement, crispé malgré tout. Ce type était derrière lui, il devait s’occuper du présent. La foule diminua brusquement à mesure qu’il empruntait le passage conduisant à un autre quai. De toutes évidences, peu de monde empruntait cette voie en journée. Les heures de pointe se cantonnaient à l’aube et à la fin de journée. Alors que le jeune hackeur apercevait le quai en question, il l’entendit. Ce bruit de pas dans son dos. Les battements de son cœur entamèrent une nouvelle danse endiablées, tapant furieusement contre son torse, à croire que l’organe cherchait à percer la paroi d’os et de chairs pour se défenestrer à sa façon. Un frisson glacé lui parcourut la nuque. Ce ne pouvait être que lui. Dans un geste désespéré pour chasser cette pensée de son esprit, Sulkan rabattit la capuche de son sweat sur ses cheveux. Les pas ne cessèrent pas pour autant. Ils résonnaient de plus belle dans ses oreilles, accélérant un peu plus son propre rythme cardiaque, tout comme la peur qui lui tordait les boyaux. Bien malgré lui, il se mit à marcher plus vite. Il n’en était pas encore à courir mais ce n’était pas loin. Ses yeux ne se détachaient plus du sol, comme si ça pouvait lui permettre de mettre le plus de distance possible entre lui et son poursuivant. Un son familier lui fit pourtant relever la tête. La rame était déjà là, prête à l’accueillir, prête à partir surtout. Les derniers passages qui attendaient sagement son arrivée sur le quai venaient de rentrer à l’intérieur. Dans quelques secondes, les portes se refermeraient sur eux, le condamnant à rester sur le quai, l’autre sur les talons.

Avant même que la pensée ne traverse son esprit, les jambes suivirent le mouvement : le garçon se ruait en direction de la rame. Tant d’autres l’avaient déjà fait avant lui. Qui n’avait jamais couru pour ne pas rater le dernier métro ? Ou tout simplement pour s’épargner une à deux minutes d’attente supplémentaires ? Le temps était et resterait quelque chose de précieux semble-t-il. L’écho de sa course se trouva enflée par celle de son poursuivant, lequel devait avoir compris sa petite manœuvre. Ce ne fut pas le soulagement qui l’envahit quand un pied, puis le second, entrèrent en contact avec le sol du tube en verre en sale état. Pourquoi diable les portes ne se refermaient-elles pas dans son dos ?! Sulkan pivota sur lui-même, ayant l’impression d’agir au ralenti. Sans même réfléchir, il balança son sac en direction de son poursuivant. Un instant de surprise, une brève pause le temps de repousser l’assaut et la vision du visage, tantôt étiré par l’étonnement, à présent déformé par la colère, qui venait se coller contre la vitre, alors que déjà, la rame s’ébranlait. Le souffle court, le garçon ne put détacher son regard de celui de son poursuivant. A ce moment, il se jura de faire tout son possible pour échapper à ce fou. Il sentit des regards incrédules, méfiants, craintifs, furieux ou même parfaitement indifférents. Rapidement, on se désintéressa de lui et de son geste franchement impoli à l’encontre de l’Eraser. Sans doute était-ce dû au fait que le jeune hackeur n’avait plus bougé depuis qu’il avait vu la Mort en face. Le dos collé à la vitre derrière lui, il respirait toujours par-à-coups. Il lui fallait envoyer de l’oxygène à son cerveau et vite. Si l’autre avait pu le retrouver aussi vite, il allait renouveler son exploit. Sulkan avisa rapidement l’intérieur de la rame, sans oublier l’itinéraire de celle-ci. Attendre d’atteindre la prochaine station était trop risqué. Qui sait à combien on l’attendrait là-bas à présent qu’il était localisé ?

« Une idée ! Et vite ! »

Prisonnier de ce tube en verre, il était fait comme un rat. Pensant échapper à son poursuivant, il venait de lui-même se condamner. Indifférente à son désespoir, la rame poursuivait sa route, la rapprochant de plus en plus de la potence. Sa gorge se serra. Il ne devait pas craquer. Pas maintenant. S’il parvenait à quitter le métro sans être vu, alors il avait peut-être une chance. Avisant l’arrêt d’urgence, le garçon ne réfléchit pas. Son poing enfonça profondément la surface rouge qui ornait l’une des parois du tube et la rame se figea immédiatement, à grand renforts de crissements métalliques des freins et des exclamations des passagers pris au dépourvus. Passée la surprise, vint l’indignation.

« Putain mais qu’est-c’qui lui prend à c’lui-là ?! T’es pas bien gamin ? »

Inutile de perdre son temps à répondre pour s’expliquer, ni même à relever les insultes qui suivirent étant donné son absence de réaction alors qu’on daignait enfin s’adresser à lui pour exprimer la pensée générale des occupants de la rame. Au moins, ils ne seraient pas restés longtemps silencieux, en parfaits hypocrites qu’ils étaient. Mais de là à ce qu’ils en viennent aux mains, pensant sans doute à la récompense qu’ils toucheraient pour avoir aidé à neutraliser un fuyard, il n’y avait qu’un pas. Alors Sulkan ne leur laissa pas le temps d’y songer plus longuement. Il se précipita vers les portes qu’il avait franchies quelques minutes plus tôt lorsque le tube était encore à l’arrêt. Une femme terrorisée s’écarta vivement de lui mais il ne lui accorda pas un regard. Il ne savait pas lui-même ce que son visage renvoyait à ce moment précis. Désespoir ? Peur ? Détermination ? Fureur ? Son reflet dans la vitre rendue foncée par le mur noir qui s’étirait de l’autre côté, ne lui rendit qu’une pâle copie floue de sa personne. Vu ainsi, il se faisait presque peur sauf qu’il n’avait pas le temps de s’attarder sur ce détail de son physique. Au prix d’un effort visible, il parvint à écarter puis à ouvrir les portes. La rame étant à l’arrêt, celles-ci étaient temporairement désactivées, il fallait faire vite. Le jeune hackeur parvint à se glisser entre elles, avant de s’extraire péniblement du tube. A tout moment, les portes pouvaient brutalement se refermer sur lui à la reprise du trafic souterrain, le coupant en deux dans le meilleur des cas sinon elles se contenteraient de lui coincer la jambe, laissant la partie supérieure de son corps ricocher sur la paroi du tunnel. Un sort bien peu enviable en définitive. Ses jambes le soutinrent difficilement lorsque ses deux pieds touchèrent de nouveau le sol, irrégulier cette fois, du tunnel. Et maintenant ? Il avait l’air fin avec tous ces regards braqués sur lui. Sulkan eut tout juste le temps de se plaquer contre le mur dans son dossier, fusionnant presque avec celui-ci, que la rame annonça la reprise du trafic. Le tube entier défila à quelques centimètres de son visage mais le garçon n’eut pas le loisir de contempler le spectacle : la joue collée au mur, il gardait la tête tournée vers la droite pour gagner le plus d’espace possible entre lui et la rame en question. Il s’attendait à être emporté au passage, si bien qu’il retrouva péniblement une respiration normale quand le bruit sourd s’estompa soudain, s’éloignant rapidement de lui en même temps que l’air redevenait lourd, après le souffle vigoureux qui lui avait fouetté le visage pendant de longues secondes. Ce fut le moment que choisit son estomac pour rendre son maigre petit déjeuner. C’était définitivement trop d’émotions pour lui en si peu de temps. Que faire à présent ? Longer la voie en priant pour que le prochain métro ne le happe au passage ? Ou bien tenter sa chance dans l’un des accès délivraient par les abris en cas d’accident ou de panne ? Levant les yeux, plus déterminé que jamais, le jeune hackeur se traîna vers l’abri le plus proche. Enfin proche… Plusieurs centaines de mètres devaient l’en séparer mais qu’importe. C’était ça ou crever ici, comme une taupe.
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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13.10.15 22:30

 

    The Hunting Party

Tic. Tac. Tic. Tac.
Un. Deux. Un. Deux.
Jambe droite, bras gauche. Jambe gauche, bras droit. Jambe droite, bras gauche. Jambe gauche, bras droit.
Et on recommence. Inlassablement. Tel le ressac de la mer sur les plages de Californie. Ton poids se balance d'un côté à l'autre dans une rythmique bien calculée. Le regard droit, la tête haute, tu ne prends pas la peine de poser ton regard sur un nageur, tu ne te demandes même pas s'il est apte à prendre tes vagues. La race humaine qui se hâte d'ordinaire dans ces tubes carrelés, se presse contre les parois sur ton passage. C'est à celui qui  ne dépassera pas la limite des bouées oranges, au risque de croire que sa vie est foutue. Une route sécurisée, tracée pour tes rangers en cuir cirés ; une route dégagée pour laisser la dangerosité salée se frayer une autoroute dans le cœur apeuré des hommes. La masse en habits grisâtre te regarde, t'inspecte ; tu fais l'effet d'un raz-de-marée dans leur vie prospère. Ta démarche impose le respect. L'admiration. La crainte. C'est réglé à la seconde près. Ça se cale sur l'horloge de ton cœur. Ton cœur, qui semble revivre. Baboum... Baboum... Baboum... Agréable sensation. Nostalgie immense...
Il n'est pas rare de trouver un militaire déambuler sous terre. Il n'est même pas rare d'en voir armé. Dans cette société, tout a été mis en place pour la sécurité de l'habitant moyen, de son ascendance aigrie à ses niards bruyants. Caméras, contrôles audio et médicaux. Tout le monde est surveillé H24. Pas de répit pour la viande tiède. Il est rare, par contre, de voir cet air si serein affiché sur cet attirail kaki. D'ordinaire, on verrait un air renfrogné d'avoir dû quitté sa maitresse, ou bien la colère de devoir courir après les miches d'un citoyen rebelle, ou peut être encore, une lueur de joie d'avoir eu l'autorisation de traquer en pleine ville. Mais dans ton cas, c'est différent. Tu es calme. Anormalement calme. T'es en pleine partie de chasse. Tu connais ta proie. Tu sais qu'elle est , qu'elle t'attends. Elle est posée sur une des banquettes du métro. T'as juste à aller la cueillir dans l'un des wagons, t'amuser un peu avec, et la ramener bien tranquillement à l’hôpital central. Les ordres étaient clairs : du moment que la cible respire lors de la livraison, on peut en faire ce que l'on veut. T'avais donc quartier libre jusqu'à ce que tu décides de la livrer à ces cinglés de scientifiques. Et pourtant, il manque quelque chose. Ce petit plus, qui te ferais prendre un pied sans nom. Ce petit truc que tu n'as pas ressentis depuis... Depuis... L'Afghanistan ? L'Irak ? Non... C'est bien plus ancien... C'est...

Le soleil traversait la baie vitrée de la cuisine et une douce aura berçait le salon. Une lumière orangée caressait chacun des meubles, jusqu'aux cadres photos exposés sur une petite commode en acajou. Les visages sur papiers glacés s'imprégnaient de la fin de la journée. Sur la table gisait les restes d'un goûté bien vite avalé. Le gosse que t'étais à l'époque était rentré des cours, et avait posé son derrière sur le tapis, devant la télé. Tu t'en foutais comme du premier colon de ce qui se passait autour de toi, ou encore de cet instant magique qui avait lieu dans la pièce principale de ta maison. Tes yeux verts étaient adsorbés par tout autre chose. Rivés sur l'écran géant de la télé, tu buvais chacune des paroles du narrateur, tu t'immergeais dans le paysage sauvage qui t'étais malheureusement inconnu. A tes yeux de gamin, aucun endroit dans ton pauvre état, comté, ne pouvait atteindre une telle majesté, rendre un tel sentiment de solitude et de bien être. L'Afrique. Ce pays aux multiples regards. Aux vastes contrées si cruellement arides et pourtant si délicieusement majestueuses. De peur de louper un plan, tu ne prends pas la peine de cligner des yeux ; sauf lorsque ceux-ci commencent à s'humidifier un peu trop à ton goût. L'Afrique. Ce lointain continent, de l'autre côté de l'Atlantique. Fallait le mériter. Le vouloir. Aller là-bas, depuis ici.
Et puis c'est à ce moment précis, quand tu te dis que tout ça est bien trop beau pour être vu de tes yeux d'émeraude, que ça arrive. Qui dit Afrique, dit animaux. Sauvages. Qui dit animaux sauvages, dit règne animal. Et qui dit règne animal, dit carnivore, herbivore. T'sais, les cours sur l'évolution que tu voyais en ce moment à l'école. T'en prenais pleinement conscience à ce moment là. Sur Terre, y a pas de place pour les faibles. Les faibles, ils sont juste bon à distraire les forts. Et les forts, se plaisent à leur montrer qui, sur ce territoire, est réellement le Maître. Ce documentaire était un documentaire comme les autres, présentant les animaux de la Savane, leurs modes de vie, leurs techniques de chasse, leurs débuts dans le monde et leurs fins. Ainsi, sans grande surprise, ils avaient inséré lors du montage, cette banale partie de traque. Humer. Observer. Étudier. S'approcher. Lentement. Tout doucement. Se dissimuler à travers les fourrés. Et puis, sans mot dire, Attaquer. Alors qu'elle ne demandait rien d'autre à la vie que de brouter tranquillement son herbe verte et encore fraîche, un corps caramel immense vient se poser avec ferveur sur le train arrière de la gazelle. L’enlaçant avec amour, ne voulant sous aucun prétexte la laisser se dérober à son éloge corporel, la bouche du félin se dépose instantanément sur le creux de ses reins. Ils fusionnent, ne font plus qu'un, dans un merveilleux éclat rouge passionnel. C'était beau. D'une majesté à couper le souffle de n'importe quel être vivant. Et toi, à chacun des mouvements du lion, tu t'étais rapproché un peu plus de l'écran. La tronche presque collée aux leds, t'avais des papillons dans l'bide. C'était la fiesta dans la boîte jaune. Youpi youpala, c'est trop bien maggle tavu ? Un sentiment commençait à poindre le bout de son gros pif. Un de ceux que tu connais, un peu. Jalousie. Oui. T'étais jaloux de cet animal qui dominait, qui donnait la mort sans remords. Personne lui disait rien, à elle. Elle était libre de tuer qui elle voulait. Quand elle voulait. Un truc qui, il paraît, est fortement condamnable dans ce pays fermé qu'est les États-Unis. Quel manque d'ouverture d'esprit, sans déconner. Les problèmes seraient bien vite réglés si chacun était libre de s'imposer sans risquer de se faire juger par des instances supérieurs n'ayant rien comprit à l'Art.
La porte d'entrée se claque violemment et, surpris, tu te recul brusquement en posant ta main moite sur la queue du chat qui s'empresse d'hurler à l'hérésie en plantant ses griffes acérées le long de ton avant-bras.
Et toi, sur ta pauvre tronche débile, un sourire lugubre se dessine.

En ce jour d'avril donc, dans la ville de Madison, bien loin de ces contrées africaines perpétuellement en guerre, tu pouvais accomplir ce rêve de gosse. Sur un terrain semi-connu, urbain, tu pouvais chasser en toute impunité. Mais il te manque ces papillons dans les boyaux. Il manque ta plus fidèle partenaire, Adrénaline. Où es-tu ma belle ? Pourquoi ne viens-tu pas à moi ? Que n'ai-je donc pas fait pour être privé de ta si délicieuse compagnie ? Ah ! Ça y est ! Tu viens de mettre le doigt dessus. Enfin. Il était grand temps. Cette traque... Elle est trop facile. Tu n'y prends aucun plaisir. C'est fade, comme les soupes de la caserne. Là, regarde. Elle vient d'arriver sur un plateau d'argent, ta proie. T'entre sans problème dans la rame, et tu t'assois à côté d'elle. Tu fais exprès de la frôler. Tu veux la sentir. Qu'elle frémisse lorsque vos vestes se frôlent. Qu'elle se tende quand vos genoux se touchent au détour d'une secousse. Ah. Voilà. Ça commence.
Serein, tu fermes les yeux, un air très satisfait sur le visage. Tu ressens la peur de ton voisin. A chaque seconde qui passe, tu le sens se raidir, se rattacher à la seule chose qui lui reste encore dans ce monde. Qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir dans ce sac ? Ses affaires ? Foutaises. Il avait tout laissé en plan chez lui. De la bouffe ? Là où il allait aller, il en aurait pas besoin. De l'espoir ? On en vend plus depuis des lustres de ces choses là. Alors quoi ? Boarf. Au pire, qu'est-ce que t'en a à foutre, sérieux ? C'est pas ce qui allait t'empêcher de t'amuser un peu. Tu le sens qui se trémousse et t'ouvres un œil, pour voir sa jambe sautiller nerveusement, pendant quelques secondes, avant qu'il ne se lève et qu'il prenne la route de la sortie. Et là, Soldat, tu lui fais un coup de pute. Le plus beau truc que t'aurais jamais pu faire à quelqu'un comme lui. Tu lui laisses une bouffée d'espoir. Comment ? En sortant un peu plus tard que lui, laissant quelques passants se mettre entre lui et toi. C'est bâtard. Mais s'il voyait sa tête. Il comprendrait. Son teint joue les montagnes russes, c'est très plaisant à regarder. Tout ça juste provoqué par le bruit sourd de tes godasses sur le bitume du couloir du métro. Puis tout d'un coup, le môme se met à courir. Comme s'il allait te faire gober qu'il était comme les gens normaux, autrement dit « pressé ». Trottinant tranquillement en arrivant devant la porte, il te balance son sac avec le peu de force qu'il lui reste. Tu t'avances, les sourcils froncés et tu colles ta face sur la vitre du wagon. Tu le regardes dans les yeux, affichant un air oscillant entre colère et jubilation. «  Tes prochaines heures vont être un enfer, boy. ». Et la rame démarre, en te laissant sur le quais avec son sac en toile.

T'as pas bougé. Tu détends ton corps. Les bras ballants, tu commences à ressentir la vague présence de ta bien aimée. Serrant son sac dans la main gauche, tu te remets dans la peau de ce sous-homme. L'oisillon est enfermé dans sa cage en verre. Cage en verre qui atteindra la prochaine station avant même que tu ne mettes le pied dans le couloir réservé au personnel. Alors qu'est-ce que tu ferais ? Ah oui. Dans un dernier espoir tu ferais sûrem-. Au loin, c'est le bruit du métal rappant le métal qui parvient jusqu'à tes oreilles. Voilà. Tu ferais ça : tu te sauverai de ta prison dès que possible. « Prévisible. » que tu marmonnes alors que tu sautes au milieu des rames, marchant d'un pas maitrisé sur les palettes. L'odeur de l'humidité s'immisce dans tes poumons. Âcre, elle se mélange à une horrible sensation de chaleur et à un silence propice à l'angoisse. Après quelques mètres, sur la droite de tes pompes, t’aperçois une sorte de flaque à l'odeur étrange. Tu t'accroupis, tu passes ta main à quelques centimètres ; c'est tiède. C'est Lui. Aucun doute possible. Ta main droite se glisse dans le creux de tes reins pour venir se refermer sur le manche de ton couteau fétiche. Tout sourire, tu refermes les yeux tandis que tu fais tapoter la lame sur la rame. Un bruit pur s'en échappe et résonne dans la multitude de couloirs. Tu recommences une ou deux fois, signalant ta présence à ce cher animal chétif. Et puis tu prends la route qui te paraît la plus propice ; une peu éclairée, qui ne suit absolument aucune ligne « commune ». Une qui te dirige dans les entrailles de Madison. Une traitresse qui cache en son sein celui qui avait l'honneur d'être devenu ton casse dalle. « Je vais t'apprendre ce qu'est la vraie peur mon gars. Tu vas pas être déçu de la leçon. »
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



16.10.15 22:36
Le malaise passé, ses jambes lui parurent faites de plomb. Qu’importe l’énergie – ou plutôt la volonté frôlant le désespoir – qu’il mettait dans chacun de ses pas, la distance entre lui et l’abri ne semblait pas vouloir se réduire d’un pouce. L’irritation refit surface sous sa boîte crânienne, chassant l’espace de quelques secondes, la peur réfugiée plus en aval et qui lui nouait les entrailles. Le jeune hackeur y entrevit même un timide début de lucidité à travers sa panique grandissante. Jusqu’à ce que tout s’écroule avec un simple tintement. Sinistre bruit métallique, aussi glacial que la lame qui en était à l’origine. Le son retentit longuement dans le long corridor obscur qu’était le tunnel du métro, comme pour tourmenter un peu plus la proie. Tout son corps se figea, en même temps que sa respiration se bloquait quelque part entre ses poumons et sa gorge, tel un ascenseur en panne soudaine. Même si sa conscience lui hurlait de prendre ses jambes à son cou, aucun de ses membres ne répondait au signal de détresse envoyé par l’instinct de survie. Pour se manifester de la sorte, le prédateur devait savoir la partie gagnée d’avance. A quoi fuir ? Résister en vain ? Si ce n’était pour l’énerver davantage au final ? Sulkan se mordit l’intérieur de la joue, à sang. Le goût métallique emplit aussitôt sa bouche, lui arrachant un violent sursaut, à la fois sous l’effet de la douleur et de la décharge électrique provoquée par le sang. Même s’il se savait fait comme un rat, il ne pouvait pas lui faire ce plaisir. Il ne pouvait pas abandonner ! Machinalement, sa main droite se porta au niveau de la large poche sur le devant de son sweat. En se pressant un peu plus sur le tissu, le garçon put sentir les contours de l’arme à feu se dessiner dans les plis du vêtement. Peut-être aurait-il abandonné s’il ne pouvait plus sentir le poids réconfortant de son seul atout contre son estomac. Or, ce n’était pas le cas.

« Tu vas voir fils de pute. »

Insulter son poursuivant ne le réconforta pas pour autant. Seule la hargne demeurait intacte chez lui. Avec une forte tendance à alimenter le désespoir qui enflait dans son bas ventre. Etrangement, ses jambes se débloquèrent dans la foulée et il reprit sa lente progression. Le jeune hackeur se savait talonné mais l’envie de se réfugier à l’intérieur de l’un de ces abris, dans l’espoir fou que celui-ci le conduise à la surface, venait de prendre un sérieux coup. Si jamais il tombait nez-à-nez avec un cul de sac, il ne lui resterait plus qu’à faire face à son poursuivant… Les ténèbres et le silence approximatif qui régnait dans ces lieux que très rarement visités n’arrangèrent en rien sa paranoïa croissante. Le moindre son résonnait de manière amplifiée à ses oreilles, ce qui manqua de le faire tirer une fois ou deux. Parce que oui, Sulkan n’avait pas été long avant de finalement se résoudre à tirer l’arme de son étui de fortune. Respirant par à coup-à-coup, il essaya de se calmer lorsqu’un rat détala à quelques mètres de lui. Non pas que l’économie de ses maigres munitions l’importait, c’était davantage le fait de signaler sa présence qui l’inquiéter plus que tout le reste. Mais malgré toutes ses précautions, peut-être bien que le prédateur était déjà en train de l’observer, tapi dans un recoin plus sombre que les autres ? A cet instant, le garçon songea même qu’il pourrait rester dans ce trou moisi pour le restant de ces jours. Si ça lui permettait d’échapper à… A quoi déjà ? Un sort peu enviable et sur lequel il s’était largement approvisionné en fonds ? Chose étrange, deux détails lui apparurent de manière simultanée : d’une, plus aucune rame n’était passée, ce qui l’arrangeait assez dans un sens. Il n’avait plus à se préoccuper de finir écraser dessous, quand bien même ce serait certainement un sort plus enviable que celui de finir comme cobaye non consentant. L’espace d’un bref instant, son esprit dériva, au point d’imaginer la colère et l’indignation de tous ces passagers soudain privés de moyen de transport. Oh ça oui, il pouvait visualiser très clairement les visages indignés dirigés vers les agents, déployés pour l’occasion sur les quais. Parce qu’il était le premier à verser sa hargne sur eux lorsque le trafic souterrain se dégradait.

Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres, ressemblant davantage à un rictus qu’autre chose. L’autre détail, en revanche, lui fit perdre instantanément sourire et le peu de couleurs que l’absence de lumière naturelle avait déjà considérablement affecté. Son poursuivant avait un moyen de le localiser. Plus précis et efficace que les sons qu’il produisait malencontreusement. Lentement, son regard se posa vers le bracelet qu’il portait au poignet droit. Même dans le noir, certains voyants étaient encore visibles, notamment celui qui indiquait l’absence provisoire de réseau, tout en lui recommandant de se diriger vers un lieu plus dégagé dans l’espoir de capter de nouveau. Ce qui était le cadet de ses soucis. Comment n’avait-il pas pu y penser plus tôt ? Avec cette saloperie, l’autre pouvait le localiser partout ! De rage, Sulkan arracha le bracelet, marquant toutefois une pause, hésitant. Ce même bracelet contenait tout l’argent qu’il avait pu volé, usurpé, marchandé pendant toutes ces années. Rien de bien extraordinaire comparé aux grandes puissances de ce monde mais tout de même assez conséquent quand on demeurait petit hackeur de banlieue sordide. Le dilemme s’imposa à lui. Le garçon dut fermer les yeux avant de se forcer à lancer le bracelet le plus loin possible. Le cliquetis métallique que fit l’objet en rebondissant avait de quoi renseigner quiconque de sa position s’il se trouvait à proximité. Ce fut quand il rouvrit les yeux que le jeune hackeur le vit : une silhouette se découpait sur les rares lumières qui ornaient le tunnel. Vision assez fugace et pourtant bien réelle. Passé l’instant de stupeur, Sulkan brandit l’arme en direction de l’endroit où il demeurait persuadé d’avoir vu une ombre.

« N-N’approche pas ! »

En dépit de toute sa bonne volonté, la confiance qu’il avait espérée faire ressortir dans sa voix et son attitude ne fut pas au rendez-vous. Lui-même se faisait pitié d’avoir le bras si tremblant. En désespoir de cause, il se résolut à attraper la crosse du pistolet à deux mains, sans plus de succès. Truander était une chose. Tuer un homme en était une autre. Dorénavant, il lui fallait tenter le tout pour le tout.

« J’suis pas l’un d’ces monstres putain ! J’suis humain ! Essayez d’comprendre ça merde ! »

Tiens ? Voilà le retour du vouvoiement ? Sans doute dans l’espoir fou que l’autre accepte de l’écouter jusqu’au bout. Après tout, le jeune hackeur en était convaincu : toute cette histoire ne pouvait qu’être une erreur ! Il ne pouvait pas être devenu un Evolve. Rien que songer à ce terme collé sur son front, comme une étiquette visible par tous, lui donna des sueurs froides. Inconsciemment, il se passa une main sur la nuque, comme pour s’assurer que celle-ci ne comportait aucune puce. Oui, c’était une putain d’erreur ! Tout ça et… La situation lui apparut soudain plus claire que jamais. Il n’avait pas immédiatement fait le rapprochement entre les résultats de son analyse et la tentative de meurtre… Se pourrait-il que tout ceci ne soit qu’un complot destiné à le faire taire ? Un rival un peu trop téméraire ou rancunier au choix ? Un industriel n’ayant pas tellement apprécié sa dernière intrusion dans son espace de données sensibles ? Si cette personne était suffisamment puissante pour fausser ses résultats sanguins, alors rien d’étonnant à ce qu’elle ait suivi l’affaire d’assez près pour envoyer un tueur à ses trousses au moment où il pensait s’en sortir ? Espérant ainsi se débarrasser de lui pour de bon ? Un tel scénario lui aurait coupé le souffle en temps normal. Sauf que là, il lui apparaissait que trop crédible. Colère et terreur se mêlèrent de plus belle en lui, insufflant une envie irrépressible de jouer des castagnettes à ses genoux, lesquels s’entrechoquèrent bruyamment.

« J’veux pas finir comme ça… Vous autres, savez que c’est bidon… Les données… Elles sont faussées depuis le début HEIN ?! »

Plus question de maîtriser sa voix à ce stade du raisonnement intérieur dont il venait de bénéficier. Sur la fin de sa dernière phrase, Sulkan avait littéralement hurlé. Chose étonnante, il ne perçut pas l’écho que les murs du tunnel lui renvoyèrent méthodiquement, trop concentré comme il l’était sur ce qu’il avait à dire.

« Comment tu peux faire ça d’sang froid ! Les Erasers sont pas censés protéger les gens ? Putain ! T’en as rien à foutre d’un hackeur de merde ! C’est ça hein ? Et si c’était ta copine ? Ah tu ferais moins l'malin là pas vrai ? T’irais supplier ton putain d’boss de l’épargner j’le sais ! Sale enflure de merde ! »
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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03.11.15 18:16

 

    The Hunting Party
Il existe des endroits où tout un corps spirituel est ramené dans le Passé. Des lieux où le moindre petit élément ouvre un mécanisme discret, qui laisse alors déferler devant les yeux de l'Esprit, la chose terrible qu'est le Souvenir. Il y en a, c'est en regardant un vaste jardin d'été aux odeurs délicates et aux couleurs vives. Il y en a certains aussi qui à la vue d'un vieux mot griffonné sur une feuille, sourient en se rappelant de la main qui l'avait écrite avec application et dévotion. Pour d'autres, c'est en mangeant simplement quelque chose. Comme une petite madeleine insignifiante. Transporté alors vers d'autres horizons, l'Être se laisse aller à un infime moment de nostalgie et de mélancolie. Un doux moment de pur plaisir. Cet instant de réminiscence est pleinement savouré, jusqu'à la dernière goutte ; même que parfois, on en redemanderait avec empressement, sans pour autant retrouver une certaine clé de Bonheur.
Mais ce n'est pas dû à une ridicule madeleine, une pauvre tasse de café noir, un mot gribouillé ou encore une fleur fragile, qui t'as fait quitté le Présent pendant quelques secondes. Nan. Les trucs fleurs bleues, tu les laisses sans sourciller aux tafioles et aux gonzesses qui n'ont jamais levé leurs nez de leurs romances écrites. C'est plus que ça. Déglutissant, tu cherches à mettre le doigt dessus, comme un gosse essaierait de capturer sa mouche lors d'une nuit estivale. Dans le métro, y a cet air chaud, étouffant, dégueulasse. Cet air aux embruns putrides soutenu d'une odeur de métal chaud. Y a ce sol irrégulier, composé de pierres sombres de tailles différentes qui peuvent à chaque pas, provoquer la plus belle des entorses. Y a aussi les lumières éparses des lointains métros qui n'ont pas arrêtés de passer, quant bien même une chasse avait lieu. Et puis ce battement qui légèrement s'accélère... Tout était réunit. C'est comme si tu étais à des milliards de kilomètres de Madison, comme si t'étais reparti sur le front, là-bas. Peu à peu, ton cerveau te lâche des images, te remet dans une sorte de condition de guerre.
baboum. Tu redresses ton corps immense. baboum. Ta poigne se resserre un peu plus sur le manche de ton couteau. baboum. Ton pied gauche avance tout seul. baboum. Ton pied droit se place machinalement. baboum. Tu prends une grande inspiration. baboum. C'est parti mon Kiki.

Comme une ombre, tu rôdes. Ton corps se faufile de galeries en galeries sans déplacer la moindre pierre. T'as été entraîné pour être un soldat. Un bon soldat. Le meilleur soldat. Abandonnant à chaque mètres la galerie principale, tu délaisses un monde emplis de faux semblants et d'hypocrites pour aller à l'encontre d'une âme qui, bien qu'elle soit tâchée de ce sang infâme, pourrait bien t'apporter un peu de distraction. Elle était loin, ta dernière traque. Et encore, y avait l'autre tanche qui t'avais été imposé... Là, t'es tout seul. Tu te délectes de toutes les minutes qui te sépare de ton précédent état latent et qui te rapproche de ton état de prédateur. Abandonné à tes instincts les plus primaires, tu renifles presque l'air à la recherche d'une effluve légère, celle qui n'aurait pas sa place dans un endroit aussi crade. Et plus t'avances le pif en l'air, plus tu te rapproches de ta proie. Quand elle se démarque de plus en plus, un large sourire se dessine sur ta face de psychopathe. Et c'est à ce moment, que tu décides de changer radicalement ta ligne de travail. Tu donnes un coup de pied léger dans les cailloux. Le bruit se laisse porter le long du tunnel. A tous les coups, il l'a entendu. Tu marches quelques pas encore, puis tu recommences. A intervalles réguliers. C'est sadique. Que dis-je. C'est jouissif. C'est mettre sa tension au maximum. Le pousser dans ses retranchements. Tu entends ce qui te semble un murmure ; cependant, tu en détaches chaque syllabes, et comprend alors que ton petit jeu fonctionne à merveille. La petite chose, en insultant ta mère, essayait certainement de se redonner un peu de courage, tout en essayant de te pousser à bout. Mais essayer est le bon terme. Ta mère, t'en a rien à ciré. A partir du moment où elle était retournée aux côté de ton Géniteur, elle avait perdue toute valeur. Cette femme chétive, aux yeux si verts, avait décidé de rentrer dans la maison familiale avec Lui. Après ce qu'il avait fait. C'était une lâche.  

Et puis soudain, au détour d'un couloir, tu le vois. Planté là comme un vulgaire épouvantail, il ne bouge plus. Qu'est-ce qu'il lui arrive ? La traque est déjà finie ? Il ne veux plus courir ? Quel dommage... Toi qui te faisait une joie de continuer à le suivre dans les profondeurs du réseau du métro. Là, en plein milieu, il était tout offert à toi. Comme cette gazelle du reportage. Tu passes ta langue sur tes lèvres sèches, tandis que tu te places à quelques mètres de celui qui avait mit ton colonel dans une rage sans fin. Et tu attends.
C'est marrant, tout de même, de le voir hésiter à arracher ce bracelet si vital pour votre communauté. Argent, identité, clé, elle servait à presque tout. Même à connaître le moindre fait et geste de la population de cette ville merveilleuse et sécurisée. Finalement, un bruit de métal sur la caillasse te confirme qu'il est vraiment prêt à tout abandonner pour sauver sa peau ; ce qui au final est un peu tard, étant donné que tu l'avais déjà retrouvé. Lâchant un soupir partiellement discret, il se retourne et te vois. De sa maigre stature, il constate que tous ses efforts matériels ont été vains. Qu'ils ne lui ont apporté qu'espoir futile et perte de temps. N'est-ce pas d'ailleurs pour ça qu'il essai de provoquer chez toi une certaine compassion quant à sa situation ? HA ! Quelle est bonne la blague ! C'est sûr, il te connaissait pas. Sinon, il saurait à qui il avait à faire et il ne tiendrais pas le même discours. Ni même cette arme prise de soudains soubresauts. Il craque, peu à peu il use des derniers relents d’espérance qui lui reste, en vain. Et ça te fait rire. Un ricanement progressif se heurte sur les pierres du tunnel. Tu te grattes la naissance de ta nuque en essayant de maitriser ta raillerie passablement nerveuse.
De quelques pas on ne peut plus rapides, tu es à quelques centimètres de lui. De ta grande main gauche, tu lui captures ses deux poignets, et les montent au dessus de sa petite tête d'informaticien à la vivacité physique manquante. Tu approches alors ton visage au plus près du sien, pour que de ses yeux apeurés, il puisse saisir pleinement ton amusement sans limites quant à la situation.
« Écoute mec, j'en ai rien à foutre de ta situation au moins autant que j'en ai rien à branler des données. On me dit. Je fais. Point. J'ai pas besoin de savoir toutes ces conneries. Si ca ne tenais qu'à moi, j'vous aurait déjà tous fait la peau, Evolves de merde. Ma copine ? Aucun risque qu'elle soit un membre de votre sous-race. N'essaie pas de m'attendrir, tu ne sais pas à qui tu as affaire. Maintenant, tu vas gentillement faire dodo et te réveiller dans quelques heures... »
A ce moment précis, tu l'entraînes dans un violent mouvement vers ta droite. Avec ton attaque surprise et l'étonnement dans lequel il était prit, il ne peut tout simplement pas l'éviter. Au dernier moment, tu rabaisses ses bras, et sa tempe embrasse violemment les briques noires. Inconscient, à tes pieds, tu viens enfin de mettre la main sur ta proie. Il était maintenant temps de jouer un peu...

L'ayant fouillé au préalable et lui ayant confisqué tout ce qui était propice à être utilisé comme une arme, tu le traîne par la cheville jusqu'à une station abandonnée. Tu ne savais pas particulièrement où elle était avant que tu ne jettes un œil sur l'un des plans dans l'un des postes de contrôles. Avançant d'un pas décidé et en sifflotant un air guilleret, tu arrives plutôt rapidement à ta destination. Pas du tout éclairée, tu lances le corps du fugitif sur le quais avant de t'y hisser et de chercher où le compteur pouvait bien être. Tu claques ta langue sur ton palais, il était introuvable. Tu le reprends par la cheville et l'entraine dans ce wagon abandonné. Un timing parfait. Un lieu béni. Là, tu l'y attaches en le suspendant par les poignets à la barre en métal latérale, et tu attends que la belle se réveille en affûtant ton couteau après avoir installé deux lampes torches, l'ampoule en plein vers son visage.
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



14.11.15 22:19
Evolve. Sous-race. Ces deux mots qu’il avait jadis employés avec dégoût et mépris, venaient de lui être jetés en pleine figure. La violence de la révélation de sa nouvelle condition lui coupa le souffle alors même que l’inconnu lui jetait le sien en plein figure. Chaud et menaçant. Jamais ce dernier ne comptait le laisser s’en tirer. Un tueur. Un professionnel. Un bon petit soldat comme on en faisait plus. Les courses poursuites haletantes, les arrestations réussies, il devait connaître. La vérité lui apparut encore plus cruelle, s’imprégnant durablement dans sa chair, au même titre qu’une blessure physique. Aux yeux de cet homme, il n’était plus rien d’autre qu’une proie, le gibier que l’on traque et que l’on abat enfin avec satisfaction. L’étau de chair autour de ses poignets lui arracha jusqu’à la dernière parcelle d’espoir dans son cœur et son esprit. A quoi bon se débattre ? L’autre le terrorisait, c’était un fait. Et il aurait toujours le dessus sur lui. Ce mec ou un autre, quelle importance au final ? Un voile noir ne tarda pas à tomber sur ses yeux, alors que sa conscience basculait brutalement en arrière, avec comme ultime souvenir, l’amertume cuisante de la reddition que l’on devine proche. Les ténèbres l’enveloppaient tout entier à présent. Un sommeil contraint, en rien reposant. Un de ceux dans lesquels on se perd volontiers, ballotté entre les souvenirs du passé et les contours flous d’un avenir que l’on sait incertain, par définition même. Des mouvements font trembler les limites des ténèbres qui l’entourent. Serait-on en train de le déplacer ? Faute d’éléments concrets, le garçon préfère éluder la question. Le silence, la léthargie… Tout ça est tellement reposant. A tel point que ça en devient presque effrayant. Car il faut songer à émerger un jour. Et à ce moment-là, qui sait ce qui peut nous attendre ?

D’abord une lueur, comme celle que l’on croit apercevoir au bout du tunnel, marquant par-là, la fin de son voyage. Mais plutôt que de s’éloigner à chacun de ses pas vers elle, la lueur se fait lumière, intense, envahissante, constante. La douce chaleur venue titiller ses paupières, se mue doucement en une démangeaison agaçante, celle que l’on veut éviter. Sulkan ouvrit lentement les paupières. Sa vision était encore floue, son esprit demeurait à moitié dans les vapes. Et la lumière aveuglante braquée sur lui ne l’aida pas à y voir plus clair, au sens propre, comme au sens figuré du terme. Difficile de retracer avec précisions, l’enchaînement de cette journée. Les événements survenus à l’hôpital lui paraissaient tellement lointains, comparés à cette chaleur, à présent désagréable, qui demeurait rivé sur son visage. Où se trouvait-il ? Depuis combien de temps était-il inconscient ? Et l’autre type ? Un frisson le parcourut au souvenir de ce dernier et surtout, surtout, à cette expression démentielle figée dans les traits de son visage. Doucement, un semblant de décor lui apparut. Malheureusement pour lui, hormis les deux lampes, origines présumées de la lumière qui l’avait contraint à émerger, le garçon dut admettre ne pas discerner grand-chose. S’il avait sombré dans les ténèbres un peu plus tôt – quelques heures sans doute ? – il craignit soudain d’en faire toujours partie, tant la pénombre régnait en maîtresse au-delà du périmètre de lumière restreint offert gracieusement par les deux lampes. Au prix d’un effort oculaire, les contours d’une porte automatique puis l’intérieur de ce qui ressemblait de loin à un wagon de métro. Alors il se trouvait encore sous terre ? Cette idée le fit suffoquer, déclenchant presque un début d’asthme.

Réprimer un afflux de panique ne se révéla pas être une tâche aisée. Sentir à quel point ses bras étaient lourds l’aida sur ce point. Instinctivement, Sulkan voulut les tirer en avant, les faire redescendre tout au plus, après avoir réalisé l’angle anormal qu’ils formaient. Seul le cliquetis des menottes lui parvint, serrant sa gorge au passage. S’il se réveillait menotté, attaché, prisonnier, alors ce type ne devait pas être loin. Un sanglot de désespoir monta dans sa gorge, sans franchir la barrière de ses lèvres. Son amour propre était en jeu ! Il ne savait pas où se trouvait l’autre, si ce dernier l’avait abandonné ici ou au contraire, s’il était en train de l’épier, attendant patiemment son réveil, aussi, le garçon ne voulait pas lui faire ce plaisir que de craquer devant son bourreau même. Pour évacuer toutes les émotions, parfois contradictoires qui lui nouaient les entrailles, Sulkan tira de plus belle sur ses liens métalliques. Sans plus de succès. Il ne réussit qu’à faire résonner le cliquetis un peu plus profondément dans sa cellule improvisée, sans même savoir la portée qu’avait celui-ci. Pire encore, peut-être venait-il d’alerter son agresseur présumé de son réveil inopportun. Cette pensée le terrifia de plus belle, à tel point qu’il se figea littéralement sur place, n’osant même plus respirer, comme si son souffle à lui seul risquait de faire s’écrouler le plafond. Quoiqu’à la réflexion, peut-être qu’être enterré vivant serait préférable à l’alternative d’affronter ce fou furieux ? Le garçon n’eut pas le loisir de trancher sur la question. Il avait senti du mouvement, là, quelque part, en dehors de la zone qu’éclairaient les lampes.

« Je sais que t’es là enfoiré ! »

En dépit de sa tentative pour assurer sa voix, il constata avec amertume, que celle-ci tremblait. Ce qui n’était pas encore pour le reste de son corps, fort heureusement. Sans doute que les prochaines minutes allaient changer la donne de ce côté. Sulkan se fit violence pour ne pas y penser. Pour l’heure, il tentait maladroitement de masquer sa terreur derrière une insolente agressivité. Son esprit analysait peu à peu son nouvel environnement. Les menottes constituaient une entrave de taille. L’autre n’avait voulu prendre aucun risque. Rien de plus normal étant donné leur course poursuite dans les tunnels du métro. Dans le meilleur des cas, il pourrait faire glisser les anneaux métalliques le long de la barre horizontale pour trouver refuge au fond du wagon abandonné… Et après ? Son bourreau n’aurait aucun mal à le récupérer. Non, vraiment, il ne voyait pas d’issue possible.

« J’suis pas l’un d’ces monstres ! Je les déteste ! T’as pas l’droit d’me retenir ici putain ! J’suis un citoyen de Madison merde ! »

Un citoyen que la société venait purement et simplement de rejeter. Sans procès. Ni droit de se défendre. Si le statut de citoyen allouait certains droits, ceux de Madison étaient bafoués. Seuls restaient les devoirs, à commencer par celui d’endurer les pires injustices.
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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15.12.15 20:18

   

      The Hunting PartyLa vie n'est pas rose pour tout le monde. Et ça, boy, tu le sais. T'as pas eu besoin de faire math spé' ou un doctorat en philo' pour le savoir. C'est une chienne de vie. Une pute. Une de celle qui te balance sur la scène comme un malpropre, avec un air supérieur de « Démerde-toi. » Sur tes guibolles flageolante, t'essaies tant bien que mal de marcher, d'aller droit, de suivre éventuellement le chemin que ton tracé des parents aimant, ou tout simplement pressés de retrouver leur liberté à tes 21 ans. Le tout, c'est de pas se casser la gueule. C'est de bien faire attention à poser le talon, la voûte plantaire, puis les orteils. Un à un. Et dans cet ordre, sinon tout est chamboulé, et y a plus rien à faire, tu te vautres bien comme il faut et saisit par la honte, tu finis par ramper comme le raté que tu es.
Si ta vie n'est pas été rose, ça n'est peut-être pas le cas pour les autres. Pour Lise par exemple, qui quand, bien même elle écorchait la chair tendre de ses petits genoux de chevreau, avait quelqu'un, présent à ses côté, qui lui prenait ses mains minuscules et l'aidait à reprendre sa marche sur la route presque toute droite dessinée par ses parents débordants d'amour pour elle. Pour ton pote de lycée, qui gravitait inlassablement autour de toi, telle l'une des planètes d'Uranus. Et peut-être que c'était pareil pour cette merde pendouillant comme un manteau miteux sur les barres du wagon. Peut-être qu'il avait eu de la chance. Peut-être qu'il avait tiré le gros lot à la Roue de Fortune. Peut-être qu'il avait vécu une enfance et une adolescence joyeuse et bercée de rire et de touches de clavier. Ou peut-être que comme toi, il avait vécu un remake d'Enfer sur terre. Mais c'est pas avec des « peut-être » qu'on gagne une guerre. C'est avec des vocables jussifs ; comme tu les aimes. Ce petit ton sec qui déclenche dans ton crâne un bonheur sans nom.

Et tu le regardes. Lui. Ce petit merdeux qui, parce qu'il n'arrivait pas à accepter sa nouvelle condition, avait décidé de s'offrir une escapade sous terre. Lui. Qui avait suffisamment rusé pour passer à travers les mailles du filet de tes impotents... collègues de caserne (et encore, le terme « camarade » évoquait beaucoup trop de choses positives pour que ce soit le bon mot). Lui, qui avait enrayé ta journée avec l'être le plus adorable et le plus aimant de toute la terre. Lui, qui la tête posée sur son torse, le t-shirt dégueulassé par les premières taches rouges, affichait encore un air serrein. Sa tronche paisible accélère ton rythme cardiaque ; t'as envie de te le faire. Aux petits oignons, à la tomate, à la carbonara. Tu veux te le faire. Déjà parce que ça fait bien longtemps qu'on t'as pas laissé dignement t'occuper avec un corps digne de ce nom, mais surtout... Ah. Surtout... À cause de sa nouvelle race. Toi ? Raciste ? Non. Juste prompt à obéir. À faire que la société vive sa vie dans la joie, l'amour, et la paix. Et qui dit paix, dit régularisation de ces erreurs de la nature tout sauf constantes. Ces Evolves, c'est vraiment des fouilles merde, des emmerdeurs de compétitions. Ils se sentent toujours obligés de faire ce qu'ils veulent, sans jamais penser, oh grand jamais, que des mecs comme toi puissent être en train de savourer une belle pomme d'amour bien rouge, bien sucrée, bien chaude et à la voix languissante. Oui. T'as ce regard patient, de félin surveillant son bout de viande derrière un fourré sauvage et jaunis par le soleil. T'as cette dégaine décontractée alors que t'es assis là depuis des heures, te curant le dessous des ongles avec la lame de ton couteau.
Quand soudain, alors que tu t'occupais de cet auriculaire apeuré à la vue de ton jouet favori, t'entends le cliquetis délicat du métal contre le métal. Le silence est brisé. C'est le son violent du rappel à la réalité. Ça y est. La Belle au Bois dormant venait de se réveiller. Cette fois, ce n'était pas un spasme, t'en étais sûr. Enfin. Enfin ! Les choses sérieuses pouvaient commencer. Un sourire malade se fraie un chemin sur un visage qui n'avait perdu en rien de sa concentration. Mais lui, ne peut pas te voir, soldat, tu lui as mis la lumière en plein dans la tronche, si tant est qu'il est parfaitement aveuglé. Ses paupières se soulèvent, lentement. Petit à petit. Comme lorsque l'on doit arracher une molaire lors d'un interrogatoire ; l'important, c'est la patience. Ça les met dans une angoisse qui te fait toujours jubiler. Tu te redresses avec discrétion ; tu ne veux surtout pas qu'il sache que tu es là, à épier le moindre de ses faits et gestes. Tu veux lui mettre la pression. Tu veux prendre ton temps. Tu veux faire les choses bien. Il frissonne, et c'est un nouveau cliquetis qui résonne dans le wagon et qui se perd en échos dans la rame. Avec tout autant de lenteur et d'application, il scrute son environnement, comme un chiot qui pose ses pattes pour la première fois dans une maison inconnue. Sauf que lui, il ne ferait pas le tour du propriétaire, et il irait pas pisser partout pour marquer son territoire. Sa respiration s'accélère au fur et à mesure qu'il saisit la merde dans laquelle il est. Oui. Il avait voulu t'enfoncer au plus profond du réseau du métro pour fuir, pour se planquer comme un rat et se faire oublier quelques temps de la civilisation. Sauf que. C'était sans compter sur le chasseur le plus têtu et le plus sadique de l'armée américaine. T'avais suivi son but. Tu l'avais même respecté en y restant, voir même en t'y enfonçant joyeusement.
Sa respiration se faisait de plus en plus courte. Son visage de plus en plus pâle. Ce qui en somme, n'était pas normal. Crise de panique, d'asthme, t'en savais fichtrement rien. Mais il était hors de question qu'il crève. Pas tant que tu ne t'étais pas amusé un peu avec lui. Tu hésites. L'aider, ou pas ? L'aider ou... Alors que tu viens de prendre ta décision de ne pas laisser crever ton joujou, celui-ci régule, se maîtrise. Genre, il t'envoie le signal qu'en fait c'est bon, il t'offre son corps malgré tout.
Et... Ah.
Il t'a démasqué. Il sait que t'es là. Il est malin le p'tit parasite.

Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que tu le mates depuis des heures, assis là, tranquillement. Que t'as pu détailler chacun de ses traits du visage. Que maintenant, il était pour toi un livre ouvert. Oui. C'est une des choses les plus jouissives que d'observer pendant des heures sa proie, sans mot dire. La laisser là, dans le doute, l'incompréhension, et la douleur musculaire. Il s'agace, essaie de se libérer de ces menottes que tu as eu l'obligeance d'amener. Tu trouves ça presque beau, l'espoir. La volonté. La déception. Gosh, c'est l'un des débuts de jeu les plus prometteurs.
Pour répondre à sa voix nerveuse, tu fait cogner ta lame sur la structure en métal des bancs du wagon. Un tintement pur, sobre, résonne le temps d'une respiration angoissée. Un truc qui plaît à tes oreilles et qui le fait se crisper d'épouvante. T'attends quelques minutes, le temps que son petit cœur se calme, avant d'allonger ta jambe et de montrer le cuir de ta pompe ; et hop ! Petit rodéo cardiaque qui te tire un énième sourire carnassier. Il était marrant... Peut-être même que t'allais le laisser en vie. En attendant, tu ne lui parles pas. Pas parce qu'il ne mérite pas d'être traité comme un humain, non. Mais c'est simplement ta façon de faire. T'en a fait craquer des plus durs. Et quand bien même cette chose frêle avait craqué, tu ne fais pas impasse à ton rituel. C'est comme ça. Pour faire les choses bien, faut prendre le temps.
Et tu aimes faire les choses bien.
Alors tu prends ton temps.

Tu sens un truc vibrer dans ta poche. Et t'as l'impression de revivre la même que ce matin. Mais en plus sombre. Les fesses posées tranquillement sur un support, un regard de braise posé sur un bipède, on te contacte, te sort de ta torpeur. Même que c'est encore ton Capitaine. Tu décroches le téléphone, sans pour autant décrocher un mot, et t'entends sa voix forte et désagréable. « Rothgrüber. On a perdu son signal. Reviens immédiatement à la base. » Tu lâches un rire moqueur, qui fait craquer ton supérieur. « Qu'est-ce que t'as à ricaner comme un con ?! Tu t'fout de ma gueule ? Attend voir que je mette la main sur ta p'tite gueule de PD. Tu vas moins faire le malin. Ramène immédiatement ton cul de gonzesse, soldat ! » Il était définitivement sur les nerfs. Bien qu'il reconnaissait tes talents de soldat, il ne supportait pas ta nonchalance et ton comportement hautain. Faut dire que lui, ne s'est jamais vraiment retrouvé au front. À sentir l'odeur du sang-mêlé à la terre. À sentir l'odeur du sang-mêlé à la terre. À vider un chargeur sur une cible mouvante. Non. Tout ça, il ne l'avait pas fait. Juste des rumeurs, des histoires, qu'il a entendues. Ce qui lui permettait de chier dans son froc à l'idée d'avoir perdu la trace d'un evolve lambda et de se faire taper dessus par les instances supérieures. Cette fois, tu lâches un soupir. C'est peut-être l'insolence de trop. Tes doigts viennent se poser sur une balle que tu avais retirée de ton chargeur un peu plus tôt, et, avant qu'il ne dise quoi que ce soit, tu la lances en direction de ton prisonnier. Elle lui frôle la joue et vient se heurter violemment contre la vitre.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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24.12.15 19:01
Le silence. Rien de plus et rien de moins. Pesant et angoissant à la fois. Et comme pour exacerber davantage la peur blottie dans la poitrine de son prisonnier comme l’animal tapi dans son terrier à l’approche du chasseur, voilà que ce dernier s’amusait au dépend du garçon, manifestant tantôt sa présence – devenue certitude désormais – par un son métallique produit par autre chose que les menottes, tantôt par le bout de ses bottes. A son grand désarroi, Sulkan pouvait deviner la boucle que suivait l’autre, ce qui lui arracha de nouveaux sursauts de crainte, bientôt rythmés par les tremblements de terreur qui l’agitaient de temps à autre. La vérité, amère et cruelle, s’imposait doucement à lui : ce n’était pas un interrogatoire. Il n’était pas ici pour avouer quoique ce soit, ni même attendre les renforts de son bourreau-chasseur afin d’être gentiment reconduit à la surface, entre deux miliciens. Plus que les signes de vie de l’autre, c’était cette perspective qui le terrorisait à présent. A quoi jouait-il ? Quelles étaient ses intentions ? Est-ce que ses supérieurs savaient où ils se trouvaient ? Pire encore, avaient-ils connaissance du côté psychopathe de leur recrue ? Et s’il s’agissait de sa première mission sur le terrain ?! Il ne voulait pas finir découpé, saigné à blanc comme la victime par excellence. Et qu’on finisse – ou non d’ailleurs – par retrouver son corps, passé sous un ou deux métros auparavant… Cette vision d’horreur s’imprima durablement sur sa rétine, à tel point que Sulkan dut fermer les yeux, compter jusqu’à dix malgré les battements accélérés de son cœur martelant sa poitrine, pour tenter de se calmer. S’il cédait à la panique maintenant… Malheureusement c’était sans compter sur ses nerfs mis à rude épreuve et le sadisme de son bourreau. Cela faisait quelques secondes, plusieurs minutes qui sait, qu’il ne s’était plus manifesté et ce vide, ce silence, éprouvaient un peu plus son prisonnier. Si bien que lorsque quelque chose de froid lui frôla la joue, il tressaillit. Le bruit qui résonna derrière lui, bien qu’associé au projectile par son cerveau, lui arracha un cri de terreur. Bientôt, le cliquetis des menottes se fit entendre de plus belle, ponctuant les exclamations du garçon :

« Putain ! Qu’est-ce que c’était ?! Je ne veux pas mourir ici putain ! Quelqu’un ! A l’aide ! Me laissez pas avec ce malade ! »

Comme si quelqu’un pouvait l’entendre d’ici… L’autre avait bien prévu son coup. Enfouis sous terre, suffisamment loin de la moindre station de métro toujours en activité… Mourir. Il allait vraiment y rester… Cette idée germa dans son esprit, parasitant celui-ci à la vitesse de l’éclair. Il n’y avait aucune échappatoire. Ce tordu allait lui faire la peau, longuement, avec un plaisir caractéristique du prédateur… Sinon, pourquoi l’aurait-il emmené ici ? Certainement pas pour que ses acolytes le retrouvent au plus vite… Néanmoins, à l’autre bout du fil, le Capitaine en question entendit très distinctivement les hurlements en arrière-plan sonore.

« Que- »

L’espace de quelques secondes, l’incompréhension et la stupeur paralyse son cerveau. Cette recrue se payait sa tête ? Pour de bon ? S’agissait-il seulement de leur cible ?

« Au rapport soldat ! Et plus vite que ça ! » tonna-t-il de plus belle dans son appareil.

De son côté, le prisonnier n’en menait pas large. Loin de laisser place à la résignation devant une mort plus que pressentie à ce stade, son esprit s’affolait, encore et toujours, sans jamais atteindre ses limites. Des images toutes plus sordides les unes que les autres lui venaient en tête. Pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur lui ?! Pourquoi devait-il se taper le psychopathe de service parmi tous les miliciens en fonction ?! Le sort s’acharnait sur lui… Et soudain, sa respiration se bloqua. Sur le moment, Sulkan crut à une nouvelle crise d’asthme sauf que celle-ci ne passait pas. Le garçon essaya de respirer, lentement puis par à-coups dès lors que la sensation de suffoquer se faisait plus forte. Pourquoi ? Il respirait normalement pourtant ! Et il était entouré d’air ! Alors pourquoi diable l’air refusait-il de pénétrer ses poumons ? Lui qui n’avait jamais été asthmatique dans sa jeunesse… C’était bien le moment pour commencer tiens ! Son corps bougea de lui-même, sous les spasmes de l’asphyxie encore inexpliquée. Chaque inspiration ne faisait que le plonger un peu plus dans l’incompréhension, doublée de la terreur de mourir aussi bêtement. Deux mots parvinrent, tant bien que de mal à franchir ses lèvres, lesquelles paraissaient soudainement plus claires du fait de la couleur rouge qui envahissait le visage du prisonnier.

« De… L’air… »

Sa vue se brouillait doucement, même s’il crut discerner du mouvement dans sa direction. Un visage aux traits vaguement familiers dans ses souvenirs aussi flous que son champ de vision actuel. Son bourreau ? Un sauveur providentiel ? Comment savoir ? Cette sensation de manquer d’air, horriblement familière pour l’avoir expérimentée à deux reprises déjà… Il revoyait le plafond de la salle de bain miteuse dans laquelle il avait trouvé refuge, espérant ainsi retarder l’inévitable, à travers la surface de l’eau, tandis qu’il gisait, inerte, au fond de la baignoire. Se pourrait-il que… ? Sans aucune logique, deux nouveaux mots furent lâchés, presque murmurés, du bout des lèvres, laissant parfaitement penser que l’asphyxie le faisait délirer au plus haut point :

« De… L’eau… »
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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19.01.16 8:39

 

    The Hunting Party

Et dire qu'à une époque, ça n'existait pas. À quelques siècles près, les gens se regardaient dans les yeux, se donnaient rendez-vous de la manière la plus naturelle, communiquaient avec une spontanéité sans pareille. Avant, il y avait cette chose, ce petit plus qui permettait à n'importe qui de se différencier dans un petit cercle choisi, sans pour autant aspirer à une gloire éphémère internationale. Ce truc qui pend comme un cadavre d'une étagère. Ce truc qui se rattache du mieux qu'il peut à une prise murale, aspirant la vie comme un vampire aspirerait du sang, comme l'état ponctionne les honnêtes gens. Certes, il arrive qu'il sauve des vies. Mais combien en a-t-il emporté avant ? Un outil bien pratique pour certains. Un truc bien chiant pour d'autre. Le téléphone. Presque greffé au bout de la main, plus personne n'arrive à s'en passer. Et puis franchement, à quoi bon ? Hm ? Payer le métro, payer ses courses, avoir des nouvelles de ses amis, avoir des avis sur un restau, trouver un hôtel, avoir enfin le sens de l'orientation, comme un pro. Hein ? On peut tout faire avec maintenant. Plus besoin de se balader avec de la ferraille, des cartes en plastiques ou des bouts de papier. Quand on y pense, c'est pas mal la technologie. En plus, le détenteur de ce genre d'appareil est disponible H24, sept jours sur sept. Il est à la merci d'une sonnerie, tel un masochiste trépignant en attendant un coup de fouet.
Toi, soldat, c'est pas ton dada. Déjà, parce que les nouvelles technologies et ta patience mythologique ne sont pas connues au bataillon. Et puis, toujours jeter un œil dessus pour savoir si oui ou non tu vas recevoir un signe de vie, sincèrement, tu trouves ça puéril. Pire. Inconcevable. Internet ? Tu t'en sers pas. GPS ? Tes yeux et ta tête sont suffisants. Appareil photo ? Pas besoin. Jeux ? T'es de la vieille école, tu t'amuses d'un rien. Un peu comme maintenant en fait. T'étais en train de réunir tous les éléments qui allaient constituer une des parties les plus intéressantes que t'avais jamais faites : angoisse, agonie, stupeurs, tremblements, larmes... Petit à petit, tu mettais tout en place pour pouvoir commencer ton moment de « Lâcher prise ». Sauf que. Avec ce sommaire morceau de plastique collé à l'oreille, tu perdais du temps. Et ça te faisait grave chier. Mais genre, à une puissance incommensurable. Ton partenaire de jeu venait de se réveiller et de réaliser ce que tu avais sélectionné tout spécialement pour lui. Mais tu étais dérangé par un capitaine gras, insensible à l'Art, et sous prozac. Ton supérieur t'ordonnait de rendre des comptes. Sauf que. Il ne te le demandait pas la manière la plus diplomate. Tout du moins, pas selon la diplomatie que tu réclames silencieusement. C'est ainsi depuis un an, et tant qu'il aura pas succombé à un arrêt cardiaque en bonne et due forme, il en sera comme ça pendant encore longtemps. Tu t'amusais alors à le provoquer, à le pousser dans ses retranchements pour que son petit cœur à la con en ait marre et s'arrête sans demander l'avis à personne. Tu l'imaginais de l'autre côté du téléphone, démuni, tremblant de perdre ses privilèges, ses postillons s'écrasant violemment sur le bois du bureau et sur une secrétaire à deux doigts de vomir. Le visage rouge de colère, à gueuler comme un porc, il était en train de ruiner ses séances de yoga. T'es en train d'hésiter entre te marrer et entre prendre enfin la parole. Mais au final, c'est ton corps qui réagit spontanément. Tu jouais calmement avec une balle, sorte d'objet déstressant, et tu le lances. Elle frôle la joue de l'Evolve qui se met à beugler comme un veau. Sa réaction était mignonne. Presque trop adorable pour sa race. Dit donc mon bichon, c'est pas comme ça que tu vas t'attirer ta survie... Tu ricanes en silence, satisfait de voir que ta proie était toujours sur les starting-blocks, que ses nerfs étaient plus qu'à vif. « Au rapport soldat ! Et plus vite que ça ! » que t'entends rugir à l'autre bout du fil. Et toujours aussi têtu, tu te mures dans un mutisme isolent. « Petite merde... Si tu me fais pas un rapport illico, j't'assure que j'te pourrirais la vie ! Parle ! » Silence. « T'as gagné !! C'est le conseil militaire ! Et j'ai des charges contre ta petite gu- » « Deux secondes. » que tu finis par lui balancer sans même prendre le temps d'attendre sa réponse. Et pour cause, ça devenait chaud de l'autre côté.

L'esprit complètement ailleurs, une petite voix plaintive est parvenue à tes oreilles dans le silence du wagon. Hey. Soldat. T'as pas l'impression qu'il se passe un truc ? Genre... T'es au téléphone avec un mec haut gradé qui peut théoriquement t'ordonner n'importe quoi. Et y a pas de bruit. Ça te paraît pas... Anormal ? C'est une occasion en or massif pour le merdeux. Pourquoi il la saisit pas ? Et c'est comme ça que tes yeux se détournent de l'horizon sombre du tunnel pour se poser sur le visage pâle du fugitif. Et c'est comme ça que tu mets ton supérieur sur pause, lançant ton téléphone sur le banc miteux. La tête en arrière, le corps entrant en transe, t'as manifestement trop poussé à bout ses nerfs de gonzesse. Avec rapidité, tu prends dans ta petite pharmacie portable de quoi le calmer, ainsi qu'un sac plastique. Il était hors de question que tu le laisses mourir. Du moins pas maintenant, pas entre tes mains. Pas tant que tu n'avais pas joué avec lui. En deux pas, tu arrives près de cette marionnette chahutée par un vent trop violent. Tu te mets derrière lui, et passes ton bras par-dessus son épaule droite. Tu places ton avant-bras sous son menton pour le maintenir fermement en arrière, et ta jambe sur son bassin pour retenir ses spasmes. D'un geste précis et dénué d'hésitation, tu lui plantes violemment l'aiguille dans la jugulaire et lui administres la moitié de la seringue. Parce que bon, hein, fallait quand même qu'il garde un peu d'anxiété pour plus tard. Tu places ton avant-bras sous son menton pour le maintenir fermement en arrière, et ta jambe sur son bassin pour retenir ses spasmes. que tu lui ordonnes en murmurant dans son oreille. Tu sens encore des mouvements brusques de sa part : « Tout doux bichon. Je t'ai juste donné quelque chose pour te calmer un peu. Et c'est que de l'air dans le sac alors écoute ce que je te dis et respire. Je te donne rien de toxique. Je joue pas sur ce terrain de lâches. » Complètement shooté, tu sens qu'il commence à t'obéir. Il n'a pas vraiment le choix s'il veut continuer à cavaler comme un lapin une fois que tu l'auras remis à des autorités plus compétentes. Son rythme revenu à la normal, tu relâches ta prise et retournes ranger tout ton petit matos et fini par reprendre le téléphone. Presque comme par magie, t'entends une voix au moment même où le plastique se pose sur ton oreille. « Rothgrüber. Au rapport. » Grave, autoritaire, posée, t'as tous les poils de ton corps qui s'hérissent d'un coup alors que tu te redresses, droit comme un i, machinalement. Ce ton unique de leader, aussi serein, et pourtant si ferme... Ça fait des choses dans ton corps. Rien qu'à la façon dont il te parle, tu ressens que ton nouvel interlocuteur n'est en rien au même niveau que la petite truie précédente. « J'ai intercepté l'individu Sulkan Zaslavski alors qu'il tentait de s'échapper par le réseau du métro. Il m'a menacé d'une arme. J'ai maîtrisé l'individu et avant de le ramener à la surface, j'attends qu'il obtempère de son plein grès, monsieur. » T'as l'air d'un guignol, Phear, à changer ta façon de parler, de te tenir, simplement parce qu'un gars qui te donne l'impression d'avoir été front est à l'autre bout du fil. « Rothgrüber. Je connais vos antécédents et vos méthodes. J'ai connaissance des rapports de vos supérieurs. Je ne vous dirais qu'une seule chose. Vous avez carte blanche. Mais en vie. Repos soldat. » « Bien monsieur. ». Tu raccroches. C'est la fin de l'instant solennel. Et tu lâches un profond soupir.

« De… L’eau… » . Relevant la tête, tu regardes de nouveau le corps las de l'homme dont tu as temporairement le destin entre les mains. Cette... Chose, frêle, demande de l'eau. T'hésites. Tu pèses le pour et le contre. Le laisser crever de soif te permettrait d'exercer une autre méthode de torture, bien souvent utilisée dans les régions irakiennes. Le corps se déshydrate, la gorge s'assèche, chaque respiration est un supplice tandis que chaque gouttelettes est une lame enfoncée droit dans le gosier. Mais si tu n'accèdes pas à sa requête, il risque de refaire une crise qui décalerait encore la séance. Et tu n'en peux plus d'attendre.
Un claquement de langue sur le palais et tu t'empares de la petite bouteille en plastique. « Sache que d'ordinaire, je fais pas dans le social. Mais je veux commencer. Une bonne fois pour toute. » Maintenant que t'as le feu vert officiel d'un supérieur hiérarchique de pouvoir faire ton petit truc pépère, tu décides d'entamer les choses sérieuses. Une, deux, trois, quatre, cinq gorgées que tu lui laisses boire, avant de lui retirer brusquement le goulot des lèvres. Tu passes tes doigts dans ses cheveux, ta main parcourt sa boite crânienne. Puis tu lui saisis la tignasse et lui tires la tête en arrière, approchant ton visage jusqu'à ce que tu vois ton reflet dans ses yeux apeurés. « Nom : Rothgrüber. Prénom : Phear Innocent. Poste actuel : Eraser à tendances exterminateur. Tâche de t'en souvenir pour la prochaine fois, sale crevure. » Ah. Les mots doux d'amour... Tu relâches ta prise pour aller prendre ton sac à dos remplis de petites choses toutes plus amusantes les unes que les autres. Tu te mets à ses pieds, vidant un à un les objets précieusement rangés dans leurs étuis, les commentant. « … Et pour finir... Ma belle Katerina. J'espère que tu aimes les magnifiques pin-up de Sibérie. Regarde-la... D'une taille standard, mais avec des courbes magnifiques. Des hanches généreuses et chaleureuses auxquelles s'agripper pendant qu'elle glisse lascivement ses extrémités de glace dans la chair. » C'était décidément ton objet favori. La chose qui ne te quittait jamais. Logé dans le creux de tes reins, elle avait été remise à tous la compagnie qui avait été dépêchée en Oural pour parfaire l'entrainement militaire. En guise de félicitation pour avoir tenu jusqu'au bout de la campagne, ils avaient fait faire des lames d'une résistance hors du commun dans un écrin en cuir brun inimitable. Un magnifique cadeau qui avait fait basculer dans l'hystérie, même le chef de brigade ennemie le plus cruel. « J'ai de grands espoirs pour toi, Evolve. Ne me déçois pas en abandonnant la partie trop vite. Je sais que tu peux tenir longtemps. C'est dans vos gènes, non ? » que tu lui confies, un rictus bien accroché sur ta petite gueule de bidas névrosé.

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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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31.01.16 9:59
Les secondes se mettent à défiler à une lenteur extrême, à peine imaginable pour le prisonnier. En dépit de ses efforts pour assurer de nouveau le passage de l’air dans sa trachée en vue d’atteindre ses poumons, le système inné de la respiration ne se débloque pas. Comme si son corps lui-même refusait d’endurer plus longtemps la liste interminable des humiliations dont il avait été victime jusqu’à présent. L’air lui manque. Il étouffe. Ses oreilles bourdonnent et le garçon songe déjà à l’autre côté. Réclamer de l’eau est une chose. Une tentative désespérée pour essayer de neutraliser son pouvoir. Sans que le principal intéressé n’ait encore conscience du phénomène en lui-même. Mais à quoi bon ? Si lui-même n’était pas capable de comprendre ce qui lui arrivait, comment son bourreau le pourrait-il ? De l’air ou bien de l’eau, quelle était la différence à ce stade ? Malgré ces pensées toutes plus pessimistes les unes que les autres, Sulkan dut reconnaître que l’Eraser eut le bon réflexe. Sans doute que les années d’entraînement de ce dernier n’étaient pas si loin derrière lui. A moins qu’il n’ait déjà été confronté à ce genre de situation sur le terrain auparavant ? Le garçon ne s’attarda pas sur la question mais à la vue du sac plastique s’approchant près, trop près de son visage, il eut un mouvement de recul terrifié. Chose parfaitement vaine puisque l’Eraser venait de l’immobiliser avec toute la force tranquillité que seule l’habitude confère. Sulkan aurait voulu crier, se débattre davantage. La poigne de l’autre l’en empêcha en partie, son asphyxie acheva de le rendre impuissant. Toutefois, un cri de douleur lui échappa malgré tout au moment de sentir la piqure aigue de la seringue crevant la surface de sa peau. Une sensation de brûlure se répandit de la base de son cou jusqu’à l’ensemble de son organisme même si dans le fond, cela était purement psychologique. N’ayant aucune idée du contenu même de la seringue, Sulkan imaginait le pire. Naturellement. Que de l’air ? Quelque chose pour le calmer ? Comme s’il allait le croire sur parole tiens ! Cet homme n’était peut-être pas un lâche mais ce n’était pas un saint pour autant ! Seulement, le garçon dut bien se remettre à respirer à un moment donné, d’autant plus que le produit – probablement un annihilateur de pouvoirs – avait aussitôt fait effet, lui permettant de respirer normalement de nouveau, à son grand soulagement. Ce fut donc avec réticence mais bien obligé, que le garçon se mit à respirer le contenu du sac en plastique, de l’air selon les dires de son bourreau. D’abord irrégulières et rapides, ses inspirations retrouvèrent progressivement un rythme normal.

Saccadée de prime, sa respiration redevint normale, rapportant avec elle, les premiers doutes quant à la suite des événements. Et si les intentions de l’Eraser n’étaient pas de le tuer ? Devait-il s’en réjouir ? A moins que l’autre ne le maintienne en vie simplement pour le plaisir de contempler son désespoir face à la perspective de la mort le moment venu ? Curieusement, ses réflexions tournèrent au ralenti. Se pourrait-il que le contenu de la seringue soit en partie un sédatif ? Sulkan jura intérieurement. Il se sentait encore plus vulnérable entre les mains de cet homme maintenant ! Cet enfoiré avait osé le droguer ! Dans le but de lui sauver la vie mais quand même ! Il aurait préféré crever tiens ! Hagard, le garçon le regarda s’activer. Son esprit était tout engourdi et il dut cligner des yeux à plusieurs reprises pour garder conscience de ce qui se passait autour de lui. Des échos d’une conversation lui parvenaient. Ou plutôt, la voix de son bourreau retentissait non loin de lui. En se concentrant autant que possible, Sulkan discerna même quelques mots, notamment après avoir reconnu son prénom. Et lorsque la raison de sa séquestration finit par tomber, le garçon fut pris d’un rire d’hystérique, quoique relativement faible. On attendait donc de lui qu’il obtempère de son plein gré ? Voilà pourquoi il se retrouvait aux mains de ce psychopathe forcené ? Sans personne pour lui rendre ses droits ? Si c’était ça le système juridique de Madison, alors Sulkan fut agréablement fier d’avoir agi en toute illégalité jusqu’à présent. Contre coup de la seringue, sa gorge s’était violemment asséchée, lui faisant renouveler sa précédente requête. Et contre toute attente, l’Eraser s’exécuta, même s’il interrompit sa BA de manière trop brutale aux yeux de son prisonnier. Ce dernier se surprit à espérer que l’eau parviendrait à la tirer de cette torpeur insupportable. Commencer ? Commencer quoi ? Rencontrer le visage de son bourreau, en face et de très près, lui fit rater plusieurs battements. La peur devait se lire dans ses yeux, compte tenu de ce que l’autre allait pouvoir faire de lui mais étrangement, la fin lui fit reprendre ses moyens et le garçon lui cracha au visage. Geste désespéré ou suicidaire ? Sulkan laissa retomber sa tête sitôt que la prise sur ses cheveux disparut. Maintenant, il ne savait plus trop bien ce qu’on attendait de lui. Jouer les rebelles pour gagner du temps ? Ou se rendre ? Mais n’était-il pas capturé ? Alors pourquoi l’Eraser ne le ramenait pas à la surface ? Qu’est-ce que ce dernier entendait par « plein gré » ? Qu’il se mette à le supplier ? Le garçon finit par avoir sa réponse et si la dernière possibilité lui avait paru impensable jusqu’alors, il revit sa détermination à la baisse devant cet étalage d’armes. La torture. L’autre l’avait gardé ici dans ce but. Jouer avec lui jusqu’à ce que le temps soit écoulé. De toute façon, qui irait écouter les plaintes d’un Evolve en fuite ? Au mieux, on le soignerait en collant un blâme au soldat en question, dans le pire des cas, le second ne serait jamais inquiété outre mesure. Contrairement à son prisonnier, il bénéficierait d’une tribune pour convaincre ses juges que les circonstances avaient conduits à tout ceci. Ce qui n’était pas, dans le fond, totalement faux. L’horreur se lisait à présent sur le visage du garçon. Restait à savoir si c’était le sourire de dément ou bien les armes en elles-mêmes qui le terrifiaient le plus. Et puis, il y eut la résignation. Qu’importe son statut, l’autre avait obtenu la permission de jouer avec lui. Il était inutile de se défendre en prétendant ne pas être la bonne personne, encore moins l’un de ces monstres. Son bourreau était persuadé du contraire, ou du moins, se bornait à exécuter les ordres venus d’en haut. Et surtout, ce qui l’excitait à un point impossible à comprendre, c’était bien le fait qu’on lui résiste non ? Posséder la liberté d’un récalcitrant, jouir de sa souffrance jusqu’à ce qu’il se brise de l’intérieur… Sulkan ne voulait pas lui faire ce plaisir.

« … Quelle partie ? Elle est déjà terminée pour moi. » finit-il par lâcher.

Sa voix, légèrement rocailleuse à cause d’une gorge sèche malgré les quelques gorgées gracieusement offertes, lui parut être celle d’un étranger. Il n’y avait plus rien à espérer, alors autant attendre que l’autre se lasse. Car cela finirait bien par arriver tôt ou tard. Une mort rapide, c’était tout ce qu’il pouvait espérer.

« T’as gagné. J’peux pas m’enfuir d’ici. »

Dire qu’il faillit ajouter que l’Eraser pouvait dès à présent le conduire partout où il voulait, qu’il ne comptait pas lui offrir la moindre résistance mais, son égo le lui interdit, dans un ultime soubresaut de fierté mal placée.

« Mais puisque je suis un Evolve, explique moi ce qui s’est passé dans cette salle de bain sordide. Hein mec ? » Il fit le choix volontaire de ne pas utiliser le nom de son bourreau, preuve étant qu’il se fichait de le connaître. « Vas-y. Si tu me donnes la réponse, j’irai où tu voudras. Y compris jusqu’à ta caserne de dégénérés. »

Les enfers auraient aussi bien pu être sa prochaine destination. Et tant pis si son insolence dissimulée sous une couche de résignation n’était pas au goût de son interlocuteur… Au même moment, Rhys inspirait une dernière goulée d’air frais avant de voir ses narines assaillies par l’atmosphère saturée du métro. Dire qu’il n’avait jamais vu son supérieur en colère aurait été mentir. Mais il n’aurait jamais cru le voir autant rager pour l’une de ses recrues. L’Eraser avait été témoin de la scène, de l’appel émis par son supérieur, jusqu’à ce qu’il soit repris par quelqu’un de plus gradé que lui. C’était sans doute ce sentiment d’impuissance couplé à la honte qui avait rendu son supérieur direct hors de lui. Et dans le fond, passée la peur de voir les retombées de cette fureur sur sa personne, Rhys devait reconnaître que c’était assez drôle de voir son visage changer de couleur, gagnant chaque fois une teinte toujours plus cramoisie. Cependant, l’Eraser n’avait pas anticipé la suite. Certes, il s’agissait d’un autre et si cela devait mal tourner, il pourrait toujours invoquer la responsabilité de son supérieur mais… Rhys se sentait un peu mal de devoir intervenir en parallèle de la mission du soldat Rothgrüber. Ce n’était pas dans ses façons de faire. Surtout pour des intérêts aussi égoïstes que l’étaient ceux de son supérieur. Ramener l’Evolve et le soldat Rothgrüber au plus vite. Tu parles d’une mission de routine ! L’Eraser soupira avant de vérifier une nouvelle fois le positionnement donné par le bracelet de son homologue.

« En espérant que ce ne soit pas un leurre, ou j’aurai perdu mon temps… »

Faisant abstraction des divers regards qu’on lui adressait, répondant parfois par un sourire déconcertant, Rhys atteignit sans mal la dernière station où des témoins rapportaient avoir vu les deux hommes. A partir de là, les choses se gâtaient. L’emplacement de Rothgrüber ne se trouvait sur aucune zone accessible. Une ancienne station abandonnée ? Ce qui expliquerait pourquoi il apparaissait carrément en dehors des plans connus du métro. L’Eraser passa une main lasse dans ses cheveux roux puis descendit sur les rames pour remonter le tunnel. Pas le choix, il allait devoir progresser à l’aveugle, ou presque, avec un unique point lumineux sur un écran noir en guise de point de repère. Une chance que la Nature l’avait pourvu d’un bon sens de l’orientation. S’il tourna en rond pendant quelques minutes avant de se voir approcher lentement mais sûrement sa destination, la pénombre relative des lieux l’empêcha de s’en offusquer. Et lorsqu’il aperçut enfin de la lumière au bout, étonnamment forte étant donné l’état insalubre des lieux, un hurlement de douleur le fit se figer. Ce n’était pas la voix de Rothgrüber… L’Evolve donc ? C’était ça la conclusion de l’échange téléphonique auquel il avait assisté de loin ? Laisser le fugitif aux mains de Rothgrüber tout en connaissant ses méthodes ? Rhys n’avait jamais été dans la même brigade que lui et n’avait eu jusqu’à présent que des échos du personnage. Mais des échos glaçants tout de même. Le soldat Rothgrüber n’était pas réputé pour être un mauvais soldat, bien au contraire. Disons cependant que ses méthodes étaient…particulières, faisant de loin l’unanimité au sein de la milice. Et savoir qu’un Evolve, coupable ou non, en ferait les frais, lui fit serrer les dents. L’Eraser reprit sa progression, plus rapide cette fois et le regard fixé sur sa destination. Il n’avait pas rejoint les rangs de la milice pour le plaisir de traquer les Evolves. D’aussi longtemps qu’il s’en souvienne, il n’avait jamais eu de différends avec eux. Certes, certains usaient clairement de leur pouvoir à outrance ou avec l’intention de faire le mal autour d’eux. Mais d’autres, la plupart même, se retrouvaient entre leurs mains, complètement largués, ne réalisant pas ce qui leur arrivait. Alors Rhys ne pouvait se résoudre à tous les mettre dans le même panier. Pas plus qu’il les détestait ou en avait peur. Il existait seulement pour s’assurer qu’ils ne blessent personne, à commencer par eux-mêmes. L’Eraser se hissa sur le quai sitôt celui-ci atteint.

« Rothgrüber ! Bon Dieu, qu’est-ce que tu- »

Ses pas l’avaient conduit jusqu’au wagon et le spectacle qu’il y découvrit, bloqua la fin de sa question dans sa gorge, laissant celle-ci en suspens. Menottés à la barre horizontale du wagon, le prisonnier pendait lamentable, comme un bestiau envoyé à l’abattoir. Lorsque la seconde silhouette s’écarta davantage, Rhys put apercevoir les tâches cramoisies situées ci et là sur son corps. Il ne s’était pas trompé. Les rumeurs courant sur le soldat Rothgrüber étaient vraies elles aussi. La voix de celui qu’il venait d’interpeller finit par le ramener au moment présent, le tirant par ailleurs de sa torpeur. Rhys chercha le regard de son collègue, soutenant sans peine celui-ci. La raison de sa venue ? Les choses allaient se gâter désormais et il n’avait même pas pris le temps de réfléchir à ce qu’il pourrait sortir comme arguments. L’autre était dans son droit mais il ignorait très probablement les changements de directive effectués en surface.

« Rhys Coppenfield. J’ai reçu l’ordre de vous ramener, toi et le prisonnier aux quartiers généraux. » déclara-t-il calmement, sur un ton égal.

Dans le meilleur des cas, son interlocuteur accéderait à sa requête sans afficher de résistance. Au pire, il prendrait contact avec la hiérarchie et risquait de tomber sur leur supérieur en commun, lequel ne manquerait pas d’appuyer la version de Rhys. C’était à cause de lui qu’il était venu jusqu’ici. Si l’appel ne gagnait pas d’autres échelons dans la hiérarchie, les choses en resteraient là. C’était un pari risqué. Surtout qu’il se voyait mal repartir bredouille en laissant la malheureuse victime sur place. Cependant, n’était-il pas déconseillé de déranger un carnivore en plein repas ? En présence du soldat Rothgrüber, l’Eraser éprouvait la désagréable sensation de ne pas être sa place, ici, perdu sous terre.
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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15.02.16 15:49

 

    The Hunting Party
Les secondes passent, et ne se ressemblent pas. Ces minutes suspendues à la trotteuse d'un cadran, qui dirigent chacun des mouvements de tout être qui respire. Comme certaines de ces heures, qui parfois sont des plus longues, sans qu'on sache vraiment pourquoi, et ces autres qui passent en un clin d’œil. Comme ces jours qui, inlassablement, nous font se lever au grès des premiers rayons du soleil, et coucher lorsque que la lune décide de se mouvoir dans un ciel obscur. Ces vingt-quatre heures dans lesquelles nous sont imposées des rituels simples et qui signent perpétuellement la dépersonnalisation de l'individu : travailler la journée pendant huit heures, manger trois fois par jours aux mêmes heures, se gaver d'émissions pour grand public analphabète, et puis s'échouer sur l'écume des rêves. Les secondes passent, et ne se ressemblent pas. Comme ces années, qui sans ménagement pèsent à chaque fois un peu plus lourd sur nos épaules, sans que cela ne dérange personne. C'est comme ça, il faut vivre avec à défaut de vivre ensemble. Parfois, il arrive que ces espaces temporels se distordent, se changent, qu'un élément chamboule l'Ordre du Temps, et que tout un programme se métamorphose. Ces petites choses de la vie quotidienne traditionnelle, qui permettent de montrer sa différence d'avec son voisin, de tirer son épingle du jeu, de montrer que, non, la Vie que je vis n'est pas similaire à la vôtre, fade, morne, et sans couleurs. Prétentieux, n'est-ce pas ? Un comportement narcissique, qui permet de survivre dans ce monde où les hommes croient sans méfiance dans un système qui les mène aveuglément à leur perte.
Et toi, petit soldat américain, qu'est-ce qui te permet de tirer ton épingle du jeu ? Qu'est-ce qui te fait survivre dans ce monde qui se proclame « Tout Rose Bonbon » et où on est censé y vivre une vie où tout n'est que luxe, calme et volupté ? Hm ? Toi, y a Lise, ta seule et unique friandise pour laquelle tu te mettrais à dos le monde entier. Ta seule sucrerie pour laquelle tu t'arracherais les yeux, te couperais les mains, brûlerais vif pour qu'elle puisse continuer à vivre dans un monde de paix utopique. Y a Lise, et puis y a ton uniforme. Ta deuxième famille. Celle chez qui t'as apprit les rudiments de la vie, là où certains essaient d'apprendre comment survivre. Loin de leurs berceaux d'illusions et de leur cocon maternel, tu les as vu peiner, pleurer, gerber de toute leur âme. Ceux-là, qui, alors qu'ils étaient encore dans leurs couches, se dandinaient jusque dans les jupons de leurs mères. Là où toi, tu allais te cacher dans un recoin sombre du pavillon familial, les mains placardées sur tes petites oreilles, les dents empêchant tes lèvres de frémir de peur. C'est sur ces fils de bonne famille, gâtés et choyés, que tu posais un regard des plus méprisant, et avec lesquels tu faisais tes premières armes en matière de torture psychologiques. Parce qu'à l'armée, dans le bataillon où on t'avais chaudement recommandé, t'avais eu droit à ces formations. D'abord à la place de la victime, on t'avais traité comme un chien, à te cracher à la gueule, à te faire graduellement passer par chacune des étapes les plus dégradantes et les plus éprouvantes, pour t'habituer à une réalité du terrain que tu ne connaissais que trop. Si c'était d'un autre niveau par rapport à ton enfance, ce n'en était pas moins similaire sur les bases. Ta gueule fermement bouclée à double tour, les examens réussis, t'étais passé du côté bourreau. Et c'était à ce moment que tu t'étais révélé au Monde, que ton épingle était belle et bien à la vue de tes « frères » humains.
C'est là que t'as pleinement prit conscience de ce qui allait motiver ta vie entière.

Dans ce wagon perdu au milieu du vieux réseau du métro de Madison, t'avais installé une base de fortune. Sur l'une des banquettes, t'avais sorti le minimum syndical : des barres hyper-protéinées, 3 petites bouteilles d'eau, une trousse de premiers secours. Par terre, au pied de ce qui permettait aux usagers de poser leur fesse bien grasse, t'avais étendu un tissu noir sur lequel t'avais déposé, une à une, chacune des armes de ton arsenal du jour. Pas grand chose quand on connaît ta collection, soldat. Après tout, ce n'était pas une mission qui devait durer sur le long terme, et tu n'avais pas prévu de passer trop de temps sur le corps offert de ta victime. Cependant, t'avais quand même pris des jouets favoris : ton couteau de chasse, ton pistolet de service, un pistolet acheté au marché noir sans numéro de série, la matraque de la milice et un taser. Voyager léger pour une mission aisée. Et puis, si jamais ton petit matériel n'était pas suffisant, ta double imagination de sadique ferait l'affaire. Un sac en toile ou un sceau, un rongeur, un peu de chaleur et le tour serait joué.
Affalé sur la banquette en face de ta cible, t'attends patiemment qu'il reprenne ses esprits. Le p'ti avait décidé de faire une crise ; était-ce de panique ou lié à son putain de pouvoir de merde, t'en savais rien, et tu t'en foutais comme de ton premier téton arraché lors d'un interrogatoire. Le fait est là, t'avais réagit vite et précisément, pour limiter tout risque de débordement ou de mort inutile. La moitié d'une seringue de sédatif, partiellement annihilateur de pouvoirs. Loin d'avoir été complètement coopératif, le nimbus était parti avant même qu'on définisse avec exactitude son habilité ; ou tout du moins, avant même qu'on te mette au courant de ce que son corps pouvait produire spontanément ou non. Et puis t'avais pas envie de crever ici, d'une mort tout sauf glorieuse. Alors cette aiguille dans la tendre chair vierge de son cou, c'était de la prévention pour votre après-midi entre potos. Après tout, vous n'aviez pas commencé à jouer ensemble comme les bons camarades que vous êtes ; c'était franchement dommage de ne pas approfondir les liens qui vous uniront dans un futur proche.

Les couleurs lui reviennent, ses muscles se tendent un peu, et il peut enfin tenir sa tête droite tout seul, comme le grand garçon qu'il est. Sa respiration est tout ce qu'il y a de plus normal, et tu laisses échapper un bref soupir de satisfaction. Le temps que le produit agisse, tu t'étais passablement inquiété ; faut dire que t'avais pas réfléchit si oui ou non, le p'ti merdeux était allergique à l'un des composants. Ah... L'Instinct qui prime sur la Raison... Un jour, ça te fera défaut, Phear. Fait gaffe. Et puis, hey, depuis quand t'es gentil ? Ce p'ti soupir, là, tu crois franchement qu'il m'a échappé ? Pauvre tanche, va. À chaque seconde qui passent, à chaque changements musculaire sur le visage de ta proie, tu constates avec joie que ton petit discours susurré à quelques millimètres de son visage faisait son effet. Chacun de tes mots se plantaient dans la moindre partie de son corps, le tétanisant, le crispant ou le rendant totalement incapable d'imaginer qu'il puisse un jour sortir de cette rame abandonnée au siècle passé. Son cerveau tournait à deux cent à l'heure, tu le sais, tu le sens. Et tu commences à ressentir l'Adrénaline qui te saisit le bide pendant qu'il commence à geindre comme une gonzesse. Chacune de ses syllabes équivaut à 0,05ml de ce pur nectar qui fait éclore les chrysalides attachées aux parois de ton estomac. Quelle douce et merveilleuse sensation. Jamais, oh grand jamais, tu ne t'en lasserais. Pour rien au monde. Même que c'est toujours avec une joie incommensurable que tu demandes à ton cerveau de te donner une dose. Sur le principe, t'es pas si différent des toxico de merde qui font ça avec des seringues dégueulasses, des cuillères rouillées ou sur des tables miteuses. La seule chose qui te diffère de ces cadavres assistés, c'est le raffinement de ta marchandise ; cent pour-cent naturelle, non coupée avec des produits chimiques, et bonne pour la santé. Smile baby, smile, boom chakalaka. « T'sais, une partie n'est jamais vraiment terminée, tant que les rideaux sont pas baissés éternellement. Tu connais pas le dicton ''Tant qu'il y a d'la lumière, y a d'l'espoir ?''. Attends. C'est bizarre... Je crois que c'est pas ça... M'enfin, tu vois où je veux en venir... » Tu te lèves et tu t'approches de l'épouvantail, un sourire toujours bien accroché aux lèvres. L'espoir, t'avais beau lui en avoir parlé, tu savais très bien qu'il y croyait pas. Et il avait bien raison. T'es pas une de ces lopettes qui fait mumuse à faire peur aux Merdolves, puis qui se dégonfle et rentre bien sagement à la caserne, la queue entre les jambes. Nope. T'es un de ces mecs qui pose ses couilles sur la table et qui assume. Sans trop savoir, par contre, jusqu'où il pourrait aller sans arrêter. Tu poses tes mains à côté des menottes accrochées à la barre horizontale, le bassin en arrière et le visage une nouvelle fois à quelques centimètres du sien. « T'as une belle voix quand t'essaies de jouer les p'tis caïds. C'est pas la peine d'aboyer, personne t'entends. Y a juste toi et moi. Et puis, j'vais t'dire une chose. J'ai pas gagné. Parce qu'il va falloir que je ramène ton cul terreux là-haut. » Rien qu'à l'idée de ne pas pouvoir lui vider les tripes te dérangeait. Les yeux fixant les siens, tu craches par terre, histoire que ta haine s'imprègne dans son métabolisme. « T'y crois, là, à l'espoir ? » que tu lui balances sur le ton le plus ironique. Tout en l'écoutant crachoter son relent de fierté, tu te penches pour aller chercher ta chère Katerina. « Ha. T'es un p'ti malin, hein... » Soudain, tu te retournes brusquement et lui déchires le morceau de tissu qui lui servait jusqu'alors de haut. Piètre qualité, le son des fibres qui se meurent se fraient à peine un chemin jusqu'à la porte du wagon. T'admires la couleur claire de son torse. Un beige pur, presque immaculé, n'ayant probablement pas vu la lumière du jour depuis un sacré moment. Elle était pour toi. T'allais, avec un amour inconditionnel, redonner un peu de vivacité à son buste. Ton cœur rate un battement ; une peau vierge de toute trace. T'es comme un enfant qui, lors d'un matin d'hiver, constate que la rue principale de son quartier est couverte d'une épaisse couche de neige, et que personne, encore, n'a violé la pureté de ce paysage nouveau. De tes petits pieds de bambins, tu descends les escaliers de la maison, enfiles une paire de chaussures, et, sans aucun remords, impose ta marque dans l'immensité blanche. Tes pas ne sont pas légers ; tu veux à tout prix laisser une trace. Avoir le sentiment d'être vivant. Du bout de la lame, tu pars de son bas-ventre, et en appuyant légèrement pour y tracer un fin trait rouge, tu remonte jusqu'à l'une de ses clavicules. Le long de ta route, le froid et la sensation de peur probablement, a déformé un peu la ligne parfaite que t'a essayé de faire ; une cage thoracique un peu trop inquiétée, un ventre et des muscles machinalement suscités avaient créés une sorte de vague de chair. « J'en ai rien à foutre de ce qu'il s'est passé dans ta putain de salle-de-bain. Et j'en ai rien à foutre que tu me suives de ton plein grès comme le cloporte que t'es. C'est moi qui décide. Et les seuls sons qui vont s'échapper de ta p'tite bouche de branleur, seront des gémissements. Clair ? ». À chacune de tes virgules, à chacun de tes points finaux, tu fais taper la lame glaciale sur sa joue, la pointe frôlant le bord de son œil. Fallait qu'il comprenne, qu'il arrête de faire le beau, et qu'il te laisse t'amuser. Après tout, ta journée trop tranquille qui aurait pu consister à admirer la dentelle de sa robe rosée posée avec grâce sur les courbes féminines de Lise, avait volé en éclats. Non pas que tu regrettes d'être dans le fin fond d'une ligne à l'odeur rance à torturer. Mais t'as une certaine... Rancœur. Un certain stress à faire sortir. Et cette chose était venue à point nommé.

Dix minutes. Dix pauvres minutes. C'était le temps de paix qui t'avais été accordé avant qu'on vienne t'emmerder. Encore. Décidément, dans un pays proclamant une liberté à toute épreuve, t'en était vachement privé. Était-ce à cause de tes antécédents ? Ou bien à cause de la larve qui serrait les dents de toutes ses forces, dernier signe de sa fierté, pour ne laisser échapper que des râles de douleur ? Tout ça pour dire que t'avais à peine commencer les préliminaires avant qu'on vienne fouler ta terre d'exil de sabots dégueulasses. T'avais rien à lui demander, à ce type. Vraiment rien. Du coup, ce que tu faisais, c'était de la torture pure et simple. Juste une pulsion à assouvir. Le deuxième mec que t'avais eu au téléphone avait bien saisit l'ampleur de ta situation. Si tu relâchais pas tes nerfs maintenant, tu ferais un carnage plus tard ; c'pour ça qu'il t'a donné son feu vert, avec l'ordre explicite de ne pas tuer le merdolve. Et c'est ce que tu faisais. Tranquillement, prit soudain d'un intérêt pour l'art pictural, tu t'étais mis en quête de graver sur sa chair délicate, des motifs qui lui rappelleraient toute sa vie, votre rencontre prédestinée. Son corps était parfois prit de spasmes, et quelques uns de tes traits faisaient vraiment dégueulasses. Alors pour le calmer, tu lui décollais une bonne baigne, le mettant dans un état second pendant quelques minutes. Là, au rythme des gouttelettes rubis tombant sur le métal du sol du wagon, ton pied battait la mesure et tu avançais ton motif à grands pas. C'était comme une musique underground aux petites notes jazzy. Un retour dans un siècle passé, dans un environnement unique. C'était vraiment beau, un moment inoubliable.
Alors que tu avais fini de t'occuper de son bassin, que de toute ta grandeur, tu admirais ton travail et que tu te décidais à passer à la gravure de son dos, un bruit nouveau vient caresser la fine membrane de ton oreille. Plaquant une de tes mains ensanglantées sur la bouche de ta victime, tu fermes les yeux et te concentre. La pierre roulant sur la pierre. Un fin bruissement de tissus. Et tu claques ta langue sur ton palais. On t'avait retrouvé. Bien trop vite à ton goût. T'avais à peine commencé à enfin bosser, et on te dérangeait, encore. C'était pas possible toutes ces merdes interférent avec ton boulot. D'un bras tendu, tu t'empares d'une de tes armes que tu glisses dans l’étui en cuir, sur le long de ta cuisse droite. Derrière lui, agacé, tu appuies un peu trop sur la chair de son omoplate et tu lui arraches un cri de douleur. Si ça te provoque une nouvelle bouffée d'adrénaline, tu lui saisis le menton et lui pose l'arrière de la tête sur ton épaule. « Chut, ma belle. Pourquoi tu cris maintenant ? » T'entends le bruit du cuir sur le quais de béton. On te dérange.
Et c'est le black-out.

A l'appel de ton nom, tu souris. Un beau sourire à l’Émail Diamant. La magie du blanc opère, et tel Cheshire, c'est d'abord tes chicots qui apparaissent dans la pénombre du wagon. Tu sens que ta victime est en proie à un regain d'espérance, et ça te fait ricaner. Ses muscles se tendent machinalement, son corps se redresse un peu, tandis qu'il essais de gesticuler pour manifester son envie d'être sauver. Sauf qu'ici, y a pas de dieu. Il est partit en cavale, il a arrêté de jouer aux Sims. Il est plus là. N'ayant plus foi en l'humanité, il s'est tiré. Peut-être qu'il est en train de faire mumuse avec Lucifer, dans un coin reculé du monde. Ton nez parcours la nuque de l'evolve, t’imprégnant de l'odeur de son sang si... heureuse de voir de l'aide arriver. Alors comme ça, on était venu vous chercher pour vous ramener à la Surface. La blague. Tu te décolles du corps meurtris, puis en fait le tour tout en restant dans la pénombre. La face de ton collègue ne te dis rien. Absolument rien. Tu ne sais pas ce qu'il vaut, ni dans quelle brigade il a été affecté. Rien. Tu le toise. Il a pas l'air bien méchant. Pas même un peu agressif. Un beau toutou comme la milice sait si bien s'en doter. Quelqu'un qui t'insupporte. Cependant, tu n'es pas insensible à son impassibilité de la situation. Un civil était là, suspendu comme du linge étendu par une ménagère, et le ton de sa voix restait neutre. Pas mal. Mais c'est pas ça qui allait faire en sorte que tu bouges tes miches et que tu le suives bien tranquillement. T'avances d'un pas, lui dévoilant alors tes yeux. Verts, dénués de toute autre émotions qu'un détachement pervers de la situation. Tu le fixes, indifférent à ce qu'il vient de te dire.
Le reste de ton corps est encore dans le noir. Il n'a pas idée de la gueule de ton uniforme.
Ni même les armes qui décorent ton corps de tueur.
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



07.03.16 12:30
L’émeraude contre le chocolat. En voyant ce visage de dément s’approcher du sien, le garçon esquissa un mouvement de recul. En vain. Sa position actuelle ne lui permettait pas de mettre de nouveau de la distance entre eux. Alors, en désespoir de cause, il soutint le regard de son bourreau. Et ce qu’il y vit, lui fit rater un battement. Tant de haine. Sulkan avait déjà essuyé des regards pareils de la part des individus qu’il flouait de manière volontaire et parfaitement assumée. C’était même jouissif en un sens, de les voir lui jeter cet ultime preuve de leur égo blessé juste avant que le jeune hackeur ne mette les voiles. Et même pour ceux pour qui il n’avait pas la chance d’assister à leur défaite pure et simple, le garçon pouvait parfaitement reproduire cette lueur mi- indignée, mi- haineuse, blottie au fond des rétines. Sauf que ce type, il ne lui avait jamais rien fait. Pire, il se contentait de suivre les ordres, ou plutôt, d’en tirer profit à sa guise. Non, ce qu’il contemplait dans ces yeux verts, c’était toute la haine que lui-même avait voué aux Evolves. Un simple reflet. Un haut-le-cœur le prit en réalisant qu’il se retrouvait dans ce regard, la démence en moins. L’autre avait-il délibérément calculé l’impact de cet échange visuel sur le mental de sa victime ? Le jeune hackeur n’aurait su le dire. Constater une fois de plus qu’il venait de passer de l’autre côté de la barrière, l’affligea suffisamment pour qu’il ne cogite pas davantage à ce sujet. Sulkan ne vit pas venir l’attaque. De là où il se trouvait, le garçon ne distingua pas l’objet dont son bourreau se saisissait à la même seconde. Il sentit simplement un courant d’air dans sa direction, la caresse glaciale du bout de la lame alors que les échos de son T-shirt mourant résonnaient de loin à ses oreilles. Avant qu’il n’ait le temps de le réaliser, le jeune hackeur se retrouvait torse nu et la température ambiante lui arracha un frisson. Bien vite remplacé par des tremblements d’une peur trop longtemps refoulée. Si l’autre voulait le tuer, alors qu’il le fasse vite et bien ! Sulkan ne voulait pas souffrir pendant des heures entre les mains de ce taré. C’était la perspective d’une mort lente et douloureuse, ignorée de tous, qui le terrorisait à cet instant précis.

« A-Arrête ça ! Qu’est-ce que tu vas faire ?! Me touche pas espèce de malade ! »

Le cliquetis des menottes s’interrompit brusquement, sitôt que le bout de la lame entra de nouveau en contact avec sa chair. Un bref sursaut l’agita tandis qu’elle crevait son épiderme et Sulkan songea soudain à sa mort. Des images sordides lui passaient devant les yeux. Lui avec des tripes à l’air, dépecé comme un vulgaire animal et agonisant pendant des heures. Malgré lui, il retint sa respiration alors que l’arme remontait lentement le long de son torse, sans jamais rompre le contact avec son épiderme. La sensation d’une piqure aiguë qui jamais ne cesse, se déplaçant sur lui en laissant une douleur familière derrière elle. Si son bourreau n’avait pas l’intention de l’éventrer alors visait-il plus haut ? Le jeune hackeur sentit son cœur s’emballer une fois de plus lorsque la lame parcourut sa cage thoracique. Un soupir discret lui échappa dès qu’elle s’écarta pour de bon de lui. Le répit fut de courte durée : Sulkan se raidit quand elle s’approcha cette fois de son visage.

« Oh non, pas les yeux, pitié pas les yeux !... »


Mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Seuls ceux de l’Eraser lui parvinrent. Un rappel à l’ordre qui n’avait pas lieu d’être. Un moyen comme un autre de lui rappeler sa situation et que ce ne serait pas terminé rapidement entre eux. Leur petit tête-à-tête ne faisait que commencer… Le jeune hackeur ne put qu’acquiescer en silence, son regard croisant celui de son interlocuteur. S’il voulut lui présenter une lueur de défi aux reflets chocolat, ce fut peine perdue. Et le calvaire commença. La piqure aiguë se fit sentir de plus belle, au niveau de son bas ventre. Mais cette fois, elle se déplaçait plus lentement, appuyant un peu plus pour marquer la chair sur son passage. Quelque chose de chaud ne tarda pas à s’échapper des plaies, pour couler le long de son épiderme en direction du sol. Sulkan n’eut pas besoin de baisser les yeux en direction de celui-ci pour deviner de quoi il s’agissait. A défaut de le saigner purement et simplement, son bourreau faisait durer le plaisir. Bien décidé à ne pas lui donner ce qu’il voulait, le garçon serra les dents, allant parfois jusqu’à se mordre la lèvre inférieure pour ne pas gémir de douleur. Les poings fermés à s’en rompre les jointures, il pouvait sentir la timide douleur des ongles s’enfonçant dans la chair tendre et rebondie de ses paumes. Une pâle balance pour équilibrer celle qui irradiait son bassin. Bien sûr qu’il songea à le supplier d’arrêter. Maintes et maintes fois. Mais pour quoi faire ? Pour que l’autre lui rit au nez avant de reprendre son travail ? Il ne voulait pas lui faire ce plaisir ! Il fallait qu’il tienne bon ! Mais jusqu’où en serait-il capable ? Ça, le jeune hackeur l’ignorait… Parfois, la douleur le faisait sursauter. Un nerf un peu trop violemment suscité, la pointe de la lame pénétrant un peu trop loin dans sa chair… La réaction ne se faisait pas atteindre et le coup de poing suivait, le laissant chancelant quelques minutes. A chaque fois. Si bien qu’il ne tarda pas à saigner du nez sous les coups répétés. L’hémoglobine suintant de son nez se mêla à celle déjà répandue sur le sol en raison de ses blessures. Une situation qui lui fit abandonner tout espoir. Sulkan ne broncha pas quand l’Eraser bondit sur ses pieds pour échapper à son champ de vision. Alors quoi ? Il en avait assez de jouer ? Le contact glacial de la lame sur épaule lui prouva le contraire et le garçon ferma les yeux, résigné. Du moins, c’était avant que la soudaine brusquerie de son bourreau ne le tire de sa torpeur. Il sentit la trainée collante souiller ses lèvres, jusque-là épargnées par miracle par ses saignements de nez intempestifs. Pourquoi cherchait-il à étouffer ses gémissements tout d’un coup ? N’étaient-ils pas ce qu’il voulait entendre ? Les lui arracher de force ? Ou alors, l’autre allait mettre les bouchées doubles sous peu et il redoutait que sa victime ne fasse trop de bruit ? Cela avait du sens, si on excluait le fait qu’ils se trouvaient tous les deux sous terre, hors de portée d’oreilles indiscrètes. Non, ce n’était pas logique peu importe l’angle sous lequel il voyait ce changement d’attitude. Rien de tel pour stimuler son esprit. Le jeune hackeur avait été près, si près d’abandonner mais à présent, il demeurait en alerte. Malgré ça, Sulkan ne vit pas venir la douleur dans son omoplate. Elle lui arracha un cri de douleur, chose qui ne plut pas à l’Eraser. Il était sur les nerfs. Le garçon se raidit sous sa prise mais ne releva pas l’insulte féminine, laissant son égo blessé s’exprimer au travers d’un regard haineux.

L’apparition d’un collègue de son bourreau, à en juger par son uniforme reconnaissable entre tous, fit dangereusement osciller l’espoir qu’il avait placé dans cette venue, sans même s’attendre à ce que son souhait soit exaucé pour de bon. A ce stade – et on ne pouvait pas le lui reprocher – le jeune hackeur n’accordait aucun crédit à un Eraser, peu importe la manière qu’eut le nouveau venu d’interpeller l’homme collé dans son dos. En parlant de ce dernier, Sulkan frissonna de dégoût en sentant un souffle chaud sur sa nuque. Il voulait fuir ce malade. Même si pour cela, il devait mettre les pieds dans la caserne et ne plus jamais en ressortir à moins d’être pucé comme une parfaite bête de foire. Là-dessus, il se surprit à espérer que le dénommé Rhys Coppenfield tiendrait parole. Le jeune hackeur les regarda s’évaluer mutuellement. S’il ne pouvait ni bouger, ni aider son possible sauveur à raisonner l’autre animal, le garçon avait en revanche connaissance de la folle détermination de ce dernier. Il avait été l’unique spectateur du petit show privé lorsque l’Eraser avait étalé devant lui sa collection d’armes blanches. Il l’avait senti faire dans son dos, la poche d’un étui qui se remplit en revêtant la forme d’une arme allongée. Le regard fatigué passa de la silhouette de Rhys à celle de Phear, s’arrêtant un peu sur les hanches du second. L’horreur lui apparut brutalement. Rhys ne faisait pas le poids, il ne se méfierait pas d’un simple collègue de travail mais…

« Non ! N’approchez pas ! Il va vous tuer ! Il est armé ! » hurla-t-il en voyant le roux faire un pas dans sa direction.

Un regard surpris. Voilà tout ce qu’il obtint de l’homme avant que Phear ne passe à l’action. Contrairement à ce qu’il pouvait croire, Rhys ne fut pas complètement pris de court. Même sans l’avertissement désespéré de l’Evolve, l’homme avait eu le loisir d’observer le changement s’opérer dans le regard de ce dernier, bien avant qu’il n’ouvre la bouche pour le prévenir. Quelque chose ne tournait pas rond. Rhys l’avait senti au moment de partir en mission de sauvetage après que celle-ci fut simplement une mission de capture d’Evolve en cavale. Et il l’avait senti de nouveau en foulant le béton du quai de cette station abandonnée. Le roux avait cru pouvoir raisonner son collègue mais ce dernier avait donné le ton. Instinctivement, il opposa son avant-bras droit en guise de bouclier. En effet, celui-ci était en permanence recouvert d’une plaque métallique, parfaite pour bloquer l’assaut d’une arme blanche. Dans le même temps, sa main gauche se dirigeait vers l’étui de son pistolet laser. L’habitude sans doute. Sauf que son adversaire n’était pas un simple civil hors la loi cette fois mais bien un militaire aguerri et entraîné de surcroît. Ce dernier réagit vite, ne laissant d’autres choix à Rhys que de battre en retraite à l’aide d’une pulsion du talon droit. Juste à temps. Katarina lui laissa une sensation désagréable sur la gorge. Passé le courant d’air, l’Eraser ressentit la douleur caractéristique d’une coupure. Un peu plus et l’autre lui tranchait la gorge !

« Enfoiré. Tu veux jouer au con ? Allez, viens voir papa. Que j’t’apprenne les bonnes manières. »

Contrairement à ce que ses propos laissaient entendre, l’homme fit un nouveau pas en arrière. Le wagon était un terrain de jeu trop restreint à son goût. Le quai, quant à lui, offrait un bien meilleur espace. Ses futurs mouvements ne seraient pas limités dans l’espace, d’autant plus que Rhys ne comptait pas s’essayer sur le terrain de quelqu’un ayant déjà eu l’opportunité de prendre ses marques sur place. La prudence et son sens de l’humanité lui avait permis de survivre jusqu’à présent en étant sans cesse confronter à des Evolves, la plupart dangereux. Ce n’était pas aujourd’hui qu’il se laisserait étaler raide sur le sol.
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Phear I. Rothgrüber
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22.03.16 18:39

 

    The Hunting Party
C'était de ta mère, que tu tenais ces yeux. Pas de ton père. Pas cette couleur froide, d'un bleu trop clair, d'une pâleur mécanique trop typique des pays d'Europe de l'Est. Ouais. T'avais pioché, pour une fois, dans le bon bocal. T'avais au moins gagné ça à la grande Loterie qu'est la Conception de l'ADN. Ta main microscopique s'était saisie de ce côté américain, nationaliste. Pacifiste ? Pas sûr... Parce que là, les mains ensanglantées, à côté de ta victime, va falloir repasser pour le pacifisme. Dès que tes yeux ont connu la lumière, ils étaient déjà d'un vert profond. Ils fleuraient bon l'herbe bien grasse, la fin d'un été généreux. Digne des plaines du centre des États-Unis. De ces grands espaces déserts de vie humaine, où régulièrement, un oiseau fend l'air de ses plumes graciles, où un cheval se fraie un chemin parmi des petits cours d'eau. Un vert de liberté, respirant la pureté des premiers jours et la naïveté de l'enfance. Quand elle plongeait son regard bienveillant dans le tien, tel le moineau qu'elle était, elle partait à des kilomètres de cette maison banale et sans saveurs. Tu lui donnais un grand bol d'air frais, tu lui ouvrais une baie vitrée sur un bonheur bien trop lointain pour elle. Elle se perdait dans l'immensité de ta campagne encore vierge de toute violence, encore préservée de toutes les horreurs qui composaient une vie. Elle se prenait un shoot d'innocence, un rail pur d'amour d'enfant qui n'a d'yeux que pour son monde parental, avec un sourire totalement dénué d'hypocrisie. Et tu te complaisais dans ce premier rôle, sur la scène du grand théâtre qu'est la vie.
À peine né, tes grandes billes, curieuses, se fixaient sur n'importe quoi. Mobile ou immobile, ton regard captait tout. Au début, c'était des ombres, quand bien même t'avais les paupières bien ouvertes. Elles se mouvaient avec délicatesse sur le rideau de tes iris tout juste baptisés. La seule chose sur laquelle tu pouvais te fier, excepté des parents attentionnés, était ton instinct, tes impressions, ton ressenti. L'odeur sécurisante de ta mère. La voix sèche de ton père. La chaleur de leurs bras. Et c'est tout. Et au final, Boy, ça t'a jamais quitté, hm ? Et puis, comme tout à chacun, les ombres se sont éclaircies, et le monde prit tout son sens. Toutes les barrières s'abaissaient une à une, et tu voyais le monde à sa juste valeur, dans toute sa décadence et ses excès d'euphories. Ce monde n'est pas spécialement quelque chose de très joli et mignonnet, comme on a pu te le vendre. Du moins pas tout. Bon aller, disons que 93% des choses ne valaient pas la peine d'être vécues, ni subie, ni même connue. Mais le fait est là, quand tu sais à peine crapahuter sur le carrelage de la cuisine, t'en est encore à t'émerveiller de toutes ces couleurs. Des couleurs chaudes aux couleurs froides. De l'amour d'un rouge passionnel au dégoût d'un vert profond. De la maladie qui rend blanc comme un linge à la colère aussi noire que la nuit. De la teinte orangée de l'automne au bleu intense des vacances d'été.
L'observation, c'est quelque chose qui te tenait depuis toujours et qui te suivra jusqu'à ce qu'on t'enferme entre quatre planches en bois. Plus tu prenais en hauteur, et plus tes billes avaient accès à des surfaces nouvelles, et plus ton petit cerveau se mettait sur le même canal que les « Grandes Personnes ». Et c'est en observant pendant toutes ces années, que tu pouvais actuellement déceler toutes les phases de l'angoisse qui défilaient dans les yeux de ta victime. Et pendant que toutes les émotions les plus extrêmes parcouraient ce corps suspendu, on pouvait respirer ton aura d'enfant se délectant de son nouveau jouet. Une nouvelle odeur venait se mêler à celle de fer, celle de l'amertume de la fève.

Au fur et à mesure des secondes qui passaient, le chocolat de ses yeux se liquéfiaient. Petit à petit, l'usine se mettait en branle, actionnant les rouages et les diverses machines. Le cacao se brisait, se transformait, tout comme cette enveloppe de chair fraîche qui pendouillait à cette barre de métal. Le prologue de ce spectacle valait le prix du billet que tu risquais de prendre. Mise à pied, enfermement temporaire, bonne raclée de la part de tes « collègues », ou que sais-je encore, ça n'avait pas d'importance. Seul le moment présent était important. Carpe Diem.
Et là, le moment était venu de montrer une partie de tes talents. Ceux dont tu n'es pas spécialement le plus fiere, mais un de ceux qui te permettaient d'entretenir une liaison constante avec tes victimes. Alors que tu réduis à néant la dernière barrière qui te séparait de ton objectif, une nouvelle vague de chrysalides s'ouvrent, et ça se met à virevolter dans tes tripes. T'essais de maîtriser ta respiration, relâchant un soupir assez mal assuré. Tu étais face à cette entité vierge, d'une couleur parfaitement unie, sur laquelle personne avait encore osé poser ses mains grasses et potelées. Sa chair épousait, dans une perfection incroyable, chaque courbe de son corps. Ses muscles, légèrement dessinés et mis en valeur par les spots, apparaissaient au détour de ses mouvements craintifs. Tu pouvais même voir ses poils s'hérisser à chaque fois que tu le frôlais avec ta lame. Sa peau était une magnifique toile où tu allais poser ton art, ta signature. Ça faisait longtemps que t'avais pas vu une aussi belle chose, prête juste pour toi, à la merci de ton inspiration. T'en banderait presque. Ah... Même ce petit râle colérique et grandement angoissé délectait tes oreilles. Arrêter ? C'était bien trop tôt. Après tout, vous veniez enfin de vous unir, la pointe de Katerina s'immisçant dans la chaleur de son corps. Un sourire malsain s'affichait pleinement sur ton visage alors que des gouttes d'une couleur sublime se mettent à rouler le long de son épiderme. Une fine trace longiligne bordeaux teintait sa chair pâle. Tu venais de souiller la belle rose blanche. Il venait de perdre sa virginité avec l'être le plus doué de sa génération. Malade ? Oui, tu l'es, Soldat. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est à quel point c'est le bordel dans ta caboche. Un truc pas sain du tout, qui t'avais conduit à chasser les rats dans son genre, à les remettre à leur place, au lieu d'être sur le front à défendre réellement les couleurs de ton pays.
En attendant, elles satisfaisaient ton attente, ses réactions. Entre ses petits ongles qui se plantaient dans ses paumes, ses petites dents qui grinçaient et sa respiration qui s'accéléraient à chaque fois que tu essuyais ta lame sur le tissu de ta cuisse. Vraiment, cette petite chose était de loin, la raclure la plus agréable que tu avais été amené à chasser jusqu'à présent. D'ordinaire, ils abandonnaient toute fierté humaine, se pissant littéralement dessus, se mettant à vomir, à pleurer comme des mauviettes. Mais pas lui. Il avait cette force de caractère, cette volonté d'empêcher un bourreau lambda de jouir intégralement de son plaisir. Une façon de faire qui te rappelait quelqu'un, et qui te fit sourire. « Hey, Phear , le truc là... On dirait toi, nan ? T'sais, quand ton paternel il te foutait sur la gueu- » Un peu trop pris par ton élan, tu lui avait arraché un cri de douleur qui résonna jusqu'aux tréfonds des entrailles du métro. Manifestation vocale spontanée qui, en plus de t'apporter de la joie, t'amène le début des emmerdes.

Rhys Coppenfield. T'en avais jamais entendu parler. Et honnêtement, tu t'en foutais un peu de sa belle gueule. Ce qu'il était venu faire ici, en abrogeant votre séance sensuelle, c'était t'emmerder. Rien de plus. Rien de moins. Et il avait réussi avec brio. Le corps de l'evolve s'était quelque peu redressé alors que, encore tapis dans la pénombre, t'évaluais ton nouvel adversaire. Parce que ouais, dans ton état actuel, il était plus adversaire que collègue. Plus une cible que quelqu'un qui allait t'aider à ramener ton œuvre d'art à la surface. Il était à peine moins grand que toi. Juste quelques centimètres qui ne trahissaient pas vraiment votre différence de taille. Son air hagard et ses cheveux de feu tranchaient avec son uniforme. Un peu comme ta dégaine nonchalante à chaque fois que t'étais appelé dans le bureau de tes supérieurs. D'ailleurs, en parlant de supérieurs... Tu comprenais pas vraiment où il voulait en venir. Manifestement, vous n'aviez pas eu le même interlocuteur. Est-ce que... L'autre veau l'avait appelé avant que t'ai affaire à ton gradé... Ou bien est-ce qu'il l'avait appelé une fois que celui qui t'avais donné le feu vert était parti du bureau ? Dans tous les cas, il avait reçu l'ordre de ramener vos miches à la caserne, quand bien même t'avais pas fini ta sculpture. Tu lâches un soupir discret en jetant un regard rapide sur ta victime. Pour finir ce que t'avais commencé, il te faudrait au moins... Bien une vingtaine de minutes. Après, et seulement après, tu accorderais à ton homologue son souhait, en remontant tranquillement en haut. Sauf qu'il ne serait pas franchement d'accord, au vu de sa réaction de plus en plus sérieuse et de sa posture à chaque seconde plus défensive.
Et puis, sa voix déclencha tout. Comme la première balle qu'on tire dans une bataille.

Tout s'enchaîna très vite. Tu lâches un soupir discret en jetant un regard rapide sur ta victime. Plus concentré sur le nouvel arrivant, une voix soudaine et bien trop forte te tire de tes pensées. Alors comme ça, elle avait encore des forces, la raclure... Tu laisses un ricanement bref s'échapper, et tu poses une main pleine de son sang sur sa bouche un peu trop entreprenante. « Chuuuuut. T'échines pas à essayer de sauver tes miches. C'est moi qui ai le contrôle de ta carcasse » que tu murmures. Seules les oreilles de la petite chose pouvait recueillir ta voix doucereusement amer. Cette voix même qui pénétrait chaque endroit de son être, violant son nouvel élan d'espoir de sortir indemne de cette situation et le réduisant au simple statut d'illusion. Comme il t'avait redonné goût à ta journée de repos, t'allais lui bercer toutes ses journées futures ; jamais il ne pourrait t'oublier, ni encore moins oublier votre rendez-vous en tête-à-tête. Ouais, t'aimais posséder tes proies à ce point-là. Au haussement surpris de l'autre, tu t'élances en ayant pour but de le rendre impuissant une bonne demie heure, en le blessant au minimum, sans le tuer. Surtout, sans le tuer. En quatre pas extrêmement rapides, tu étais à sa hauteur, ta main droite détenant ton couteau s'abattant sur lui. Un bruit de métal et un léger mouvement en arrière t'esquisse un rictus. Enfin de l'action, de la vraie. Dans ton élan de recul, tu relâches le manche, et ta main gauche s'en empare pour retourner vers ton adversaire, frôlant sa gorge tendre, tandis que de ta main droite, tu lui fais rengainer son pistolet avec force. Simple habitude. Élan de survie. « On a dit qu'on le tuait pas, putain. Maîtrise-toi ! » que tu marmonnes, ton poing s'abattant violemment sur ta tempe. Sombrant du côté obscur de ta force, tu le regardes, toujours avec cet air de fou furieux joyeux. Sans trop te poser de questions, tu le suis sereinement en dehors du wagon après avoir rangé Katerina dans son fourreau. Trop sereinement. Son ton hautain, ses yeux défiants, t'as envie de te le faire, ce collègue. Pas parce qu'il te sort par les yeux, loin de là. Mais parce qu'il titille un peu trop ta curiosité et ta bestialité. Sous le feu des lumières artificielles du quai de fortune, tu lui apparais de pied en cap. Enfin, il peut voir concrètement toute la démence qui t'anime. Avec une lenteur inhabituelle, tu te places en face de lui, à quelques mètres et, non sur la défensive, tu inspires un bon coup. Tu lèves ta main, pouce en l'air, index et majeurs collés, annulaire et auriculaire repliés sur eux-mêmes dans le creux de ta paume ; tes doigts prenant la forme d'une arme que tu braques en direction de sa tête. Tu fais mine de viser, tu lâches un « Tchiou » tout sauf mature, fait mine de souffler la fumée du canon avant de lancer : « Sache que j'ai abrégé les souffrances de mon paternel... Juste là... Entre ses yeux de collabo' à la con... ». Tu ne supportes pas les Pères, et toutes ses figures hypocrites qui se veulent bien veillantes. T'as ces syllabes en horreur. Et rien que pour ça, t'allais lui montrer, à ton adversaire, à quel point ta haine est forte, à quel point c'est elle qui t'a amené jusqu'ici. Bien sûr, vous pouviez en rester là. Mais t'avais, certainement autant que lui, pas envie de céder. Sur quoique ce soit.
Et donc, tu repars à l'assaut, avalant les quelques mètres qui vous sépare de foulées rapides, lançant lors de ton dernier pas, ta rangers vers son ventre, prêt à toute riposte de sa part.
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



26.03.16 6:08
Au contact de cette paume pleine de sang, le garçon se figea instantanément. Quoiqu’il ait pu espérer de l’intervention miraculeuse de l’autre Eraser, son bourreau venait de se rappeler à lui par ce simple geste. Un violent frisson l’agita lorsque son cerveau réalisa que c’était avec son propre sang que ce dernier lui barbouillait le visage, à la manière des tout premiers habitants de cette chère bonne vieille Amérique. Oui, l’autre malade se tenait encore et toujours entre lui et les secours. Espérer ne pouvait conduire qu’à la déception de voir son bourreau emporter la partie. Alors quoi ? Prier ? En d’autres circonstances, Sulkan aurait presque pu éclater d’un rire sinistre, tout sauf joyeux. Il n’avait jamais prié par le passé, même lorsqu’il croyait goûter aux Enfers, ce n’était pas maintenant qu’il allait s’y mettre non ? Le jeune hackeur se contenta d’adresser un regard furibond en direction de l’Eraser fou, espérant simplement que son collègue tienne compte de son avertissement. Chose que Rhys ne se priva pas de faire et en voyant la démence briller de plus belle dans les yeux de son adversaire, il se félicita d’avoir écouté l’Evolve ou quoi que ce soit qui demeurait suspendu dans ce wagon abandonné depuis des lustres. Dans un sens, ce gamin lui avait peut-être sauvé la vie. De toutes évidences, Phear était schizophrène. Comment un tel diable avait-il pu intégrer les rangs de la milice ? Bon ou pas, il était dangereux ! Le roux se promit de faire un rapport à ce sujet s’il en réchappait. Devant ce constat qu’il allait peut-être y laisser la peau en essayant de sauver un probable petit merdeux ayant obtenu un aller simple pour la cellule, Rhys sentit une bille amère remplir sa bouche. Les risques du métier sans doute ?

« Devrais-je abréger aussi les tiennes collègue ? »

Son ton dégoulinait de sarcasmes sur la fin. Comment qualifier Phear de la sorte alors que ce dernier avait manifestement tenté de le tuer ? Ne surtout pas montrer sa crainte de mourir. Ne pas hésiter. Même en disant cela, l’Eraser n’avait aucune envie de prendre une vie. Mort, son adversaire ne pourrait plus répondre de ses actes. Et surtout, lui aurait des ennuis avec un cadavre sur les bras, celui d’un compagnon de misère de surcroît. Peut-être que le gosse pourrait témoigner, en désespoir de cause, pour avoir été le cœur de cette affaire mais Rhys ne se faisait pas d’illusions. La parole d’un individu en cavale et possible Evolve, même sincère, ne vaudrait pas plus que la sienne, lorsqu’il prétendrait avoir tué Phear par légitime défense. Ce dernier chargea soudain, sans prévenir. Mais le roux était prêt. Du moins, il croyait l’être. En voyant ce pied arriver directement dans son estomac, Rhys n’eut d’autre choix que celui de bloquer le coup à deux mains. Ce petit enfoiré y avait mis toute sa force ! Et contrairement à lui, son adversaire disposait encore de l’usage de ses deux mains. L’Eraser dut faire vite : il tordit brutalement la cheville en question, espérant que la douleur aurait au moins l’avantage de retarder une nouvelle attaque de la part de Phear. Cependant, le roux ne poussa pas sa chance plus loin que nécessaire et lâcha aussitôt le pied de l’autre tout en se reculant légèrement, sa main gauche s’abattant sur l’étui de son pistolet laser dans la foulée. Son adversaire ne lui laissait pas d’autre choix que celui de le neutraliser avec son arme de fonction. Cela ne le tuerait pas mais le rendrait probablement inconscient pendant une petite heure. Sans quitter l’autre des yeux, Rhys sortit son pistolet. Les secondes parurent s’étirer dans une lenteur à peine imaginable tandis qu’il levait le bras en direction de son adversaire, prêt à faire feu. A peine son bras eut-il retrouvé une position horizontale, presque parallèle au sol qu’une vive douleur s’en emparait, paralysant le membre tout entier. L’Eraser n’aperçut qu’un éclair lumineux, reflétant la lumière blafarde d’un pauvre néon aussi vétuste que l’endroit lui-même, avant que la lame ne s’enfonce dans la chair de son avant-bras. Si sa plaque en métal protégeait le bras droit, ce n’était pas le cas du gauche, dont Rhys se servait quotidiennement, étant gaucher de naissance. Cela avait pour but de rendre ses mouvements plus fluides et rapides mais cela représentait également une faille dans sa défense. Phear l’avait bien compris et venait de s’y engouffrer. D’une pulsion, la lame poussa un peu plus en avant, rompant l’harmonie horizontale que le bras du roux formait avec le sol, tordant le membre alors Rhys lâchait son arme, laquelle venait s’écraser sur le sol avec un son résonnant de manière sinistre aux oreilles de l’intéressé.

« Perdu. » songea-t-il avec amertume en voyant venir la prochaine attaque.

Qu’est-ce qui lui avait manqué au juste ? La vitesse ? L’attention ? Ou bien la chance seule ? Sans avoir le temps de trouver la réponse à sa défaite, l’Eraser se sentit basculer dans l’inconscience, les ténèbres enveloppant sournoisement sa conscience pour la réduire au silence. Sulkan n’avait pas attendu le dénouement du combat pour agir. Qu’importe le vainqueur, au final, il finirait derrière les barreaux. Et ça, il n’en avait pas la moindre envie ! Tirant faiblement sur ses liens métalliques tout d’abord, il augmenta rapidement la force pour mesurer la solidité des menottes. Une perte de temps très probablement. Celles-ci ne lâcheraient pas sous la seule force de sa volonté. Le garçon entreprit alors de les faire glisser le long de la barre du wagon pour aller se réfugier à l’autre extrémité de celui-ci. Il voulait mettre le plus de distance possible entre lui et les deux Erasers. Au final, ça ne servirait pas à grand-chose, simplement à amuser un peu plus le vainqueur du combat qui se déroulait sous ses yeux mais il en ressentit le besoin. Qu’allait-il devenir si le malade l’emportait ? Allait-il lui faire regretter d’avoir ouvert sa gueule ? Sulkan frissonna de plus belle, encourageant silencieusement le rouquin pour que ce dernier mette un terme à sa situation actuelle. Malheureusement pour lui, la situation ne tournait pas à l’avantage de ce dernier, même s’il apprécia de le voir infliger une première blessure à son bourreau. Le jeune hackeur sortit soudain de ses pensées quand sa progression se vit brutalement stoppée net.

« Que- ? »

Levant les yeux, il remarqua une difformité au niveau de la barre métallique. Usée par le temps et le manque flagrant d’entretien, elle se retrouvait fendue au-dessus de la tête du garçon. C’était léger mais l’affaissement qui en résultait avait bloqué le glissement fluide des menottes jusqu’à maintenant. Peut-être qu’en forçant un peu plus, il arrivait à faire tomber les menottes par cette fente inespérée ? Le son d’une arme touchant le sol lui fit reporter son attention sur les deux adversaires. Son sang se glaça en découvrant la scène : le rouquin était en mauvaise posture, pire, son bourreau ne tarda pas à l’étaler sur le sol. Le sang s’écoulant du corps inerte de l’Eraser fit naître un nouvel élan de panique chez Sulkan. Ce malade l’avait tué ! Il n’avait pas tenu sa promesse ! Et il serait le prochain sur la liste ! De là où il se trouvait, le jeune hackeur ne pouvait pas savoir que le sang ne provenait pas d’une blessure mortelle, simplement de celle infligée à l’avant-bras de Rhys, lequel était tombé face contre terre par la suite. Dans l’esprit du garçon, le dernier coup de Phear avait été porté dans le but de tuer son adversaire et sa position actuelle l’avait empêché de bien voir le déroulement de l’action, alors même qu’elle n’avait consisté qu’à rendre l’Eraser inconscient.

« Non, non, NON ! »

A en juger par le sourire satisfait de son bourreau, la situation autant que la panique croissante chez sa victime, avait l’air de lui plaire énormément. Le cliquetis des menottes s’accéléra à mesure que l’homme se rapprochait de lui. Il prenait son temps, conscient que sa proie ne pourrait pas lui échapper malgré ses efforts pour se libérer. Les menottes ne céderaient pas facilement. Mais Phear ignorait tout de la faille dans la barre et ce pourquoi sa victime s’acharnait encore à essayer de s’en libérer. Si bien que lorsque le garçon parvint enfin à arracher les menottes à cette maudite barre horizontale, les deux individus encore debout furent aussi surpris l’un que l’autre par ce retournement de situation. Si son bourreau fut le premier à bouger par la suite, comme pour se hâter de le récupérer, Sulkan ne fut pas en reste. Il bondit hors du wagon alors que l’autre se trouvait encore à l’intérieur, donnant à la scène, une impression de duo comique, mais le garçon ne s’y attarda pas. Il devait fuir. Fuir. Mais pour aller où ? L’homme ne le laisserait pas courir éternellement et leur course poursuite dans le dédale du métro n’avait rien donné ! Pour le moment, le jeune hackeur se forçait à mettre un pied devant l’autre, la respiration saccadée. Courir pour sauver sa peau. Pas un regard en arrière. Pas le temps pour ça. Et pourtant, il pouvait sentir le souffle chaud de son bourreau caresser sa nuque. Pas déjà. Pas comme ça ! Alors qu’il avait enfin une chance ! Son regard remarqua alors la tache sombre sur le sol. L’arme du roux. Aurait-il seulement le temps de s’en saisir ? Et si celle-ci était paramétrée pour ne tirer qu’au contact tactile de son propriétaire légitime ? Oh et puis zut, il n’avait plus rien à perdre désormais ! Sulkan parcourut Dieu sait comment la distance qui le séparait encore et toujours de l’arme, avant de se jeter dessus, littéralement. L’énergie du désespoir sans doute. Là où Rhys avait échoué, le garçon pivota sur lui-même dans la foulée, découvrant le visage – bien trop près – aux traits tordus de son bourreau. Il pressa la détente. Ses yeux se fermèrent brièvement lorsque la décharge partit. Le jeune hackeur s’attendit à tout moment de se faire frapper une fois de plus. Mais rien ne vint. Un bruit sourd suivit la détonation et il ouvrit timidement un œil, puis le second. Phear gisait sur le sol.

« J’ai… J’ai réussi ? »

L’autre ne bougeait plus. Etait-il seulement encore conscient ? Sulkan avait plutôt eu l’impression d’envoyer une décharge électrique en direction de son poursuivant qu’un réel tirant visant à le rendre inconscient. Le garçon fit un pas en arrière puis un autre. Il n’arrivait pas à réaliser la situation. Etait-il libre ? Pour de bon ? Meurtri et traumatisé, certes mais vivant ! Passé le soulagement et l’incrédulité, la colère refit faiblement surface. Celle-là qu’on s’autorise à ressentir lorsqu’on est certain d’avoir le dessus sur son interlocuteur. Le jeune hackeur s’autorisa un crachat.

« Je ne serais jamais ta putain de chose connard ! »

Ni de personne d’autre ! Mais il se garda bien de le préciser, l’homme n’avait pas besoin de le savoir de toute manière. Pris d’une joie malsaine, Sulkan envoya son pied dans la figure de son poursuivant désormais neutralisé et ce, peu importe que ce dernier soit conscient ou non. C’était libérateur et petit de sa part. Après tout ce que son bourreau lui avait infligé comme douleurs physiques et mentales, c’était humain de s’autoriser un juste retour des choses non ? Cependant, le garçon savait ne pas pouvoir jouir plus longtemps de sa victoire et tourna les talons pour s’enfuir de cet endroit. Une fois dans le dédale, il retrouverait une sortie de secours quelconque avant d’inspirer de nouveau l’air frais et froid de l’extérieur. Sa priorité serait ensuite de se débarrasser des menottes, trop visibles et bruyantes, en plus de sa dégaine pour le moins effroyable.
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Phear I. Rothgrüber
Phear I. Rothgrüber
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23.04.16 16:52

 

    The Hunting Party

Allongé par terre, la gueule contre le bitumé vieillit par les années, t'es K.O. Complètement H.S. T'as une douleur dans le cou, comme si une multitude de moustiques s'était dit « Hey, son sang à pas l'air dégueu' !! Venez les gars, on va s'le faire ! » Ça te démangeait, des décharges électriques continuaient à parcourir ton corps. Tes bras, trop lourds, ne pouvaient pas te soulager ; ça en augmentait ta rage. Pour quoi ? Parce qu'on t'avais résisté, soldat. C'tout. À cause d'une simple erreur de calcul. Ou parce que tu voulais lui courir après par la suite ? Hm. Dit voir, Phear, pourquoi t'as pas retenu son poignet et qu'tu l'as pas mis hors circuit ? C'est pas toi... Le facteur que d'ordinaire, tu ne prends pas en compte, trop apeuré pour oser respirer devant toi, avait décidé de ne pas faire comme les autres. Depuis le départ, tu sentais que ce merdeux n'était pas pareil, et au lieu de suivre le protocole, t'avais décidé de l'emmener dans c'trou paumé et de jouer avec ses nerfs.
De tes yeux embrumés, tu vois la silhouette de la raclure sur laquelle t'avait posé ta marque. Elle s'enfuie, pas vite, trébuchant contre les pierres, probablement abasourdi par la douleur de son dos. Un mince sourire fend ton visage, il s'échappe. Il te file entre les pattes. Et tu le laisses partir. Comme ça. Sans bouger. Hey ! Bouge ton cul de militaire à la con ! Tu peux pas laisser une proie, cette proie, se faire la malle. Il est illégal. Si d'ordinaire, il n'a pas sa place dans la Société, son existence non déclarée est une raison de plus pour le mettre hors d'état de nuire. Détruire. Tu veux ruiner sa petite gueule d'ange déchu. Tu veux le rendre inapte à faire quoi que ce soit. Le faire ramper par terre, les jambes démembrées. L'empêcher de pleurer des larmes faussement pures en lui arrachant les yeux. Redécorer cette station charmante en fête d'Halloween ultra réaliste. Saisit par toutes ces idées, seule l'une de tes paupières trésaille. T'aimerais bien claquer ta langue de rage, mais... Tout ton corps est paralysé par le coup de ce que dans un ancien temps on appelait "taser" que tu venais de te prendre. Il y avait mis toute sa rage et sa rancune. Un beau putain de microbe. En fermant les yeux, tu te promets une chose : de retrouver ce rat et de lui faire payer le prix juste... Plus les intérêts.

Pourtant, tout avait bien commencé, jusqu'à l'arrivée de ton collègue, et jusqu'à ce que le bout de viande communique avec ton homologue. Une intervention inutile, qui n'avait changé en rien l'idée que tu te faisais de la race humaine réunie dans ce wagon abandonné. Pour faire taire le fugitif, t'avais posé ta main pleine de sang sur son visage. Un coup d'œil, et t'avais prit un shoot de plaisir pur : son regard figé, la peur transpirant sur ses traits, c'était parfait. La chose n'avait sûrement pas réalisé qu'il venait de te donner ce qu'il te fallait de baume au cœur pour revenir continuer ton ouvrage.
C'était décidément la journée des Rebelles. Des mecs qui ne rentrent pas dans la case traditionnelle et qui défient la bête enragée que tu es. Le sarcasme de Rhys tape contre ton tympan avec violence. Un spasme te fait tourner la tête brusquement vers la gauche.... Ne pas le tuer, hm... En es-tu seulement capable ? Surtout quand il titille ton ego... Au pire, tu peux dire que c'est le rat qui l'a tué en voulant s'enfuir, et que t'as rien pu faire... Haha ! Parce que tu crois vraiment que tes supérieurs vont croire à ça ?! Bon... on a qu'a dire que... T'as pas fait le poids face à l'evolve et qu'il a tué Rhys de sang-froid. Nan mais t'as fini de penser à des trucs tout sauf crédibles ?! T'es réputé pour être un soldat de premier choix. On t'as envoyé en Afrique pour des missions risquées où la vie d'autres militaires était en jeu. Tu crois vraiment que tes bobards vont marcher ? Alors que dans ta caboche, c'est le bordel, l'autre eraser te regarde, te surveille. Il guette le moindre de tes mouvements, analyse ta respiration. Tu lui offres un bref sourire, et tu charges. Ton pied va à la recherche de son estomac ; un coup puissant et bien placé, difficilement contré par le rouquin. Cependant, tu sens une douleur dans la cheville et comprends qu'à défaut de t'anéantir, il essaye au moins de te mettre sur le banc de touche. Tu plantes tes yeux d'émeraudes dans ceux de ton adversaire et tu lui souris de nouveau. Tu lui montre tes dents blanches, dans une expression défiant toute rationalité. La douleur, tu aimes ça. Tu es né et a grandit avec. Et ce n'était pas une simple cheville vainement tordue qui allait te faire t'arrêter. Sur le visage de Rhys rien ne perturbe sa concentration. Ni le cliquetis lointain de menottes sur les barres de métal, ni l’écho des lignes encore en activités. Il reste impassible, fixé sur le seul objectif qu'il s'est fixé : toi. De te savoir le centre de son attention, te flatte. Et c'est avec plaisir que tu lui signe un autographe. Alors qu'il pointe son pistolet vers toi, prêt à appuyer sur la gâchette pour t'envoyer dans un champ de fleurs à la con, tu sors de l’étui sur ta jambe gauche, un petit couteau. Le plus mince et le plus discret de ta collection. Celui que tu sors pour les grandes occasions. Tu le plantes au milieu de son avant-bras gauche, faille incontestable de sa défense. Tu le connais pas personnellement, mais tu l'as bien remarqué. Dans sa posture, dans la danse que vous menez depuis tout à l'heure, il ne se servait que de son bras droit pour parer tes coups. Tu tentes alors de voir ce qu'il en est du bras gauche et... Bingo. Pas de protection... Alors comme ça, en plus de partager le même job, ils sont tous les deux gauchers... La belle affaire. Tu fais remonter la lame un peu plus haut dans son membre. Juste ce qu'il faut pour ne pas le rendre inutilisable. Après tout, il n'est pas méchant, il essaye juste de faire son boulot. T'as un élan de clémence. Un « Je ne sais quoi » de bonté. Tu lui donnes un coup de poing, et tu le laisses s’effondrer par terre ; c'est lui qui va visiter les prés fleuris pour cette fois.

Une fois ce « problème » réglé, il était temps de revenir au point premier de ta visite ici-bas. Le bruit du métal s'entrechoquant te guide jusqu'à ta proie offerte sur l'Autel de l'Art. Il a toujours cet air désespéré ancré sur le visage ; ça te fait toujours danser les papillons que t'as dans le ventre. T'as beau comparer avec tes précédentes victimes, sa tronche n'avait vraiment pas d'égal. Ses traits déchirés par la peur, son corps frêle qui tremble à chacun de tes pas vers lui, sa voix mal assurée ; c'était beau. Vraiment beau. Ta proie se débat, encore, toujours. Ça augmente ton plaisir sadique et tu ralentis encore un peu ta marche. Tu veux lui faire remonter son stress, lui faire battre son petit cœur pour qu'il explose. Tu imagines son organe battre. Fort. A en caser sa cage d'os pour descendre violemment au sol et s'écraser dans un dernier élan de survie. Tu souris, alors que tu n'es qu'à quelques mètres de lui. Par où t'allais commencer ? Par sa cuisse ? Y planter le bout de la Katerina, lui tracer des courbes élégantes jusqu'à son aine. Alors que tu te délectes de cette avance sur plaisir, t'es soudainement ramené à la dure réalité. Tu perds tout sourire en voyant que la barre horizontale venait de céder sous les attaques répétées de l'insecte. Alors ce n'était pas en vain, qu'il faisait tout ce cinéma. Tu le regardes, encore incrédule, avant de partir d'un bond vers ta proie libérée. Tu la poursuis alors qu'elle essaie de sauver sa misérable vie. Elle te file entre les doigts, t’arrive à peine à frôler sa chair fraîche quand il saute hors du wagon. Tu claques ta langue sur ton palais, et prend le même chemin que lui. Il était hors de question de le laisser s'enfuir. Il en allait de ta réputation de tueur, de chasseur, de soldat. Tu tends une nouvelle fois le bras pour saisir ses cheveux aux mèches ensanglantées ; ils t'échappent. L'evolve s'était baissé. Pourquoi ? La scène se déroula doucement devant tes yeux : la raclure vient de se saisir de l'arme de ton collègue et la pointe vers toi. A cette courte distance, il ne peut pas te rater. Et tu peux à peine l'esquiver. Cependant, ton corps bouge tout seul, et se déporte sur le côté. Tu te prends la décharge dans le cou, dans une grimace tout sauf gracieuse. Sous l'électricité qui parcours ton corps, tu poses un premier genou à terre, puis un second, essayant de toutes tes forces de lutter pour retarder ton inconscience. Ouais, Il avait réussit. Il avait mit au tapis la bête enragée de la milice. Il s'autorisa un crachat, une phrase hautaine, un coup de pied dans ta gueule. Un juste retour des choses pour les misères que tu lui avais fait endurer. Tu le regardes jouer avec ton corps, la vision floue, et t'es prit par des pulsions meurtrières. Tu te jures à ce moment précis que si tu le retrouves, tu lui fais la peau, à ce bâtard.
Et puis tu sombres.

Tes paupières pèsent, ton corps est lourd, et il te faut une immense volonté pour t'extirper de la torpeur entourant tes membres. À chaque fois que tu ouvres le rideau de tes yeux, à chaque fois qu'ils retombent, tu revois la Scène. Tu serres autant les dents que les poings, et tu arrives, finalement, à voir l'endroit où tu te trouves. T'es dans une cage, derrière des putains de barreaux, comme un vulgaire habitant lambda de Madison. Face à toi, un homme te regarde. Pendant ta petite sieste, t'avais bien sentit que quelqu'un t'observait. Alors c'était lui... Mais c'était qui ? Tu poses l'arrière de ta tête contre la pierre froide de la cellule, et ton regard interrogateur, quoique dans le pâté, se pose sur ton geôlier. « Bonjour soldat Rothgrüber. » Pour seule réponse, tu lances un petit coup de menton vers lui. Tu crois deviner un sourire sur son visage ; il est dans l'ombre, tu ne le vois pas vraiment. « C'était pas mal, ce que vous aviez fait dans ce wagon... J'avais de grands espoirs que vous matiez le fugitif... » Sa voix te disait vaguement quelque chose. Elle ne t'étais pas inconnue... Où tu l'avais entendue... Où... « Dommage que l'evolve vous ait mis hors du ring... Il s'est sauvé en vous laissant, le soldat Coppenfield et vous, inconscient et à terre. Je dois dire qu'il a fait un sacré bon boulot. » Tu perçois tout le dédain de l'orateur ; dans sa voix ironique et dans sa façon de se curer les ongles alors qu'il s'adresse à ta personne. Si ton corps n'était pas encore engourdi, pour sûr, tu lui aurais fait passer l'envie de te prendre pour un bleu, quand bien même les barres métalliques de la cellule le protégeait de l'être de rage que tu es. « J'vous emmerde. La prochaine fois, je le loupe pas. J'le ferais périr à petit feu. ». Ça y est, tu venais de te rappeler où tu l'avais entendu... C'était le mec que t'avais eu au téléphone, juste après ton supérieur gras et colérique. Le gradé s'approche de la grille et tu peux voir son sourire malade. Un frisson te parcourt l'échine ; il est comme toi. Vous êtes de la même race. Et tu peux pas t'empêcher de le toiser en souriant aussi. « Bien... Bien... Je peux donc vous le confier, Rothgrüber... ? J'aimerais le récupérer... Vivant. Ne l'éviscérez donc pas comme un porc. Il y a quelques... Petites choses qu'il doit confirmer. Qu'en dites vous ? » Ton sourire s'élargit et dans tes yeux, on peut y voir les flammes de l'Enfer se réveiller. « J'accepte, Monsieur. »
La chasse pouvait alors officiellement démarrer.

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