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I don't want to close my eyes. [pv Ruben] /Clos/
evolve studies
Judy Thyde
Judy Thyde
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01.09.15 14:29
« Amenez ceux-là au bloc 9 ! »
« Un evolve a perdu le contrôle dans l’aile nord ! »
« On a besoin de tranquillisants dans la salle A201 ! »

L’odeur des médicaments. Le râle des patients. Le stress des infirmiers. La colère des docteurs… Un cocktail explosif. Tout ce qui était nécessaire à rendre fou n’importe qui subissant ce chaos depuis plusieurs jours. Alors que dire d’une personne comme Judy… Elle qui était toujours les nerfs à vifs, qui avait l’habitude de se tenir loin de contacts humain, ou plutôt evolve. Elle qui transpirait une certaine crainte pour ces êtres… Crainte qu’elle surmontait au mieux mais avec peine… Et ne dit-on pas que la crainte est la meilleure amie de la colère ? Une sorte de sauvegarde de soi dans l’agressivité. L’espoir qu’en mordant plus fort, le stress fuirait la queue entre les jambes. Mais c’est idiot… Jamais personne ne s’est demandé que se passerait-il si deux personnes effrayées l’une par l’autre tentaient de communiquer ainsi ? Comment cela se finirait-il ? La réponse semble pourtant tellement évidente… Mais Judy n’y réfléchissait pas. Elle ne pouvait pas. Animal dont seul l’instinct prévaut sur le reste. Chat égarée au milieu de la savane, simple demi-portion devant se déguiser en tigre pour ne pas être dévorée ou raflée d’un simple mouvement.

Judy n’était pas dans son élément. Elle n’aurait d’ailleurs jamais dû être là dans un premier temps. Mais quelque chose avait dû mobiliser les scientifiques dans les hôpitaux… Une chose dont le monde pensait s’être débarrassée… Un ancien mal qui revenait frapper, plus vif que jamais. L’épidémie… Les hôpitaux débordaient de patients. Même si les traitements étaient connus, s’occuper de cette mutation au vu du nombre de personnes dans l’hôpital demandait un travail colossal. Ces quelques jours avaient été d’une rare intensité. Pourtant, la chose commençait à être maitrisée… Le mal se tarissait, le personnel respirait de nouveau… Judy avait même été autorisée à prendre un peu de temps pour se reposer. Des cernes sous le visage, elle regardait à présent la machine à café remplir son gobelet d’un liquide bien sombre… Elle passa une main sur son visage en poussant un profond soupir. La petite salle réservée au personnel était vide. Enfin… Enfin un peu de tranquillité… Se reposer… Juste un peu… La dernière goutte tomba formant une onde dans la mare noire. Elle s’empara calmement du récipient en plastique et le porta à ses lèvres… Le liquide chaud se diffusa dans son corps tandis que l’amertume sur sa langue lui parut d’une étrange douceur. Tout était bientôt finit… Elle pourrait alors rejoindre son laboratoire et retrouver ses flacons qui étaient les siens. Son chez elle pour ainsi dire. Elle n’aurait plus alors qu’à se laisser tomber sur sa chaise et…

« Mademoiselle Thyde ? »

Le glas venait de sonner… Elle tourna la tête, un regard empli de rancune vers le jeune infirmier qui venait de pénétrer dans la salle. Elle porta un nouveau regard vers son café, se désintéressant de l’homme, pour reprendre une gorgée.

« Mademoiselle… Vous êtes attendue en salle A304… Une patiente y est présente… »

Elle hocha les épaules.

« Ne peut-elle pas m’y attendre encore un peu ? Que je finisse au moins ce café ? »
« Mais mademoiselle… C’est qu’il s’agit de blessures du à son contrecoup et non de l’épidémie… »
« Raison de plus pour faire intervenir un médecin, non une scientifique… »

Dommage pour le garçon… Elle le voyait à présent comme un demeuré. Il n’était qu’un messager et rien d’autre, cela ne faisait aucun doute, mais ses hésitations, son manque de logique, son incertitude… Tout cela jouait finalement en sa défaveur, le ramenant au statut de simple abruti. Elle porta à nouveau le liquide à ses lèvres.

« Mais… Il s’agit d’une de vos patientes attitrée… Ruben Ashter… »

Judy manqua de recracher tout ce qu’elle venait d’absorber. A la place, elle l’avala de travers, déposant son gobelet sur la table avec la douceur et la grâce d’un hippopotame se mettant au parachute. Nul besoin de préciser le cratère de café que cela éparpilla sur la table. L’homme à ces côté fut pris de peur en la voyant s’étouffer, levant les bras vers elle il se rapprocha pour l’aider.

« Vous allez bien ?! »

En tout remerciement, Judy claqua la main qu’il allait poser sur son épaule. Et se remis debout, recherchant à nouveau son souffle.

« Vous avez dit A304 ?! »
« … Euh… Oui ? »

La jeune femme lui pris l’épaule et le repoussa du bras pour le dégager de son passage. Elle ouvra la porte à la volée et parti en trombe. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas entendu ce nom, et ne l’avait pourtant jamais oublié. Elle avait fait maintes recherches sur l’evolve et… Disons que nombre de surprises lui étaient parvenus. Des surprises qu’elle avait gardées pour leur prochaine rencontre, même si elle n’imaginait pas que ce serait en un tel lieu et en de telles circonstances… Mais ce n’était pas ce qui l’avait faites déguerpir aussi vite. Non… Elle se souvenait très nettement avoir donné un comprimé à la femme. Et si celle-ci était présente des suites de blessures par effets secondaires alors…

En moins de temps qu’il ne le fallait pour dire ouf, Judy était déjà devant la porte, essoufflée de la course qu’elle avait dû mener. Elle n’ouvra donc pas immédiatement. Elle prit quelques secondes le temps de récupérer de sa superbe et de ne plus remuer l’air avec la discrétion d’un tapir qui aspire des insectes. Ceci fait, elle posa la main sur la poignée, inquiète malgré elle de ce qu’elle allait bien pouvoir découvrir. Elle poussa alors la porte avant de la refermer rapidement derrière elle, de sorte de les isoler toutes les deux. Là, elle fit face à une femme. Elle eut du mal à reconnaitre celle qu’elle avait vu quelques temps plus tôt… Elle était enrobée de bandages, plus encore que n’importe quel chocolat Milka, et pourtant dieu savait que les marmottes travaillaient bien… Sa respiration se faisait bruyante et nul doute que la patiente était dans un état déplorable. Fiévreuse au bas mot. Judy ne l’aurait jamais reconnu mais elle éprouva une sensation étrange. Lors de leur première rencontre, elles avaient été telles deux lionnes se battant pour protéger leur territoire. Mais à cet instant, son adversaire d’antan était au tapis, prise d’un mal qu’elle ne savait qualifier. Quelque chose en elle se serra, l’étreignit, l’étouffa, l’asphyxia. Sa respiration redevint haletante, mais cette fois, l’essoufflement n’y était pour rien. Ses membres tremblèrent imperceptiblement, son sang tapa fort dans ces tympans. Refusant de se laisser aller au malaise, elle secoua alors la tête, s’empara du chiffon sur la tête de la jeune femme et le plaça dans le bac d’eau sur la table de chevet. L’essorant, elle le replaça alors très vite et sans douceur, le jetant presque, sur le crâne de l’evolve. De la compassion ? Et puis quoi encore. Trainant une chaise qui trainait un peu plus loin jusqu’au lit, elle s’assit violement dessus.

« Alors Ruben, cela vous fait plaisir de me voir pas vrai ? Moi oui en tout cas. D’autant je ne vois qu’une frêle et faible femme sur le point de claquer et... »

La scientifique se planta les ongles dans la jambe. Cela lui diffusa une vive douleur mais lui permis de s’interrompre et de serrer les dents pour étouffer le mal cuisant qu’elle venait de s’infliger.

« … Et merde. Comment t'as pu merder comme ça ? T’as pas intérêt à ce que ça empire… J’ai encore pas mal de chose à régler avec toi… Comment tu t’es retrouvé dans un état pareil… ? »

Sa colère, son inquiétude, ses sentiments qu’elle ne comprenait pas, tout cela faisait qu’elle s’était adressée familièrement à elle. Même Judy ne s’en était pas rendu compte. Mais tout ce qui importait était l’état de la patiente. Ce n’était pourtant qu’une sale evolve… Pourquoi les pouvoirs ne servaient qu’à détruire ?
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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01.09.15 21:47
Ce furent d'abord les odeurs qui lui revinrent en premier. Des odeurs comme un bouquet garni d'éthers et de désinfectants, une masse vaporeuse qui l'enveloppait et dans laquelle elle retrouvait peu à peu des parfums connus, bien que détestables. Là, un relent de plastique stérilisé ; ici, un effluve de lessive à l'eau de javel. Partout, l'arôme aseptisé de longs couloirs aux dalles blanches, des murs en crépi où s'agglutinent les images des scanners et du mauvais café dans les machines des salles d'attente. Nul besoin d'avoir son talent olfactif pour se rendre compte d'où elle se trouvait, et cette découverte ne lui donna pas du tout envie d'ouvrir les yeux. En douceur, profitant du silence qui régnait étrangement autour d'elle, Ruben tâtonna à la recherche des souvenirs dispersés à l'intérieur de son crâne. Son esprit lui sembla un magma noirâtre où il était impossible de circuler, une bouillasse innommable, telle une coulée de boue qui aurait englouti sa matière grise, et elle crut qu'elle ne réussirait jamais à en extraire la précieuse mémoire. Durant un intervalle élastique, sans début ni fin, elle butta ainsi sur elle-même, plongée dans de visqueuses ténèbres, tandis que relever les paupières requérait toujours des forces qu'elle sentait s'évanouir de seconde en seconde. Elle abandonna alors une première fois.
Les sons lui parvinrent ensuite, ouatés, humides. Les battements de son propre cœur contre les tempes, les pulsation affaiblies d'un tambour dont la peau menace de se distendre. Elle ne le reconnut pas tout de suite, tant il chantait en sourdine, mais en ressentit un soulagement immédiat. Elle était en vie. Naguère, elle avait pensé ne plus se réveiller et n'en avait éprouvé aucune crainte. Puis elle capta d'autres bruits, des murmures lancés par-delà les distances, de brusques charivaris qui ne faisaient que passer près d'elle avant de repartir, sans s'approcher plus près. Tant mieux. Qu'on la laisse tranquille aussi longtemps que possible. Éternellement serait le mieux. Le sifflement de sa respiration monta dans son masque à oxygène, la sonnerie régulière d'un écran de veille frôla ses tympans. Elle abandonna une seconde fois.
En troisième affleurèrent les textures. Elle s'étonna de ne les saisir qu'à travers une épaisseur de gaze, mais comprit bien vite que ses mains, de même que le reste de ses membres, avaient été enrubannés à la manière d'une momie blanche. Ses gestes furent néanmoins plus ralenti par son état général que par les difficultés qu'elle rencontra en essayant de plier les bras. Sous les draps, ses doigts suivirent les courbes de son ventre recouvert d'un tissu aux allures de papier, décelant çà et là des plaques cotonneuses que camouflait sa blouse, jusqu'à palper son visage. Ils l'avaient bandée jusqu'au cou, ne rajoutant qu'un pansement carré près du front, à l'endroit où elle s'était déjà écorchée quelques jours auparavant. Quelques jours ? Dur à dire. Les hôpitaux, grand bien leur fasse, ne disposait pas encore d'un système d'horloge parlante à commande vocale. Et maintenant, il lui fallait délacer ses cils, découdre ses yeux pour les baigner dans la lumière de la réalité. L'obscurité parut soudain moins douloureuse que tout le reste.

Un léger brouillard avait envahi la pièce où elle se trouvait, à moins qu'il ne fût une conséquence de sa fatigue, si bien qu'elle mit une bonne minute pour décrypter l'amas d'informations qui gravitait autour d'elle. Une fenêtre, plus longue que large et en verre poudré, éclairait l'espace nu ; seules les deux bosses de ses pieds formaient un relief dans le paysage lisse de la chambre. À sa gauche, une climatisation ronronnait près d'un fauteuil vide. À sa droite, une table de chevet où trônait une bassine remplie d'eau. Ah oui, elle avait ce truc sur son front, ce machine qu'elle avait pris pour un pansement et qui se révélait être un linge, assez humide pour témoigner de son utilité mais plus suffisamment pour l'être encore. De la fièvre. Ce devait être elle, la responsable de cette brume. Cependant, ce fut un frisson glacial qui la secoua l'instant d'après, alors que la jeune femme essayait de se redresser. Elle renonça très vite pour se tasser davantage sur son matelas froissé, juste avant d'entendre des pas qui s'arrêtaient devant sa porte. Aussitôt, elle préféra refermer les yeux et feindre un sommeil qui ne la rattraperait pas de sitôt, tout en priant pour que le visiteur ne passe qu'une tête dans l'embrasure et disparaisse derechef. Bah, elle n'avait jamais été très croyante, alors plutôt rêver.
Derrière le voile de ses paupières, Ruben tenta de déterminer la nature de l'intrus. Comme il ne partait pas, elle en conclut à son malheur qu'il ne s'était pas trompé de chambre et qu'il avait peut-être même l'intention de rester. Pourquoi ? Il n'y avait rien à faire ici à part la regarder dormir – feindre de dormir –, ce qui était plutôt inquiétant vu sous cet angle. À moins que la personne ne cherchât quelque chose ? Curieux. L'herboriste huma les déplacements de l'air, agrippant à la volée une ou deux fragrances familières. Sauf qu'elle ne se souvenait plus où elle les avait captées pour la première fois. Un mélange d'érable et de cuivre, de bois sucré et de métal. Elle l'avait déjà senti, dans un environnement pas très différent de celui-ci en plus. Mais où ? Mémoire, vieille feignante.

La réponse la percuta presque au moment où la créature replaça le linge mouillé sur son front. Avant même qu'elle ne prît la parole, tout s'éclaira et s'assombrit tour à tour. Parce que l'énergumène qui lui cassait les oreilles en déplaçant les chaises, celui-là même qui savait à quel point cela ne lui faisait pas plaisir de la voir, ne repartirait d'ici qu'avec minimum deux coups de pied au cul – une condition que ne pouvait remplir l'Evolve dans l'immédiat malgré son envie. C'était la scientifique idiote, la remplaçante de Keaton, cette gourde qui détestait les mutants tout en les étudiant, et qui ne se gêna pas pour l'humilier en la découvrant dans cet état. Si elle n'avait pas été aussi alitée, Ruben lui aurait sauté à la gorge, histoire de lui apprendre qui était vraiment sur le point de claquer.
Pourtant, la suite du discours la surprit tant qu'elle entrouvrit les yeux avant de tourner le visage vers la nouvelle venue. Oui, pas d'erreur, il s'agissait bien de cette Thyde-là. Il n'y en avait qu'une sur Terre, et il avait fallu qu'elle tombe sur elle ; rien de tel pour transformer un désagréable séjour en clinique en cauchemar puissance mille. Ses pensées durent d'ailleurs se lire dans le bleu gris de ses iris, car elle ne répondit pas tout de suite. Quel était le sens de ses mots ? Pas mal de choses à régler avec elle ? Et puis quoi encore ? Il n'existait rien qui les reliât de la sorte, rien qui aurait pu maintenir le contact entre leurs deux univers. Trop différentes pour s'apprécier, trop farouches pour s'apprivoiser, l'une et l'autre demeureraient ces deux félins ridicules, fiers à l'excès, même lorsque l'un d'eux se trouvait dans un aussi piteux état. Raison de plus pour ne pas répliquer ; le dégoût que lui provoquait sa propre posture encouragea la blessée à se détourner. Néanmoins, elle s'aperçut rapidement qu'en gardant le silence, elle autorisait l'autre à rajouter de nouveau son grain de sel. Si elle voulait la paix, elle devait lui fournir des explications, auquel cas la scientifique ne se gênerait pas pour lui faire la leçon pendant trois plombes, jusqu'à l'avoir par l'usure. Charmant tableau. Alors l'herboriste baissa son masque, ses yeux ternes rivés au plafond, en espérant que l'entretien ne durerait guère. Elle avait mal au crâne, à la gorge, dans toutes ses articulations et jusque dans le ventre, partout où couraient ses nerfs, partout où filaient ses veines se tapissait une douleur languide et nauséeuse.  
« J'me pass'rai d'vos commentaires. On m'a pas d'mandé mon avis. » On, son pouvoir, ou plutôt son contrecoup, dont le degré d'efficience avait atteint un seuil critique. Une seule fois elle s'était retrouvée dans un état similaire, à ne plus pouvoir bouger sans tomber littéralement en lambeaux. C'était début janvier, lorsque son don avait montré ses plus fortes réactions, et elle ne s'était pas attendu à le subir de nouveau aussi vite. Comment, demandait-elle ? Les raisons étaient un peu confuses dans sa tête. « J'me rappelle avoir eu des vertiges, une nuit. Impossible de m'lever. Dès qu'je faisais un mouvement, tout tournait. C'est là qu'ça a commencé. » Elle releva légèrement les bras, de quoi remuer sous son regard ses phalanges pansées. Sa voix sonnait rauque à ses oreilles, flétrie. Puis elle referma les yeux dans un long soupir, le cœur au bord des lèvres. « J'ai eu l'impression d'me décomposer. Tout entière, sans pouvoir réagir. Heureus'ment qu'il y avait personne. » Oh, peut-être que s'il y avait eu quelqu'un, celui-ci l'aurait apaisée et évité qu'elle ne se retrouve là. Mais elle dormait seule, et sur le coup elle ne songea qu'aux tourments qu'auraient causé ses spores à son compagnon de rêve.
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Judy Thyde
Judy Thyde
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03.09.15 16:38
Combien de temps feindrait-elle l’inconscience ? Si Judy c’était posée la question, la réponse était venu aussi vite que les yeux s’étaient ouvert. Pas longtemps apparemment. Peut-être qu’elles commençaient à se connaitre toute les deux après ces deux brèves entrevues. Judy eu même la chance d’avoir une réponse qui la fit railler intérieurement. Vos commentaires hein ? Dommage, tu ne vas pas y échapper aussi facilement. De quel droit osait-elle l’inquiéter ainsi ? Et pourquoi devait-elle s’inquiéter d’ailleurs ? Non… Ce ne pouvait pas être de l’inquiétude. Simplement de la colère envers une adversaire tout au plus. De la colère… Peut-être même de la haine ? En tous les cas, serrer le poing, joindre ses mains, ne pas montrer son impatience, essentiel tout ça. Aucune faiblesse. Pas la moindre. Simple scientifique au chevet d’un sujet. N’était-ce pas là l’enseignement de sa profession ? Elle ne la leurrerait pas. Ça jamais. L’écouter, guère plus. Analyser, comprendre, déduire. Ne pas trembler. Garder son calme. Garder… Judy avait envie de hurler. Le désir de lui balancer ses quatre vérités. Le besoin de mater son inconscience ! Elle se leva calmement mais vivement de sa chaise, surmontant l’incroyable volonté de l’envoyer valser à l’autre bout de la pièce. Elle se dirigea vers la fenêtre en se mâchouillant l’ongle. Compte tenu des circonstances et de ce qu’on lui expliquait, peu de solutions étaient possibles… Son regard s’assombrit d’avantage, masquant presque ses cernes.

« Personne hein… ? »

Un murmure, rien de plus… Elle jeta un nouveau regard à la femme dans le lit. Si elle savait… Judy jeta un nouveau regard morne à l’extérieur de la pièce. Un soupir. Sa colère venait d’être douchée. L’incendie éteint, elle se dirigea d’un pas lent vers la table un peu plus loin. Elle afficha un écran sur lequel elle avait fait maintes recherches à propos de la jeune evolve. Tout pour ne pas croiser le regard de la femme.

« Excusez-moi d’insister Ruben mais êtes-vous bien sûr que rien n’a précéder le déclenchement de votre pouvoir ? Une douleur ? Une sensation d’étouffement peut-être ? Je comprends bien que votre esprit soit embrumé mais j’ai besoin de ses réponses… »

Judy dut se restreindre à cela pour l’instant. Bien sûr elle était désireuse d’avoir toutes les réponses aux questions qui l’assaillaient, mais elle n’était pas un monstre au point d’harceler une personne dans un état second…

« Je vais peut-être un peu vite… Est-ce que vous souffrez ? Désirez-vous des anesthésiant ? Je n’ai rien de mieux à vous offrir pour le moment… À moins que vous ne préfèreriez que je repasse ? »

Bien sûr Judy aurait préféré éviter de sortir. Au moins autant qu’elle aurait préféré éviter de trop la faire dépendre de médicaments, elle préférait que celle-ci soit pleinement consciente et que son esprit ne soit pas pris dans un brouillard à couper au couteau. Lorsque l’on peine à se lever, ce n’est pas pour se voir jouer les guerrières. Mais elle ne désirait pas non plus que celle-ci reste à souffrir et ne soit pas en possession de toutes ses capacités. Elle allait avoir besoin de ses forces pour la suite de l’entretien…
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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03.09.15 20:12
Pourquoi se sentait-elle obligée de se déplacer à côté d'elle, de remuer de l'air et des ondes, de marteler le linoléum de ses petits talons, de respirer de cette ô combien bruyante façon, bref, d'être ici dans la même pièce ? Luttant contre les heurts continus à l'intérieur de son encéphale, Ruben espérait sans y croire que la scientifique ne s'éterniserait pas, qu'une urgence plus urgente l'appellerait à l'autre bout du bâtiment, loin, le plus loin possible de son ouïe comme de ses nerfs à fleur de peau. Mais elle pouvait toujours rêver. Elle rouvrit alors à demi les paupières, ce qui rétrécit sa vision à une bande cernée de noir dans laquelle dansaient des escarbilles de douleur. Par ailleurs, l'autre ne sembla pas se décider à partir, comme en témoigna son nouveau petit tour de terrain. Enfouie dans sa torpeur, l'Evolve s'interrogeait sur les manigances qui se tramaient à deux pas de son lit, sur cet éloquent silence à la Thyde et qui signifiait la présence de nombreuses zones d'ombre à élucider. Elle avait ce talent indéniable pour faire traîner les choses en longueur, pour distiller le doute dans ses paroles afin de mieux l'injecter dans les vôtres, par contamination, par goût peut-être, par jeu quelquefois. Là, ses questions étaient une preuve supplémentaire des méandres que suivait son esprit. Méandres que sa patiente ne se sentait pas de décrypter pour l'instant, bien qu'elle ne pût y échapper.

Certaines questions durent se perdre dans la houle qui la submergea. Cependant, elle en comprit le sens majeur ; pourquoi et comment. Néanmoins, si elle était capable de répondre à la seconde, la première n'était qu'un vaste néant plus noir encore au-dessus duquel elle n'avait jamais cherché à se pencher. Au fond, l'explication demeurerait identique pour tous ; un sursaut d'émotion, un bond du cœur et la machine s'emballait, le gêne responsable, les chairs, les réflexions, tout se mettait en branle à l'instar d'une bête enragée et on ne pouvait plus rien faire sauf se planquer en attendant la trêve. D'un air las, Ruben secoua la tête. Elle ne voulait pas avouer l'état qui avait été le sien en éprouvant ce tourbillon nocturne ; ç'aurait été dégradant, surtout devant une femme qui haïssait les Evolves autant qu'elle les étudiait. Qui sait quelle nuance de suprématie serait-elle en mesure d'en extraire ?
« Je... Non. Pas plus que d'habitude. » Et d'habitude, à quoi cela correspondait-il ? « Une crampe d'estomac, quelque chose du genre. Je sais pas. » Même si ce dernier constat risquait de ne pas plaire à son interlocutrice, il faudrait qu'elle s'en contente car l'herboriste n'aurait pu être plus sincère sur ce coup. Elle n'en savait vraiment rien, et le malaise qu'avait entraîné cette gêne anodine avait supprimé tout lien de corrélation ; son pouvoir aurait très bien pu s'enclencher à cause du vertige et non avant, ou bien avait-il démarré depuis de longues minutes déjà, provoquant la douleur qui l'avait réveillée ? Toutes ces potentialités auxquelles elle ne voulait pas réfléchir.

« Et j'n'ai besoin d'rien », reprit-elle tout en essayant de se redresser, non sans grogner de désagrément. L'élan avait réveillé une vive douleur dans son dos, dont elle dissimula du mieux possible les effets sur son visage. Hors de question de s'exposer comme cette « frêle et faible femme sur le point de claquer », n'est-ce pas. « C'que j'préférerais, c'est qu'vous alliez vous occuper d'autres personnes, qui elles en ont vraiment b'soin. Moi, ça va. » Oh, bien évidemment que cela n'allait pas. Mais elle songeait qu'avec Judy dans les parages, cela irait bientôt encore plus mal.
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Judy Thyde
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12.10.15 16:15
Elle écouta sagement et patiemment. Pour quelqu’un la connaissant, cela aurait été miracle. Un autre, plus méfiant, ce serait placé sur la défensive, attendant un assaut d’une rare puissance, le calme avant la tempête. Il n’en fut rien. Judy écarta un peu la chaise du lit avant de s’asseoir à nouveau. Elle posa ses coudes sur ses jambes et jointa ses mains. Un soupir lui échappa, dissimulé par des lèvres à peine ouvertes.
Pour la première fois de son existence, si quelqu’un avait observé en cet instant précis, il aurait jugé l’attitude de Judy comme descriptif d’un calme et d’un sang-froid sans borne. Jamais il n’aurait pu avoir plus tort… En s’approchant de son crâne, on voyait ses joues rouges, autant que le bout de ses oreilles. Si l’on pénétrait en son for intérieur, il était impossible de voir plus loin que le bout de son nez. Un brouillard d’une épaisseur indescriptible... Un brouillard ? Non… Ce qui perlait au bout de ces doigts qui s’agitaient dans le vide n’était pas de fines gouttelettes d’eau, mais de l’encre. De l’encre d’un noir épais, impénétrable, en lequel aucune lumière ne se reflétait. Quel amas pouvait bien composer un tel nuage de vapeurs ? Était-ce… Des mots ? Si l’on y regardait de plus près, il s’agissait bel et bien d’agrégations de lettres formant une entité autosuffisante, une entité dont la seule vision par un œil humain amenait à un sens. Mais les mots n’étaient pourtant pas le caractère majoritaire de cet esprit bouillonnant. Ils se perdaient entre les points d’interrogation, ces représentants officiels des questions au sein de l’assemblée des phrases, ces responsables crochus qui restaient tant que demeurait l’absence de réponse. Même si certain mots parvenaient à contrer quelques questionnements, ils étaient rapidement submergés, incapable de lutter face à un tel flux… Les choses n’allaient pas aller pour s’améliorer, Judy le savait… Pourtant, bien que son crâne menace de déborder, d’exploser à la figure de sa patiente cherchant à tout prix un soulagement à la curiosité, la jeune femme renforça ses défenses, améliora les remparts, érigea des murs pour tenir face à cette violence. De tous ces facteurs résultait finalement son attitude actuelle.

Une fois que Ruben eu terminé, les choses s’éclairèrent d’une lumière sombre… Lampe à noir ne pouvant illuminer l’obscurité de sa lumière sombre. Tout amenait à penser que ses hypothèses étaient correctes. Les données s’entremêlait pour libérer un chemin jusqu’au verdict implacable. Pourtant, Judy était convaincue que Ruben aurait préféré apercevoir un panneau lui indiquant l’entrée du labyrinthe… Ce n’est pas parce que l’on quitte les dédales que l’on ne risque pas de débouler sur un plancher plus branlant encore… Et pourtant, elle n’avait pas le choix…

« Vous m’auriez demandé de dégager sèchement, comme à votre habitude, je vous aurai laissé. Vous avez laissé passer votre chance. Savoir si vous allez bien ou pas, c’est à moi d’en juger. Vous avez plus besoin de moi que toute autre personne dans cet hôpital. Vous n’en avez simplement pas conscience… »

Son ton était calme, sec, mais pas agressif.

« Pour une fois, je ne viens pas à vous avec des questions seules, j’ai également des réponses. Mais… »

Elle s’adossa à sa chaise, croisant les bras sur la défensive.

« Disons simplement que toute vérité n’est pas bonne à prendre… Malgré tout, vous sentez-vous prête à l’entendre ? »

Un sourire un peu défiant se dessina sur son visage. Elle espérait que Ruben le distinguait. Qu’elle le veuille ou non à vrai dire, il valait mieux que la femme apprenne tout de sa bouche. Au moins, la scientifique pourrait se placer en bourreau, source de tous les maux… Elle serait la seule responsable de ce qui allait se profiler par la suite. Tous reproches serait redirigé vers sa personne. C’était peut-être la meilleure chose à faire en de telles circonstances...

« Ceci étant, si vous êtes trop faible ou trop lâche pour m’écouter, peut-être que cela me fera repartir plus tôt… Peut-être… »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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12.10.15 22:26
La garce. Personne ne lui avait demandé de se montrer aussi sardonique, de faire preuve d'autant de cynisme dégoulinant de fausse empathie. Quoi que Ruben eût répondu, Judy ne l'aurait pas laissée – elle en aurait mis ce qui lui restait de main au feu – alors elle pouvait se les garder, ses reproches doucereux et ses avertissements tardifs. Non, ce n'était pas à elle de juger si l'herboriste allait bien, puisqu'elle n'avait pas été affiliée à cette chambre jusqu'à lors ; elle n'était venue que par curiosité, par une lubie malsaine de se retrouver face à celle qui lui avait tenu tête il y a plusieurs semaines, une adversaire plus qu'une ennemie, désormais réduite à une dépouille en train de se régénérer peu à peu, peau par peau, trop faible pour la traîner dehors par les cheveux et la jeter dans le couloir en lui criant de la laisser seule. Contrairement à ce que la scientifique déclarait, avec toute l'assurance due à sa profession, l'Evolve ne ressentait pas ce besoin d'elle, même pas le goût de la côtoyer ou même de l'imaginer quelque part dans la ville. C'était déjà trop, de la savoir à la surface de la planète. De savoir qu'elle existait et que leurs vies s'étaient croisées, un jour maudit d'avril, pour une bête histoire de remplacement. Voilà ce dont elle avait conscience, à cet instant. Néanmoins, et parce que son état de lui permit pas de s'offusquer outre-mesure, la brune contrôla ses paroles, se contentant en pensée d'écorcher vif la demoiselle qui osait lui faire la leçon comme à une enfant idiote.

Un détail cependant l'empêcha de se désintéresser entièrement de ce qu'elle lui racontait, un élément qui trahissait la confiance de la laborantine autant que son sens de la manipulation ; titillée par ces fameuses réponses dont elle ignorait jusqu'à l'interrogation première, Ruben sentit une étincelle d'intérêt poindre malgré son hostilité. Accorder son attention l'aurait toutefois trop exposée, et elle se retint de répliquer en observant, du coin de l'œil, son interlocutrice prendre une position presque victorieuse par avance. Elle nota par ailleurs le retour d'une certaine déférence, signe que la Thyde avançait sur un terrain quasi-neutre, où elle ne craignait pas que ses émotions fussent taraudées ou ne serait-ce que menacées. Là où elles se rendaient toutes les deux, la châtaine n'avait pas à s'inquiéter ; elle maîtrisait la situation car elle possédait des informations qui échappaient à son vis-à-vis. Des renseignements que cette dernière serait venue lui arracher avec les dents, plutôt que d'attendre patiemment qu'elle daignât les lui présenter, non sans jeu.
Parce qu'elle jouait, à l'évidence, pareille à un maître-chanteur qui tend ses ficelles et s'enthousiasme de voir sa proie se débattre en vain pour y échapper. Chacune de ses sentences sonnait comme un dard dans la poitrine de l'herboriste, un appel à l'écouter, à rendre les armes pour obtenir ses réponses et la virer juste ensuite, une bonne fois pour toutes. Elle se savait testée. Jaugée. Acculée à un mur pour mieux dévoiler ses résistances. Judy voulait l'entendre s'opposer, revendiquer ses forces. Et à tous les coups, elle gagnerait.
« Vous pouvez pas débaler vot' sac et disparaître ? Pourquoi vous faites ça ? Ça vous amuse, p'tet, d'avoir le contrôle, le pouvoir ? » Parlons-en, du pouvoir. Une mise en garde, rien de plus, pour qu'elle n'oublie pas qui, ici, avait le don de mort. Par ailleurs, sa voix ténue, son souffle douloureux, avait crû au fil des questionnements pour atteindre un seuil presque haineux. « Qu'est-ce vous attendez d'moi ? Si c'est vous obéir, vous pouvez toujours vous brosser. » Et à rebrousse-poils, carrément. Se soumettre pour une question de curiosité ? Jamais. Elle préférait encore demeurer ignorante jusqu'à sa mort, plutôt que de courber l'échine pour quelques malheureux indices sur des sujets sans doute inintéressants.
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Judy Thyde
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22.10.15 7:18
Si Judy avait attendu une réaction, celle-ci vint à elle et de façon plus violente que prévue. La Ruben n’avait pas marché à ce prix-là, elle avait couru à la manière d’un taureau devant le drapeau du torero : en chargeant cornes les premières. Si l’evolve n’avait pas été trop faible, il ne faisait aucun doute qu’elle aurait pu en venir aux mains. Judy avait accompli son objectif. Et pourtant… Pourtant elle n’était pas satisfaite… Elle resta là, bouche bée quelques secondes. Le paradoxe qui pointait en elle ne faisait aucun sens. Elle aurait aimé… Elle aurait en réalité aimé que l’herboriste se pose des questions. Qu’elle doute au moins une seconde de l’attitude de son vis-à-vis… Qu’elle ne la considère pas simplement comme une scientifique sans le moindre cœur. Et même si c’était des actes de la châtaigne que découlait la situation, au fond, cela la blessait. Elle se contenta de baisser les yeux et serrer les dents. Est-ce que cela l’amusait de se donner le rôle de la méchante ? De venir jusqu’au lit d’une patiente dont elle reconnaissait malgré elle l’existence, mettant de côté son statut pour en retour se prendre les gifles d’une ingratitude complète ? Mais bien sûr ! Oui ça l’amusait ! Qu’est-ce que c’était drôle de se sentir inhumaine ! Sans la moindre émotion ! De surmonter sa phobie des chiens en trouvant le courage d’en adopter un qui la mordait en retour ! Oui elle appréciait de servir de paratonnerre pour ne prendre pas seulement l’éclair, mais plutôt la foudre, l’orage entier ! Quelle joie ! Quel délice ! Quelle extase !

Judy serra tellement fort les dents qu’elles auraient pu se briser. Son ébullition intérieure menaçait de renverser le couvercle de son sang-froid, laissant toute l’écume de sa rancune bruler le visage de l’herboriste. Oh non, la plante n’allait pas pouvoir absorber ses mots pour s’en hydrater. Même si Judy par miracle parvenait à les lui faire parvenir sous la forme d’une douce rosée, cela la flétrirait jusqu’à la racine, ne laissant qu’une fleur sans pétales, dont la seule possibilité serait de répandre du pollen pour produire de nouveau bourgeon…
A cette pensée seule, bien qu’en colère, la scientifique ravala sa fierté et sa rancune. Elle parla d’une nouvelle voix sèche, ne laissant place à aucune discussion.

« Ce que j’attends de votre part ? Du silence et de l’attention. »

Elle se releva crispée, affichant devant elle son fidèle écran. Le tournant vers Ruben, elle montra un scanner représentant l’organisation interne des organes de la femme. Là, elle croisa les bras et commença ses explications.

« Je ne sais pas si vous êtes vraiment chanceuse. Cependant j’ai mené nombre de recherche sur vous via les analyses et les mesures que nous avons effectués préalablement. Après un lourd travail de recherche à l’aide de mes collègues, nous avons réussi à déterminer nombre de points essentiels concernant votre don. Il est extrêmement rare que nous possédions des idées aussi précises du fonctionnement d’un pouvoir… »

Se rendant compte qu’elle présentait cela comme elle présentait une introduction de compte-rendu devant un comité, elle s’interrompit. Ruben était après tout sa seule patiente… Elle n’avait pas l’habitude de ce genre de chose.

« Allons à l’essentiel. Avez-vous la moindre idée de la façon dont votre pouvoir se manifeste ? Je veux dire… En vous, pas ses conséquences sur les autres. Et je vous préviens, ne jugez pas cette question inutile. Si vous comprenez son fonctionnement, vous pourrez peut-être avoir une chance de le maitriser vous-même… Ou au moins partiellement. Ce qui reste mieux que rien. »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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28.10.15 14:09
Les pulsations sourdes de son cœur, les relents aseptisés de la pièce, le souffle régulier de la scientifique à deux pas d'elle, tout cela fatiguait Ruben outre-mesure. Que n'aurait-elle pas donné pour une fenêtre béante, un couloir à ciel ouvert pour se reposer dans une bienheureuse solitude, et qu'on lui foute la paix pour le restant de son existence. Une utopie irréalisable dans l'immédiat, qui lui haussait les nerfs jusqu'au supraderme. Non, elle n'aurait d'autre choix que de supporter, d'endurer l'animosité latente de la Thyde, sa rancœur étouffée pour des raisons qu'elle ignorait ; il lui semblait que, quoi qu'elle dise, rien n'aurait été correct ou acceptable par la châtaine. Qu'elle demeurerait, à chacun de ses mots, une Evolve, pas plus, pas moins, un danger public doté d'une conscience à modeler convenablement. Manque de chance, la pâte grumeleuse qui lui servait de cerveau se hérissait dès qu'il s'agissait de se soumettre, et y risquer la main reviendrait à perdre le bras. Si Judy reconnaissait ces aléas, elle se gardait bien de vouloir les faire voler en éclats par la force, une attitude que l'herboriste était à mal d'anticiper. Aussi se contentait-elle de réagir, de mordre après ce qu'elle considérait comme une attaque et non de frapper la première, de se jeter sur son adversaire en guise d'entame. De toute manière, avec ses membres enrubannés et sa respiration rauque, il lui aurait été difficile de mouvoir son corps décharné en une lutte acharnée. À charge de revanche.

Du silence et de l'attention. Étrange requête, venant de quelqu'un qui déboulait comme une furie sournoise et se mettait à parler de trucs que la patiente n'avait guère envie d'écouter. Cependant, la brune tourna le regard vers l'écran que la scientifique lui présentait, par réflexe mécanique, à demi-contrariée d'y découvrir une coupe anatomique de son propre organisme. En plus d'être exposée dans toute sa faiblesse, voilà qu'en plus on la disséquait sur une tablette, os et vaisseaux à l'appui, organes en polychromie, mensurations respectées. Sans pudeur. Une gêne irrationnelle s'empara d'elle et elle se hâta de détourner les yeux, comme si cette honte subite ne pouvait s'évanouir qu'en rétrécissant son champ de vision. Et Thyde, qui n'avait probablement pas relevé ce curieux embarras, de débuter sa dissertation. La vérité, enfin. La rassurante réalité des biologistes se dévoilait dans ses propos ; le retour à un statut ordinaire de cobaye, d'objet d'études. Cela, Ruben le comprenait, l'acceptait. Après tout, c'était le prix de la liberté, et le fait que Judy ne s'intéressât qu'à cet aspect-là d'elle-même ne la dérangeait pas. Qu'elle demeure à sa place, derrière ses éprouvettes. Qu'elle étudie ses mutations mais ne s'occupe pas du reste. Là, seulement, l'Evolve lui serait reconnaissante, dans une moindre mesure.
« Super. » Tout le fiel de son antipathie coulait dans ce mot, dans son ton souterrain, morose. De la chance. Décidément, cette demoiselle possédait un sens de l'humour à se rouler par terre. À s'en fracasser le crâne sur l'asphalte. Mais elle avait le mérite de toucher un point sensible de la personnalité de la jeune femme – son désespoir –, et ce point se transforma bientôt en une serre qui s'accrocha à son épaule pour la forcer à contempler de nouveau le résultat des analyses.

Des réponses. Elle avait des réponses, la peste, et s'amusait encore à la faire ruminer au lieu de les lui fournir derechef. L'essentiel, pour Judy, n'était rien d'autre que le fait de tourner autour du pot en attendant de voir le taureau charger – une conception des plus douteuses, mais sur laquelle Ruben n'eut pas l'envie d'intervenir. Elle exigeait une réplique pour déballer la suite, selon un système de communication typique chez les scientifiques, qui leur donnait l'illusion d'avoir l'aval de leur patient. Or, tout cela n'était qu'un sursaut d'impatience, un flot d'exaspération, rien d'autre. Elle voulait savoir. Et cela la tuait de vouloir savoir. Les détails, les conditions, rien de tout cela ne l'intéressait. Elle aurait aimé griffer les phrases pour n'en extraire que la substantifique moelle, les trois syllabes les plus importantes, balancer le reste aux ordures. L'essentiel. Comment.
Sa nuque se courba, ses cheveux glissèrent devant ses yeux ternes. Devant elle, ses phalanges froissaient les draps jusqu'à lui faire mal.
« Non. Je l'ignore. Je ne sais rien de... ça. Alors... Dites-moi ce que je dois faire. »
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Judy Thyde
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20.11.15 19:56
Lorsque Judy obtint l’aval de Ruben, ou du moins lorsqu’elle pensa l’avoir acquis, elle fut rassuré. Si elle avait mis un temps à interroger l’herboriste, était-ce parce qu’elle voulait que celle-ci prenne conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait ? Ou était-ce plutôt parce que Judy avait besoin de se savoir écoutée. Souci personnel ou besoin professionnel ? La scientifique ne l’aurait sans doute pas su si elle avait songé à se poser la question. Pourtant, seul importait le résultat. À cet instant, Ruben patientait ouvrant la bouche et attendant que Judy lui verse le contenu de sa gourde au fond du gosier… Et il allait falloir se forcer à ingurgiter les informations, parce que la pilule risquait d’être amer…

« Merci… En ce cas… »

Judy manipula son écran de ses deux mains et effectua un zoom sur la zone des poumons. Là, elle afficha en rouge des zones au sein des alvéoles. Quasiment l’intégralité de l’ancienne coloration rosée fut remplacée par ce rouge sombre.

« Votre pouvoir ne consiste pas en une sécrétion sporadique comme vous et nous le pensions. En réalité, cette sécrétion n’est qu’une conséquence de votre réel pouvoir. »

Elle pointa du doigt les nouvelles zones rouges qu’elle avait fait apparaitre.

« Vous voyez ces points rouges ? Il s’agit d’un type de champignon qui pousse au creux des poumons humains… Ses champignons sont présent naturellement chez nous, mais dans votre cas, ils ont mutés et ont pris une nouvelle forme. En plus d'être extrêmement sensibles, ce sont eux qui sécrètent l’air empoisonné que vous insufflez. Ce sont là les seules informations que nous avons concernant la nature de votre pouvoir. La capacité à accueillir ces champignons qui… »

Judy chercha un instant ces mots, ne sachant lequel utiliser.

« … Infestent votre corps… Le poison qu’ils sécrètent est extrêmement dangereux et toxique pour tout autre être humain. Si vos poumons et plus généralement votre système respiratoire a muté pour s’habituer à ses relents, vous êtes la seule humaine capable de le faire… Les tissus de n’importe quel autre être vivant, absorbant de l’air, se désagrègent et les font suffoquer de l’intérieur. C’est également pour cela que vous subissez de tels effets secondaires. Si la partie interne de votre corps supporte la sécrétion, votre derme et votre épiderme ne trouvent, eux, pas le moyen de lutter contre ces corps étrangers. Si cela ne se produit chez nul autre, c’est parce qu’il faut tout de même un contact extrêmement prolongé à la chose, et qu’en général, ils étouffent avant que votre pouvoir n’affecte leur peau… Nous sommes tous beaucoup plus vulnérable de l’intérieur… Concernant cette désagrégation, la réaction est instantanée chez vous car c’est le mécanisme d’autodéfense de votre corps qui s’est développé à son maximum. Celui-ci préfère perdre des tissus et des membranes pour éviter tout risque de contamination du sang. »

Une  petite pause s’imposa avant d’aborder le reste de l’exposé mais aussi ce qu’il engrangeait… Judy avait bien d’autres choses à dire, des choses évidentes qui résultaient de l’utilisation de son pouvoir. Mais lorsque l’on attendait pendant des années ce genre de résultats, comme c’était le cas pour l’evolve face à elle, il fallait le temps de les digérer avant de risquer l’overdose.

« Est-ce que pour l’instant vous avez des questions Ruben ? C’est le moment de les poser, je poursuivrai après… C’est important que vous preniez le temps de tout comprendre. »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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21.11.15 16:12
Elle rêvait ou bien Judy venait-elle de la remercier ? Décidément, ce jour était à marquer d'une pierre blanche, entre l'herboriste qui courbait l'échine devant la scientifique et la scientifique pleine d'humilité devant l'herboriste. À croire que le seul fait que cette dernière ait reculé d'un centimètre sur le champ de bataille avait transformé leur guerre tacite en une relation d'adulte – sereine aurait été une plaisanterie douteuse – ou, tout du moins, laissé libre cours à l'explication pragmatique qui allait suivre, tous couteaux rangés. À cet instant, assez rare pour qu'elle s'en souvînt pour le restant de son existence, Ruben accorda son entière attention à la châtaine, non sans appréhender la vérité qui ne manquerait pas de la bouleverser. Et encore – elle n'était pas au bout de ses surprises.
Malgré son état physique préoccupant ainsi que les flashs désagréables qui lui perforaient l'encéphale, l'Evolve assimila l'exposé de bout en bout, sans doute parce que le sujet la visait personnellement, sans doute aussi parce qu'elle espérait y apprendre le moyen d'enrayer ce fléau qui menaçait son entourage. On lui enseigna donc que son pouvoir, finalement, n'avait guère eu d'impact sur son organisme en tant que tel, mais plutôt sur les hôtes microscopiques de celui-ci, les transformant en amanites tue-mouches miniatures. C'en était presque beau, pour le coup. Un miracle de l'évolution naturelle. L'idée lui vint qu'au fond, elle n'était peut-être pas si différente des plantes qu'elle travaillait pour les vendre dans sa boutique ; sa mutation n'était pas de l'ordre animal, comme beaucoup le métaphorisait, mais purement végétal, et lui rappelait ces fleurs qui changent de couleur face au danger ou encore ces lianes qui muent sous l'effet d'un bouleversement atmosphérique. Un soupir amer lui échappa, alors que Judy achevait la première partie du cours.

Des questions ? Parbleu qu'elle en avait, et des dizaines ! À son œil, cette présentation orale n'avait fait qu'effleurer le nœud du problème – elle ne constituait en rien une solution à la capacité mortelle dont elle était porteuse, ce qui, au bout du compte, était son seul intérêt. Savoir comment dissiper le mal. Le réduire à néant. Comprendre les mécanismes non pas d'action, mais de réaction. Approcher un remède possible, même une suggestion. Or, ce qu'elle venait d'apprendre la plongeait dans une douloureuses perplexité. Ces champignons faisaient partie de ses organes, au même titre que les bactéries dans son intestin ou les acariens sur son épiderme, ceux-là précisément qui dévoraient les peaux mortes à longueur de journée. Impossible de s'en séparer. N'existait-il donc aucune issue à cette mutation ?
« Sur c'que vous v'nez d'dire... C'est clair. Pour résumer, je suis aussi victime de ces spores, mais y suis moins vulnérable car elles proviennent d'mon propre organisme, c'est ça ? » Affreuse ironie. Ses plaies ne constituaient pas en soi un contrecoup, alors ; elles n'étaient que la réponse singulière à un mal qui l'affectait tout autant que les autres. Juste, différemment. Et la confirmation de Judy lui crispa un peu plus la poitrine. « Et est-ce que vous savez... dater l'évolution d'ces champignons ? Est-ce qu'ils sont toxiques depuis ma naissance ou bien l'sont dev'nus ensuite ? Et qu'est-ce qui les a rendu comme ça ? Est-ce que l'gêne aurait pu affecter mes poumons, en transformant leur matière ou un truc du genre, et ce changement d'environnement aurait causé la modification des champignons ? » Nulle crainte, elle en avait plein le gosier, des interrogations de la sorte. Seulement, parler autant, aussi vite, lui irritait la gorge et la fatiguait un chouïa. Mieux valait laisser la parole à la scientifique une nouvelle fois.
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Judy Thyde
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26.11.15 15:27
Judy patienta bras croisée. À voir le visage qu’affichait la momie, elle ne retournerait pas dormir calmement dans son sarcophage. Elle l’avait sagement écoutée, comme promis. Cela fit grand plaisir à Judy. Ce fut d’ailleurs curieux pour elle de constater un tel sentiment naissant pour quelque chose qui aurait dû être si naturel. Après tout, c’était elle la scientifique et l’herboriste était sa patiente. En quoi les choses aurait pût être autrement. La chercheuse l’ignorait, pourtant, il était inutile de nier la joie qui avait gonflée sa poitrine et lui avait attiré autant de sympathie non maitrisée que de reconnaissance non explicable. Son visage n’esquissa pourtant pas un sourire, cela aurait été mal placé, elle le savait. Elle ferma donc les yeux pour reprendre le contrôle de ses émotions. Entendant la première question qu’on venait de lui poser, elle se contenta de lancer un regard entendu à Ruben avant de hocher lentement la tête. La suite ne se fit pas attendre. Un flot de questions lui parvint aux oreilles. En d’autres circonstances, Judy aurait perdu patience, mais pas cette fois. Il s’agissait de l’evolve dont elle s’occupait, et qu’autant de questions témoignent d’un tel intérêt à ses dires était suffisamment rare pour qu’elle se consacre entièrement à y répondre.

« Tout ce que je vais vous dire maintenant tient plus de la spéculation scientifique, que de preuves concrètes… Vous savez que ce qui provoque la mutation chez les evolves n’est autre qu’un gène provoquant une métamorphose dans leur corps. Si l’on nait avec un gène inactif, on reste un humain lambda, aucune mutation décelée. C’est en partie pour cela que pister un evolve demeure une science aussi imprécise… »

Une pause.

« Dans votre cas, votre gène est actif depuis votre adolescence. Du moins, c’est ce qui est affirmé dans votre dossier, vous le confirmerez. De plus, personne dans votre entourage n’a semblé souffrir de mots quelconques à votre naissance n’est-ce pas ? C’est signe qu’à cette époque, les champignons que vous abritiez étaient normaux. Ils ont commencé à muter au moment où votre pouvoir s’est renforcé. Je pense que votre corps a commencé, avant tout chose, par remplacer vos membranes internes. Il ne fallait pas que ces nouveaux éléments puissent vous affecter de quelconque manière. Une fois une solide défense établie pour votre organisme, ce fut le tour de ces fameux champignons. Cela n’a pas dû se faire en un jour. C’est comme de couper la tige d’une plante et attendre qu’elle bourgeonne à nouveau. Et il est fort probable également que tous ne se soient pas métamorphosé mais que cela se soit fait de manière croissante… »

Judy s’interrompit une minute le temps de rassembler ses pensées.

« Si les suppositions que je viens de vous faire sont avérés, il est fort possible que vous ayez ressenti une gêne respiratoire durant une certaine période, le temps que les membranes se changent et que les premiers champignons se métamorphosent. De plus, les crises ont dû commencer par être faibles avant de monter crescendo, que l’on parle en termes de fréquence ou d’intensité… »

Cette fois-ci, elle ferma son écran, il ne lui était plus nécessaire pour le moment. Dans un mouvement fluide, elle alla se rasseoir sur une chaise proche du lit de sa patiente.

« En conclusion, c’est bien le gène qui a provoqué la mutation dans votre corps. »

Pour la suite, Judy chercha à obtenir le regard de Ruben… Qu’elle y parvienne ou pas importait peu, mais il fallait lui faire comprendre que la situation était délicate…

« Si vous comprenez bien ce que je viens de vous dire, votre pouvoir est dangereux pour les autres, mais aussi pour vous-même. Si vous infectez votre sang dû à un contact prolongé ou trop intense, vous risquez l’auto-contamination… Dans le pire des cas, vous pourriez en mourir… »

Judy s’aperçu alors qu’à ces mots, sa voix tremblaient imperceptiblement. Elle ferma alors la bouche et orienta immédiatement ses yeux vers ses mains, de peur qu’on puisse y déceler une once d’inquiétude.

« Ce n’est pas ce que l’on veut. »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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01.12.15 23:09
Plus elle en apprenait sur son pouvoir et plus elle sentait non pas l'espoir, mais la résignation la gagner. À quoi bon, finalement ? Les scientifiques n'en savaient que trop peu, se contentaient de supputer des théories selon des données sporadiques ou de rabâcher des lieux communs que l'on dénichait dans n'importe quel manuel de biologie. Elles venaient de franchir un cap relationnel tout en se heurtant désormais à une impasse intellectuelle, le point de rupture entre la connaissance certaine et l'hypothétique ignorance, alors Ruben se désintéressa légèrement de tout ce blabla qu'elle avait néanmoins initié. Des champignons dans les poumons. Des champignons agressifs et vénéneux dans les alvéoles. Le comble. Elle ne parvenait même pas à en rire.
Quelque chose commençait de la gêner dans le discours de Judy. Ce n'était pas une question de ton, quoique qu'elle y décelait un sérieux entaché d'une inconfortable empathie, ni une question de prétention quant au vocabulaire utilisé. Au contraire, il y avait à l'évidence une tentative de vulgariser le propos, de lui donner l'allure d'un exposé scolaire comme si on la prenait pour une idiote, de sorte que l'herboriste ne pouvait se voir lésée de ne pas posséder les clefs d'interprétation. Pourtant. Elle tiqua sur la métaphore de la plante coupée, du bourgeon printanier. Elle y vit une allusion à son métier qui la troubla désagréablement – Thyde essayait-elle de l'amadouer en utilisant son domaine de prédilection ? Et puis cette soudaine insistance, cette inquiétude latente qui perçait dans ses dernières phrases ; qu'elle lui épargne les larmoiements ! Lasse, l'Evolve laissa sa tête retomber sur l'oreiller, abandonnant à son interlocutrice un visage morose.

« C'est vrai... Vous voulez qu'j'reste en vie parce que si j'meurs, il faudra trouver un autre sujet d'expérimentation et ce s'ra ennuyant parce qu'y en a peu d'aussi serviles que moi. »
Que Judy ose s'offusquer de cette vérité. Qu'elle ose soutenir que l'alitée lui était précieuse pour autre chose que son sang, ses particularismes biologiques et la richesses des données recueillies à son sujet. Qu'elle ose déclarer qu'on ne voulait pas qu'elle trépasse pour des raisons humaines, sentimentales, et non pas professionnelles. Elle recevrait la gifle qui couvait depuis trop longtemps dans la paume de la brune. Cette dernière ne montrait cependant nul signe d'agacement dans l'expression de sa pensée ; dans l'état où elle se trouvait, elle aurait été bien à mal de jouer davantage les victimes de sa propre malédiction. Avec des gestes lents, elle se mit à retirer les bandages qui couraient le long de ses bras, le gauche d'abord, dévoilant peu à peu un membre couvert d'une peau neuve et encore rougeoyante, satinée telle une vaste cicatrice, sur laquelle s'étaient creusées de larges flaques d'un noir grumeleux. Les pansements tirèrent à peine sur l'épiderme, tellement fragile qu'il se déchira à plusieurs endroits en arrachant une grimace à Ruben, plus pour la vision dégoûtante que pour la douleur ressentie.
« Si j'ai tout compris, reprit-elle alors qu'elle tendait le bras au loin, le faisant tourner pour mieux le contempler, ceci est la preuve que mon organisme lutte contre les propres spores qu'il rejette. Et qu'il a anticipé l'infection. Mais... » Elle marqua une pause avant de tourner le regard vers Judy. « J'crois qu'vous vous trompez sur un point. Je peux pas me contaminer moi-même d'l'intérieur. Ce s'rait déjà arrivé, et c'est pas l'cas. Les végétaux dits toxiques, s'ils sont capables de s'débarrasser d'leurs tissus altérés, se désagrègent jamais en raison d'leur poison. Ils vivent avec. La seule chose qui s'rait dang'reuse, c'est une septicémie ou un truc du genre, à cause des plaies. » De fatigue, ses yeux se fermèrent un instant. « Alors je pourrai pas en mourir. » Elle ne savait plus vraiment si c'était une bonne chose.
« Je sais pas c'que vous pensez d'moi. Et j'veux pas l'savoir. Ne l'prenez pas mal mais, quand on apprend que d'anciens amis ou même des inconnus voudraient qu'vous creviez parce que vous vous êtes rendu coupable de choses horribles, l'avis des autres compte plus vraiment. Dès qu'j'quitte votre champ de vision, je disparais, j'ai plus d'importance, parce que c'est pas vous qui allez vivre avec moi tous les jours, qui allez en subir en permanence les effets ou craindre de les subir. Alors si vous avez plus qu'des suppositions et aucune solution pour enrayer l'processus, autant qu'vous retourniez dans votre bureau ou qu'vous vous occupiez des malades de l'épidémie. Et merci pour vos analyses. »
Tout cynisme mis à part.
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Judy Thyde
Judy Thyde
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07.12.15 18:36
Judy se mordait la lèvre inférieure. En plus de ne pas comprendre une inquiétude qui commençait à l’emplir de la tête aux pieds comme si elle venait elle-même de comprendre la signification de ses propres propos, elle avait vu l’herboriste commencer à abandonner. La flamme qu’elle avait vu s’allumer dans son regard était à présent complètement éteinte et Judy n’en connaissait pas la raison. Cela l’agaçait profondément. Pourtant, c’est à l’instant où sa patiente reprit la parole qu’elle comprit d’où lui venait le premier de ses sentiments. Ou tout du moins, cela lui apporta une explication qu’elle saisit au vol comme seule et unique vérité, de peur qu’il n’y ait autre chose derrière. Son inquiétude venait du fait qu’elle n’aurait plus de cobaye ? Oui… C’était une explication censée… Cela justifiait la raison pour laquelle son torse s’emplissait de ce désagréable sentiment dégoulinant de naïveté. Il n’y avait en réalité que de l’intérêt au fond de tout ça… Elle ne ressentait pas spécialement de sympathie pour l’evolve qu’elle était. Alors pourquoi… ? Non. Il ne fallait pas y réfléchir. Cette raison était parfaite, il ne devait en exister aucune autre.
C’est à l’instant où Ruben se remit à s’agiter que Judy se redressa levant les deux bras mais les stoppant au vol.

« Mais qu’est-ce que vous… »

Nul besoin de terminer sa phrase, la réponse apparue évidente au moment où les premiers bandages tombèrent. Judy, devant la lande de désolation qui recouvrait l’épiderme, fut contrainte de regarder autre part, ne montrant pas son dégoût. Elle écouta sagement le contre-argumentaire de l’herboriste, retournant la tête vers les blessures de guerre. Elle avait beau ne pas apprécier le spectacle, elle ne flancherait pas devant si peu. Hors de question. Judy se sentait légèrement offusqué que l’on remette sa parole en doute, pourtant elle n’objecta pas. Parce que si elle avait appris une chose d’un être humain, c’est qu’il connaissait mieux ses forces et ses faiblesses que n’importe qui d’autre. Si elle jugeait qu’elle ne risquait pas la mort, alors elle ne la risquait sans doute pas, et cela ne pouvait que rassurer la scientifique au risque de l’agacer.

« Très bien. »

En revanche, la suite du discours du rompre une connexion nerveuse. Judy ne s’attendait pas à une telle approche et cela l’énerva pour de bon. Elle dut alors faire face à une lutte interne pour garder le contrôle d’elle-même. Si elle fut sûre d’avoir répondu, en revanche, elle ne sut pas sur quel ton elle l’avait fait.

« Vous êtes donc en train de m’affirmer que parce que je n’ai pas l’intégralité des résultats que vous attendiez tant, j’en deviens inutile… Vous savez Ruben, je commence à en avoir assez que vous vous placiez en tant que victime, mais qu’à l’instant où vous n’obtenez pas ce que vous voulez, vous frappiez dans la main qui vous est tendue… Je ne suis pas votre amie, je ne suis pas une connaissance, et je ne subis pas tous ce que vous faites subir à votre entourage, c’est vrai. Pourtant ce n’est pas pour cela que je compte attendre patiemment dans un bureau que vous alliez foutre votre vie en l’air en même temps que celle des personnes que vous côtoyez. Je cherche une solution moi aussi. Pas pour vous, pas pour moi, pour les autres. Si demain vous tuez certaines de mes connaissances, même involontairement alors oui, cela aura de l’importance, même pour une laborantine. Arrêtez de penser que j’me contente de mener mes recherches dans mon intérêt scientifique. J’me fous royalement des lauriers, de l’augmentation de salaire ou je ne sais quoi d’autre. Je veux juste trouver de quoi neutraliser les pouvoirs. Parce qu’ils font plus de mal que de bien, et s’il n’existe pas de solution universelle, d’accord. Je chercherais une solution au cas par cas, même si ça doit me prendre l’éternité… »

Elle s’arrêta une seconde, voyant qu’elle serrait les dents et était devenu rouge. Son sang battait encore à ses tempes. Elle soupira cherchant absolument à reprendre son calme. Pourtant, elle se sentait terriblement frustrée. Elle pouvait jeter autant d’eau qu’elle le voulait sur le feu, celui-ci prenait déjà trop d’ampleur. Elle tenta de s’en réfugier en s’isolant de toute cette chaleur. Elle se leva à nouveau pour faire les cent pas.

« Vous savez, aucune solution ne tombe toute cuite dans la bouche. Des solutions, ça n’existe pas sans suppositions, à moins d’un miracle. Vous croyez que c’est le hasard qui m’a amené à fouiller vos poumons ? Si oui vous êtes bien naïve. C’est parce que j’ai supposé que cela pouvait venir de là qu’on a pu déterminer ce qu’on a trouvé… Vous vouliez du concret ? Pas de problèmes. Votre pouvoir vient de votre respiration. Plus vous serez proche de quelqu’un, plus vous le côtoyez au quotidien, moins la distance qui vous sépare sera importante. Cela signifie donc que la concentration de spores sera excessivement grosse si vous restez auprès de cette personne durant l’une de vos crises. Une solution ? N’approchez plus personne. Est-ce que c’est celle que vous voulez ou celle que moi je veux ? Non. Pas pour ma part, me manque votre avis. Mais sur ce coup-là, je ne peux rien faire seule. Cela me répugne mais dans la situation actuelle je suis aussi utile qu’un réveil matin, j’vous donne des consignes, vous en faites ce que vous voulez, si vous voulez garder les yeux fermés il vous suffit de le débrancher. Changez de responsable, si c’est vraiment ce que vous voulez je ne m’y opposerai pas. Et si vous n’êtes pas prête à simplement réfléchir avec moi à votre problème, c’est ce que je vous conseille de faire. Après tout peut-être que votre dossier sera déterré dans quelques années par meilleur que moi, que l’on fera autre chose que de vous faire passer chaque jour les mêmes tests sans vous donner ni suppositions ni solutions. Repensez à ce que vous faisiez sous la juridiction de monsieur Keaton. Peut-être la solution sera-t-elle là-bas, après tout, il vous a déjà tant apporté. Sinon, arrêter de m’envoyer bouler quand je n’ai malheureusement rien à vous soumettre d’autre que des spéculations et réfléchissons à celles-ci ensemble vous et moi. Et peut-être qu’à ce moment nous parviendront à trouver ce que nous sommes malheureusement incapable de trouver seules. Pour ça je suis prête à mettre tous nos différents de côté parce que ça me fait mal de l’admettre masi oui, pour vous soigner j’ai besoin de vous. »

Elle se stoppa et s’appuya contre le mur en se tournant vers Ruben.

« Mais le choix vous appartient, je vous laisse décider. »
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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07.12.15 23:01
Une nouvelle fois, son venin s'était déversé hors de sa gorge, expulsé en ligne directe de ses poumons où couvait déjà un mal bien plus fielleux que ces quelques phrases. Une nouvelle fois Ruben avait laissé s'échapper des sentiments qu'elle n'était pas douée pour maintenir muets, des arrières pensées balancées au devant de la scène par un irrépressible élan de colère. Il fallait peut-être qu'elle se fît à l'évidence ; rien ne lui permettrait jamais d'apprécier Judy sans avoir envie de lui griffer son minois à demi-ingénu, de gifler cette intelligence pernicieuse qu'elle sentait la juger à chacune de ses respirations, inlassablement, en une joute qui ne connaîtrait nulle trêve. Parce que si l'herboriste refusait de se l'avouer, refusait d'exprimer ce qu'elle savait être une indéniable vérité, une part d'elle-même ne pouvait se voiler la face plus longtemps et renier que la Thyde avait raison sur beaucoup de points. À commencer par son analyse du comportement lupin de sa patiente – ne pas faire confiance, hurler seule à la lune et mordre toute main qui tenterait de la nourrir, réflexe hérité de plusieurs années à fréquenter des hors-la-loi dans la cave de sa boutique. Or, accepter que l'autre détînt la bonne parole, à défaut de la posséder elle-même, lui perfora l'orgueil avec tellement de force que la brune ne sut tout d'abord que dire. La posture de la scientifique, qu'elle avait mis tant de temps à comprendre, lui parut soudain plus complexe encore, plus lointaine que cette cible dont l'Evolve avait cru atteindre le centre dès leur première rencontre. Et elle détestait cette sensation de s'être trompée, comme si on l'avait trompée intentionnellement pour mieux lui trancher les jarrets au tournant. Ne pas faire confiance. Ça non.
En revanche, à observer les réactions de la jeune femme, il était facile de deviner que leur conflit n'était pas sans ébranler les deux camps. Jamais Ruben n'avait entendu sa responsable aussi prolixe sur ce sujet qui les opposait, et peut-être n'avait-elle jamais entendu quelqu'un débitait autant de mots à la suite tout en décrivant de larges cercles dans une pièce exiguë – pour un peu elle lui en aurait donné la nausée, bien que ce mal au cœur, elle le savait, ne provenait certes pas des allées et venues de la laborantine. Il montait de son ventre, enflait dans son œsophage et se bloquait dans sa trachée, près de s'épancher sur les draps aseptisés du lit, rendant ses paroles hachées, pénibles à articuler.

« Dommage pour vous, mais ces choses-là se soignent pas. D'ici une éternité, ni vous ni moi ne s'ront là pour voir l'évolution d'la science et, peut-être, le remède pour endiguer les pouvoirs. Alors pensez-vous que j'm'en fous, de vos motivations et d'vos rêves humanitaires ; j'ai pas mille ans à offrir pour qu'vous trouviez un moyen d'me débarrasser d'ces champignons. Mon dossier a échoué entre vos mains parce qu'un beau jour l'abruti auquel on m'a rattachée a fait en sorte de s'en délester. Vous étiez là, il s'est dit ''chic, une épine de moins dans l'pied'' et a saisi l'occasion pour vous refourguez l'paquet définitivement, l'impasse sur laquelle il n'avait jamais eu envie de s'pencher. Depuis l'début, c'était évident. Et vous, à peine débarquée d'votre bureau, la fleur au fusil, vous avez attrapé la bestiole au vol, trop contente d'avoir un sujet d'études personnel, un cobaye qui vous f'ra vous sentir utile. Mais vous n'connaissez rien aux Evolves en dehors de c'que les bouquins racontent sur nous et de c'que vos collègues ont pu vous dire. »
Une bulle acide éclata dans sa bouche, aigre relent de bile qu'elle s'efforça de ravaler non sans dégoût. Elle parlait trop. Et plus elle parlait, plus ses lèvres articulaient les syllabes, et plus ses entrailles se nouaient en un nid douloureux. Pourtant, elle devait en finir – renvoyer le réveille-matin à son bureau, pour enfin obtenir la paix.
« Trouvez quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui pourra vous aider, qui voudra que vous l'soignez. Parce que moi, j'ai plus besoin de... »
Elle n'acheva pas sa phrase. Une main plaquée contre sa bouche, le gosier tout à coup envahi par une salive brûlante, Ruben agrippa vivement la bassine en inox qu'une infirmière avait déposé sur sa table de chevet pour y cracher un suc âcre, même pas de quoi remplir une cuillère à soupe, mais dont les effluves agressèrent aussitôt ses narines. Entre ça ou sa peau, elle ne savait ce qu'elle préférait. Et après ce que venait de lui révéler Judy, l'herboriste songea qu'il y avait peut-être dans ces vomissures la trace d'une évolution de son contrecoup, ce qui n'était pas sans l'inquiéter. Néanmoins, elle s'essuya l'instant d'après avec un mouchoir, toussa et, reposant le récipient à sa place, se dégagea des couvertures, sur le point de s'asseoir au bord du lit. Malgré les vertiges et les légers troubles visuels, elle était déterminée à partir – sa volonté lui servirait de béquille pour se traîner jusqu'à chez elle.
« J'rentre. Si j'reste une minute de plus ici, vous allez regretter de n'pas avoir pris vos distances. »
Et la menace, sans sarcasme aucune, était réelle.
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Judy Thyde
Judy Thyde
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22.12.15 15:34
Elle ne l’aurait jamais admis, ce serait faire trop d’honneur à son adversaire, mais les paroles que celle-ci prononça blessèrent profondément Judy. Entendre ce qu’elle venait d’entendre, c’était un peu comme si quelqu’un la regardait et lui crachait au visage. Un tel coup dans ses convictions, ça faisait mal, incroyablement mal. Judy savait au fond qu’elle n’avait que peu de chance de voir de son vivant la solution au problème evolve… Mais c’était une vérité qu’elle avait décidé de refouler au plus profond de son esprit. Elle nourrissait comme l’un de ses plus grands espoirs que de pouvoir un jour constater de ses propres yeux une personne enfin guérit de ce mal. Une personne qui aurait de la reconnaissance au fond des yeux. La satisfaction de voir enfin cette personne retrouver son état normal et ne puissant plus faire de mal à son entourage. Alors, entendre ces quelques mots destructeurs de la bouche de l’herboriste, c’était comme si celle-ci lui prenait la tête et la maintenait sous l’eau l’empêchant de prendre la moindre bouffée d’air. Elle étouffait, sa respiration devenait lourde et douloureuse… Chaque inspiration l’obligeait à racler une trachée trop grosse pour sa gorge. Sous ses yeux, elle sentait perler les gouttes de l’anéantissement de ce en quoi elle croyait. Enfant aux rêves brisés. Pourtant, elle ne pleura pas et elle ne pleurerait pas. Ce serait faire trop d’honneur à cette femme, lui laisser une victoire qu’elle ne méritait pas. Alors elle resta là, de marbre en apparence, à tenter de recomposer ce en quoi elle avait toujours cru et voulait continuer de croire, dusse t’elle en maintenant l’illusion. Aussi, elle remarqua bien le hoquet de Ruben, se doutant de la raison. Elle vit son regard plein de dégoût. Mais elle ne réagit pas, sans la moindre pitié pour la femme. Elle méritait bien cela après autant de cruauté, si elle pouvait le subir encore, Judy s’en délecterait. La scientifique comprenait bien que sa rancune était littéralement ridicule, qu’elle ne changerait pas la situation, la vérité. Qu’au fond, elle était sotte d’en vouloir à sa patiente qui finalement, n’avait fait qu’exposer des faits, et réel en plus. Mais elle n’y pouvait rien. Voir le dégoût de la femme, ses réactions exagérés, sa douleur passagère… Une part de son for intérieur s’en abreuvait sans qu’elle ne le contrôle.
Aussi, lorsque la jeune brune lui annonça de trouver quelqu’un d’autre, c’est sa colère qui lui fit dire intérieurement. Je vais me gêner, l’evolve. Peut-être que j’aurai droit à une personne censé cette fois. Pas à une gamine capricieuse. Pourtant, Judy fut contrainte de se raviser. Non pas à l’instant ou sa patiente vomis dans un sceau, ça non, mais plutôt quand celle-ci commença à rejeter ses couvertures pour s’asseoir sur le côté de son lit. Comprenant rapidement l’intention de l’herboriste, comme si elle l’avait connu depuis toujours, Judy se plaça immédiatement au travers de la porte. Un air sévère profondément ancré sur le visage, elle fit des préparatifs à l’aide de son bracelet pour contacter le personnel hospitalier si nécessaire. Ne prenant même pas la peine de la regarder, elle lança.

« Que je trouve quelqu’un d’autre, soit, je n’ai qu’une parole. Par contre vous allez devoir rester ici Ruben, vous n’êtes pas dans la moindre mesure en état de rentrer chez vous. Vous avez besoin d’aide, même si ce n’est pas de ma part. Que je regrette de ne pas avoir pris mes distances ? Nous verrons… Mais j’ai encore une chose importante à vous dire, aussi rallongez-vous maintenant, je ne suis pas d’humeur à subir vos caprices. »

Ses préparatifs achevés, elle lâcha son moniteur pour de nouveau regarder Ruben. Bien entendu, n’importe qui avec un cerveau en parfait état de marche aurait pu dire que la démagogie de ses paroles approchait les zéros… Mais Judy comme elle l’avait dit auparavant n’était pas d’humeur… Elle se sentait piétinée, bafouée, violée dans ses convictions. Alors qu’elle avait simplement voulu enterrer la hache de guerre dans leurs intérêts à toutes deux, Ruben l’avait saisi à deux mains pour la lui envoyer en pleine face. Or, tenter de discuter lorsque son propre sang lui coulait dans les yeux était un exploit que Judy n’était pas prête à réaliser. Elle se ficha donc sur ses positions les bras croisés l’air grave attendant que son ancienne patiente recouvre un peu de bon sens.
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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23.12.15 21:07
C'était bien beau de le dire, encore fallait-il en être capable. Rentrer chez elle. Un parcours du combattant en perspective si l'on considérait son costume de momie, sa carrure d'écorchée vive et son absence partielle d'équilibre, sinon complète. Elle n'avait pas encore mis pied à terre que déjà Ruben sentait le monde tanguer aux frontières de sa vision, pareil aux oscillations qui suivent les baisses de tension ; si elle désirait sortir de l'hôpital et retourner à sa boutique, elle devrait se cramponner à toutes les rambardes et murs qu'elle croiserait au risque de finir accroupie contre une paroi à attendre que l'univers cesse d'imiter une centrifugeuse géante. Avec une rancœur certaine, l'herboriste observa ses jambes qu'elle faisait se balancer au bord du lit – supporteraient-elles son propre poids assez longtemps pour la ramener intacte ou bien ne lui permettraient-elles même pas de franchir la porte de cette chambre-ci ? Contenaient-elles suffisamment de forces pour contrer une opposition de la part de Judy, en cas de heurts physiques ? Parce qu'étrangement, la posture de la scientifique en travers de l'unique issue ne laissait pas entendre une séparation docile et approuvée, intention appuyée par d'autoritaires paroles. Oui maman, songea l'Evolve en lui jetant un regard acéré, tu sais où tu peux te les carrer, tes caprices ? Cependant, elle ne répliqua pas.
Non. À la place, elle glissa de son assise pour se mettre debout, avec toute la lenteur du monde, afin de signifier à son médecin attitrée que, en dépit de sa meilleure volonté, cette dernière ne pourrait rien dire qui l'empêchât de s'échapper. Et sûrement pas en prenant ces grands airs de savants, de mademoiselle-je-connais-la-vie-mieux-que-vous, en repoussant l'instant de vérité avec des flopées verbales inintéressantes. Si elle souhaitait lui avouer quelque chose, elle n'avait qu'à le dire tout de suite, plutôt que d'enrober ses déclarations d'une pompe toute vaine.

« J'vous écoute », lâcha-t-elle alors, droite malgré ses chevilles tremblantes, plus grave qu'une tombe. Elle avait gardé une main sur un coin du matelas, à la manière d'une béquille, et griffait ses cheveux de l'autre pour les défroisser. D'un rapide coup d'œil, elle repéra ses affaires personnelles, soigneusement pliées sur un fauteuil, avant de s'en approcher au prix d'une grimace et d'un vif élancement dans le bassin ; la chair amochée de sa hanche frottait contre son sous-vêtement, et le moindre mouvement rappelait à son corps entier combien il avait souffert. On eut presque dit une grand-mère dans la peau d'une jeune femme, pétrie de courbatures et d'escarres. « Si vous croyez qu'ça m'amuse de végéter sur un lit durant des plombes... Dites-moi c'que vous savez et laissez-moi partir. J'ai pas b'soin d'aide. » Et quand bien même elle en aurait eu besoin, elle ne lui aurait pas fait le plaisir de l'exprimer. Ses doigts vinrent alors saisir le tissu de son pantalon qu'elle entreprit d'enfiler, non sans jouer les équilibristes sur une jambe, retenant mal quelques soupirs douloureux lorsque ses plaies se tendaient sur ses articulations. Si elle avait pu rentrer en blouse de papier et culotte, pour le coup, elle ne s'en serait pas privée, mais c'était sans compter sur la bienséance sociale.
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Judy Thyde
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24.12.15 0:02
Plutôt parler à une mule, elle serait plus obéissante… Ashter commençait vaguement à lui taper sur le système à penser avoir la science infuse. À croire qu'elle prenait un malin plaisir à jouer avec à la fois ses nerfs et ses sentiments… La brune commençait à empiler dangereusement les assiettes sur la boite crânienne de la scientifique, cela allait nécessairement finir par s'effondrer, en même temps que la dites herboriste d'ailleurs. Elle ne pouvait leurrer Judy, ses jambes ne porteraient pas grand-chose et surtout pas son poids de pachyd… Non… Ne pas craquer, surtout ne pas craquer… Dans tous les cas, elle n'irait pas bien loin, parole de Thydes ! Elle affirmer donc l'écouter ? C'était bien pour cela qu'elle était encore debout ? Non… Elle l'entendait, elle ne l'écoutait pas, il y avait une grande différence. Que cela l'amuse ou pas de végéter dans son lit, c'était une nécessité, pour sa santé. Oh et puis pourquoi était-ce à Judy de se soucier de sa santé ? Est-ce qu'elle ne pouvait pas le faire toute seule ? Judy était scientifique pas docteur… Alors pourquoi cette conscience lui soufflait-elle de la recoucher, de ne pas la laisser s'en aller tout simplement en claquant la porte et lui disant adieu ? Parce qu'elle était une femme elle aussi ? Elle ne le savait pas… Mais cela l'énervait profondément.

Ah oui vous voulez partir… Ah oui vous n'avez pas besoin d'aide. Vous voulez que je ne tourne pas autour du pot ? Que je vous dises les choses directement ? Soit ! Qu'à cela ne tienne, mais ce ne sera pas la peine de venir pleurer après!

« Vous êtes enceinte. »

C'était dit sans détour. Exactement comme on l'attendait d'elle, gelé comme la glace. Elle avait pourtant essayé au début de l'amener de façon plus diplomate, mais on lui avait craché dessus. Elle failli regretter un instant de le dire ainsi. Faillit seulement, car avant qu'elle ne puisse ressentir le moindre soupçon de regret, pendant que les paroles avaient résonné en l'air créant un silence gênant, voilà que sa patiente lui « refilait le bébé »… Lui rire au nez… Lui renvoyer ses propos à la figure… Trop c'était trop. Judy serra le poing, et dans un élan rageur, l'envoyer valser dans la porte derrière elle sans tourner le dos à Ruben.

« Parce que vous croyez vraiment que c'est le genre de propos qu'on lâche à la légère ! Réveillez-vous bon sang ! Les vomissures ! Votre faiblesse ! Vos excès de pouvoirs incontrôlé ! Tout ça c'est quoi ?! Le fruit du hasard ? Une nouvelle mutation génétique ?! Rien de tout ça ! Simplement un habitant au centre de votre nombril ! Pourquoi vous ne voulez pas le comprendre ! Pourquoi cela fait six mois que vous vivez dans le déni ! Y a-t-il un jour où vous allez enfin grandir et accepter ce qu'on vous dit ?! »

Le flot de parole de Judy s'arrêta là. Sa coiffure ne ressemblait plus à rien, sa respiration était haletante. Elle avait frappé un grand coup sur la table. Maintenant elle regardait avec effroi les conséquence du verre renversé qui avait taché toute la table. Elle n'avait pas réellement voulu le faire, ou du moins si, cela la brûlait littéralement… Mais… Mais elle se sentit coupable… Elle ne sut alors pas comment réagir. Elle ramena son poing extrêmement endoloris auprès de son corps, baissant la tête comme une enfant qui venait de faire une grosse bêtise. Elle ne sut pas quoi dire… Ne pouvant que laisser le silence parler en son nom...
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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24.12.15 14:18
Quelque chose, quelque part, elle le humait confusément, ne tournait pas rond. Un truc sans nom, flottant dans la pièce, clochait, et elle aurait été bien incapable de dire de quoi il s'agissait. Peut-être était-ce cet étrange sang-froid qui émanait soudain de la scientifique, tel le silence de la nuit avant le fracas du tonnerre, ou bien cette pesanteur de l'air, d'une lourdeur stupéfiante, qui poussait Ruben à fuir le plus vite possible au risque de se faire broyer entre deux imprévisibles tensions. Ses gestes, nerveux quoique ralentis par sa condition d'infirme, s'activaient sur ses vêtements sans plus se préoccuper physiquement de Judy ; seuls ses tympans captaient encore ce que cette dernière voudrait bien lui annoncer, et elle n'en fut pas déçue. Mieux vaut être sourde qu'entendre ça, pour le coup. La détonation dans le crâne. Aussitôt, ses phalanges se crispèrent sur le textile, son regard transperça la châtaine – comment osait-elle sortir cela de cette manière, sur ce ton de marbre ? Comment osait-elle lui mentir de la sorte, tirer à bout portant sur ses restes de dignité ? Entre s'offusquer et la maudire, l'herboriste trébucha. Elle choisit cependant de se refermer encore davantage, de durcir la coquille au fond de laquelle elle continuait de se réfugier pour préserver son corps et son don. La cartouche de Thyde fumait toujours lorsqu'elle répliqua, d'une voix sinon plus glacée, brûlante de rage, aussi noire que des abysses sous-marines :
« C'est tout c'qu'vous avez trouvé pour me retenir ? Ha, c'est tellement abject, comme mensonge ! »
Elle ne riait pas, pourtant. Ce n'était qu'un rictus malingre, une énième marque d'insolence. Elle ne lui pardonnerait jamais d'avoir joué sur ce terrain savonneux, jamais, plutôt crever la gueule ouverte que de participer à cette mascarade. Tous les prétextes étaient bons pour la garder prisonnière de cet hôpital, or elle ne leur ferait pas le plaisir de mordre à l'appât. L'honneur de les croire, non, qu'ils aillent tous se faire foutre jusqu'au dernier. Sauf que. La réaction de la scientifique lui chopa net ses élans rebelles comme ses vindictes : le coup sur la porte la mit au garde-à-vous malgré elle, un éclat furieux dans l'œil tandis qu'elle l'écoutait.

Et puis, petit à petit, la colère céda le pas à l'angoisse. Instinctivement, ses ongles vinrent griffer le tissu qui recouvrait son ventre, ses yeux s'agrandirent, ses épaules frémirent, une cascade gelée s'écrasa le long de ses vertèbres. L'oxygène cessa de parcourir sa trachée, son cœur rata un battement, un autre, un troisième de suite, avant de se remettre à battre dans une effrayante cacophonie ; ses oreilles vibrèrent telle une cymbale qu'on laisse sonner à l'infini, sa gorge devint plus rêche qu'un papier de crin. Elle ouvrit la bouche sans qu'aucun mot ne s'en échappât, à l'exception d'un hoquet étouffé, incompréhensif. Son regard d'acier se fissura en une couleur trouble, bleu panique, alors qu'elle fit mine de reculer, ramenant ses bras autour de sa taille comme pour en protéger le contenu. « C'est faux... » Impossible. Ce ne pouvait être vrai. Les vomissures, c'étaient juste des maux d'estomac. La faiblesse, la faute de son alimentation. Les excès du pouvoir, à cause de son activation récente et du stress de ces derniers mois. Toutes les femmes qui renvoyaient n'étaient pas engrossées, tous les Evolves incontrôlables n'étaient pas sur le point de devenir parents et tous les alités ne transportaient pas dans leur utérus un enfant de six mois. Mensonge. « Dites-moi qu'c'est faux... » Mais s'il existait d'autres explications, pourquoi cette violence chez Judy à propos de celle-ci en particulier ? Elle aurait pu inventer n'importe quoi d'autre, tout foutre sur le dos de la mutation, c'est facile lorsqu'on n'y connaît rien, alors pourquoi ça, seulement ça ? Pourquoi se mettre dans un état pareil si ce n'était qu'une bête feinte, une maladie orpheline jaillie du neuvième cosmos ? Elle avait peut-être montré des talents d'actrices par le passé – et encore, Ruben ne s'en souvenait pas tant leur relation était implacable – toutefois ce n'était plus envisageable. Pas en la voyant ainsi, débraillée par la fureur, prête à lui sauter au cou pour lui faire avaler la vérité. Et même le soudain retour du calme ne réussit pas à apaiser les tensions.

Un pas en arrière supplémentaire, les muscles contractés, le visage blafard, l'herboriste se sentit emportée dans un fleuve en crue. Elle manqua de s'effondrer sur elle-même, ses rotules ne la soutenant plus, néanmoins elle parvint à s'adosser contre un mur, à moins que ce ne fut le mur qui se précipita contre son dos, et elle demeura là, hébétée, stupide, trop bouleversée pour insulter quiconque, à demi-recroquevillée. « Je n'vous crois pas... » Elle la croyait, pourtant. Elle ne pouvait que la croire. Six mois de déni, même pas du déni, de l'ignorance pure, le refus inconscient de porter un fœtus, un être humain. Moins qu'un être humain. Parce qu'il était évident que, dans l'éventualité où la scientifique disait la vérité, ce fût l’œuvre de Jarvis ; avec deux parents Evolves, la malchance que l'enfant le fût à son tour était accrue – plus monstrueux qu'un embryon normal, un embryon de mutant. Insupportable. Son murmure se brisa comme du verre.
« Enlevez-le-moi. Si c'est vrai, enlevez-le-moi, j'veux pas l'garder. »
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Judy Thyde
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25.12.15 20:30
Misérable… C’était le seul terme qui permettait de qualifier la carcasse de femme qui faisait à présent face à Judy. La scientifique n’en espérait pas plus de toute manière. Comment pouvait-il en être autrement ? Elle venait elle-même de prendre un pieu et de lui enfoncer droit dans le cœur. Comment s’en doutait-elle ? Lorsque l’on fait un déni de grossesse, c’est rarement que tout va bien dans sa petite vie… Est-ce qu’elle regrettait son ton abrupt et ses agissements ? Oui, sans le moindre doute… Est-ce qu’elle allait s’excuser ? Non. Parce que d’une certaine manière Ruben avait elle-même provoqué tout ça, mais surtout parce qu’à présent, s’excuser reviendrait à ne pas assumer les conséquences de ses actes… En l’occurrence, Judy se sentait le devoir d’assumer toute la responsabilité de cette situation, que l’herboriste lui en veuille paraissait la meilleure solution. Ruben n’avait pas besoin d’excuses, elle avait besoin de comprendre et d’apprendre. Elle avait besoin de cette cruauté pour réaliser, de cette brutalité pour la pousser, de cette violence pour avancer… De cette figure d’ennemie pour, par fierté, être capable de marcher droit devant elle sans démordre. C’était le sentiment de la scientifique.

Aussi, voir la décomposition graduelle de la brune ne fut pas sans faire trembler intérieurement la châtaine… Voir une femme d’une telle volonté dans un tel déni puis une telle situation de détresse ébranlait la scientifique. Elle n’en montra rien. Garder cette figure d’autorité… Celle d’une personne responsable qui savait ce que c’était, pas de compassion inutile, simplement de la hauteur, de la résistance, de la superbe. Il était vraiment dur de garder tout cela en apparence. La scientifique y parvint, seule la friction de sa blouse de ses mains croisées sur sa poitrine laissait transparaitre la tension qui la rongeait de l’intérieur. Et Judy n’ajouta rien, pas le moindre commentaire, pas la moindre réflexion lorsqu’elle releva la tête en serrant les dents. Parce que les paroles de Ruben avaient beau dire le contraire, tout son corps prouvait qu’elle-même avait compris. Aussi, lorsqu’enfin l’âme en peine avoua sa détresse, Judy prit une profonde inspiration.

« Mesurez vos paroles et pensez réellement à vos sentiments avant d’énoncer quoi que ce soit à voix haute Ruben. Vous agissez trop à l’instinct et, sans cela, vous risquez de regretter ses impulsions passagères pour le restant de votre vie. Ces mêmes impulsions qui vous font parler en cet instant. Je ne vous empêcherai plus de partir à présent, mais je vous conseille sincèrement de vous reposer encore quelques heures. J’enverrai un médecin dans votre chambre. Il vaut mieux que je vous laisse seule à présent. »

Judy se retourna vers la porte et appuya sur la poignée, n’accordant plus un regard à la personne derrière elle. La voir dans cet état la faisait abominablement souffrir, elle préférait de loin ressentir son agressivité et avait peur en continuant de la fixer de ne plus pouvoir assumer son rôle. Au moment de franchir l’interstice, elle appuya de derniers propos, s’arrêtant dans le couloir.

« Je vous donne rendez-vous dans le bureau 405 de ce bâtiment dans 10 jours à 15h pour entendre votre décision finale concernant votre enfant. D’ici là, il sera placé dans votre dossier que personne n’a le droit de vous opérer de quelque manière que ce soit. Inutile de tenter de me contacter non plus, je ne vous recevrais pas. Prenez ce temps pour réfléchir et arriver avec une réponse Ruben, une réponse que vous aurez mûrement réfléchit et que vous assumerez toute votre vie. Au revoir. »

Elle claqua alors la porte sans violence derrière elle, laissant l’herboriste seule avec elle-même. A peine la porte refermée, Judy s’appuya contre un mur en poussant un profond soupir alors qu’elle sentait de la sueur couler le long de sa nuque. Les yeux perdu dans le vide, elle se sentait fatiguée, un peu comme si quelqu’un avait ponctionné toute l’énergie qu’elle avait à disposition… Sur le passage, quelques médecins la connaissant se retournaient écarquillant les yeux. Jamais ils n’avaient dû voir la scientifique aborder un tel visage… Se laissant quelques secondes pour reprendre ses esprits, Judy se tint d’une main la tête en repartant dans le couloir aseptisé. Elle avait toujours du travail et pas le temps de se reposer, pas encore. Elle avait beaucoup de choses à faire d’ici dix jours… Il fallait qu’elle s’y attèle dès maintenant. Quand à laisser Ruben seule… Pas vraiment en réalité… Il fallait qu’elle réfléchisse avec ce nouvel être en son corps qui attendait de voir le jour.
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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27.12.15 21:23
Dix jours plus tard...

Pourquoi était-elle venue ? Où avait-elle trouvé la force de revenir ici, de monter au quatrième étage, de se planter devant la porte du bureau 405, pétrifiée, le poing suspendu en l'air prêt à frapper trois coups sur la paroi sans pour autant s'y résoudre ? En deux secondes de temps, les souvenirs de ces dix jours affluaient à son esprit, ravageant toute autre pensée distincte.
Judy l'avait abandonnée à une détresse plus violente qu'un séisme force huit. Le médecin qu'elle avait envoyé en remplacement – par honte ou par lâcheté, l'herboriste n'aurait su trancher – avait dès lors découvert sa patiente accroupie au même endroit, la tête posée sur ses genoux, hagarde, hésitant entre s'effondrer en pleurs ou hurler de douleur, mais d'une douleur cardiaque, sanguine, qui lui réduisait les os en poudre et lui tordait les veines, lui vrillait l'intestin et lui broyait les poumons. Nul besoin de préciser que la pièce schlinguait grave, pot-pourri de fleurs et de chairs à vif, impossible d'y respirer sans avoir l'impression d'avaler une absinthe pure direct dans les bronches ; son cadeau d'adieu qui ne l'affolait même plus tant elle était obnubilée par la révélation. Enceinte. De six mois. D'un mort. D'un hors-la-loi. Génial. Que pouvait-elle apprendre d'autre qui ne l'achèverait pas ? Lorsqu'elle reprit conscience la première fois, trois jours s'étaient déjà écoulés. Elle ne rentra chez elle qu'au sixième, en appui sur une béquille, se perdit dans son propre quartier et ne passa le seuil de sa boutique qu'avec l'aide d'un Eraser affable qui s'était proposé de l'escorter – trop épuisée pour en appeler à sa fierté, elle n'avait pas été capable de refuser. Elle avait monté les escaliers en une demi-heure complète puis s'était écroulée sur son matelas et n'avait plus bougé pendant vingt-quatre heures. Seuls ses frémissements de cils humides, les larmes muettes sur ses plaies sèches, trahissaient sa vitalité.

Il lui restait trois jours. Soixante-douze heures à tuer. Soixante-douze heures de maux de crânes, d'insomnies et de contraintes alimentaires, pour ne pas se laisser mourir, pour continuer de vivre même si ce n'était pas pour elle. Enceinte. La dernière empreinte de Jarvis, son vif qui s'était glissé à l'intérieur d'elle, un pépin de citron, un noyau planté dans l'humus. Elle avait passé ses doigts sur son ventre, la nuit de son retour, redoutant de le sentir à travers l'épiderme, espérant le sentir aussi, la peur et l'envie à la fois, crainte et réconfort de le savoir là, caché depuis tellement de temps, petite chose timide qui n'avait pas souhaité la déranger. Elle s'en voulait. De n'avoir pas su, d'avoir fermé les yeux. Debout devant la glace, de profil, elle avait de nouveau laissé courir ses phalanges sur la surface plane de son bassin, à l'affût d'un aboiement, d'une secousse profonde ; et si Thyde l'avait trompée ? Si son utérus n'était qu'une coquille vide ? Impossible. Rien ne pouvait contredire le sentiment qui l'étreignit à cet instant, supprimer l'émotion qui l'envahit à la seconde où, jailli de ses propres abysses, une patte vint heurter sa paume. Ruben tressaillit. Elle n'avait pas rêvé. Et même si, durant les minutes qui suivirent, elle ne sentit plus rien, cette furtive rencontre aux allures de prophétie débloqua quelque chose.
Jusqu'au dernier moment elle avait hésité à le garder. La tête refroidie, à l'abri dans sa chambre, l'Evolve avait disposé dans une balance antique les différents arguments, vaguement agacée à l'idée de discuter de la survie d'un être selon un jeu de troc. Chaque feuille de yuzu représentait un élément à prendre en compte – autant dire que la coupole des contre était pleine. Contre élever un enfant seule, contre le priver d'une famille normale, contre lui offrir pour mère une Evolve incontrôlable et meurtrière, contre lui donner un fantôme qui avait accumulé les délits et infractions à l'ordre public en guise de géniteur, contre lui proposer une ville pour tout terrain de jeu plutôt qu'une planète entière, contre les privations, la haine, les remarques, contre les autres qui ne manqueraient pas de les pointer du doigt, un monstre qui élève un enfant, c'est une honte !, contre la surveillance, les brimades, la soumission, contre les ça fait mal, maman ?, contre les regards méprisants et les insultes silencieuses. Et pour. Pour le louveteau de Jarvis, son bourgeon à elle, leur amour. Pour parce qu'en aucun cas il ne méritait moins qu'un autre de naître et de croître. De poursuivre son bonheur. Pour l'espoir. Et en dépit de toutes ces réticences, la balance pencha pour la vie.

Dès lors qu'elle prit conscience qu'il existait et qu'elle désirait plus que tout le mettre au monde, son corps fit le reste. Une fois son esprit éclos, son ventre commença de se développer avec une rapidité presque effrayante, si bien que le jour où elle se présenta devant le bureau de Judy elle arborait déjà sous son large pull un renflement qui ne trompait personne. Par ailleurs, son attitude entière avait changé. Non pas apaisée, mais adoucie, certainement. Moins agressive. D'une méfiance introvertie, sage presque. Elle savait qu'elle devait protéger la créature qui poussait en elle, tant des autres que d'elle-même, et pour cela elle devait faire des efforts, se montrer plus raisonnable. Non pas plus soumise, ça jamais, mais simplement sereine. Pour que son enfant grandisse dans les meilleures conditions possibles. Son poing s'abattit sur la porte numéro 405. Elle attendit qu'on lui dise d'ouvrir puis, sans brusquerie aucune, calmement, passa le seuil.
« Bonjour mademoiselle Thyde. Je suis venue vous donner ma réponse. » Ses deux mains se posèrent l'une sur l'autre, par-dessus son nombril. Elle ne souriait pas, mais son âme irradiait de quiétude. « Je le garde. » Envers et contre tout.
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Judy Thyde
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28.12.15 4:28
La grande vague commençait à tarir. Pile au mauvais moment. Judy avait ressenti le besoin de se noyer dans le travail. De noyer ce souvenir qu’elle gardait au fond d’elle. Celui de l’herboriste qu’elle avait elle-même anéantit de ses propres mains. Cependant, là où quelque temps plus tôt elle devait courir dans tous les sens et jouer d’insomnie, les choses commencèrent à ralentir, à retomber. C’était presque comme si une entité malicieuse avait tout préparé, tout calculé à l’avance. Là où Ruben avait la simple envie de passer à autre chose, cette silhouette la saisissait, écartait la plupart de ses patients pour s’amuser et savourer de la voir ressasser ses pensées les plus sombres. La voir mariner ce fameux jour où elle était allée voir sa patiente pour lui révéler la vérité. La contraindre à revoir encore et encore ce visage d’une pâleur proche de celle d’un mort, lui rappelant que bientôt l’herboriste reviendrait dans son bureau. Cependant, ce que cette entité ne soupçonnait pas, c’est qu’il en fallait bien plus pour briser Judy, bien plus pour la contraindre à rester seule avec elle-même et la faire culpabiliser. Et si la scientifique n’était encore sur place que par pure formalité depuis maintenant trois jours, en manque de patient dont s’occuper, elle n’avait pas un seul instant laissé le temps passer en regardant sa montre. Elle s’était prostrée dans ses recherches, loin de toute accalmie dans laquelle elle aurait pu se retrouver. Ainsi, plongée dans les formalités administratives et les recherches de personnels, elle avait passé les heures.

C’est pour cela que, lorsque le fameux jour arriva, Judy avait fait autant de nuit de sommeil complète qu’elle en avait passé avant de rendre visite à sa patiente il y avait dix jours de cela. Lorsque l’on observait attentivement la scientifique, ce n’était pas difficile à observer les séquelles. De profondes traces noires creusaient la zone sous ses yeux. Lorsque l’heure approcha enfin, la scientifique poussa un profond soupir et ferma pour la dernière fois la fiche qu’elle consultait. Curieusement pas celle d’un evolve comme on aurait pu le penser d’elle, mais celle d‘un collègue. Elle était fatiguée… Très fatiguée… Pour autant, elle ne voulait pas que Ruben puisse la voir dans cet état. Elle se leva de sa chaise et se tourna pour préparer un café qu’elle pourrait ingurgiter avant son rendez-vous. Le simple fait de voir le liquide tomber dans le gobelet impatientait Judy. Elle sentait le sommeil la gagner, sans doute irait-elle se reposer après ce rendez-vous. De toute manière le soir elle pourrait regagner son domicile pour la première fois depuis longtemps… Une fois l’attente écoulée en même temps que la boisson, Judy s’empara du gobelet pour en vider le contenu dans son gosier. Même si elle sentit l’amertume lui redonner un coup de fouet, elle fut déçue de constater que sa fatigue était toujours présente. Elle jeta son gobelet dans la corbeille incinératrice à côté d’elle avant de se rasseoir en se tenant la tête entre les mains. Relevant une mèche de cheveu qui lui tombait sur le visage, c’est l’instant où elle entendit qu’on toquait à la porte. Prenant une grande inspiration et relevant la tête pour la placer en appui sur des mains qu’elle avait jointe, elle demanda d’entrer.

Et ce qu’elle vit la surprit grandement. Si elle n’avait pas su que c’était Ruben qui venait la voir, peut-être ne l’aurait-elle pas reconnue. La jeune femme était méconnaissable. Ce qui marquait immédiatement lorsqu’on l’observait était à présent le ventre arrondi qu’elle cachait sous son vêtement. Rien à voir avec ce qu’elle avait si peu de temps auparavant… Mais ce n’était pas ce qui était le plus étrange pour Judy. Bien que ce soit le plus visible, ce qui choqua réellement la laborantine était le visage de sa patiente… Elle semblait si sereine… Elle n’était pas même l’ombre de ce qu’elle avait été dans la salle de ce même hôpital. Et encore ! Elle qui arborait pourtant si souvent un visage marqué par une agressivité latente, elle ne semblait plus rien en exposer. De là à savoir si l’herboriste y avait complètement renoncé, il était encore un peu tôt pour le dire, mais cela tenait tout de même de l’exploit. Aussi, en voyant cette femme transformée rentrer dans son bureau, Judy savait déjà quelle allait être la réponse qu’elle avait demandée avant même d’entendre le moindre son.

« Je le garde. »

Derrière ses mains, bien à l’abri du regard de la mère en devenir, Judy sentit un sourire s’étirer. Et bien voilà… Vous vous y êtes finalement résolue. Et curieusement, la scientifique s’était attendu à cette réponse… Pourquoi ? Elle-même n’en savait trop rien… Elle l’avait su et c’était tout… Elle effaça alors son sourire avant que celui-ci ne la dénonce et décroisa les bras.

« Bien… »

Elle tapota alors un écran interactif sur son bureau et d’un geste de main le tourna vers la concernée. S’adressant à elle, elle lui fit signe de regarder.

« Voyez, je n’ai pas chômé non plus… Nous en avions parlé la dernière fois, je n’ai qu’une parole. Pendant ces dix jours, j’ai fouillé dans notre base de données et ai contacté certains de mes collègues. J’ai fait un bon tour d’horizon et j’ai trouvé une scientifique qui pourra reprendre votre dossier. Ne vous inquiétez pas, je me suis renseigné à son propos et ai vérifié par moi-même. Elle est compétente, je ne vais pas vous laisser entre les mains de n’importe qui. »

Elle se releva de sa chaise pour se retourner et s’essuyer légèrement les yeux.

« De plus, j’ai obtenu d’elle et plus généralement de votre dossier que l’on ne vous administre plus aucun produit de test jusqu’à la fin de votre grossesse. Aussi ne vous en faites pas pour votre enfant. La seule chose qui me manque, c’est votre accord. »

Elle se retourna et pointa du doigt une zone rectangulaire de l’écran sur la table tandis qu’elle poursuivait ses explications.

« La dernière fois, vous n’avez pas eu quoi que ce soit à valider car c’est moi qui ai fait les démarches pour vous avoir sous ma juridiction. Cette fois, vu que c’est moi qui fais une demande de délégation, à une autre scientifique, il me faut votre accord. Il faudrait donc que vous apposiez votre doigt ici pour reconnaissance digitale… »

La scientifique releva alors la tête et soupira, songeant qu’à partir de demain, il faudrait qu’elle trouve un autre evolve duquel s’occuper. Elle n’avait jamais fait autant de progrès qu’en ayant Ruben sous sa juridiction après tout. Elle n’avait pas encore pris la peine de rechercher pour elle-même, ayant consacré tout son temps à la recherche active d’un remplaçant pour sa patiente. C’était le moins qu’elle puisse faire…

« Je suppose qu’avec ça c’est la dernière fois que nous nous voyons. Faites attention à vous et à votre enfant Ruben. Maintenant que vous avez pris votre décision, faites tout votre possible pour vous y tenir. »

Et cette fois encore, elle le pensait. Elle ne savait pas ce qui lui prenait de dire ce qu’elle avait sur la conscience, mais après tout, c’était peu important puisqu’elle n’allait sans doute plus revoir la brune et son bébé.
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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30.12.15 22:34
Je le garde. Combien de fois avait-elle formulé cette affirmation en silence, dans le creux de la nuit, pour elle-même seulement comme un secret chuchoté à son propre cœur ? Elle ne l'exprimait à voix haute que maintenant, une première donc, et ne se préoccupait même pas de savoir si Judy aurait conscience de cette faveur qui, aux yeux de l'herboriste, n'en avait pas la valeur. Tout ce qui lui importait, finalement, était que sa décision ne souffrît aucune contestation, aucun cynisme ni dépréciation ; à l'issue de ces dix jours mouvementés, Ruben n'aurait sans doute pas supporté qu'une scientifique qu'elle détestait du plus profond de son être se permît de critiquer son choix alors qu'elle lui avait avoué sa condition avec toute la brutalité du monde. Pour autant, son esprit s'était assez détaché de ces considérations extérieures pour ne pas s'inquiéter outre-mesure d'une potentielle désapprobation, car de toute manière, jamais Thyde ne pourrait prétendre à choisir pour l'Evolve en ce qui concernait son enfant. Le jour où elle en aurait un, elle comprendrait peut-être – d'ici là, sa patiente ne lui obéissait plus.
Elle l'écouta cependant lui parler de ses recherches professionnelles et des collègues qu'elle avait eu l'occasion de contacter durant ces dix jours. D'un œil curieux, la brune découvrit le profil de l'heureuse élue qui reprendrait son dossier, une dénommée Katherine Samson ; un carré clair encadrant un visage long et fin, une frange en biais tombant sur ses demi-lunettes rectangulaires et le faciès sévère d'une institutrice, assorti d'une ribambelle de diplômes et d'articles pertinents sur l'adaptation socio-historique des Evolves au siècle précédent. Un caillou. Comme beaucoup dans cette branche. Néanmoins, Ruben réprima une grimace et, lorsqu'elle releva la tête en direction de Judy, elle ne trouva qu'un dos à contempler tandis que cette dernière reprenait la parole. Elle apprit ainsi, même si c'était un peu tard pour s'en soucier, qu'aucun agent chimique ne lui serait injecté durant les trois mois à venir, telle une cure de désintox' démarrée à la bourre, ce qui lui fit prendre conscience des dangers qu'elle avait fait courir à son fœtus auparavant. Depuis six mois, celui-ci avait pu assimiler médicaments et autres substances déconseillées, et par conséquent, absorber des produits à l'origine de dégénérescences musculaires, cérébrales, des altérations biomoléculaires et tout ce jargon médical incompréhensible qui, dans les faits, se traduirait par un enfant handicapé à vie. La future mère frémit. Elle devait lui demander. En avoir le cœur net. Mais si Judy n'était plus sa responsable... La Samson accepterait-elle d'accéder à pareille requête ?

Étrange qu'on lui demandât son accord. Elle se sentait curieusement importante, tout à coup. Ou, tout du moins, respectée. Quelque part, elle se sentit même touchée que la châtaine prît soin de lui exposer la situation au maximum, lui fournissant les informations nécessaires pour qu'elle détînt toutes les cartes avant de lui retourner sur la table et, un long moment, Ruben pesa une nouvelle fois le pour et le contre. Rarement avait-elle eu l'occasion de prendre autant de décisions primordiales dans un aussi court laps de temps. D'un côté, elle ne revoyait plus Judy – enfin, vacances ! – tout en s'assurant un trimestre de repos relatif avant de récupérer son statut d'Evolve de niveau 4 et patin couffin. De l'autre côté, elle se retrouverait affiliée à une scientifique qui, au vu de ses sujets de prédilection, se ferait un plaisir de lui poser tout un tas de questions indiscrètes sur sa vie, son quotidien, son rapport aux autres, et utiliserait probablement son enfant, s'il se révélait Evolve lui aussi, comme un magnifique cobaye pour une expérimentation en temps réel des méthodes d'éducation attribuées aux jeunes mutants. L'herboriste grinça des dents. Et quand Thyde lui fit ses adieux par avance, sans doute persuadée que sa patiente préférait fuir le plus vite possible sa juridiction après toutes les crasses qu'elles s'étaient joyeusement balancées au cours de leurs divers entretiens, Ruben accrocha ses iris bleus avant de l'interrompre à moitié :
« Attendez. »
Elle fit un pas en direction de la jeune femme, tira une chaise et s'y installa avec une légère pensée pour cette fatigue physique dont elle n'éprouvait que les prémices. Bientôt, elle ploierait sous le poids de son ventre comme un plant de bananier supporte son régime mûr. Félicité de la grossesse, mon cul.
« Nous n'nous sommes jamais appréciées, je crois qu'ce n'est pas faux d'le dire. Je vous trouve prétentieuse, hypocrite et probablement incompétente sur votre propre domaine d'études, parce que vous manquez d'expérience pratique. Vous savez que j'le pense. Et en échange, vous m'trouvez capricieuse, inconsciente, orgueilleuse et bornée. C'qui est sûrement vrai. »
Sa voix était à l'image de son regard : parfaitement droit et solide. Pourtant, elle serrait les poings sur ses cuisses, les tendons apparents sur ses jointures et les veines presque saillantes à la surface de ses mains. Mais songer à la créature dans son ventre la calma aussitôt, alors qu'elle s'apprêtait à balayer en quelques secondes la fierté dont elle était si fière.
« Il y a dix jours, j'vous ai dit qu'j'avais pas besoin d'vous. Ça, ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai besoin de quelqu'un en qui j'puisse avoir confiance. Quelqu'un qui m'connaisse suffisamment, et pas grâce à mon dossier, qui sache c'que j'ai vécu, c'que je vis, c'que j'vais avoir à vivre. Qui sache que je suis malgré moi un danger pour tout l'monde, pour tout c'qui compte à mes yeux, et qui même en sachant ça, est capable de m'accompagner. J'ai besoin d'une personne qui n'a pas peur de m'côtoyer sous prétexte que je suis un monstre et que je n'supporte pas qu'un autre que moi le dise. Votre collègue, là... elle sait pas tout c'que vous savez. Aussi compétente soit-elle, elle me connaît pas comme vous me connaissez. Alors... »
En douceur, elle rabattit une mèche sombre derrière son oreille pucée, comme pour dissiper le malaise qui la gagnait. Puis prit une grande inspiration. Elle avait bien mesuré sa balance ; c'était la meilleure solution.
« Si vous l'acceptez, j'aimerais rester sous votre responsabilité. »
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Judy Thyde
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03.01.16 20:59
Voilà, les choses étaient sans doute mieux ainsi. Chacune repartait de son côté comme si leur chemin ne s’étaient jamais croisé. Et il fallait avouer que les incessantes prises de becs avec sa patiente n’allaient pas lui manquer. Elles ne s’en porteraient que mieux toute deux. Judy avait fait ce qu’il fallait faire, le reste n’était plus de sa responsabilité. Adieu, et à jamais ! Pourtant, une petite onde à la surface de l’eau vint brouiller le calme de l’esprit de la scientifique. Bien entendu, rien d’insurmontable, mais comme un petit picotement à l’arrière de la nuque. Une désagréable sensation sur laquelle Judy ne parvenait à mettre un dénominatif. Pas de la jalousie… Elle n’en ressentait pas la moindre pour sa collègue. Mais un tout petit pincement. Un peu comme si l’absence de l’herboriste allait creuser un vide. Une crainte injustifié de ne pas savoir ce que son interlocutrice allait devenir. Malgré tout ça, la châtaine avait pris une décision et elle ne reviendrait pas dessus. Elle fut cependant coupée dans son élan alors qu’un regard profond lui était adressé. Devant un tel sérieux, la première réaction de Judy fut de jeter un œil derrière elle. De mémoire, jamais la femme  ne lui avait lancé un tel regard. Il n’y avait rien. C’était donc bien à elle que c’était adressé ? Pourquoi devait-elle attendre ? Tout cela était étrange. Elle observa curieuse l’herboriste s’asseoir sur une chaise. Une complication de sa grossesse ? Avait-elle besoin d’une aide urgente ? Était-ce pour cela qu’elle l’avait tranché dans son élan ? Pourtant son visage, bien que fatigué, ne montrait aucune alarme, pas le moindre indice d’un soudain malaise.

Puis la brune continua de parler. Et plus elle parlait, moins la châtaine voyait où celle-ci voulait en venir. Elle leva un cil en « apprenant » ce que sa patiente pensait d’elle. Oui elle s’en doutait, mais ce n’était tout de même pas très aimable de lui balancer ses quatre vérités en face au moment de leur séparation… Enfin, rapidement, Judy comprit que les choses n’étaient pas aussi simples que ça, après tout Ruben critiqua ses propres points noirs en face de son adversaire. Définitivement quelque chose clochait. Il y avait anguille sous roche… Ce n’était pas courant pour sa patiente de faire preuve d’autant de franchise. Du moins… Pas celle-ci. Alors la scientifique ravala son impatience et attendit sagement les bras croisés et les sourcils froncés. Gardant en tête que si Ruben décidait de l’attaquer une dernière fois, enceinte ou pas, elle allait se défendre.

Cependant au fur et à mesure que le discours se poursuivait, le visage de Judy se décomposa. Déjà relativement fatiguée, elle ne crut pas ce qu’elle était en train d’entendre. N’importe qui à sa place aurait déjà saisit depuis bien longtemps où la future mère voulait en venir, mais Judy s’y refusa. Ce qu’elle devinait était juste impossible. Pourtant tout pointait en cette direction, tout convergeait pour indiquer le sujet qui allait être abordé… Regarder à droite, puis à gauche, n’y voir aucune caméra cachée. Soutenir un regard, s’apercevoir qu’il ne trahissait aucune malhonnêteté. Aucun désir d’écraser d’une bottine les sentiments de sa pire ennemie. Et puis, à cette dernière phrase, réaliser. Apprendre par de vrais mots ce qu’on ne faisait que supposer, avoir la confirmation d’un espoir que l’on attendait plus et rester là, penaud. L’air hébété, ahuris, bouche-bée. Se dire qu’il fallait réagir, mais ne pas y parvenir. Sentir les jambes qui fléchissent, déjà fatiguée puis fauchées par cette révélation. Se servir du dossier de la chaise pour ne pas s’effondrer se rétracter sur soi-même, et rester sous une certaine confusion. Souffler des mots complètement absurdes en comparaison à un réel ressenti.

« Mais… Et les démarches que j’avais prises… Et ce que vous m’avez dit… Et… »

Puis tirer la chaise à son tour et s’asseoir en se tenant la tête dans les mains pour récupérer ses esprits. C’était la même sensation que si toute la fatigue accumulée des derniers jours avait choisie de la rattraper d’un seul coup. Et soudain réaliser, sourire bien à l’abri de son regard à elle avant repenser à tout ça. Une personne en laquelle vous puissiez avoir confiance ? Et que vous jugez pourtant incompétente dans son propre domaine d’étude hein ? Ce n’est que moi ou vous êtes aussi incohérente qu'à l'accoutumée ? Mais cette fois, elle n’énoncerai pas ses pensées à voix haute. Toujours la tête dans ses mains, Judy prit une profonde inspiration. Elle releva son crâne, se montrant enfin à Ruben. Écartant une mèche de cheveux qui avait décidé de rester sur sa route, elle reprit la parole, rompant un silence qu’elle n’avait fait que trop durer.

« Et dire que je pensais que nous ne nous reverrions plus… »

Judy rangea l’écran de profil de la scientifique remplaçante qu’elle avait déniché. Peut-être qu’en temps normal elle aurait demandé une vraie confirmation à sa patiente, mais pas cette fois. Elle ne craignait pas qu’elle se rétracte, mais elle comprenait tous les sacrifices et les efforts qu’il avait dû lui falloir pour prononcer ne serait-ce que ces quelques mots. Et si elle le comprenait aussi bien, c’était parce qu’elle doutait de sa capacité à faire de même.

« Je devine que vous y avez mûrement réfléchi. Vous savez Ruben, je ne vous aime pas beaucoup non plus c’est vrai… Vous m’insupportez assez souvent pour dire vrai et j’avais conscience que je vous inspirais la même antipathie. Vous me demandez si j’accepte ? »

Judy ferma les yeux le temps de prendre une nouvelle inspiration, un peu plus profonde que la précédente. Les choses allaient perdurer dans la voie de la difficulté. Pourtant, elle n’en ressentait pas la moindre gêne.

« Bien entendu. Vous êtes la seule evolve dont j’ai jamais voulu prendre la responsabilité. Ça me fait mal de l’admettre mais j’ai plus besoin de vous que vous n’avez besoin de moi. »

Le visage de Judy n’était pas souriant, pour autant, il était radieux. Comme si ses cernes avaient disparu, laissant tomber un masque à ses pieds. Elle tendit une main vers Ruben sans pour autant lui demander de se lever. Peut-être en demandait-elle beaucoup, et peut-être n’allait-elle pas être saisie. Mais cette main, qu’elle soit serrée ou pas était un contrat. Un contrat implicite que Ruben viendrait à sa demande, mais également un contrat que Judy assisterait la femme et son enfant jusqu’au bout. Et elle ne laisserait personne ne toucher à un cheveu de l’evolve et du futur petit. Pas sous sa responsabilité.
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Ruben E. Ashter

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Ruben E. Ashter
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05.01.16 20:22
Elle s'était exprimée d'un seul et même souffle, une trajectoire linéaire à peine marquée par la nervosité que contenaient les ongles, enfoncés dans ses paumes, et le frémissement d'humiliation à l'intérieur de sa poitrine. Pourtant, alors qu'elle venait de reconnaître en moins d'une minute la vulnérabilité qui lui causait naguère tant de honte, Ruben n'en éprouvait pas le plus infime remords. Ce n'était pas un poids dont elle s'était délesté, de celui qui lui comprimait le thorax en permanence, mais une entrave, une censure de ce qu'elle s'était empêchée de dire par crainte d'être fustigée, raillée, utilisée. En parlant ainsi à Judy, en lui adressant ces mots en provenance directe de son cœur, l'herboriste accordait à la scientifique cette confiance qu'elle avouait rechercher, comme s'il lui était indispensable, pour lui réclamer la sienne, qu'elle la lui confiât d'abord de sa part ; donner plutôt que recevoir, avec l'espoir de ne pas avoir fait d'erreur. Il était grand temps qu'elle rendît les armes et acceptât de partager son fardeau avec quelqu'un ou, tout du moins, qu'elle sût que quelqu'un était prêt à le supporter avec elle. Les raisons ? Elle s'en foutait assez. Quels que que fussent les intérêts de la châtaine dans l'histoire, seule la finalité importait, à savoir une protection, même bancale, même éphémère, pour elle et son petit. Elle entendait déjà les griefs d'Evolves tels que Yorick ou Esther qui ne manqueraient pas de la fustiger pour ce mariage de déraison, cette alliance bâtarde qui ne lui attirerait que des ennuis. Tant pis. Après tout, elle n'agissait plus que pour elle.

Elle ne s'était guère attendue à pareille réaction de la part de son interlocutrice. La voir ainsi bouleversée, presque à deux doigts de défaillir, ne lui arracha néanmoins aucune mesquinerie. Au contraire, la brune eut un mouvement de recul, de repentir, face à une attitude hésitante qu'elle ne parvenait pas à interpréter. Oui, elle lui avait dit de chercher quelqu'un d'autre. Oui, elle l'avait poussée à engager des démarches sans doute conséquentes, à courir les bureaux à la recherche d'un collègue compétent, à remplir des paperasses de permutation et autres fiches délégatrices, et tout cela pour rien. Pour faire marche-arrière à la dernière minute, une fois qu'il ne lui restait plus qu'à imprimer ses empreintes digitales sur un morceau d'écran. Mais si elle voulait se montrer cynique, elle n'avait qu'à lui rappeler que c'était elle, la demoiselle en blouse, qui lui avait interdit de la voir pendant dix jours, et même d'entrer en contact avec elle. Avait-elle vraiment fait montre d'autant d'assurance quant à l'irrévocable décision de sa patiente ? L'herboriste aurait quasiment oublié ce trait de caractère qu'elles possédaient toutes deux et qui, probablement, les liait d'une manière qu'elles étaient incapables de comprendre : une fierté à fleur de peau.

À l'instant où elle releva le front, Ruben sut que Judy acceptait. Il n'aurait pu en être autrement, à l'évidence, plus que ça, c'était inscrit jusque dans ses tendons, comment aurait-elle pu refuser de conserver son précieux cobaye, son monstre préféré, sa plaie unique ? Elles affichaient cependant une gravité à faire grincer des dents mais quelque chose avait maintenant fleuri entre elles, les ronces avaient fini par éclore et, si jamais elles arriveraient encore à se les jeter au visage, leur parfum délicat panserait aussitôt leurs égratignures. Alors, lorsque Thyde prononça enfin les paroles qui devaient sceller leur pacte, l'Evolve ne put réprimer un léger sourire, un chouïa moqueur, dénué de fiel cependant. C'était trop d'honneur que sa responsable se fasse mal de la sorte. Vraiment, il ne fallait pas, elle ne le méritait pas. Et cette main tendue, non par compassion ou affection soudaine, cette signature par échange épidermique pour un contrat écrit en un regard. Ruben se releva, sur le point de partir. Sauf qu'au lieu de lui tourner le dos tout de suite, rejetant cette paume qu'elle n'avait encore jamais serrée, elle posa l'une des siennes sur son ventre, puis ses yeux d'un acier rayonnant et, de retour sur Judy, accrocha de sa main libre celle que cette dernière lui présentait. Ainsi, l'accord ne se concluait pas qu'entre elles deux mais bien entre eux trois, puisque pour les trois prochains mois la brune ne pourrait plus être considérée comme une seule personne.
« Bien. Alors si nous sommes d'accord, nous nous voyons la s'maine prochaine ? »
Comme à leur ancienne habitude, selon le protocole. Comme si rien n'avait jamais changé. Comme si leurs deux mains, qu'elles avaient sèches et froides, ne s'étaient pas rencontrées.
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