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Moi, toi, mon toît. Moi, toi et mon doux chat. [PV Sulkan]
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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11.01.17 19:14
Le bruit du métal contre le métal. Ce cliquetis reconnaissable. Ce cliquetis qui lui rappela qu’il devait mettre fin à son travail. Pourquoi ? S’étirant, Esteban avait la sensation d’avoir oublié quelque chose. Qui plus est important. Il ôta son gant en latex bleu, se pinça l’arrête du nez… Toujours cette sensation qui ne le lâchait pas depuis des heures. Il regarda les yeux fermés de sa patiente. « Dites voir Madame Martin. Vous avez déjà eu ce sentiment d’avoir oublié un truc ? Hm ? Non, je ne vous parle pas d’éteindre le gaz ou même d’avoir oublié de fermer la porte. Vous savez très bien qu’à notre ère, tout se fait automatiquement. Hé oui, Madame Martin, même dans ce qui me sert d’immeuble à la périphérie des quartiers pauvres. Tout à fait, c’est ce qu’on appelle la mise aux normes. Je vois que vous êtes bien informée ! On reconnaît là les gens de votre rang… Dommage que vous étiez à cet endroit à ce moment… J’espère que votre caniche va s’en remettre… Si jamais il n’a pas fait un arrêt cardiaque en ne reconnaissant pas vos chaussures fouler le sol de votre maison. Non Madame Martin, je ne fais pas dans l’autopsie animale. »

Le scientifique venait de rentrer de son travail et montait péniblement les marches de son immeuble, marches qui lui permettait de se rapprocher chaque fois plus de son havre de paix. Un jour d’absence au Centre, une petite émeute et l’intervention de la Milice. C’est tout ce qu’il avait fallut pour que ses frigos se remplissent d’une multitude de patients qui attendaient sagement de se faire ouvrir le torse pour offrir au légiste ce qu’ils avaient de plus précieux : leurs organes. Bon. Et accessoirement, la raison de leur mort. Et s’ils étaient effectivement des evolves. Parce que si l’un des corps allongé sur son lit d’inox était un civil, un type tout à fait normal, alors la Milice allait devoir trouver une bonne justification. Et ce n’était pas ce qu’ils leur manquaient à vrai dire… Mais sur la récolte que lui avait amené la brigade affectée à cet évènement, il n’y avait que cinq evolves sur la vingtaine de corps. Ce qui donnait donc quinze civils qui semblaient innocents et dont il fallait annoncer la mort à la famille. Heureusement que ce n’était pas son travail… Il manquerait cruellement de délicatesse et de tact, usant même d’humour noir. Autant dire que ça passerait mal auprès de l’administration. Les corps civils allaient être rendus aux familles, les autres allaient sagement rester dans les chambres réfrigérées de deux mètres sur deux mètres en attendant qu’Esteban patiente le temps de sa journée de « repos », « reprenne » du poil de la bête, et se colle une sucette XXL dans la bouche. Car le légiste était resté quelques jours à l’hôpital, se plongeant dans ce qui le passionnait, délaissant les entités vivantes qui étaient chez lui. D’ailleurs, il avait complètement oublié l’humain qu’il hébergeait, trop habitué à ce que le chat  mène sa petite vie, entrant et sortant par il ne savait quel stratagème. Oh… Madame Martin… C’était ça qu’il avait oublié vot’médecin. Et le cliquetis… C’était le bruit des menottes du p’ti russe aux yeux marrons qu’il avait ôté le premier soir…

En attendant le tramway, le trentenaire était perdu dans ses pensées, comme à peu près tous les autres membres actifs du système qui voulaient rentrer chez eux se jeter une bonne bière dans le gosier en attendant que le réveil sonne le lendemain matin. C’est ainsi qu’il se rappela de ce qui l’attendait chez lui et de cette chose immonde qu’il devait dorénavant prendre en compte pour pouvoir mener ses expériences illégales mais non pas moins importante pour la Science et l’évolution de l’espèce. Cohabiter. Jamais, oh grand jamais, il n’avait songé à concilier un dixième de sa vie avec ce terme. « Cohabiter » c’est quoi ? C’est l’Enfer ? Le Purgatoire ? En tout cas, ce n’était pas le Paradis. Pour un misanthrope, vivre avec un de ses congénères était une horreur. Sartre avait raison, l’Enfer, c’est les autres. Tous les autres. Il n’y avait pas un être humain qui ne l’exaspérait pas à la longue, pas un qui ne se démarquait du lot. À chaque fois qu’il devait sortir de chez lui, le cousin de Phear vivait un enfer avec ces gens lents d’esprit et de corps, ces gens sales et peu raffinés, ces gens qui ne manquaient pas d’étaler le peu de connaissance qu’ils avaient. Cohabiter, c’est vivre avec quelqu’un, partager son canapé et le trou du milieu, la télé et les programmes douteux, sa confiture à la cerise. Cohabiter, c’est partager des espaces de vie, sa nourriture préférée, des moments de la journée avec l’autre. C’est laver les couverts de son homologue humain, retrouver ses cheveux dans la salle de bain, constater amèrement qu’il est dans les chiottes au moment où on en a besoin. La seule chose vivante avec laquelle Esteban avait partagé tout ça, c’était le chat noir aux yeux verts qui allait et venait à sa guise dans son appartement. Celui qu’il avait nourrit quelques fois et qui maintenant prenait pour pâté comptant la modeste demeure du légiste. Ce même chat qui l’avait poussé à prendre sous sa blouse blanche le bipède qui dormait de ton son saoul sur le canapé.


Esteban venait de rentrer chez lui. Enfin. Il enleva ses converses noires rendues confortable au fil des marches et se délecta du calme qui régnait dans l’appart’ ; ce qui annonçait très certainement une tempête prochaine. En traversant le salon, discerna la présence du russe grâce à ses pieds qui dépassaient du canapé et à son bras qui pendait mollement par dessus l’accoudoir. Il était entouré d’un nombre conséquent de paquets vides. Sulkan s’était manifestement servit, trouvant dans les placards ce dont il avait besoin, quand il en avait besoin. Son espace TV était devenu en quelque sorte un dépôt étrange de nourriture entamé, de miettes et de paquets vides. Il soupira et se rendit dans sa cuisine, abandonnant au passage son pull sur une chaise, sa chemise sur une étagère, sa montre sur une commode, et sortant de la poche de son jean sa paire de lunettes noire qu’il chaussa sur son nez. Il ouvrit machinalement le frigo, souhaitant attraper une bouteille de bière bien fraîche, la récompense de son labeur passionnément accompli. Mais sa main pleine d’enthousiasme se heurta contre la paroi de l’appareil éléctrique. Sourcils froncés, le légiste regarda tout le frigo et constata amèrement que celui-ci était presque vide. Que ce soit sur les rangements de la porte ou les étagères en verre, pas l’ombre d’une bière, d’un reste de jambon ou d’un bâtonnet de surimi. Feuilles desséchées, il ne restait d’une vulgaire botte de radis qui attendait sagement sa fin à côté d’un yaourt à la date dépassée et d’un fromage à croûte rouge à moitié croqué. Nouveau soupir. Il se retourna, et ouvrit son placard de réserve salé. Vide. Lui aussi. Pas un paquet de chips, de cacahuètes ou de pistache. Ce fut très certainement la goutte d’eau de trop. Esteban claqua violemment la petite porte en bois, déboula littéralement dans le salon et donna un grand coup de pied dans le canapé. « Debout ! » Son ton sec et la force de son corps démontraient clairement son agacement.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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11.01.17 21:23
Le calme plat régnait entre les murs du – très - modeste petit appartement à la limite de l’insalubrité au sein duquel il avait atterri, bien malgré lui cela dit. En l’absence notoire du propriétaire des lieux, un silence de mort régnait, ironie du sort quand on connaissait le métier de l’intéressé. Sans jamais prévenir, le légiste avait tout bonnement disparu de la circulation. Dans le fond, cela ne gênait nullement Sulkan, qui appréciait ce sentiment d’avoir de nouveau son propre chez-lui. A la différence que les odeurs d’ici ne lui étaient pas familières et que deux pièces en particulier lui inspiraient une profonde répulsion : la chambre à coucher d’abord où il avait bien cru y laisser sa virginité – anale, précisons-le – puis ce qui ressemblait à un bureau, dans lequel avait résonné le glas de sa presque paisible existence d’humain tout à fait lambda quelques semaines auparavant. Inutile d’affirmer que le russe évitait d’y mettre les pieds, sauf en cas d’extrême nécessité, ce qui, en soi, n’arrivait pas souvent. Ce fut donc le plus naturellement du monde qu’il fit du canapé, son territoire. Pas terrible en terme d’intimité puisqu’il fallait traverser le salon pour se rendre de part et d’autres de l’appartement mais au moins, le meuble principal qui en composait l’intérieur était confortable. Pour ainsi dire, le jeune hacker ne se plaignit pas vraiment de l’absence de son hôte. Bien sûr, une idée germa bien vite dans son esprit : qu’allait-il devenir si Esteban ne rentrait jamais ? Pour l’heure, il avait un toit au-dessus de la tête et des placards remplis de malbouffe en tous genres. Mais s’il était effectivement arrivé quelque chose au légiste, alors ses pairs et quelques représentants de la Milice ne tarderaient pas à débarquer. Et il n’était pas évident qu’ils le laissent tranquillement squatter les lieux, à sa grande frustration d’ailleurs. Sans vouloir l’admettre, Sulkan comptait énormément sur les capacités du légiste à pouvoir, potentiellement, s’il le voulait bien, autant demander à ce foutu Dieu d’exaucer ses prières en somme, lui rendre sa vie d’avant, en partie du moins. Ses craintes prenaient de l’ampleur à mesure que les jours passaient et il se résolut à allumer la TV pour se tenir au courant des derniers évènements. Il était question d’un tournois numérique, enfin, surtout de ses résultats, ce qui l’intéressa vaguement quelques minutes puis l’information tomba : une émeute. Plusieurs dizaines de morts. Sans perdre une seconde, le russe passa en revue les profils des victimes à sa disposition. Un soupir de soulagement lui échappa en constatant que celui de son hôte ne s’y trouvait pas. Après de tels événements, il conclut que ce dernier devait simplement être aux prises avec les autorités dans le cadre de son travail.

Le bougre aurait tout de même pu lui rentrer pour le prévenir de son absence prochaine ou même lui faire parvenir un message ! En proie à l’agacement, son regard se baissa instinctivement vers son poignet droit. Il fut un temps où le jeune hacker pouvait se vanter d’être en permanence connecté à la société. Par la force des choses, il avait dû renoncer à ce petit bijou technologie, au risque d’y laisser la peau. Esteban avait-il remarqué ce détail ? Probablement que non. Dès lors qu’il avait eu la confirmation de sa mutation génétique, le légiste ne songeait plus qu’à une chose : l’étudier. Au diable les pensées matérielles ! Peut-être userait-il de ce prétexte pour se justifier si jamais le russe venait à lui passer un savon pour l’avoir tenu si longtemps sans nouvelles. Ce qui était loin d’être certain compte tenu de la relation trouble qu’ils entretenaient tous les deux. Son hôte avait assuré le laisser en paix le temps qu’il récupère de ses blessures. Aussi, Sulkan redoutait à tout moment qu’il ne juge le temps de rétablissement écoulé pour ensuite passer aux choses sérieuses. Seulement, ce flot de pensées pour le moins sensées se fit interrompre par un gargouillis au niveau de son estomac. Voilà comment l’absence du propriétaire des lieux passa littéralement à la trappe. Avec sa flemmardise caractéristique, le jeune hackeur délaissa toute nourriture à cuire ou réchauffer pour lui préférer céréales et biscuits de toutes sortes. Quelle ne fut pas sa satisfaction en découvrant les placards bien remplis qui n’attendaient que lui ! Ainsi, il ne risquait pas de mourir de faim ! D’abord pragmatique sur le rationnement, le russe finit bien vite par les vider un par un, l’absence d’Esteban se prolongeant toujours d’un jour de plus. Quand il n’y trouva plus rien, Sulkan dut se rabattre sur le contenu du frigo. Si les boissons qui s’y trouvaient, avaient agréablement accompagné ses repas bourrés de carences alimentaires, son attention se tournait à présent vers les divers aliments pas encore périmés qui faisaient l’intérieur du frigo. Sans jamais penser à ce que pourrait être la réaction de son hôte en découvrant ses réserves englouties sans vergogne, le russe s’estimait être en droit de survivre comme il le pouvait. S’il sortait, il risquait de se faire attraper, sa tête devant courir en tête de liste des personnes les plus recherchées à travers tout Madison. Tout ceci lui permit encore de tenir une journée supplémentaire mais il se savait désormais sur la sellette. L’appartement d’Esteban ne contenait plus rien de mangeable à ses yeux. Seul le chat y trouvait encore son compte puisque le jeune hacker ne comptait pas toucher à ses croquettes. Il avait encore sa fierté ! Avachi sur le canapé, Sulkan ne tarda pas à s’endormir. Dingue comment on pouvait se fatiguer à ne rien faire de ses journées… Le silence qui régnait autour de lui favorisant son état semi-comateux, il ne se réveilla pas au retour du maître des lieux. Le claquement sonore du bois le fit sursauter en revanche. Le temps qu’il comprenne d’où ce son pouvait provenir, une violente secousse agita le canapé, suivie d’un ordre très bref. Il connaissait cette voix, pour l’avoir déjà entendue une fois revêtir cette intonation si rare. Encore à moitié dans les vapes, le russe se redressa sur un coude, levant un regard endormi en direction du légiste, tout en clignant des yeux. 5 bonnes minutes lui furent nécessaires pour qu’il reconnaisse l’homme qui se dressait devant lui.

« T’es là toi ? » La lumière se fit dans son esprit. « Depuis quand ? »

Et pourquoi il ne l’avait pas entendu débarquer ? Franchement, il se laissait un peu trop aller ces derniers temps. Comment aurait-il pu s’en sortir s’il avait s’agit d’un milicien en patrouille ? L’ordre lui passa royalement au-dessus de la tête et Sulkan laissa retomber sa tête sur le canapé. L’odeur rance du meuble ne lui apparaissait plus autant repoussante que lors de ses premières nuits dessus.

« J’en ai pas la force. J’ai rien avalé de la journée. »

Ce qui se passa ensuite et surtout, la réaction du légiste passa au second plan dans les souvenirs qu’il eut de cette journée. Au-travers des éclats de voix d’Esteban, une douce mélodie vint résonner entre les murs de l’appartement, tranchant net avec les jurons du propriétaire des lieux. Tous les deux se figèrent, le regard tourné vers la porte d’entrée, le russe à moitié redressé sur le canapé pour se défendre contre l’animal enragé qu’était devenu son hôte. Non, franchement, à bien y réfléchir, il ne lui avait pas manqué…

« C’est pour moi ! »

Profitant de l’effet de surprise, le jeune hacker bondit sur ses pieds et traversa le salon pour ouvrir la porte. Un livreur quelque peu rendu nerveux en raison des éclats de voix que la porte filtrait mal, patientait de l’autre côté de celle-ci. A en juger par la couleur de son uniforme et la bonne odeur qu’une bourrasque envoyait déjà se répandre dans l’appartement, il s’agissait d’une pizza. Et avec le supplément fromage fondu/viande hachée en prime ! Avec un grand sourire ravi, Sulkan prit la boîte et désigna d’un mouvement de tête son hôte abasourdi :

« C’est lui qui paye. »

Après tout, il n’avait pas de bracelet pour régler la facture mais le jeune hacker avait trouvé le moyen d’appeler la pizzeria du quartier pour subvenir à ses besoins. Ce fut avec l’eau à la bouche qu’il alla se rasseoir sur le canapé, dégageant un espace digne de ce nom sur la table basse pour y déposer l’immense boîte en carton, n’hésitant pas pour cela, à faire tomber celles qui s’y trouvaient déjà. Une de plus ou de moins par terre, ce n’était pas ça qui ferait la différence à ses yeux. Il ne lui fallut pas davantage de temps pour ouvrir la boîte, prendre une bouffée pure de bonheur aux senteurs d’épices et de sauce tomate, porter une part à ses lèvres avant de s’immobiliser à mi-chemin en sentant le regard du légiste sur lui. Arquant un sourcil, Sulkan le lui rendit.

« Quoi ? J’avais rien à manger ! » se défendit-il.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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19.01.17 17:11
Il savait que ça allait être dur… Sans pour autant imaginer à quel point. La faute probablement à ses croyances utopiques à propos de ses années universitaires : être social tout en continuant de cultiver sa misanthropie. Durant ces années-là, il sortait peu, ou seulement quand on l’amadouait à l’aide d’un livre rare. Il avait son mode de vie, tranquille, rythmé parfois de quelques éclats de voix venant de son camarade de chambre qui s’engueulait au téléphone avec sa belle. Et c’était tout. Il ne voulait pas plus, et avait réussi à ne pas obtenir plus. C’était sa petite vie tranquille.
Et depuis quelques jours, devenu dorénavant un adulte « pur produit de la société », Esteban avait rompu avec tout ça. Cassé son mode de vie, son rythme, ses habitudes. S’il était peu prompt à laisser vivre un nouvel élément sur son territoire, il l’avait pourtant fait. Sa mère n’en reviendrait probablement pas. Il avait accueilli ce pauvre petit chez lui, n’ayant pas le cœur à le laisser dormir dehors, par ce froid, n’essayant pas d’imaginer comment il ferait pour se nourrir dans les rues lugubres de ce quartier peu recommandé de Madison. Esteban se mit à ricaner ; son chat le regardant d’un œil étrange. Cette façon de penser, c’était pour les cœurs faibles, les mamies qui veulent se donner bonne conscience, les bobos qui veulent bien paraître dans les soirées branchées de leur district. Un habitant tels que ceux-ci n’auraient certainement rien dit face à cette tempête passée dans chacun des placards, ni même face au manque de gêne qui motivait le colocataire logé-nourrit-blanchi aux frais de la princesse. Le marché avait été clair entre l’evolve et le légiste, et ce dernier veillerait bien à ce que ça en reste ainsi… Du moins si Sulkan survivait à sa colère.

C’était abusé. Entre sa cuisine et son salon, c’était devenu littéralement crade. À tel point que le cousin de l’eraser se demandait comment le russe avait pu tenir dans son appartement devenu taudis. Manifestement, Sulkan n’était pas une Fée du Logis. S’il en avait quelques doutes, ceux-ci venaient d’être confirmés. Et que dire du vide intersidéral qui régnait dans sa cuisine... Un scandale ! Animé par sa mini-révolte, Esteban s’était vengé sur le canapé plutôt que sur son cobaye, le déplaçant d’un bon mètre. Cela sembla suffire pour le tirer des bras de Morphée. Et il en avait  prit, du bon temps avec le Dieu du Sommeil. Son attitude lascive et nonchalante augmenta encore un peu l’agacement du légiste, qui se retenait de l’anesthésier et de commencer tout de suite, et contre son gré, une première expérience. « Bravo Sherlock, tu débloques pas. » Une ironie amère commençait à prendre le dessus à mesure qu’il entendait le timbre de la voix de l’evolve. « Depuis suffisamment de temps pour voir que tu t’es suffisamment senti chez toi pour engloutir mes réserves, ma bière et transformer mon salon en porcherie. » Alors qu’il croyait se recevoir une belle réplique au vocabulaire simple et coloré, il ne put que voir la tête brune retomber mollement sur l’oreiller. Si c’était un mauvais rêve, il voulait se réveiller, et tout de suite. Il lui faisait quoi là ? Une rébellion prépubère ? Une belle crise d’adolescence ? Ce ne fut qu’à ce moment que le légiste se demanda quel âge pouvait bien avoir Sulkan. Il ne connaissait rien de lui, sauf peut être qu’il était recherché par la Milice, par son sadique de cousin, qu’il était chiant à souhait et qu’il ne faisait que ce qu’il faisait. Du reste, il ne savait rien, et il s’en fichait pour le moment. « J’en ai rien à battre. Tu lèves ton cul de feignasse et tu nettoies tout ton bordel. T’as vécu où dans une ferme ?! » Il se mit à ramasser quelques bouteilles de bières, dont une à moitié entamée… C’était du gaspillage, Esteban en était d’autant plus agacé. « Si t’avais pas vidé mes placards, t’aurais eu de quoi manger... » bougonnât-t-il en ramenant les cadavres en verre dans la cuisine et en les déposant dans le conduit « Verre ». Les bouteilles descendirent en silence jusqu’à un container ; c’était beau la technologie.

Une sonnerie familière résonna dans l’appartement. C’était le tintement clair d’une sonnette, et en l’occurrence, de sa sonnette. Chez lui. Sauf qu’il n’attendait personne. Ses habitudes étaient toujours les mêmes : il veillait à ne jamais commander des livraisons de nourriture ou de produits, veillait à communiquer un minimum son adresse. Il allait toujours chercher ce dont il avait besoin, et s’il n’avait pas, ou s’il n’y avait pas, il faisait sans jusqu’à ce que vienne l’occasion d’aller acheter en boutique ou que les stocks soient de nouveau remplis. Mais sa sonnette venait de sonner. Chez lui. Et ce n’était pas normal dans son quotidien pépère que Sulkan s’évertuait à chambouler. Alors qui c’était ? Et surtout, pour qui c’était ? Si ce n’était pas lui, ni le chat qui était évidemment mit automatiquement hors de cause, il ne restait qu’une seule personne… Et celle-ci venait de se mettre sur ses deux jambes, oubliant la fatigue qu’il lui avait balancé au visage un peu plus tôt. Esteban pesta lorsque l’evolve ouvrit sans complexe la porte, et sorti en trombe de sa cuisine. Il allait renvoyer le livreur et sa pizza avec, avant que Sulkan ne s’empare de la boîte immense et balance que c’était lui qui était détenteur du porte-monnaie de la maison. Il leva son index vers le livreur blasé lui signifiant qu’il devait attendre, et se planta en face de Sulkan ; il attendit patiemment que celui-ci prenne conscience de sa présence. « Avant que je paie pour ton comportement sans gêne, tu peux me dire comment tu comptes me rembourser tout ça? ». Joignant le geste à la parole, il montra les paquets vides, les bouteilles de bières et la pizza fumante. « Non parce que c’est loin d’être gratuit tout ça. Garde ces mots dans ta petite tête de piaf. ». Un raclement de gorge le rappela à son devoir ; le livreur n’avait pas que ça à faire. Le légiste revint à la porte. « Vous prenez le liquide ? – Nan m’sieur. Vous avez un bracelet, vous payez avec. C’plus simple comme ça. » Un claquement de langue sec précéda le mouvement du demi-biélorusse. Il tendit son bras avec force pour faire scanner le bracelet qui se trouvait sur son poignet gauche. « Est-ce que vous mettez un pourboire m’sieur ? – Nan. », dit-il sèchement. Face à la tête déconfite du livreur, parce que qu’on se le dise, venir dans un quartier tel que celui-ci n’était pas franchement la meilleure partie de la tournée de livraison, Esteban rajouta : « J’ai pas d’mandé cette pizza. Donc j’donnerais pas de pourboire. Maintenant vous scannez ce bracelet ou vous paierez de votre poche. » Son ton sec angoissa le jeune livreur qui se dépêcha de positionner son petit boîtier sur le code barre du maître des lieux avant de repartir. Pour accompagner son départ, le légiste claqua la porte, décollant certainement un cadre de l’une de ses voisines, avant de retourner vers Sulkan pour lui arracher deux parts de pizza. « C’est 1 % de l’intérêt que tu me dois. » il croqua dans une part. « Bon dieu, c’est infâme ! C’est gavé de fromage ! » Si le russe sourit à sa protestation, murmurant un « Bien fait, c’est ma pizza, tavékapahenprendre », Esteban n’en su rien, trop concentré à essayer d’avaler cette part trop chargée de condiments. Même s’il n’aimait pas ça, son estomac se demandant qu’elle était cette horreur qui lui arrivait dessus, il ne redéposa pas l’autre part dont l’odeur épousait sa main. Une fois le fromage à la viande avalée, il attrapa le tas de serviettes posée sur un coin de la table basse et essuya ses doigts dégoulinants de jus de viande à la tomate. « Je compte aller faire les courses. Dans mon extrême bonté, et dans l’optique que tu es prêt à me prêter ce corps que tu rends gras, as-tu besoin de quelque chose ? Dans la limite d’un budget raisonnable. »
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Sulkan Zaslavski
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28.01.17 14:34
Evidemment. Son hôte ne pouvait tout simplement pas tourner les talons sans rien ajouter pour repartir d’où il venait. Ce serait trop simple et inespéré que les choses se passent ainsi entre eux. Au lieu de ce doux rêve illusoire, la voix insupportable revint résonner à ses oreilles, lui ordonnant une nouvelle fois de se lever – chose impensable pour le moment – et de quoi ? Ranger ? Le salon n’était pas temporairement devenu son territoire ? Sulkan ne se pria pas pour lâcher un juron, marmonné à moitié tandis que les exclamations rageuses du légiste achevaient de le réveiller pour de bon. Il en avait du culot lui ! Disparaître pendant des jours sans donner de nouvelles et ensuite venir râler pour quelques malheureuses bouteilles traînant ci et là…

« Fais chier… »

Pourtant, le hacker changea bien vite d’attitude sitôt que la petite mélodie se fit entendre dans le modeste appartement. Sa pizza était enfin arrivée ! Et en prime, Esteban était présent pour régler la facture sur l’instant plutôt que le russe ait besoin d’obtenir une facture virtuelle à son nom. Dès que ses mains s’emparèrent de la boîte en carton fumante, d’où s’élevait une bonne odeur de viande, la chaleur qui s’en dégageait se communiqua à ses mains, ce qui le combla. Mais avant que le garçon ne puisse rebrousser chemin, non sans avoir donné ses instructions au livreur, tout sans gêne qu’il était, une ombre menaçante se dressait devant lui. De toute sa taille, le légiste le toisait, visiblement de plus en plus agacé. Et sa question le fit arquer un sourcil.

« Tu tiens vraiment à c’que j’dise à haute voix comment j’te paies avec mon corps chaque jour qui passe et ce, devant le livreur qui plus est ? » demanda-t-il avec un rictus narquois.

En soi, Sulkan ne s’imaginait pas un seul instant partager une nuit avec une partenaire masculin. Il était hétéro et comptait bien le rester. Cependant, il ne pouvait pas nier le fait que l’unique raison pour laquelle le légiste le gardait sous son toit, était effectivement son corps, d’une certaine manière. Son hôte désirait étudier ce qu’il était devenu et en échange, lui offrait un abri inespéré contre la Milice qui poursuivait activement ses recherches en dehors des murs de l’appartement. Aussi, c’était étrange de l’entendre plaisanter à ce sujet. C’était bien la preuve qu’il se fichait royalement d’Esteban. Le russe redoutait l’instant qui précéderait le moment pour lui de payer sa dette, alors autant en profiter tant qu’il le pouvait, non ? Momentanément débarrassé de son hôte, rapidement rappelé à l’ordre par le livreur qui s’impatientait manifestement, le garçon put (re)prendre place sur le canapé. Sans perdre une seconde de plus – le petit avait décidément très faim -, il ouvrit la boîte pour saliver encore un peu plus en découvrant la pizza. Un très bon choix à ne pas en douter. Sulkan attaqua la pizza, savourant ce goût qui lui avait tant manqué et le claquement sec de la porte d’entrée le fit sursauter, manquant de peu de le faire avaler de travers tant il avait la bouche pleine d’un mélange à base de fromage fondu, de viande hachée et de pâte élastique bon marché. Le russe s’empressa d’avaler le tout afin d’éviter de s’étouffer pour de bon si jamais il venait de nouveau à l’esprit d’Esteban de le surprendre et écouta ce que ce dernier avait à dire. Pourtant, il sourit de toutes ses dents en le voyant se battre, littéralement, avec la nourriture.

« Parce que t’avais pas r’marqué ? T’es pas trop observateur pour un prétendu médecin… » tacla-t-il de plus belle avant d’enchaîner. « Compte pas sur les intérêts. J’t’ai promis de… t’assister dans tes expériences, rien d’plus. Et tu sais qu’j’ai pas un rond ! Sinon j’l’aurai payé c’te pizza. J’suis pas fauché. »

Simplement, son bracelet avait dû être abandonné en route, au risque d’avoir sans arrêt un milicien lancé à ses trousses. Le hacker doutait que le fou furieux ait mis la main dessus. Après tout, lui-même avait reçu des directives de ses supérieurs dans le wagon avant de commencer son petit jeu sadique, lui indiquant que la trace de l’evolve en cavale avait été perdue. Avec un peu de chance, l’émetteur GPS du bracelet était devenu intraçable ainsi égaré sous terre, quelque part dans les tunnels du métro. Pensif, Sulkan se demanda s’il pourrait un jour le récupérer. Possible mais pour cela, il lui faudrait quitter son refuge improvisé, se rendre visible à nouveau. Sans compter qu’en admettant qu’effectivement, il parvienne à mettre la main dessus, le bracelet émettrait aussitôt un signal dès lors qu’il se trouverait à la surface. Tout ceci allait le contraindre à trafiquer ledit bracelet directement sous terre. Peut-être existait-il d’autres stations abandonnées comme celle dans laquelle ils avaient échoué avec son poursuivant ? A ce souvenir, un frisson le parcourut. Et s’il croisait de nouveau les yeux fous de l’Eraser ? Sulkan doutait de survivre à de possibles retrouvailles avec le militaire. D’autant plus que la zone risquait d’être sous surveillance s’ils enquêtaient sur sa disparition. Aux prises avec ses pensées, le russe faillit ne pas entendre la question d’Esteban et répondit machinalement par un « Hein ? » on-ne-peut-plus élégant dans la formulation. Qu’est-ce qu’il entendait par prêter ?

« J’suis pas gras. J’me nourrissais de pizzas avant que tu m’trouves. Est-ce que j’t’ai paru gras ? Nan alors écrase avec ça. Ils appellent ça le métabolisme j’crois. »

Gardant dans un recoin de sa tête, l’optique que son hôte ne lui ait pas dit toute la vérité concernant l’assistance qu’il avait exigée en retour de son hébergement, Sulkan réfléchit à ce que dernier lui proposait. Le légiste savait pertinemment qu’il ne pouvait pas sortir sans prendre de risque, d’où sa question. Son besoin d’effleurer les touches d’un ordinateur, même vieux, refit surface. Cependant, comment amener le sujet et surtout, le faire accepter d’Esteban ? Un ordinateur, ce n’était pas rien. Peut-être même que ça n’entrait pas en compte dans ce que son hôte qualifiait de budget raisonnable… Le russe se mordit l’intérieur de la joue, partagé entre l’envie de reprendre une bouchée de pizza et celle de se jeter à l’eau tout de même.

« J’peux te payer si j’ai un ordinateur. »

Cela dit, il laissa passer une pause, permettant à son interlocuteur d’être le plus attentif du monde. Cette annonce devait certainement l’intriguer. Ou seulement l’ennuyer. Avant que le légiste n’ait le temps de refuser sa requête pas encore réellement prononcée, Sulkan reprit la parole :

« J’gagnais ma vie en piratant des sites contre d’la tune… Me regarde pas comme ça ! J’ai jamais été chopé ! … Si tu me trouves un ordi, j’pourrais te rembourser la bouffe. On s’ra quitte comme ça. Alors ? »

Au fur et à mesure que les mots franchissaient ses lèvres, le hacker doutait de plus en plus de la perspective, même infime, que son hôte accepte. Dans ce cas, au moins ne pourrait-il plus le reprocher de vider ses placards gratuitement puisque c’était Esteban lui-même qui avait proposé de l’héberger. Alimentation incluse.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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19.02.17 19:03
« Très bien. » Esteban prit une veste, quelques sacs et sorti. Il avait encore ce goût immonde dans la bouche, celle d’une pizza trop chargée en fromage et dont le goût de la viande se faisait oublier par ces filaments écœurants qui enlacent sans vergogne la glotte pour ne pas finir dans l’estomac. « Non ! Je ne veux pas être digéré ! » Écrase et file en bas, qu’on puisse oublier ta présence étouffante. Sur le palier de sa porte, le légiste salua l’une de ses vielles voisines qui revenait probablement d’un autre appartement. Il pouvait lire sur son visage qu’elle avait passé un après-midi chargé en tricot et en tasses de thé. Comme tous les jours en somme. Il échangea quelques politesses avant de descendre lentement les escaliers, les yeux rivés sur la sucette qu’il déballait. Vite… Ôter ce goût… Il mit la sucrerie dans sa bouche et sourit lorsque ses papilles reconnurent la saveur du fruit divin. Rien ne valait la cerise. Rien.

Sur le chemin du petit supermarché de quartier, il repensa au métier que lui avait balancé nonchalamment Sulkan. Pirate informatique. Le gars était donc doué avec les appareils électroniques, ce qui expliquait très certainement pourquoi il ne l’avait pas cru lorsque les résultats fatidiques étaient sortis, et surtout, pourquoi il n’avait pas de bracelet. Il sentit le sien sur son poignet. Cette petite chose, il l’avait toujours eu, d’aussi loin qu’il put se souvenir. Ses cousins en avaient toujours eu aussi, ses parents, ses oncles et tantes. Tout le monde. Esteban se surprit un peu à ne pas avoir remarqué cette absence sur le poignet de l’evolve, alors que c’était clairement quelque chose qui était plus que largement démocratisé. Faut dire qu’avec les menottes et leurs traces persistantes, il était difficile de juger de l’absence de ce petit bijou de technologie… À moins que, vraiment, le scientifique soit plus gravement atteint par sa misanthropie, ce qui expliquerait pourquoi il s’en foutait de la présence ou de l’absence de bracelet. Et puis les corps qu’il recevait arrivaient toujours sans bracelets ; leur identité était soigneusement confinée dans des dossiers et des clés sophistiquées et hautement confidentielles. Pirate informatique. Est-ce que c’était la raison pour laquelle il n’avait pas de bracelet ? Pour le fait que Phear se soit autant lâché sur lui ? Qu’avait bien pu pirater Sulkan pour qu’il se retrouve dans une merde pareille ? « Attention monsieur ! » Une jeune fille blonde lui avait attrapé le bras, le retenant d’une collision presque inévitable avec les portes automatiques du magasin. Si elle n’avait pas été là, pour sûr que le légiste se serait prit de plein fouet les portes en verre fraîchement lavés, perdant ainsi toute prestance et toute légitimité auprès des habitués. Il posa son regard d’acier sur la main vernie de la demoiselle, remonta le long de son bras pour voir son visage de poupée. Lorsque leurs yeux se croisèrent, elle rougit délicatement. Quelle indécence. pensa-t-il avant de la remercier, imaginant qu’elle allait lui rendre sa liberté. Idylle. Elle enchaîna quelques mots balbutiés, bien loin de l’assurance avec laquelle elle l’avait interpellé… Et cela le fatigua. Il n’était pas là pour se taper la discut’ ni même pour donner son adresse mail ou son numéro de téléphone. Qu’elle l’ait vu à plusieurs reprises dans les rayons, et ce durant plusieurs mois, il en avait rien à faire. Il trouvait ça même un peu malsain. « Je dois y aller mademoiselle. » dit-il en montrant l’intérieur du magasin. Devant autant de monde, il avait arrondi les angles de son désintérêt pour les êtres vivants en lui rappelant que bon, ça restait un supermarché et que ce n’était pas un café branché. « Moi aussi. Ça… Vous dérange si on fait nos courses ensembles ? » Alors là, c’était le summum. Elle ne perdait pas une opportunité. Esteban soupira, enleva de sa main ferme, la main qu’elle avait encore sur son bras. « Oui, ça me dérange. Au revoir. » Il entra alors dans le magasin, insensible au regard hébété de son homologue féminin. Bon… Et que lui fallait-il au juste déjà ? Ah oui. Tout. Le légiste fit absolument tous les rayons, se focalisant sur les produits et non sur les mômes qui étaient en train de brailler au milieu des allées, sur les vieux qui beugaient devant le rayons des pâtes, ou sur la blonde qui le suivait avec la discrétion d’un éléphant. Rapidement, ses sacs furent pleins à craquer et il ressortit du supermarché avec cette sensation étrange et utopique d’avoir fait des affaires… Ou tout du moins d’avoir fait les affaires du gérant de l’enseigne.

En rentrant chez lui, Esteban fit un crochet par une petite boutique qui, de l’extérieur, semblait bien glauque. « Hey mec ! Ça fait longtemps ! » Du fond du dépotoir qui servait d’espace de réparation, un jeune homme débraillé avec les cheveux en bataille le saluait. C’était Vincent, un bricoleur et un revendeur aguerrit qui lui avait permit d’acquérir tout le matériel scientifique et surtout informatique qui trônait dans son bureau. « Qu’est-ce qu’j’peux faire pour toi ? – Je voudrais savoir si t’as un ordi à me revendre. – Tu te mets dans les affaires, man ?  - Non. Une connaissance à besoin d’un ordi et je viens voir ce que tu as en stock. N’importe quel portable fera l’affaire du moment qu’il s’allume et qu’il fonctionne. – J’vais vois c’que j’ai. » Le revendeur s’éclipsa dans l’arrière-boutique quelques minutes. Esteban pu l’entendre pester alors qu’il venait vraisemblablement de se prendre quelque chose sur la gueule avant de le revoir venir. « J’ai ça. C’est pas un truc dernier cri, mais ça fonctionne bien. La batterie vient d’être changée, le système d’exploitation est 100 % opérationnel et apte à faire n’importe quelle tâche, si tu vois ce que je veux dire~ » Le légiste soupira. Est-ce qu’en prenant un ordinateur à Sulkan il n’allait pas être dans la merde ? Est-ce qu’il allait avoir la Milice sur le dos, ou pire, voir son cousin débarquer dans son appart’ pour lui tirer les vers du nez. Un sourire malsain étira les lèvres du brun. « Combien ? « Pour toi, je te le fais à moitié prix. » Affaire conclue, il repartit avec le PC dans un sac à dos noir ; Sulkan ne l’aurait que si la première expérience se faisait sans incidents…

Les mains pleines, ce fut un véritable parcours du combattant que de monter la volée de marches qui le séparait de son « Home sweet home ». Il entra chez lui en poussant la porte d’un coup de fesses, puis en allant déposer les sacs dans la cuisine. Il rangea tout dans les placards, dans le frigo, avant de tout cadenasser. Pas fou le Rothgrüber, il allait mater le « métabolisme » de l’evolve. D’ailleurs, en parlant de ce dernier… Il ne semblait pas avoir quitté le canapé. Reprenant son souffle, c’est alors qu’il la sentit. Une grimace déforma son visage et il plaqua sa main sur son nez. L’odeur enivrante du fromage avait investit le salon. C’était une horreur. Il se dépêcha d’aller ouvrir quelques fenêtres, avant d’aviser le corps repu de Sulkan. C’est alors qu’une question surprenante prit toute la place dans son cerveau. « Sulkan. Depuis quand tu t’es pas lavé ? » dit-il d’un ton réprobateur. Non pas que le légiste accorde l’odeur de Sulkan avec celle du fromage – quoique – mais depuis tous ces jours d’absences, il trouvait la salle de bain un peu trop propre… Et surtout, le russe avait les mêmes affaires que lorsqu’il était parti. C’était louche. Très louche. Tout comme sa réaction de chaton apeuré. La réponse le laissa sans voix pendant quelques secondes. Autant de temps ? Ce n’était pas possible, c’était contre l’entendement humain ! D’un calme étrange, Esteban quitta le salon pour aller remplir la baignoire, avant de revenir devant le petit brun. Il souleva ce dernier sans préavis, le calant sur son épaule. Là, il le déposa dans la salle d'eau déjà un peu embuée de la vapeur du bain. « À la douche » dit-il simplement, quoi qu’avec un ton un peu autoritaire, en lui enlevant son t-shirt sale pour ne lui laisser aucune chance de s'échapper.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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24.03.17 14:50
Très bien ? C’était tout ? Aucun commentaire ? Pas d’exclamation indignée ou même une paire d’yeux allant se river au plafond sous l'exaspération ? Après tout le cinéma que le prétendu médecin lui avait fait pour une vulgaire pizza accompagnée de son supplément fromage, Sulkan s’était attendu à ce qu’il manifeste… Quoi exactement ? Et bien, autre chose qu’un désintérêt aussi profond que celui que semblait nourrir son interlocuteur pour tout autre sujet que les Evolves ! Ça ne lui faisait donc rien d’avoir recueilli un hacker, un hors-la-loi ? Il ne voyait que l’aspect théorique, cette possible progression dans la science au travers de leur cohabitation ? Le russe ne savait pas trop comment il devait le prendre. Bien sûr, c’était agréable d’avoir en face quelqu’un qui ne vous poserait jamais la moindre question embarrassante mais en même temps, se montrer aussi déconnecté de la réalité était réellement… déconcertant. Esteban avait-il seulement évaluer le risque qu’il prenait en le gardant hors de portée de la milice ? Le hacker en arriva à la conclusion que non, probablement pas. Et dans le fond, ce n’était pas lui qui allait s’en plaindre le premier ! Après le départ du propriétaire des lieux, le modeste appartement retrouva sa tranquillité, avec seulement une odeur de fromage flottant dans l’air. Soupirant, Sulkan prit le temps de finir sa pizza avant de jeter un regard torve sur les restes de papier graisseux et imprégnés de sauce. Au prix d’un extrême effort de bonne volonté – et surtout pour éviter d’avoir à entendre le légiste brailler de nouveau à son retour – le russe entreprit de jeter la boîte à pizza. Les quelques bouteilles en verre restantes ne tardèrent pas à la rejoindre dans l’allée rassemblant les différents bacs à ordures. Qu’on ose prétendre qu’il n’était qu’une crade feignasse après ça !

A présent que ses sens étaient pleinement réveillés dans l’instant précédant la fatale digestion, le hacker se surprit à repenser aux deux mots qu’Esteban lui avaient adressés juste avant de partir. Etait-il sérieux ? Le garçon pouvait-il espérer le voir franchir la porte de leur appartement avec l’une de ces vieilles machines qui fascinaient tant le russe ? Sulkan n’entrevoyait pas quels intérêts auraient le médecin à lui accorder une telle faveur. Non parce qu’on se le dise, leur cohabitation ne se passait bien que lorsqu’ils n’étaient pas dans la même pièce ! L’un étant trop habitué à sa solitude, pour ne pas parler d’ermitage, pour supporter l’insolent envahissement de l’autre. Avec le premier qui ne se risquerait pas à mettre le nez dehors, résolu à vivre au milieu de ses affaires en désordre, le second croyait s’être trompé de porte en découvrant son appartement transformé après des jours de travail en solitaire, reclus dans sa salle d’autopsie. Deux êtres que tout opposait en somme. Rien d’étonnant donc à ce que la cohabitation eusse autant de mal à se faire. Perdu dans ses pensées, Sulkan ne vit pas le temps passer et faillit sursauter en entendant la clé tourner dans la serrure. Déjà de retour ? Le russe afficha une expression peu avenante en direction d’Esteban, préparé à recevoir une nouvelle réflexion. Au lieu de ça, l’intéressé l’ignora superbement et si une partie de lui s’en réjouissait en silence, la seconde regrettait de ne pas le voir sortir un ordinateur, même usagé, de ses sacs, comme l’image du Père Noël faisant jaillir les cadeaux de sa hotte qu’ont en tête tous les enfants, du moins, jusqu’à un certain âge. Le hacker ne fit pas mine de se lever pour aller aider son hôte à vider les sacs. Il s’autorisa même un rictus satisfait en constatant que l’odeur de la pizza ayant imprégné les yeux, déplaisait fortement au légiste. Sauf que rien n’aurait pu le préparer à une telle question de la part de ce dernier.

« Arrête on dirait ma mère. C’pas tes oignons. » répliqua-t-il, un peu trop sur la défensive à son goût. Quand il s’en aperçut enfin, il crut bon d’ajouter : « Parce que t’vas me faire croire que l’hygiène faisait aussi partie du contrat ? J’ai pas besoin de sentir la rose pour t’assister dans tes expériences. »

Sérieusement ? Il allait l’emmerder avec ça maintenant ? D’un autre côté, Sulkan n’avait pas spécialement emporté d’affaires de rechange lors de sa fuite désespérée pour échapper à la milice. Son hôte aurait dû le deviner non ? Même s’il avait pris ne serait-ce qu’une douche depuis son arrivée, les jours passant, ses vêtements actuels auraient fini par sentir mauvais. Peut-être aurait-il dû mentionner à Esteban de lui acheter des fringues de rechange plutôt qu’un ordinateur. Ah, le sens des priorités… ! Sourcils froncés, le garçon regarda son hôte tourner les talons pour s’éloigner. Les choses en resteraient là donc ? Une nouvelle bataille de gagnée pour lui ? C’était louche quand même. Le médecin se montrait bien trop conciliant. Malheureusement pour lui, la digestion s’enclencha et Sulkan laissa de tels doutes s’éloigner de lui. Il avait un toit, le ventre plein, la milice ignorait où il se trouvait, quoi demander de plus ? Un ordinateur ? La demande était en cours d’après l’attitude du légiste. Avec un peu de patience, il finirait par retrouver ce toucher de touches usées par le temps qui lui manquait tellement. Une ombre projetée sur lui fit soudain lever les yeux au russe.

« Quoi ? Kess t’as en- »

Avant qu’il n’ait le temps de finir sa phrase à l’intonation désagréable, pour ne rien changer au charme du personnage, le hacker se retrouva brusquement dans une position insoupçonnée, jeté sur l’épaule d’Esteban tel un vulgaire sac de patates. Hein ? Il lui faisait quoi là ? Un câlin maladroit ? Non parce que quelqu’un devait absolument lui dire que ça ne faisait pas ainsi… Sulkan n’eut pas à attendre longtemps avant d’avoir les réponses à ses questions : le légiste s’était mis en tête de lui donner un bain ! L’air saturé d’humidité lui retourna l’estomac. Son cerveau fit immédiatement le rapprochement avec une toute autre salle de bain à l’aide de cette odeur si particulière qui flottait autour d’eux, les enveloppant comme un poison invisible. La détermination de son hôte n’ajoutait rien à son malaise grandissant. En moins de deux, le russe avait déjà perdu son T-shirt dans la bataille. Machinalement, il voulut mettre le plus de distance possible entre lui et Esteban, même si cela signifiait devoir se rapprocher de cette maudite bassine pleine d’eau ! Le hacker fit brusquement deux pas en arrière, sentant le bas de son dos heurter le lavabo sans qu’il ne tienne vraiment compte de la douleur fulgurante qui se répandait déjà. Une main agrippant le rebord dudit lavabo et l’autre dirigée vers le légiste, pour prévenir toute autre tentative de le déshabiller davantage, Sulkan s’efforçait tant bien que de mal de calmer les battements de son cœur. En vain. Le sang battant à ses tempes, il ne parvenait pas à avoir les idées claires. Il étouffait.

« Me touche pas ! »

Un timbre de voix plus apeuré que réellement menaçant à l’encontre de son interlocuteur. Le russe se maudit un peu plus. Il devait se ressaisir à la fin ! Se montrer convainquant ! Dans ce but, il s’autorisa une longue inspiration afin d’ajouter :

« J’mettrais pas un seul orteil dans ta putain de baignoire tu piges ? Laisse-moi sortir. MAINTENANT ! »

La fin de sa réplique s’était muée en un cri. Le seul moyen aux oreilles du russe de rendre à sa voix, un semblant d’autorité. Il fallait vraiment être aveugle – et encore, même un non-voyant aurait entendu sa respiration s’accélérer sous l’effet de la panique naissante – pour ne pas remarquer que quelque chose le terrorisait. Sulkan se fichait bien que son hôte s’imagine qu’il avait peur de l’eau ou une connerie du même genre. Dans le fond, ça l’aurait arrangé que les choses se passent ainsi. Esteban n’allait pas insister s’il soupçonnait une telle phobie n’est-ce pas ?
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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10.04.17 22:01
Esteban était passé en mode « Gros Connard Insensible ». Cette odeur entêtante et horrible le tenait trop à son goût. Elle allait s’imprégner dans les tissus… Rideaux, fauteuils et autres fringues qui traînaient par terre. Il fallait qu’il l’éradique. Littéralement. Même son chat s’était fait la malle, lui non plus ne supportant pas cette odeur agressive qui se fixe partout. Et pour l’ôter, il fallait déjà qu’il s’occupe l’être responsable de ce viol olfactif. Sulkan était la raison de tous ses tracas. D’ailleurs, pourquoi le gardait-il ? Pourquoi lui avait-il fait plaisir en lui achetant un ordi merdique, mais un ordi quand même. Ce n’était pas pour récupérer son argent, ça, il en était sûr. Parce que le fric, il en avait déjà pas mal.
Effectivement, il n’était pas sa mère. Ni même son père -parce que bon, niveau service trois pièces, il était quand même bien servi -, ni même aucun membre de sa famille. À ces yeux chocolats, il n’était rien, rien d’autre que celui qui lui avait tendu la main pour l’aider une nuit claire. Et pour l’homme dont la religion était la misanthropie, Sulkan n’était qu’un cobaye, un petit evolve insignifiant grâce auquel il pourrait continuer à mener des recherches pendant ses jours de congés. Et c’était pour cela qu’il pouvait se permettre d’être plus exigeant. Les visages aux yeux larmoyants, il y était insensible. Tout comme les suppliques mielleuses que pouvaient émettre les enfants en quête de paix de la part de leur génitrice. Rôdé, blasé, il avait vu les jumeaux jouer ce jeu plus d’une fois lorsque leur mère leur demandait quelque chose. Leto prenait sa tête de chiot, là où Ruben restait en retrait, sûr que son frère allait très bien se débrouiller seul pour obtenir les faveurs d’une mère qui ne savait se montrer ferme et impartiale envers ses deux adorables bambins. Ça marchait à tous les coups… Sauf avec lui. Leto avait de nombreuses fois essayé, en vain.
Le légiste regarda brièvement Sulkan. Il avait repensé à sa famille déchirée beaucoup trop facilement. Était-ce à cause de cette brindille d’homme qui était vautrée sur son mobilier de salon ? Il en claqua sa langue sur son palais avant de jouer les Inquisiteurs débutants.
L’image qu’il eut spontanément en tête fut celle d’un roquet. Ou d’un chihuahua à qui on essayait de mettre une tenue moche. Ou tout du moins encore plus moche que d’ordinaire. Sur la défensive, c’est à croire qu’il ne le mordrait pour ne pas répondre à sa question, certes ferme, concernant son hygiène corporelle. « C’est pas l’odeur de ta sudation que je vais étudier. Si tu schlingues, je t’aiderai pas. » Du chantage ? Oui. Les deux hommes vivaient dans une société civilisée, loin de l’âge de pierre ou de la Renaissance où se laver ne faisait pas parti des commodités. Il ne lui demandait pas non plus de sentir la rose, mais au moins d’avoir fait connaissance avec du savon et un gant. Ce n’était pas trop demander quand il se cognait ses heures de boulot, les courses, le ménage et la bouffe pour deux. L’evolve se montrait d’un égoïsme qui commençait à lui taper généreusement sur le système.

Ni une ni deux, le poids plume du russe sur l’épaule, Esteban ne lui laissait plus le choix. D’ailleurs, lui avait-il seulement déjà laissé une seule fois le choix ? Hors de question de céder à ses caprices d’enfant gâté. Il entra dans la modeste salle de bain déjà embuée et ignora le visage de Sulkan. Sans lui demander son avis, qui, il le savait, serait une nouvelle fois négatif, il s’empressa de lui ôter ses vieilles fringues sales. D’ailleurs, depuis quand les avait-il ? C’était inconcevable de vivre avec des fringues dégueux comme ça aussi longtemps. Le petit brun s’éloigna alors de lui. Le fuyait-il ? Impossible, il avait fermé la porte, le seul échappatoire qu’avait le russe était de mettre son cul dans l’eau et de se frotter le corps. Ce recul lui laissa une marche de manœuvre plus facile, et le scientifique voulut dégrafer son jean. Les mains déjà tendues vers ses hanches fines, il fut stoppé par la main fébrile de son cobaye. Ses yeux gris remontèrent le long de son bras pour découvrir un visage livide, teinté par un stress qu’il avait déjà vu quelques nuits auparavant… Et sur ce même visage. Il fronça les sourcils. Ne pas le toucher ? S’il pouvait, il le ferait. Déshabiller les mecs, c’était pas franchement son trip. Mais Sulkan ne lui laissait guère le choix ; s’il ne le forçait pas, jamais il ne prendrait soin de lui. « T’es un grand garçon, non ? T’aurais pu te désaper tout seul si tu supportes pas que je te touche. » dit-il alors en soupesant la réalité de la situation. Et pourtant, ce n’était pas entièrement le cas. De le voir si vulnérable lui mettait légèrement la puce à l’oreille sur le malaise qui pouvait naître chez son homologue. Malaise bien trop rapide à son goût d’ailleurs. Mais le légiste était déterminé. Au moins autant que le petit. Son manque de maîtrise de lui-même lui tira un pâle sourire. Il lui faisait quoi là ? Une crise de phobie ? Pour de la flotte ? Sérieux ? « Tu vas te laver Sulkan. J’m’en cogne que tu veuilles pas mettre ton cul dans un bain. Prends au moins une douche. J’te laisserais pas sortir tant que je t’aurais pas vu en train de te laver. C’est clair ? Et une simple trempette ne marche pas. Si tu ne te comportes pas comme un adulte, c’est moi qui vais te laver. » Là-dessus, il croisa les bras sur sa poitrine, se mettant face à la porte pour bien lui montrer qu’il n’avait aucun autre moyen de sortir que de faire trempette. Il n’était pas prêt à capituler de si tôt. Cependant, d’un coup d’œil rapide, il avisa la maigre pharmacie de la pièce, si jamais le jeune russe décidait de lâcher la rampe ou de devenir hystérique. « C’est pourtant simple ce que j’te demande… C’est pas la mer à boire… Magne-toi le cul qu’on en finisse, j’ai envie d’aller dormir. À moins que tu ne veuilles que je t’accompagne dans le bain ? Tu veux qu’on fasse comme les gosses et que je te lave le dos, c’est ça ? Et t’osais pas le demander ? »
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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18.06.17 11:47
La situation ne tournait clairement pas à son avantage. Acculé de la sorte dans une pièce saturée d’humidité à en déclencher une détresse respiratoire par des poumons ainsi mis au défi de respirer, le hacker cherchait en vain une issue au problème. Sa seule échappatoire consistait en l’unique sortie de la salle de bain, celle-là même par laquelle il était passé de force quelques minutes auparavant. Malheureusement pour lui, un obstacle de taille se dressait entre lui et la sortie : Esteban. Les pupilles chocolat allèrent se planter dans le regard implacable de son interlocuteur. Quelle mouche l’avait piqué ? Tout ce cirque à cause de son odeur corporelle ? Pourquoi aussi soudainement ? Alors même que le légiste reconnaissait lui-même qu’il avait la possibilité de le faire chanter avec bien plus de subtilité en refusant de l’aider si son cobaye ne prenait pas de douche dans les 24h qui suivraient. Pourquoi user de la force donc ? Pris au piège, Sulkan en devenait encore plus hargneux. Et la terreur que lui inspirait le bain sur sa droite ne l’aidait pas à demeurer lucide et parfaitement maître de lui. Les premiers mots du légiste, claquant dans l’air comme une sentence, firent s’affoler son cœur, battant à tout rompre dans sa poitrine. A la simple énonciation du mot bain, les souvenirs de sa noyade lui revinrent en mémoire. La terreur. L’impossibilité de se libérer. L’eau qui s’infiltrait dans sa bouche, remplissant ses poumons, l’asphyxiant. La perspective de la mort qui s’imprimait lentement dans son esprit, lequel sombrait déjà dans les ténèbres de l’inconscience, celle-là même qui précède la mort. La colère se mêla à la terreur.

« Alors c’était donc ça… T’as juste envie de me mater sale détraqué. Le bain n’était qu’un prétexte. »

L’autre voulait prendre son pied en le voyant nu dans une baignoire ? Sale tordu de scientifique ! Il préférait encore rester Evolve plutôt que d’avoir recours à l’aide de ce type ! Au final, ils étaient tous pareils ! Et Sulkan ne voulait plus être le cobaye de quiconque. Ignorant la pique d’Esteban, le jeune russe suivit le regard de son vis-à-vis en direction de la modeste pharmacie qui trônait par-dessus son épaule gauche. De toute évidence, le légiste devait posséder de quoi le neutraliser là-dedans… Un avantage que le hacker comptait bien s’approprier aux dépens de son interlocuteur. Sans un avertissement, le russe pivota sur lui-même, tournant un instant le dos à Esteban. C’était prendre un risque mais il mettrait moins de temps à attraper un quelconque anesthésiant sur l’étagère de la pharmacie en agissant de la sorte, plutôt qu’en y allant à l’aveuglette avec une main dans le but d’avoir l’autre en visuel. Sulkan était conscient que le légiste le surpassait en terme de force physique et aurait tôt fait de le neutraliser une fois qu’il aurait compris son idée. Dans cette situation, la vitesse et l’effet de surprise étaient ses seules alliées. La pharmacie s’ouvrit à la volée tandis que des produits en tout genre venaient s’écraser sur le sol de la salle de bain. Le russe cherchait de quoi neutraliser son adversaire pour un temps. Le chronomètre des secondes défilait dans son esprit, lui rappelant l’urgence de la situation. Il pouvait déjà imaginer la sensation d’une main ferme se posant sur son épaule, la serrant pour la tirer en arrière. Son regard chocolat passait en revue les options qui s’offraient à lui. Il reconnut bien une seringue ou deux, encore emballées dans leurs sachets parfaitement stérilisés ainsi qu’un flacon posé en évidence à leurs côtés. Probablement ce qu’il cherchait. Cependant, il doutait d’avoir le temps d’ouvrir proprement un sachet puis le flacon afin de remplir une seringue en vue d’injecter son contenu à Esteban. En désespoir de cause, le hacker se saisit du flacon transparent pour le jeter au visage de son assaillant.

« Fais chier ! »

Profitant de la confusion qui régnait dans la salle de bain, Sulkan tenta une percée en direction de la sortie. Un bras traversa son champ de vision et il ne se posa pas de question, plantant ses dents dedans. Plus que jamais, il devait avoir l’air d’un sauvage à moitié fou de fuir ainsi un bon bain chaud que beaucoup apprécieraient contrairement à lui mais le russe n’en avait cure à cet instant. Il voulait simplement mettre le plus de distance possible entre lui et Esteban. Et surtout la salle de bain de ce dernier. Ce qu’ils ignoraient tous les deux, était que leurs exclamations avaient alarmé un voisin un peu trop curieux et qu’à la suite d’un appel automatique via une fonction spéciale sur le bracelet, la Milice était en route pour frapper à la porte du légiste.

« Lâche moi ! LACHE MOI ! »

Une brève lutte avait opposé les deux hommes avant qu'ils ne finissent par se retrouver par terre, au beau milieu du salon. La tentative de fuite avait visiblement échoué et alors que le russe se faisait cette réflexion, des coups puissants donnés contre la porte du domicile les firent s'immobiliser tous les deux.

« Milice ! Ouvrez cette porte ! »

Qu'allaient-ils bien penser en les découvrant ainsi, étendus de tout leur long sur le sol ? L'un à moitié nu de surcroît ? Sulkan avait son attention rivée sur la porte. De l'autre côté, la Mort l'attendait. Ces hommes en avaient après lui. Ils savaient. Et Esteban n'avait rien vu venir ! Ils l'allaient l'emmener. Pire, il allait revoir cet homme aux yeux fous...

« M Rothgrüber, répondez ! Sinon on enfonce cette porte ! »

Hein ? Ils n'en avaient pas après lui ? Dans ce cas, pourquoi se trouvaient-ils là, précisément derrière la porte du domicile du légiste ?

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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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21.06.17 16:07
Il restait implacable alors même qu’il voyait bien la détresse dans son regard chocolat, qu’il entendait la panique dans sa voix et qu’il voyait son angoisse dans les tremblements qui agitaient son corps. Sulkan n’allait pas bien, clairement, mais rien n’y changerait. Il avait pris sa décision, c’était un bain ou rien d’autre. La seule clé pour sortir c’était de faire mousser le gel douche sur sa peau laiteuse, de rincer et de se laisser envelopper dans une serviette de bain bien réconfortante. C’était simple comme bonjour, mais l’evolve ne le voyait pas du même œil. Sauf qu’Esteban était têtu. Extrêmement têtu. Et rien ne le dévierait de l’ordre soumis à son hôte. « Je t’ai déjà dit que j’en ai rien à battre d’un corps de mec. Tu comprends pas l’anglais ? » en évoquant la langue, il se rappela que l’anglais pouvait être une barrière pour le russe… Là où le russe était quelque chose de très lointain pour le légiste. Ne détournant son regard gris, il reprit. « Lave-toi putain. J’en ai marre d’attendre. Arrête de faire ta vierge effarouchée. J’en connais qui rêverait d’être à ta place. Et merde. » Il savait l’effet qu’il faisait aux femmes. Après tout, il n’y avait qu’à voir comment la gamine lui avait sauté dessus alors qu’il était allé faire les courses un peu plus tôt. Le brun, agacé, arracha ses lunettes de son nez et les essuya avec le bas de son t-shirt. L’humidité de la pièce avait embrumé ses carreaux et il ne voyait plus rien. La salle-de-bain s’était transformée en une pièce floue. Sulkan n’était plus qu’une tâche rose et bleue à côté d’une tâche grisâtre censé être sa baignoire. Et c’est ce moment que le petit brun choisi pour le prendre en traître.
Esteban le vit bouger. Ce n’était pas comme s’il était complètement aveugle. Il remit en vitesse ses lunettes -de travers qui plus est- et posa sa main sur l’épaule gauche de Sulkan. Son but ? Utiliser ses produits. Pour quoi faire ? Il comptait bien le savoir. Des flacons en verre roulèrent de l’étagère qui était au-dessus du lavabo, et vinrent s’écraser sur le carrelage, répandant leur contenu incolore parmi des bouts de verres plus ou moins important. Le premier réflexe qui l’anima, fut de le soulever. Cependant, au moment où il voulut le ceinturer et le remettre sur son épaule, Sulkan lui jeta le contenu d’un des flacons au visage. De surprise, le légiste recula pour plaquer son dos contre la porte, mais s’arrêta à quelques centimètres de celle-ci. Heureusement qu’il avait rechaussé ses lunettes ! Ses yeux le brûlaient. Son bras réussi cependant à ceinturer l’evolve et il colla son dos nu contre son torse, comme pour le protéger d’une menace invisible. « Mais ferme-la putain ! Y a du verre partout ! Arrête de bouger ! Tu me casses les couilles, j’vais finir par te la donner moi-même cette douche ! » Sauf qu’à force de lutter, Esteban avait fini par quitter la salle de bain pour le salon, où l’air était frais, où il y avait de la place et où malheureusement tout l’immeuble pouvait les entendre s’engueuler comme un vieux couple. Ignorant ses yeux irrités, Esteban ne lâchait pas sa prise, lui susurrant à l’oreille de se calmer sinon il allait passer aux choses sérieuses.

Les coups puissants contre sa porte l’immobilisèrent et le crispèrent. Jamais on avait tapé aussi violemment contre sa porte. Il la regarda, inquiet, et lorsqu’il entendit son nom joint au terme de la Milice, sa langue claqua sur son palais. « Tu te calmes. Maintenant. j’ai pas envie de t’injecter quelque chose. » Il doutait que l’evolve reste tranquille, aussi il se leva sans le lâcher, alla dans la cuisine en lançant un « Ça va, j’arrive ! », pris une seringue déjà pleine d’un liquide transparent et la planta dans le haut de la cuisse de Sulkan. « Ça va juste immobiliser tes jambes. C’est comme une péridurale. Je te ferrais rien. » Il le souleva, répondit une nouvelle fois aux coups de poings sur le bois de sa porte et déposa son cobaye dans la buanderie, derrière des blouses, des pantalons et des valises. « Reste tranquille si tu tiens à un minimum de liberté. » Puis Esteban s’éclipsa de la chambre pour aller ouvrir. « M. Rothgrüber. Milice de Madison. Vous avez tardé à nous ouvrir, on va inspecter votre appartement. -En quel honneur ? -Poussez-vous. » Esteban bloqua l’entrée de son appartement et bien qu’il fut torse nu et les pieds dénués de chaussures. « Je vous ai demandé pourquoi vous êtes là. Vous avez l’obligation de me répondre. Je connais mes droits. » Le milicien le regarda de travers. Son collègue semblait mal à l’aise et le légiste pouvait apercevoir quelques voisins, non pas au visage inquiet mais à l’expression coincée et fière. C’est alors qu’il comprit plus ou moins ce qu’il se passait. Et il sourit. Un de ces sourires carnassiers qui provoqua un frisson chez le milicien qui se dandinait derrière son chef. « Un de vos voisins nous a appelé pour des bruits suspects. » Le scientifique arqua un sourcil. « Suspect ? Et c’est… Votre escadron qui vient ? Votre rang n’est en rien assimilé à ce genre d’événements n’est-ce pas ? Ce que vous cherchez n’est pas ici. » Le milicien commençait à voir rouge. « Poussez-vous Monsieur. » La scène se passa très vite. Alors qu’il tendait le bras pour prendre deux cartes, le Milicien déjà tendu braqua son arme sur lui. Il était clairement tendu et ne supportait pas d’être pris à défaut ainsi. À moins que ce n’était à cause de ses supérieurs… Esteban ne se démonta pas et pris quand même ses cartes qu’il montra à l’homme. Ses yeux s’écarquillèrent avant qu’il ne fronce ses sourcils et qu’il abaisse son arme. Le légiste avait montré d’une part sa carte professionnelle qui lui permettait d’agir en défaveur du milicien, mais surtout, une carte prouvant ses liens de parenté avec un autre de leurs collègues. « Veuillez nous excuser Monsieur. Vous comprenez qu’on doit se déplacer dans l’intérêt public. -Je sais. Je connais vos obligations. Maintenant, je vous en prie, fouillez mon appartement si vous voulez juger par vous-même que je ne cache personne. » Les miliciens entrèrent, Esteban toisa ses voisins, les salua froidement et referma sa porte. « Faites votre visite de routine. » dit-il en déballant une sucette à la cerise qu’il enfonça dans sa bouche. Le bleu fit le tour de l’appartement sans trop fouiller. Les nombreux livres, son matériel de scientifique, les fringues éparpillées et le chat qui les regardaient de travers le dissuadait de trop pousser son inspection. Par politesse, il regarda la porte fermée de la chambre. « Je peux ? – Allez-y. Je n’ai rien à cacher hormis un autre chat très énervé. La télé était en marche. Certes, un peu trop fort. Je voulais laver mon deuxième chat. Mais vous savez comment sont ces bêtes avec l’eau. Pour éviter qu’il ne s’enfuit, je l’ai enfermé dans la chambre. Mais entrez si vous n’avez pas peur d’une confrontation. » Le bleu ôta sa main de la poignée pour revenir auprès de son supérieur. La salle de bain était un massacre et la télé, réglée sur un film d’action, fonctionnait encore. « Bien. Merci de votre coopération. -C’est moi qui vous remercie. Je vous souhaite bon courage pour l’evolve que vous devez retrouver. -Comment vous-êtes au courant de ça ? -Ne me regardez pas avec cet air inquisiteur. Les avis de recherches traînent partout dans les administrations. Même au Centre... » dit-il, blasé. Les miliciens sortirent et l’appartement retrouva un semblant de calme.

Esteban fila dans la cuisine et resta de longues minutes sous le robinet du lavabo. Il ne savait pas ce que lui avait balancé le russe au visage, mais ses yeux devaient être rouge. Une fois ses yeux rincés, il attrapa sa mallette à pharmacie et retourna dans sa chambre pour sortir Sulkan de sa cachette et le mettre sur le lit. « Regarde-moi ça… » dit-il en voyant des coupures sur les pieds de l’evolve, ignorant les siens. « Jusqu’à quand tu vas me poser des problèmes… Qu’est-ce qui t’a prit dans la salle-de-bain bordel de dieu. » Oui, il était extrêmement contrarié. Et lorsqu’il était contrarié, il jurait comme un charretier. Sans le savoir, cependant, les miliciens étaient encore présents. D’une part derrière la porte et d’autre part, à chacune de ses fenêtres. Même si le médecin était de la maison, les témoignages des voisins étaient clairs : deux voix d’hommes, d’une assez stressée, s’étaient fait entendre. Il allait falloir vérifier les dires du propriétaire qui ne se doutait pour l’instant de rien.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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24.06.17 10:13
L’appartement n’avait plus rien de silencieux. Un ouragan semblait avoir ravagé la salle de bain, dont le sol était à présent recouvert de débris de verre et de produits incolores mélangés les uns aux autres. Mais tout cela passait bien au-dessus de la tête du russe. Dans un premier temps rassuré de se voir finalement quitter la salle de bain, certes à reculons, les mots d’Esteban ne le rassurèrent en rien. Pire, ils eurent l’effet inverse, dédoublant l’énergie que mettait le jeune hacker dans cette lutte vaine pour retrouver sa liberté de mouvements. Sur le plan physique, le légiste le dominait sans peine. Il aurait fallu un petit miracle pour que Sulkan parvienne à se libérer. Et ledit miracle en question prit la forme d’une visite imprévue de la Milice. Son cœur rata un battement et l’espace de quelques secondes, le russe osa à peine respirer, de peur que le bruit de sa respiration rapide ne suffise à signaler sa présence aux miliciens. Il entendit à peine les directives de son hôte, trop terrorisé pour percuter sur le moment. Mais en se sentant relevé de force par la poigne d’Esteban, le hacker prit conscience de sa situation. Il ouvrit la bouche pour protester mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Comment pouvaient-ils se sortir de cette situation ? La douleur que provoqua la seringue le fit se raidir et il émit un début de protestation, rapidement étouffée par la main du légiste plaquée contre sa bouche. Une péridurale ? C’était quoi ce truc ? Il ne comprenait pas. Même si les derniers mots de son interlocuteur se voulaient apaisants, à cet instant, Sulkan gardait deux choses à l’esprit : ce type lui avait injecté l’un de ces maudits produits et la soudaine apathie de ses jambes. Ce constat suffit à le faire paniquer un peu plus. Il se savait vulnérable. Si jamais les miliciens l’apercevraient, il ne pourrait pas s’enfuir avec ses jambes dans cet état ! Son regard chocolat se coula vers le visage du légiste : cet homme avait plus que jamais sa vie entre ses mains. Allait-il le dénoncer ? Le russe retint un juron. Il ne pouvait rien faire, seulement voir ce qu’il allait advenir de lui dans les prochaines minutes.

Caché dans une pièce adjacente à la chambre, le hacker écouta la progression de la fouille de l’appartement par les miliciens. De là où il se trouvait, Sulkan n’avait pas pu entendre la conversation qui s’était tenue sur le bas de la porte entre les deux hommes armés et Esteban. En revanche, il entendit très distinctement ce dernier le couvrir auprès des miliciens en le comparant à… un chat ? Le russe grimaça derrière la main qui recouvrait le bas de son visage ainsi que son nez, dans le but d’étouffer les sons émis par sa respiration, diminuant ainsi les risques d’être découvert. Seulement, les mots de son hôte lui mirent un coup au cœur. Son portrait était affiché partout en ville ? Ils étaient prêts à tout pour le retrouver, lui, un petit hacker devenu Evolve par hasard ? Il ne pourrait donc plus mettre un pied dehors sans risquer sa peau… ? Tendant l’oreille, le russe ne se détendit que lorsque le bruit de la porte se refermant lui parvint enfin. Il ôta rapidement la main de son visage, inspirant de grandes goulées d’air. Après ce qui lui parut être un répit bien trop bref, les pas d’Esteban résonnèrent, de plus en plus proches et finalement, ce dernier apparut dans l’encadrement de la buanderie. Instinctivement, le hacker eut un mouvement de recul, chose bien inutile au final puisque seul le haut de son corps pouvait bouger. Bien malgré lui, il dut se résoudre à se laisser soulever et déposer sur le lit par le légiste.

Contre toute attente, ce fut un élan de culpabilité qui l’envahit. Certes, les intentions du légiste étaient tout sauf honorables puisqu’il voyait davantage l’opportunité de l’étudier, lui, un Evolve, plutôt que la perspective de jouer les bons samaritains sans arrière-pensée. Pourtant, Esteban n’avait jamais rien tenté, hormis le fait d’avoir essayé de lui faire prendre un bain de force. Chose bien minime à ses yeux quand il se souvenait les tortures infligées par Phear et plus loin encore, son séjour en prétendu centre de déxintocation pour accrocs aux ordinateurs. Esteban l’avait couvert face aux miliciens, alors qu’il aurait simplement pu le dénoncer, récolter une médaille de bravoure pour avoir capturer un criminel en fuite puis se voir féliciter pour son comportement de parfait citoyen pleinement coopératif. Il n’aurait pas été difficile de lui coller une intrusion sur le dos, étant donné l’état de la salle de bain. De plus, la parole d’un Evolve en fuite compterait moins que celle d’un citoyen modèle. Alors pourquoi la culpabilité le saisissait à cet instant ? Prenait-il enfin conscience des risques ? De la patience d’Esteban ? Ou d’autre chose ? Quoiqu’il en soi, Sulkan attrapa les poignets de son interlocuteur, tremblant et le regard fuyant, rivé sur le lit.

« Ce jour-là… Ce type… Connaissais pas…la baignoire… j’aurai dû mourir… »

Les détails lui revenaient en mémoire, à jamais marqués dans son esprit, à mesure que les images défilaient une nouvelle fois devant ses yeux.

« J’étais sous l’eau… Je la sentais envahir ma bouche et mes poumons… je m’étouffais…j’ai rien pu faire…il était trop fort…j’avais besoin d’air… je me noyais… »

Oui. Ce jour-là, il était effectivement mort noyé. Sulkan se rappelait la vision trouble que lui avait offerte la surface de l’eau tandis qu’il gisait au fond de la baignoire. Il se trouvait sous l’eau et pourtant… Comment pouvait-il être conscient en étant sous l’eau ? Il avait cru à ce moment qu’il était mort et que seul son esprit lui permettait encore d’observer son environnement. Puis les sensations lui étaient revenues, peu à peu. Le contact du plastique de la baignoire contre sa peau, l’eau devenue tiède glissant sur lui, les sons étouffés de la TV qu’on avait allumée dans la chambre en son absence, persuadé qu’il n’était plus de ce monde pour protester. Il n’était pas mort.

« Je me suis noyé… ce pouvoir… je suis en vie à cause de ça… sans ce type, je ne serai pas devenu l’un de ces monstres… »

Sa prise se resserra autour des poignets d’Esteban. Tout se mélangeait dans sa tête et il se détestait de se savoir aussi vulnérable en présence d’autrui. Il n’était plus ce gamin indépendant, fier chien errant prêt à tout pour survivre dans un monde dirigé par la corruption à tous les niveaux. Le russe n’osait toujours pas croiser le regard de son hôte quand il finissait sa tirade hésitante :

« Ne… Ne me met pas…dans ce bain…je ne veux pas…revivre ça… ! S’il te plaît Esteban… »

Il ne manquait plus que ce dernier lui rit au nez avant de le soulever, impitoyable pour le ramener dans la salle de bain. A moins qu’il ne choisisse de s’occuper de ses pieds parsemés de coupures avant ?
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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24.06.17 19:03
Ça avait été une question personnelle dite simplement à haute voix. Il ne s’était pas spécialement attendu à une réponse de la part du russe qui s’était -pour une fois- laissé faire. Cela aurait dû, d'ailleurs, lui mettre la puce à l’oreille. Pas de cri, pas de coups, pas de lutte effrénée bien qu’Esteban lui avait engourdi les deux jambes sans lui avoir demandé son avis, sans l’avoir prévenu. Il mit cette docilité sur l’angoisse d’être découvert, emmené de force dans un hôpital, être pucé, ne plus être libre. Et recevoir au passage quelques coups bien placés pour lui faire payer sa fuite qui leur avait valut plusieurs articles sur leur incapacité à retrouver un simple et jeune evolve. Après sa rapide inspection, il remit ses lunettes un peu plus haut sur son nez et fit tourner sa sucette sur sa langue avant de lui faire épouser l’intérieur d’une de ses joues. Son goût sucré l’apaisa. Il ouvrit la boîte en métal blanche et sorti de quoi retirer le verre, désinfecter et panser les petites plaies qu’il s’était fait dans sa volonté beaucoup trop affirmée de ne pas se laver. Braquant son visage à quelques centimètres de la voûte plantaire pâle de Sulkan, il ôta un petit bout de verre à la pince à épiler. Lui faire mal était le cadet de ses soucis, son produit ferait de l’effet au moins pendant deux bonnes heures encore. C’est ce moment que choisi son hôte pour lui raconter une petite partie de son histoire. Esteban continuait son affaire jusqu’à ce que ses poignets soient capturés par les mains moites de Sulkan. Ses yeux gris se relevèrent et, par-dessus ses lunettes à la monture noire, il le regarda.

Sa voix était entrecoupée de silences. Elle était pleine d’hésitation, de longues pauses. Parfois, sa lèvre inférieure tremblait. Parfois, lors de ses pauses, il oubliait de respirer. S’en rendait-il compte ? Le scientifique le savait, il n’y avait qu’à voir les yeux chocolats dilatés de Sulkan pour se rendre compte qu’il revivait une scène beaucoup trop traumatisante de sa vie. Et en bon samaritain, ou en mec totalement égoïste, Esteban l’écoutait sans le couper mais surveillait tout de même qu’il n’allait pas, pour de bon, lui claquer entre les bras. Alors c’était pour ça… Tout s’expliquait maintenant. Il lui avait fait une belle crise de panique qui aurait pu être plus grave s’il avait encore plus insisté, s’il l’avait soulevé et foutu dans ce grand bac blanc. Le russe avait clairement vécu l’horreur, mais lui n’en savait rien et il avait projeté son obsession de propreté corporelle sur quelqu’un qui avait vu sa vie basculer dans une modeste baignoire.
Son regard se durcit lorsque ses poignets furent serrés de plus belle. En ce cas, comment comptait-il se laver ? Dans son appartement, il n’y avait qu’une baignoire. Pas de douche. Et il était hors de question qu’il déménage simplement parce que Môssieur avait développé une phobie des baignoires. Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle une colère sourde était en train de monter en lui. À mesure qu’il le dévisageait, qu’il prenait conscience de son état, que Sulkan lui offrait une vue misérable sur son être, ce sentiment étrange et malsain grimpait en lui comme on monte une mayonnaise ou des blancs en neige. Esteban ne savait si ce sentiment était dû à son rythme narratif, à sa misère, à son corps qui semblait crouler sous cette réminiscence. Un long silence s’était installé dans la chambre alors qu’il essayait d’appréhender cette émotion, et il fut le premier à le briser. « Lâche-moi Sulkan. » dit-il avec trop de fermeté. Il tira légèrement sur ses bras et ses poignets furent relâchés de leur entraves moites. « Je n’ai pas envie que tu saignes plus. Tu vas finir par ne plus fabriquer de sang... » ajouta-t-il pour justifier son recul.

Il reprit ses soins et son silence. Dans sa main, un des pieds de l’evolve qui goûtait à ses premières paniques miliciennes. Il se rappela des nombreux corps qu’il recevait de la part de la brigade, ces corps sans vies… Si ses gènes ne s’étaient pas réveillés, jamais il n’aurait pu l’avoir comme sujet vivant et personnel. Contre toutes ses attentes, son cerveau commença à lui envoyer des illustrations de la descente en enfer de son patient. Une salle de bain… Sa baignoire… Des carreaux blancs dans lesquels la lumière d’un néon se reflétait… Une eau à la température presque parfaite mais qui étrangement était froide comme dans les profondeurs des océans… Une main large et puissante… La panique, l’horreur, l’impuissance et… Esteban posa sa main sur son visage. Il avait la respiration lourde, l’impression d’étouffer. De grosses gouttes de sueur perlaient le long de l’immense papillon qui était à jamais gravé dans son dos. Heureusement qu’il venait de finir de soigner les plaies de Sulkan. Il se laissa tomber sur ses fesses, essayant de respirer normalement. Pourquoi il réagissait comme ça ? Le discours qu’il avait entendu le touchait plus que les complaintes qu’il entendait tous les jours dans la salle du personnel de l’hôpital ou encore de sa propre histoire familiale. L’empathie était plus forte avec lui, il se la prenait en pleine face, un coup de poing dans le ventre suivit d’un autre dans la mâchoire. Il était K.O. Un violent frisson le prit et il releva la tête vers son homologue humain. « Tu peux prendre des douches au moins ? Tu peux pas rester crade comme ça jusqu’à la fin de ta vie… » Sa respiration plus ou moins retrouvée, il rangea son matériel et se releva. Il revint quelques minutes plus tard avec une bassine d’eau tiède, un savon et un gant. « Lave-toi. Si jamais tu ne peux pas atteindre le bas de tes jambes, appelle-moi, je viendrais t’aider. » Il ressorti de la pièce, veillant à ne pas fermer la porte à rester près d’elle. Et maintenant, qu’allait-il faire ? Il avait attiré l’attention de la Milice, lui, le citoyen ordinaire et l’intello de la famille Rothgrüber. À tous les coups, son cousin allait avoir des problèmes ; certes, légers par rapport à son échec avec Sulkan. Peut-être même que dans deux jours, il allait avoir deux belles visites : une chez lui pendant son absence et une autre à la morgue… Agacé de la tournure des événements, il serra beaucoup trop fort sa sucette entre ses dents. Celle-ci explosa dans sa bouche et lui provoqua un sursaut naturel. « Chier... »
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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25.06.17 4:51
A quoi s’était-il attendu au juste ? De la compassion ? De la pitié ? Aux yeux gris de son interlocuteur, il n’était qu’un cobaye envoyé par la providence en vue d’effectuer des recherches à l’abri des regards envieux des autres scientifiques. Une fois de plus, la réalité se rappelait cruellement à lui, sous la forme de trois simples mots, prononcés avec dureté. Ses yeux s’écarquillèrent l’espace de quelques secondes, le temps pour leur propriétaire de prendre conscience de la situation puis les poignets d’Esteban s’échappèrent de ses paumes moites, à la prise devenue molle sous l’ordre. La raison qu’avança le légiste pour se justifier d’un tel recul lui passa au-dessus de la tête. Il pouvait bien lui dire ce qu’il voulait, le russe comprenait qu’il ne veuille pas être touché par un Evolve. Le légiste désirait simplement le maintenir en vie – peut-être en bonne santé si les recherches le permettaient – dans le but de l’étudier. Ces hommes-là n’étaient pas réputés pour leur empathie et compréhension vis-à-vis de leurs patientes. La recherche avant tout. Sulkan déglutit difficilement, la gorge serrée et se contenta de hocher la tête, le laissant faire.

A eux deux, ils formaient un tableau bien étrange dans cette chambre transformée une fois de plus en infirmerie. Si Esteban demeurait fidèle à lui-même, effectuant une tâche après l’autre, en bon professionnel, avec toutefois une respiration un peu plus rapide que d’ordinaire, chose que ne releva pas son patient, le hacker était étrangement calme, presque amorphe. Le produit qu’on lui avait injecté ne concernait que le bas de son corps et pourtant, il ne bronchait plus. L’adrénaline retombait peu à peu, laissant la place à une sombre résignation. En son for intérieur, Sulkan s’interrogeait sur ce que serait son avenir dans les prochaines semaines. Le légiste avait fait mention d’expériences et il comprenait parfaitement en quoi elles consisteraient. Cependant, son hôte n’avait pas indiqué quand celles-ci débuteraient. Et cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il l’avait recueilli chez lui, bon gré mal gré. Le russe ne pouvait pas croire qu’il retarde ainsi l’échéance par bonté de cœur, pour lui permettre de récupérer un peu. Non, à bien y réfléchir, Esteban l’avait probablement « oublié », perdant la notion du temps, ainsi enfermé dans sa morgue à parler aux cadavres qui la peuplaient… Cette visite imprévue de la Milice leur avait rappelé à tous les deux ce qu’il en était réellement, les risques qu’ils encouraient et la nécessité de démarrer les expériences au plus vite.

« Je ne sais pas. »

Le regard obstinément rivé sur le coin arrondi que formait l’un des angles du lit du fait de la couette qui en recouvrait la surface, Sulkan tendait visiblement à écourter la conversation, même s’il se voulait sincère concernant la réponse, n’ayant aucune idée de ce que serait sa réaction face à une simple douche. Il était partagé. Se doutant qu’il devait beaucoup à son hôte – et même plus que ce qu’il voulait bien admettre –, le russe ne pouvait s’empêchait d’éprouver de la colère envers cet homme qui le voyait comme un cobaye à entretenir. Il jeta un regard torve à la bassine d’eau, constatant qu’Esteban ne laisserait pas tomber de sitôt et hocha la tête pour signifier qu’il avait compris. Toutefois, en percevant le mouvement de retrait du légiste, le jeune hacker releva la tête :

« Je suis désolé. »

Le prénom de son hôte resta bloqué dans sa gorge serrée. Il avait cru qu’on le prononçant, il parviendrait à-il-ne-savait-quel-miracle, franchir la distance qui les séparait, redevenir un humain à ses yeux. Et puis, il s’était rappelé les mots d’Esteban… « Si tu es un humain, tu ne m’intéresses pas »… Oui, s’il n’avait été qu’un humain sans intérêts, avec toutefois ses propres problèmes à gérer alors il ne faisait aucun doute que le légiste n’aurait pas réfléchi à deux fois avant de le livrer à la Milice et ce, dès le lendemain de son arrivée entre ces murs. Et puis, la vue de ce tatouage immense sur le dos de son hôte lui ôta les mots de la bouche. Cela collait si peu à l’image qu’il avait d’Esteban… Même après que ce dernier eut quitté la pièce, Sulkan ne bougea pas immédiatement. Bien sûr que ce n’était qu’une bassine, il pourrait se laver à l’aide du gant et du savon. Lentement, ce fut ce qu’il fit. Le regard vide, il effectuait machinalement les gestes sans se poser de questions. Du moins, pas avant que les larmes ne lui montent aux yeux. Elles auraient probablement roulé en cascade si un faible miaulement ne l’avait pas tiré de sa torpeur. Le chat l’avait rejoint sur le lit, ronronnant en frottant sa petite tête contre lui.

« Arrête ça… Je ne suis pas ton maître… »

Propos qui ne dissuadèrent en rien l’animal, puisque de toute façon, il ne comprenait pas le langage des humains. Son petit manège eut raison de la résistance nerveuse du russe qui s’empressa de porter son avant-bras à ses yeux pour en essuyer rapidement les larmes qui s’accumulaient aux coins de ceux-ci. Le chat miaula de plus belle, visiblement satisfait de lui. L’animal bondit alors hors du lit pour parcourir la chambre sous le regard intrigué de Sulkan. Il ne mit pas longtemps à dénicher le sac noir que le légiste avait pris soin de cacher à son hôte. Tirant un peu dessus pour attirer l’attention du russe sur son contenu, ce dernier aperçut un coin d’ordinateur et n’en crut pas ses yeux. Pendant les jours en solitaire qu’il avait passé entre ces murs, jamais il n’avait aperçu le moindre ordinateur, hormis l’épave qui trônait sur le bureau de son hôte, servant uniquement pour ses recherches et analyses. Alors comme ça, Esteban le lui avait acheté ? Quand ça ? Sulkan regrettait de n’avoir pas prêté plus attention aux sacs qu’avait ramenés ce dernier après avoir été fait les courses. Pourquoi avait-il fait ça ? Le hacker ne pouvait pas croire que cet achat fut pour lui. Et pourtant, le fait que le légiste l’ait volontairement dissimulé à sa vue… Son sang ne fit qu’un tour. Dire qu’il s’imaginait déjà pianoter dessus… Si ses jambes n’étaient pas paralysées pour un moment, il aurait certainement foncé dessus…

« Chier… »

Seul le miaulement du chat lui répondit. Si cet achat était effectivement un acte de charité de la part de son hôte… Le russe ne savait plus trop quoi penser. Peut-être bien qu’Esteban avait un meilleur fond que ce qu’il laissait entrevoir.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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25.06.17 12:53
Sulkan lui répondait simplement. Trop simplement. Le minimum syndical, le « Débrouille-toi avec ça, je compte pas parler plus. » Même si c’était agréable d’avoir enfin du silence et sa seule petite voix, le légiste était un peu troublé de ce changement si brutal de comportement. Qui plus est, il ne le défiait pas du regard, fixant comme un mort le bout du lit à l’opposé de lui. Debout au milieu de son couloir, Esteban se demandait comment allait devenir leur cohabitation. Pour sûr, le russe allait reprendre son caractère de merde qui mettait un peu de vie dans son appartement d’ordinaire si paisible. Et lui, scientifique de petit renom, allait suivre son rythme, dorénavant trop blasé et épuisé moralement pour imposer quoique ce soit à son petit cobaye. Sulkan pouvait être fier de lui avoir vidé toutes ses réserves de patience jusque-là accumulées.
Un miaulement attira son attention et Esteban balaya le couloir et le salon du regard. Où était son chat ? Avec son pelage noir de jais, il se fondait un peu trop dans l’obscurité ambiante et il ne l’avait pas vu. À avoir s’il n’allait pas lui marcher dessus. Un second miaulement lui parvint ; peut-être qu’il voulait que son maître par intérim le prenne dans ses bras pour un câlin bref mais intense. Mais la réalité lui parvint et il sourit tristement. Le félin s’était apparemment glissé dans sa chambre et s’occupait de l’autre humain. Il se glissa dans l’ombre du couloir et jeta un œil dans la chambre pour regarder la scène, mâchonnant son bâton en plastique blanc.

Dans un premier temps, Esteban avait un léger sourire sur le visage. Les animaux avaient ce pouvoir de déceler la tristesse chez les gens et avaient cette facilité d’être présents pour eux. Rien que ça, être présent. Le chat s’était paresseusement allongé contre le ventre à moitié dénudé de l’evolve et le caressait de ses poils soyeux. Mais au lieu d’apaiser l’objet de sa consolation, l’effet fut inverse et Sulkan porta son bras à ses yeux. Dans un second temps, Esteban fut agacé. C’est bon ! Il n’allait pas recommencer à l’obliger à prendre un bain ! Pas la peine de pleurer ! Il se mit à mâchonner le seul vestige de sa sucette avec plus de force. Dans la pénombre, il ne savait pas ce qu’il se passait et il croyait bêtement qu’il pleurait alors qu’il essuyait ses yeux humides.

Ce fut à ce moment qu’il quitta son poste pour foncer dans la cuisine. Il pesta de son stratagème verrouillant les placards et, une fois que tout fut ouvert, il en inspecta les étagères. Qu’aimait-il déjà ? Hormis les pizzas trop fromagées bien sûr. Non. Pas ses douceurs à la cerise… Il pouvait être gentil et faible face aux larmes mais fallait quand même pas déconner. Sur un plateau, il déposa une tasse de d'eau brûlante, une boîte de thé neuve, une tablette neuve de chocolat au lait praliné et deux petites gâches françaises. Jetant son bout de plastique dans la poubelle, il retourna dans la chambre pour tomber nez-à-nez sur l'ordinateur qu'il avait acheté, un Sulkan incrédule et un chat satisfait de sa petite affaire. « Traitre. » dit-il en regardant le félin. Dans sa voix, pas d’agressivité, pas de froideur, juste une honnêteté déconcertante. Il déposa son plateau sur une commode étrangement vierge de papiers ou de livres et il attrapa un de ses vêtements dans un des tiroirs du meuble. « Lève les bras. » Dans ses mains, Esteban tenait un vieux pull de ses années universitaires. Avec toutes ces inquiétudes et toute cette affaire, le russe devait avoir froid. « Tu as réussi à te laver le bas ? » demanda-t-il sur le même ton que lorsque qu’il avait parlé au chat. L’animal bondit de nouveau sur le lit, posant ses coussinets sur la hanche du triste humain. Son miaulement las et le jean pas déboutonné suffit à faire comprendre au scientifique que ce n’était pas le cas. Sans se poser de question, Esteban tendit les mains vers le bassin du russe, bien déterminer à le laver, et, venant de déboutonner le pantalon, il s’arrêta et lâcha un profond soupire. Il fit basculer Sulkan en arrière et lui troqua son pantalon pour un bas de pyjama peut être trop long pour lui. Ses jambes étaient lourdes et il mit plus de temps que prévu, mais il réussit tout de même sa tâche. « J’arrête de t’infantiliser. J’ai compris que ça doit pas être très drôle et je m’en excuse. Mais dorénavant, essaie de récupérer une certaine hygiène. » Il souleva le brun pour le déposer doucement entre les oreillers. Il alla chercher le plateau qu’il déposa à côté de lui et il s’assit de l’autre côté du lit. « Je ne sais pas ce que tu aimes mais le chocolat a tendance à apaiser l’anxiété. Ça, c’est un thé relaxant. Je l’ai acheté tout à l’heure. Comme tu peux le voir, la boîte n’est pas ouverte. Je n’y ai pas touché, y a rien de louche dedans. »  L’air dubitatif de Sulkan le fit une nouvelle fois soupirer et il se gratta l’arrière de la tête. « Aujourd’hui, c’est spécial, okay ? Demain on commence les choses sérieuses. Alors repose-toi. » Le chat s’allongea sur le ventre de l’informaticien en herbe, enroula sa queue autour de lui et commença à s’endormir. « Quoi ? Si tu as quelque chose à dire, dit-le. C’est agaçant quand tu me regardes comme ça en silence. » finit-il par lâcher, bougon.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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29.06.17 15:05
Au son que firent les cadenas en touchant le sol les uns après les autres depuis la cuisine, deux têtes se tournèrent en direction de celle-ci. Sous la surprise, le chat avait lâché la lanière du sac noir qu’il tenait fermement entre ses petits crocs pour en laisser voir le contenu à Sulkan, pour lâcher un feulement de colère avant d’abandonner sa proie du moment pour sauter sur le lit. Le russe en revanche, ne détournait pas son attention de l’encadrement de la porte. Qu’est-ce qu’il se passait dans la cuisine ? Sentant l’inquiétude envahir de nouveau le garçon, l’animal se frotta de plus belle contre lui, ronronnant plus fort encore, ce qui finit par contraindre le jeune hacker à lui prodiguer un peu d’attention en retour. Les minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles son esprit vagabonda de pensées en pensées, bercé par les ronronnements satisfaits du chat sur ses genoux. Qu’allait-il devenir ? Pourquoi avoir acheté un ordinateur ? A quoi pensait Esteban ? Leur cohabitation allait-elle virer en cauchemar pour lui ? Du mouvement en face de lui le força à lever les yeux, s’extirpant en même temps de sa torpeur. Esteban venait d’apparaître dans l’encadrement de la peur, vision qui l’affola dans un premier temps, avant que le russe ne réalise le contenu du plateau que son hôte avait entre les mains. A quoi jouait-il tout d’un coup ? Il se reconvertissait en serveur ?

Toujours méfiant mais également conscient de sa situation qui l’empêchait de fuir loin du légiste, Sulkan n’eut d’autres choix que celui d’obtempérer pour le moment, s’exécutant sans un mot. En son for intérieur, il était reconnaissant pour le pull car des frissons commençaient à courir sur son épiderme à mesure que les minutes passaient. Cette question, encore et toujours en rapport avec le fait de devoir se laver, le fit se raidir. Son silence, couplé au miaulement du chat qui résonnait comme pour répondre à sa place, fournirent l’information en question. Le russe eut un mouvement de panique en voyant son hôte passer à l’action une fois de plus. Il ne voulait pas finir nu devant lui ! Mais que pouvait-il faire dans cette situation avec deux jambes paralysées ? Son rythme cardiaque s’emballa de nouveau et sans doute qu’Esteban eut pitié de lui en le voyant dans cet état puisqu’il abandonna soudain la partie. Ou disons qu’il botta en touche pour le moment, se contentant de le changer. Regrettait-il de lui avoir injecté ce produit ? Peut-être. N’étant pas encore certain que l’incident du bain était derrière eux, le jeune hacker dardait un œil méfiant en direction de son hôte. La situation lui plaisait de moins en moins et il l’écouta sans rien dire. Comme si un type comme lui pouvait comprendre quoique ce soit à ce qu’il ressentait. S’en était risible. Sulkan ne trouva rien à lui répondre, l’esprit encore sous l’effet de la panique qu’il avait éprouvée lorsqu’il s’était retrouvé pris au piège dans la salle de bain.

« Hmm... »

Bientôt, il se retrouva nageant dans des vêtements bien trop amples pour lui et il leva une manche recouvrant entièrement sa main, jetant un regard désabusé dessus. C'était confortable et dérangeant à la fois de savoir que ces mêmes vêtements appartenaient à son geôlier auto-proclamé. En revanche, les petites attentions du légiste à son encontre se succédèrent, le prenant au dépourvu. Son regard chocolat se posa tour à tour sur chacun des éléments posés bien en évidence sur le plateau, à la manière d’une nature morte et après un temps d’hésitation, le russe porta la boîte de thé encore fermée à ses yeux. Son air dubitatif quitta l’objet de ses pensées pour rencontrer le visage d’Esteban, lequel lui parut soudain bien moins confiant en sa présence. C’était quoi ça ? De la gentillesse ? Se pourrait-il… ? Qu’il regrette ce qu’il s’était passé et la crise de panique que son entêtement ignorant avait provoqué, ayant bien failli les faire arrêter tous les deux dans la foulée ? Le légiste se comportait de manière étrange. Sulkan l’observa pendant de longues minutes, sans lâcher un seul mot, une attitude qui finit par agacer son principal interlocuteur.

« Non rien, c’est juste que… je pensais que le thé, c’était plutôt un truc anglais qu’américain… »

Il se tut en voyant le regard assassin d’Esteban, visiblement à bout de nerfs de voir ainsi sa délicate attention balayée en quelques mots et le jeune hacker s'empressa d’ajouter :

« Mais le thé c’est très bien ! »

Pour une fois que la tension semblait être retombée entre eux et qu’aucun conflit ne risquait d’éclater, curieusement, le russe n’avait pas envie d’envenimer les choses. Le petit geste de son hôte lui avait coupé l’herbe sous le pied, lui qui était préparé à devoir l’affronter de nouveau. Son regard se posa de nouveau sur la petite boîte entre ses mains qu’il s’amusait à faire tourner, cherchant ses mots. Aborder le sujet paraissait compliqué, voir délicat. Mais Esteban avait bien compris qu’il avait découvert l’ordinateur grâce à l’intervention du seul félin de la maison, alors pourquoi tourner autour du pot plus longtemps ?

« Cet ordinateur… Est-ce que tu… Enfin… »

Et s’il se berçait de fausses illusions ? Et si Esteban n’avait jamais eu l’intention de lui donner ce petit bijou ? Car oui, même une vieille machine lui ferait cet effet à l’heure actuelle. Peut-être bien que cet ordinateur avait un autre usage que celui de finir entre ses mains impatientes de pianoter dessus avec une passion frôlant l’illégalité ? Sulkan regretta presque d’avoir abordé le sujet, sachant qu’il n’apprécierait pas que l’autre lui rit au nez, confirmant ainsi ses craintes à ce sujet. Mais puisqu’il était lancé…

« Pourquoi m’avoir acheté cet ordinateur ? »

La réaction du légiste en découvrant le petit manège de son chat lui revint en mémoire. Non, il n’aurait pas pu réagir de la sorte si son cobaye et cette vieille machine n’étaient pas liés en quelques sortes… si ? Après tout, qu’avait-il à y gagner dans l’histoire, hormis des ennuis supplémentaires si son protégé se décidait à reprendre ses anciennes activités de dealer d’informations virtuelles ? Pourquoi diable Esteban lui offrirait-il pareil cadeau, en l’ayant oublié dans son appartement, voué à mourir de faim s’il ne s’était pas résolu à vider chacun des placards de la cuisine avant d’empoisonner l’air de son domicile à coups de fromage et de sauce de viandes tous deux écœurants de graisses d’origines inconnues ? Sulkan prenait conscience qu’il n’avait pas été tendre avec le légiste – en même temps, c’était de bonne guerre, l’autre ne le considérant que comme un cobaye à étudier et tous les deux en avaient parfaitement conscience –. S’il culpabilisait ? Pas vraiment. Cependant, son hôte savait également se montrer étonnement attentionné pour un scientifique prétendument sans scrupules à ses yeux. L’ordinateur et maintenant ces petites douceurs… Qui était vraiment Esteban ?
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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04.07.17 11:06
Du peu qu’il pouvait en voir, il l’avait adopté. Il ne savait pas à quel point, mais le fait était là, le félin tolérait plus que nécessaire l’humain qu’avait recueillit Esteban. Peut-être qu’ils étaient pareils ? Abandonnés par les siens, par leurs familles respectives, livrés à eux-mêmes, désabusés jusqu’à ce qu’un homme leur offre un toit et un peu de nourriture. Le légiste n’avait pas besoin d’être clairvoyant ou d’avoir fait Math Sup / Math Spé pour le comprendre. Il n’avait qu’à voir la façon avec laquelle le chat se lovait contre Sulkan et comment il ronronnait de plaisir. Une petite pointe de jalousie pointait le bout infime de son nez : lui aussi aurait aimé que le chat se laisse aller à de telles démonstrations d’amour. Cependant, pour ça, il aurait fallu qu’Esteban sombre dans une détresse qui ne lui était pas familière. Son cœur ne laissait rarement place à l’abattement, à la peine, à des sentiments qui pouvaient le rendre faible. Là où pourtant, l’evolve semblait exceller. Et il devait se l’avouer, le biélorusse… Il trouvait que ça allait très bien à Sulkan, lorsque son esprit chavirait, qu’il se laissait emporter par l’ouragan de ses émotions. Esteban avait à chaque fois plus envie encore de l’étudier. Pire, il espérait sincèrement que la Milice ne le retrouve jamais, que Phear l’abandonne pour une nouvelle lubie, et qu’ainsi, il puisse l’avoir jusqu’à sa toute fin pour le disséquer sur l’une de ses tables d’opération. Telles fut ses pensées avant d’entrer dans la chambre avec son plateau chargé de douceurs.
Tout compte fait, Esteban confirma ses pensées : ils étaient pareils. La première fois qu’il avait recueillit son chat, il avait eu le droit au même traitement… Presque du moins. Méfiance, observation, analyse. Le scientifique avait l’impression de passer un second examen pour savoir si effectivement, il était digne de confiance, qu’il n’était pas à marquer au fer rouge d’un « Ennemi public N°1 ; méfiance absolue ; ne pas engager de contact avec cet individu ». Étrangement, il trouva ça de bonne guerre ; il n’avait effectivement pas été très tendre avec lui. Mais en même temps, qui serait tendre avec l’objet de sa science, avec l’Élu qui aurait l’honneur de servir pour soulager les Autres ? Mais avant de passer à la partie pratique, Esteban savait qu’il devait quelque peu montrer patte blanche. Sans se poser de question, lorsque Sulkan leva son bras pour inspecter la manche du pull qui siégeait sur son torse, le légiste roula le tissu jusqu’à son avant-bras, et, sans crier gare, il fit de même avec l’autre bras. Le pantalon pourrait attendre le lendemain, sauf si le produit se diluait plus rapidement que prévu dans son organisme ; ce qui serait une première. Esteban n’était pas réputé pour créer des doses légères.

Se sentant fixé avec attention, il leva les yeux au-dessus de ses lunettes pour rencontrer le regard perplexe de son hôte. Quoi ? Il avait quelque chose sur le visage ? Une mèche de travers ? Son nez n’était plus au milieu de sa figure ?! Lorsqu’il brisa le silence qu’il avait imposé, le scientifique  fronça les sourcils. Voilà que le russe se prenait pour un intellectuel avec sa petite réflexion sur son thé. Si ça ne lui plaisait pas, il n’avait qu’à pas en boire. Il ne le forçait à rien. Il soupira. « Faux. Le thé, c’est asiatique. Majoritairement chinois. La Chine est devenue une colonie britannique et c’est comme ça qu’ils ont récupéré l’étiquette de Pays du Thé. Ma parole, t’as rien appris ou quoi ? Je sais que ça remonte très loin, mais tout de même… » Il marqua une pause pour se rendre compte de l’ignorance de son cobaye. Il avait beau être un criminel recherché par la Milice pour des faits de piratage informatique, ne pas connaître l’histoire d’une chose aussi simple le dépassait. « Tu es russe, t’as pas appris ça à l’école ? » dit-il sans se douter du passé de Sulkan. Il esquissa un bref sourire ; bien sûr que le thé serait très bien, bon dieu ! D’où il avait le choix en ce moment ?! Esteban tendit la main avec un regard blasé. C’était ses jambes qui étaient paralysées, par ses doigts ou sa tête. L’air dubitatif de l’evolve lui fit lever les yeux au ciel et il lui prit la boîte des mains pour enlever le fin pelliculage qui entourait la boîte en carton, pour la lui rendre quelques secondes plus tard. Le légiste avisa longuement son homologue bipède, avant de regarder intensément le chat qui dormait sur son ventre. « J’ai besoin d’une raison en particulier ? » Le regard paumé qu’il vit l’agaça. Jusqu’à quand il allait jouer avec sa diplomatie ? « C’est un vieux truc que j’ai eu pour trois fois rien. Je ne sais même pas s’il fonctionne correctement. Je connais le type qui me l’a vendu, mais il m’a dit que le propriétaire d’origine n’avait pas été très tendre avec sa machine. Inutile de te dire que je ne vais pas te le donner gratuitement. » Sulkan ne devait pas oublier ce pourquoi il était là, ce pourquoi le légiste avait menti. « Bois ton thé et mange un peu pour éviter d’avoir la tête qui tourne. Je suis épuisé, j’aimerais dormir. » Lança-t-il pour briser le silence et pour motiver le petit brun. Il n’avait pas que ça à faire, d’attendre que môssieur veuille bien se donner la peine de se restaurer avant dormir. Il se leva et, en attendant que Sulkan finisse sa petite affaire, il se mit à farfouiller dans les tiroirs de sa commode et dans sa penderie, sortant quelques affaires devenues trop petites pour lui. Il sortit du sac où était rangé l’ordinateur un paquet noir et déposa le tout sur une chaise, dans un coin de la chambre. Ça lui avait bien prit le temps d’un thé et d’un ou deux carrés de chocolat. Lorsqu’il estima avoir fini, il posa la hanse du sac sur son épaule, prit le plateau et regarda son cobaye divinement installé au milieu de son lit. « Je t’ai sorti des affaires. Elles sont trop petites pour moi. Tu peux les utiliser le temps que tu seras ici. Et t’as une semaine de boxer sur le haut de la pile. Je te rassure, je te les ais achetés tout à l’heure, ce n’est pas les miens. C’est dégueu si tu mettais les miens…  » Il avait murmuré sa dernière phrase, presque gêné d’avoir pu penser que cette idée saugrenue passe par l’esprit de Sulkan. « Et tu laves tes fringues. Si tu sais te servir d’un ordinateur, tu dois pouvoir utiliser une machine à laver. J’espère. » La perspective de le voir perdu face à sa grosse machine blanche le fit légèrement sourire. « Demain matin, on commence. Repose-toi. » Et il quitta la chambre en laissant ses deux rescapés sur le lit. Il déposa le plateau sur un coin libre de sa cuisine et il s’étira. Demain… Enfin… Il allait pouvoir planter ses aiguilles dans la chair tendre qu’il avait pu admirer un peu plus tôt. Ce ne serait pas une peau dure, soumise à une rigidité cadavérique avancée… Non… Elle allait être fraîche… Juste pour lui. Lorsqu’il s’allongea sur le canapé, Esteban s’endormit avec un doux sourire malsain. Et au petit matin, il se réveilla avec le même sourire… Et une excitation qui avait marqué la fois où il avait vu ses camarades torturer un evolve dans un hangar. Il était de bonne humeur, et rien ne pourrait lui enlever ça… À moins, peut être, une nouvelle visite de la Milice.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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06.07.17 4:54
Le principal bénéficiaire de cette démonstration d’affection féline était le premier surpris de l’intérêt que lui portait l’animal. Les chats, ce n’était pas vraiment son truc à la base, quand bien même ils se ressemblaient sur de nombreux points et ce n’était pas Esteban qui allait prétendre le contraire pour être le mieux placé pour les comparer. Grâce à ce dernier, le hacker avait appris que sa découverte par le légiste, avait été rendue possible au travers d’une intervention extérieure, féline elle aussi. Sans son guide à quatre pattes, jamais Esteban n’aurait pu deviner que le russe gisait là, à seulement quelques mètres de lui, inconscient. Toutefois, son indifférence envers les chats demeurait. Sulkan les savait indépendants en toutes circonstances et cette démonstration d’affection ne serait que passagère. Probablement que l’animal avait décelé sa tristesse et tentait, à sa manière, de l’apaiser. Qu’en serait-il au cours des prochaines heures ? Le hacker ne voulait pas se faire d’illusions et préférait ne pas s’attacher à cette compagnie féline. Tout comme il se voulait solitaire parmi ses semblables. Sans le savoir, il était très similaire à son hôte sur ce dernier point. En parlant du loup, Esteban ne se démonta pas le moins du monde face à son commentaire concernant le thé. Pire, il se lança dans un résumé de l’histoire de la célèbre boisson anglaise, dont les origines se révélaient être chinoises pour finalement conclure en lui reprochant son ignorance. En effet, le russe le fixait avec de grands yeux ronds, d’abord surpris de la réaction de son hôte puis d’apprendre la vérité derrière l’apparence origine anglaise. S’il aurait pu rougir de son manque de culture générale, la dernière pique du légiste lui fit froncer les sourcils tandis qu’une pointe de colère faisait son apparition.

« Quel rapport avec le fait que j’sois russe ? C’pas parce que la Russie s’entend bien avec la Chine qu’on est sensé tout savoir dessus. »

Non, il n’était pas ignorant à ce point. En dépit de son désintérêt profond pour l’école et la rancœur qu’il nourrissait à l’encontre de ce pays qui l’avait vu grandir, jugeant les mœurs de celui-ci trop anciennes pour être encore efficaces, Sulkan avait quelques notions d’histoire. Et surtout, il ne voulait pas avouer que son ignorance reposait en partie sur un point : le fait qu’il fut déscolarisé pendant une partie de son adolescence, contraint de subir un traitement prétendument capable de le guérir de ce que ses parents considéraient être une maladie : sa passion pour l’informatique. Sans doute qu’ils avaient cru bien faire et s’ils étaient parvenus à leurs fins, probablement que leur fils unique ne serait pas devenu un hacker recherché à l’heure actuelle. Peut-être même que toute cette histoire d’Evolve et de piratages informatiques était liée dans un sens. Cela n’expliquerait pas tout mais c’était déjà un début de piste à explorer.

« Et puis, tu trouves que j’ai une tête à écouter pendant les cours ? » ajouta-t-il en marmonant, essayant de se donner un air de mauvais garçon, bien qu’il sache pertinemment que cette attitude n’était qu’un prétexte.

Vint ensuite la partie la plus intéressante de leur conversation : l’ordinateur. Sulkan fut suspendu à ses lèvres, buvant littéralement ses paroles avant de plisser le nez quand le légiste lui rappela les conditions d’obtention de ladite machine. Son humeur jouait au yoyo. Esteban en avait-il conscience ? Le faisait-il exprès ? Le hacker lui jeta un regard torve.

« J’sais bien ça. T’as pas intérêt à me rouler sur la qualité de la marchandise en revanche. Sinon notre deal ne tient plus. » prévint-il, ignorant à quel point sa situation actuelle prêtait à sourire devant de telles menaces.

Pendant que son hôte s’affairait dans la pièce, le russe reporta son attention sur le contenu du plateau, notamment la tasse fumante et le chocolat. Laissant le thé infuser à son rythme, il se détourna de l’hypnotique spectacle de l’eau chaude changeant progressivement de couleur pour ouvrir le paquet de chocolat, encore étonné qu’Esteban fasse preuve d’autant de gentillesse tout d’un coup. Et il dut reconnaître que croquer dans ces petits carrés de bonheur lui fit plus de bien qu’il ne l’aurait imaginé au premier abord. Un instant de répit qui ne dura pas et il jeta un regard réprobateur en direction de la pile de vêtements. Il n’avait aucune envie de se vêtir avec ceux de son hôte ! Et ces caleçons… Ses joues se colorèrent quand il réalisa que le légiste avait pris la liberté de lui en acheter, sans lui demander sa taille… Ce qui voulait dire… L’autre l’avait maté pendant son sommeil le jour de son arrivée ?!

« Ouais, s’il te prend pas l’idée de foutre un cadenas sur le placard contenant la lessive hein ! »

Chasser le naturel et il revient au galop. Son sarcasme résonnait de nouveau entre les murs de l’appartement mais cette fois, ce n’était en rien grâce à son insolente assurance. Au contraire, Sulkan se faisait violence pour chasser les pensées obscènes qui lui venaient à l’esprit et la mauvaise foi était une arme comme les autres pour y parvenir. Délaissant le plateau et son contenu pour un moment, le hacker le regarda quitter la pièce, soudain mal à l’aise de se voir attribuer le lit du propriétaire des lieux. En son for intérieur, le russe se jura que ce ne serait que pour une nuit et qu’il s’efforcerait de ne rien toucher, n’ayant aucune envie de dormir dans les mêmes draps qui avaient accueilli cet homme auparavant. Mais la retombée de stress, couplée à un estomac rempli eurent raison de lui : le garçon ne tarda pas à s’endormir entre les oreilles confortables, bercé par les ronronnements du chat qui demeura à ses côtés pour la nuit. Pour la première fois depuis longtemps, Sulkan dormit d’une traite, paisiblement. Il ne vit pas l’aube pointer le bout de son nez et ce ne fut que lorsque l’animal remua à ses côtés, réveillé avant lui, que le russe ouvrit péniblement un œil. Habitué à la vue de la table basse couverte des restes de son repas de la veille, son cerveau mit quelques minutes à comprendre où il se trouvait. L’espace d’un instant, il se surprit à imaginer que tout ceci n’était qu’un rêve, un long rêve, que jamais il n’avait été poursuivi puis torturé par un milicien sadique, au point de sombrer en devenant le cobaye volontaire d’un scientifique aussi antipathique qu’asocial. Malheureusement pour lui, les souvenirs lui revinrent en même temps que ses sensations et Sulkan prit conscience de son environnement. Il se redressa lentement sur le lit pour retrouver une position assise, se frottant les yeux avant d’esquisser un sourire en constatant qu’il avait retrouvé l’usage de ses jambes, paralysées depuis la veille. C’est alors que son regard chocolat aperçut des pieds, remonta le long des jambes puis du torse avant de finalement reconnaître le visage d’Esteban. Ou plutôt, le sourire malsain qui étirait ses lèvres, lequel lui apparaissait désagréable familier. Son cœur manqua un battement tandis qu’un frisson d’horreur le prenait.

« Tu es… »

Une peur panique, irrationnelle, s’empara de lui. Son cerveau lui commanda la fuite et pourtant, il ne bougea pas. Il s’agissait d’Esteban, l’homme qui l’avait emmené chez lui pour le soigner et offert quelques douceurs pas plus tard que la veille encore ! Ce n’était pas ce taré. Ce ne pouvait pas. En entendant la voix de son hôte, Sulkan sursauta, sortant ainsi de sa torpeur passagère et dut fermer les yeux pour calmer les battements affolés de son cœur. C’était aujourd’hui. Le légiste le lui avait rappelé. Les choses sérieuses allaient commencer. Et s’il voulait espérer retrouver son statut d’humain pour retourner à sa petite vie de pirate informatique, le russe n’avait d’autres choix que de coopérer. Peu importaient les conséquences.

« Que…Que veux-tu que je fasse ?... » demanda-t-il sans le regarder dans les yeux, le cœur battant.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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12.07.17 17:31
Le chat était… Content. Il venait de mettre son grain de sel entre les deux humains, venait de cordialement irriter son humain et d’élire domicile sur le ventre du nouveau venu. Tout ça avait été mûrement réfléchi la nuit dernière et il avait mit, plutôt rapidement, ses sombres desseins à l’œuvre. Maintenant, il savourait sa modeste victoire sur Sulkan, ronronnant joyeusement en ignorant leurs échanges. Ce petit était stressé. Qui ne le serait pas avec ce scientifique dans les parages ? Mais il voulait lui dire à quel point Esteban était gentil, attentif et surtout, le laissait vivre comme il l’entendait à condition de respecter quelques règles élémentaires. Règles que le grand brun pouvait faire appliquer de force si jamais il constatait que ce n’était pas réalisé volontairement… Roulé en boule dans le creux du ventre de son homologue rescapé-de-la-rue, il essayait de l’apaiser et de lui transmettre -à sa façon- la sérénité qui pourrait l’envahir un jour s’il se laissait aller.

Esteban le regarda, médusé. Était-il sérieux là ? La boîte encore dans les mains, il ne savait pas si Sulkan se foutait ouvertement de sa tête ou s’il était sérieux. Et ce n’était pas ses yeux inexpressifs qui pourraient le mettre sur la voie d’une réponse. Ses lunettes glissèrent lentement sur son nez, tout aussi stupéfaites. Non, effectivement… L’evolve n’avait pas une tête à écouter les cours… Ni même à y aller en fait. D’autant plus qu’avec son pull beaucoup trop large pour lui et ses jambes immobiles, l’image d’un mec lascif restant constamment chez lui transpirait encore plus. Sa monture lui arriva au bout du nez et, de son index, il la remonta lentement jusqu’à sa place en soupirant. « C’est la base… Même mon père le sait et il n’était pas issu des meilleurs quartiers de Biélorussie… La Russie et la Chine ont créées un commerce de thé et des variétés propres à cela. C’est dispensé dans tous les cours d’histoire et d’économie ménagère. Le fait que tu sois russe, tu devrais le savoir… Au moins dans les grades lignes. » Il se demanda si en réalité, il ne lui avait pas menti. Si la Milice ne s’était pas trompée de gars en le recherchant lui criminel informatique, alors qu’il ne savait pas une once de l’histoire de son pays d’origine. Certes, l’histoire de la Russie était telle que c’était difficile de tout retenir, mais ses oncles et tantes avaient chacun pu donner aux enfants Rothgrüber-Kovalevski le minimum syndical d’informations sur le thé. Bien entendu, dans la mesure de l’intérêt qu’ils portaient à leurs marmots… Esteban était, par exemple, sûr que son militaire de cousin ne savait rien quant au thé. Ce n’était pas une information utile dans sa vie faite d’armes et de sang. Et de toute façon, son père n’avait rarement laissé à sa mère, le temps de lui expliquer quoique ce soit. Il nota ce raisonnement dans son esprit, se disant que ce serait une bonne question à poser à Phear et pourquoi pas, de lui faire un petit cours là-dessus. On ne savait jamais, depuis qu’il avait retrouvé sa belle, peut être qu’il voulait briller pour autre chose que sa violence…
Le faux air de bad boy qu’il se mit à avoir acheva de douter des annonces de la Milice. Franchement… Un môme pareil ? Dangereux pour la société à ce point ? Et puis quoi encore !  Avec ses scalpels, il ferait sûrement plus de dégâts que ce marmot colérique. « T’as quel âge ? En vérité. Et ne me mens pas, je pourrais te prélever du sang ou de la salive pour analyser ton ADN et savoir. » Et voici que, soudain, pour la première fois, il doutait. Il doutait de la Milice, de ce système parfait qui permettait à tout à chacun de vivre en paix en anticipant les délinquants comme… Sulkan et son apparence chétive ? Sulkan et son visage beaucoup trop expressif pour passer incognito dans la rue ? Nan… Ce n’était clairement pas possible… Ou alors il jouait aussi un jeu avec lui… Auquel cas Esteban saurait comment y mettre un terme. Il n’aimait pas qu’on se foute de sa gueule. Et peut-être qu’au final, c’était ce qu’était en train de faire l’evolve. Il prit donc un malin plaisir à lui rappeler les conditions de leur contrat. « Je te répète simplement ce que m’a dit mon revendeur alors fait pas chier. Si t’as un problème, je t’amènerai jusqu’à lui. » dit-il avec honnêteté et bêtise. Sulkan ne pouvait pas sortir au risque d’être de suite attrapé par les soldats amers de leur défaite. Le légiste eu un maigre sourire. « Oublie ce que je viens de dire. Je lui transmettrais tes amitiés si jamais ce qu’il m’a fournis, c’est de la merde. On va pas prendre de risques avec la Milice n’est-ce pas ? » Là, c’était mieux. Et ça rendait Sulkan encore un peu plus dépendant à lui, c’était parfait. Il ignora la remarque de son hôte et le laissa dormir seul, avec le chat.

Il comptait dormir sur son canapé. D’ailleurs, il s’y était déjà allongé, une mince couverture noire sur les jambes. Ses pieds nus pendouillaient de l’autre côté de l’accoudoir ; du désavantage d’être plus grand qu’un canapé standard. Les yeux dénués de carreaux et rivés sur le plafond, Esteban réfléchissait à contre cœur. Non pas qu’il n’aimait pas faire un débriefing de sa journée à ce moment précis, mais plutôt parce que, enfin !, il pourrait mettre en action ce pourquoi il avait gardé le russe sous son toit. Enfin ! Peut-être, ses recherches allaient pouvoir avancer. Comment fonctionnait le gêne d’un evolve… Comment il évoluait lorsque le sujet était vivant… Pouvait-il muter et devenir plus puissant ou au contraire plus faible… Pouvait-il disparaître de lui-même ou bien par un procédé chimique… Un sujet pouvait-il rester « evolve » toute sa vie… ? Autant de questions qui lui chatouillaient l’esprit et qui le tenait éveillé. Une question en amenait une nouvelle à tel point que ses bras croisés derrière sa tête étaient engourdis… Et il n’avait pas encore fait le tour de toutes les réponses qu’il pourrait obtenir et les futures questions qui changeront pour mieux provoquer de nouvelles expériences. Il songeait à toutes les choses qu’ils pourraient enfin faire. Réaliser tout ce sur quoi il avait fantasmé depuis qu’il avait décidé d’accepter son emploi au Centre, depuis qu’il avait choisi de travailler sur cette partie infime de la société qui composait le Monde. Cette nuit-là, Esteban ne put dormir, bien trop excité et perdu dans ses raisonnements pour réussir à fermer l’œil. Et quand bien même ses yeux se fermaient, il voyait comment il pourrait apprivoiser le corps de Sulkan pour obtenir toutes ses réponses… De sa vie d’evolve à sa mort… Ce serait son premier cobaye vivant. Sa jolie petite souris de laboratoire… Ou plutôt d’appartement.

Le soleil commençait déjà à se lever sur la ville. Les premiers rayons venaient s’écraser contre les buildings aux vitres parfaitement nettoyées. Quelques heures plus tard, et la luminosité de l’astre solaire se frayaient un chemin dans les rues étroites et peu charmante des quartiers populaires. Lorsque la lumière traversa les rideaux blancs de son salon pour venir caresser Esteban de sa douce chaleur, elle ne trouva rien. Le légiste avait craqué lorsque la Lune s’était couchée et il s’était discrètement enfermé dans son bureau pour préparer son matériel. Il vérifia de nombreuses fois si tout fonctionnait bien, que les seringues étaient bien alignées les unes parallèles aux autres… Que ses tas de feuilles étaient parfaitement bien rangés et que rien ne dépassait du lot. Son ordinateur trônait en roi au milieu d’un bureau rangé à la perfection. C’est dire à quel point il ne pouvait plus se retenir, à quel point il était heureux comme un gosse le jour de Noël. Lorsqu’il eut vérifie moult fois la perfection de son travail et que sa petite horloge affichait fièrement une heure raisonnable, il se glissa dans sa chambre pour y retrouver un Sulkan qui dormait beaucoup trop paisiblement compte tenu de ce qui allait lui arriver ces prochains jours. Il se paya le luxe de s’allonger discrètement sur le lit, de prendre une pose de nymphe hypocrite, sur le flanc, le bras replié sur lui-même pour soutenir sa tête posée dans sa main. Il attendit que le russe se réveille de lui-même, mais à l’intérieur de lui, il trépignait d’impatience. C’est alors que son petit sujet se réveilla. Tel un félin, il s’étira, se redressa, se frotta les yeux… Et lorsque l’evolve prit conscience de sa présence, un large sourire malsain se dessina sur son visage pour atteindre son maximum lorsque leurs regards se croisèrent. « … Prêt ? » demanda-t-il en finissant la phrase de Sulkan. « Je suis plus que prêt à vrai dire. J’attendais que la princesse se réveille de ses beaux rêves. J’espère que tu as bien dormi. » ajouta-t-il sans avoir conscience de ses yeux rouges qui n’avaient pas eut de repos de toute la nuit. Vu la panique qui se lut dans les deux billes de chocolat, Esteban aurait dû se douter qu’il n’était pas comme d’habitude… Mais l’excitation… Le plaisir de réaliser un de ses rêves… Il en oubliait les bases élémentaires de bienséance. Il sauta alors du lit et attrapa un t-shirt gris clair qu’il enfila rapidement. « On passe à côté. Viens. Oh. Tu peux aller faire un tour dans la salle de bain ou aux toilettes si tu veux te faire une beauté… ! »
Sur le fauteuil qui lui était désormais réservé, trônait une bouteille d’eau, une bouteille de jus d’orange et de nombreuses boîtes de gâteaux. « Je vais commencer par prendre un peu de ton sang, comme la dernière fois. Il va me servir de sarter comparatif pour suivre l’évolution de l’expérience. Installe-toi et mange après. Il faut que tu sois à jeûn. » Une fois Sulkan installé, le scientifique lui passa un garrot et lui planta une aiguille dans l’avant-bras. Il préleva trois seringues qu’il mit immédiatement au frais. Esteban était excité comme une puce et ne perdait pas son sourire heureux. Ses yeux étaient concentrés, ne cillaient presque pas. De quoi augmenter son potentiel inquiétant auprès de Sulkan. Il ne savait par où commencer… « Donc ton pouvoir s’est développé dans une baignoire alors que tu te noyais… T’as pu respirer sous l’eau mais est-ce que tu peux respirer dans d’autres milieux dangereux pour ta vie… ? » Il se parlait tout seul, en inspectant du regard le petit bout de coton qui marquait là où il avait injecté sa première seringue. « Ton pouvoir n’est pas offensif… Il serait défensif… Hm… Intéressant… » Il sortit deux seringues de son petit réfrigérateur ; l’une avait une couleur bleu pastel, l’autre était cristalline. « J’aimerais voir l’étendue de ton pouvoir, histoire de savoir jusqu’où tu peux être dangereux ou non. Cette seringue va déclencher ton gène. La transparente me permettra de neutraliser ton gène si je vois que tu ne vas pas bien. Okay ? J’ai tout sous contrôle. T’inquiète pas. Je ne vais pas laisser mourir quelqu’un d’aussi précieux que toi. » Lors de son explication, il avait consciencieusement montré chacune des seringues. Sans lui laisser plus le temps de réfléchir, Esteban replaça le garrot autour du bras de Sulkan et lui ôta le petit bout de coton. Il lui injecta sans douleur la première seringue, se préparant à une nouvelle récolte sanguine. Il jeta un œil bref à la caméra qui se trouvait en face de son sujet et qui lui permettrait de mieux ré-analyser ses réactions à l’issu de cette première phase de recherche.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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17.07.17 15:28
Chose étonnante : découvrir le légiste allongé à ses côtés, les yeux rouges faute de sommeil et un rictus à la limite de la démence ancré sur les lèvres, ne le fit pas bondir du lit comme on aurait pu l’imaginé. Si son cœur manqua un battement, la terreur le cloua sur place. Sur le moment, Sulkan ne vit que les lèvres de son interlocuteur remuer, sans en capter le sens. Ses oreilles bourdonnaient, faisant écho aux battements affolés de son cœur, un tout qui l’empêcha de se concentrer sur les propos de son hôte. Une chance dans le fond, car il aurait très certainement mal pris la manière féminine dont Esteban le qualifiait depuis son réveil. Le mouvement chez ce dernier le tira enfin de sa torpeur, pour le reconnecter à la réalité et le russe cligna des yeux, ayant subitement retrouvé l’usage de l’ouïe. Ce qui lui permit de froncer les sourcils devant la façon qu’avait le légiste de se comporter. Faisait-il exprès de mentionner la salle de bain de nouveau tout en sachant ce qui s’était passé hier ? Ou bien l’excitation du moment lui imposait un manque de tact flagrant ? Connaissant le personnage misanthrope, Sulkan pencha pour la première option, bien qu’il lui colla également le manque de tact sur le dos. Question de principe.

Après s’être assuré que le légiste était bel et bien passé dans la pièce d’à côté, le garçon se changea, troquant volontiers son pyjama improvisé pour un T-shirt ainsi qu’un pantalon par-dessus un boxer propre. Inconsciemment, il se surprit à renifler l’odeur de ces nouveaux habits. Ce n’était pas la sienne, écœurante de sueur ou même, celle de la lessive qu’il utilisait d’ordinaire. Et c’était plus qu’étrange d’avoir à enfiler des vêtements qui ne portaient pas d’odeur familière, la sienne en l’occurrence. La cohabitation prenait sens à ses yeux. Prudemment, le hacker jeta un regard dans le bureau, s’attendant à tout moment à ce qu’Esteban ne lui tende un guet-apens quelconque. A peine rassuré de le voir s’activer d’un bout à l’autre de la pièce sans même lui accorder un regard, Sulkan fit quelques pas dans l’antre du scientifique. Pour y avoir déjà mis les pieds auparavant, il n’était pas complètement déboussolé, si bien que son regard chocolat alla directement se poser sur le fauteuil qui l’avait accueilli lors des heures d’attente interminables lors de l’examen sanguin qui avait scellé son destin.

« C’est quoi tout ça ? On dirait un tas d’offrandes… »


En effet, la pile de boîtes de gâteaux divers et variés, couplée à un duo de bouteilles en plastique bon marché faisant un peu penser à des offrandes posées ici à son attention. Et la perplexité se lut dans les sourcils froncés du russe jusqu’à ce que son hôte entame ses explications. Sulkan se contenta d’un signe de tête pour lui signifier qu’il avait compris, à supposer que son interlocuteur le remarqua seulement et entreprit de se faire une place sur le fauteuil. Même en essayant de penser à autre chose, une idée stupide continuait à se faire un chemin dans son esprit, tournant et tournoyant jusqu’à en devenir une évidence absurde. L’expression de ce malade d’Eraser resterait pour longtemps gravée dans ses rétines, même après avoir fermé les yeux. Le hacker se doutait bien qu’une telle rencontre, aussi traumatisante, l’affecterait sur des années, peut-être même à vie. Et qu’il était presque normal d’y repenser en voyant d’autres expressions similaires mais… Son regard se reporta un instant sur Esteban. Il s’agissait de l’homme qui l’avait sauvé, même pour des raisons qui lui étaient propres, cet individu savait se montrer attentionné par moments. Le plateau chargé de douceurs de la veille en était un exemple. Et que cette expression terrifiante qui demeurait ancrée sur les traits du légiste depuis ce matin n’était que le fruit de son interprétation personnelle du fait des récents événements. Alors pourquoi diable ne pouvait-il pas s’empêcher de faire le parallèle ?

« Esteban… Est-ce que… Est-ce que tu as des frères et sœurs ? »

La question sonnait déplacée, bien trop soudaine pour ne pas paraître suspecte, d’autant plus que le principal intéressé avait d’autres priorités à cet instant. Enfin quoi ! Il lui avait bien répond hier concernant son âge véritable non ? 22 ans. Même s’il s’agissait clairement de mauvaise volonté, le russe avait joué le jeu et il s’attendait à ce que son interlocuteur en fasse autant ! Un sursaut le prit sous l’effet de la douleur lorsque l’aiguille perça son épiderme et Sulkan s’efforça de ne pas regarder les seringues se remplirent les unes après les autres. Ce fut la voix du légiste qui lui fit de nouveau tourner la tête. Loin de le tranquilliser, les explications d’Esteban firent de nouveau naître la panique. Activer son pouvoir de force ? Alors c’était possible ? Mais s’il faisait cela… Même s’il lui assurait d’avoir la situation sous contrôle et qu’il ne le laisserait pas mourir…

« A-Attends… ! »

Trop tard. Rapide comme l’éclair, son interlocuteur lui avait déjà enfoncé l’aiguille dans l’avant-bras et le contenu de la seringue se répandait dans son organisme, accélérant un peu plus les battements de son coeur. Tout allait trop vite pour lui. Esteban ne lui laissait pas le temps d’analyser la situation ou même de se préparer mentalement à ce qui allait suivre… Ce furent certainement les secondes les plus longues de son existence, après l’attente qui précéda ses résultats sanguins. Sulkan eut l’impression de ne plus entendre que son cœur, que celui tambourinait tellement fort dans sa poitrine que le légiste pouvait l’entendre lui aussi, pire, qu’il allait même en jaillir. Sur l’instant, il ne se passa rien de particulier, si bien que son hôte était en droit de s’interroger sur l’efficacité de son déclencheur de pouvoirs. Et puis ce fut l’asphyxie. Violente. Brutale. Soudaine. En un geste instinctif, le russe porta sa main droite à sa gorge, alors que son corps était secoué de soubresauts dans sa recherche d’air. Des signaux contradictoires étaient envoyés d’un bout à l’autre de son organisme par un cerveau complètement dépassé par les événements. L’analyse de son environnement actuel confirmait la présence d’oxygène et donc, de vie. Ce constat était directement envoyé aux poumons qui tentaient en vain d’absorber cet oxygène, lequel n’avait visiblement plus du tout l’effet escompté. Ces derniers renvoyaient une réponse négative, pressant le cerveau de résoudre le problème au plus vite sous peine de voir l’organisme tout entier succomber. Malheureusement pour eux, le cerveau s’en tenait à son analyse environnementale du sujet, si bien que les deux organes ne parvenaient pas à trouver un terrain d’entente. Sulkan suffoquait. Une image s’imposa à lui : celle des carreaux du carrelage du plafond de la salle de bain, dont le reflet se voyait légèrement déformé par la surface de l’eau de la baignoire. Il étouffait. Il allait mourir ! D’un bond, il fut sur ses pieds, ignorant les produits alimentaires qui chutaient ci et là autour de lui, comme si ce simple mouvement de survie pouvait lui permettre d’avoir la tête hors de l’eau. Mais la sensation d’étouffer ne disparut pas. Au contraire, elle s’aggrava, lui faisant tourner la tête. A jeun. Trois prises de sang d’affilée. Pourquoi cette sensation ne cessait-elle pas ? Ses genoux entrèrent en contact avec quelque chose de dur. Le sol ? Sa vue se troublait. Esteban. Lui seul avait l’antidote, il le lui avait dit. Il le lui avait promis !

« Es…te…ban… »

A contrecoeur, sa main plaquée sur sa gorge quitta celle-ci pour s’aventurer, tremblante en direction de l’emplacement où le légiste était censé se trouver. Sa sœur jumelle avait trouvé un appui plus que relatif sur le sol, devenu mouvant à ses sens troublés. Au prix d’un effort surhumain, Sulkan parvint à lâcher deux mots supplémentaires tandis que ses doigts venaient attraper le bas du pantalon du légiste par le plus grand des hasards étant donné le déclin de son champ de vision :

« La…seringue… »
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evolve studies
Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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14.08.17 16:49
Esteban était tel un enfant le soir de Noël. Ou une pucelle en chaleur qui voyait en vrai son idole pour la première fois : il était intenable. Et ce n’était pas son manque de sommeil qui allait arranger les choses, qu’on se le dise. Excité comme une puce, il avait hâte de pouvoir lancer sa première expérience sur un evolve vivant. Exit les cadavres et les analyses sommaires, et bonjour les explorations les plus intenses et les plus joyeuses. Enfin… Joyeuse… Peut-être pas pour l’homme qui venait de le rejoindre dans son modeste labo. À défaut d’avoir prit une douche ou même de s’être fait une toilette de chat, Sulkan avait au moins changé de vêtements. Le légiste avait très bien remarqué ses affaires devenues trop petites pour lui, et pourtant trop grandes pour le russe. Rien que de le voir ainsi, son cœur de scientifique s’était emballé ; il n’était pas loin de rougir de voir son rêve le plus fou être réalisé. « Des frères et sœurs ? » demanda-t-il un peu surpris. « Non. Pas à ma connaissance. Et mes parents ne sont pas du genre à mentir avec aisance. » Il réfléchit cependant à la raison de cette question soudaine. Qu’avait pu voir Sulkan pour qu’il puisse penser qu’il ne soit pas enfant unique ? « En revanche, j’ai trois cousins. On est assez proche les uns avec les autres. On peut considérer qu’un d'eux soit mon frère comme on a presque été élevé ensemble. Mais on ne se ressemble absolument pas. » Son physique de rat de bibliothèque ne ressemblait en rien aux autres. Certes, il était le plus grand en âge et en hauteur mais Phear le battait au niveau de la masse musculaire. Et de ce qu’il se rappelait des jumeaux, ceux-ci étaient loin d’être aussi musclés et aussi grands que les Rothgrüber. Ils étaient adorables avec leurs yeux dépareillés et leur air de chiot perdus dès qu'Esteban n’était pas dans leur champs de vision. Quant au mental… Là aussi, ils étaient loin de se ressembler. Phear était silencieux et observateur, Ruben était beaucoup trop protecteur et était une éponge à émotions tandis que Leto  avait tendance à se reposer totalement sur son jumeau, lui tenant machinalement la main. Vraiment rien à voir entre eux… Quoique… Des fois, sa mère lui disait que Phear et lui avaient certaines expressions faciales assez similaires… Esteban haussa les épaules avant de faire une prise de sang à son petit evolve. « Pourquoi cette question ? T’as croisé quelqu’un qui me ressemble ? »

Il n’attendit pas vraiment sa réponse. Il avait compris à quel point Sulkan pouvait vite changer d’avis. Et quand bien même il n’avait pas fui dès les premières lueurs du jour -comme si c’était possible en fait…- le légiste savait qu’il devait faire vite. Sans attendre son feu vert, pour le plonger au plus près d’une situation réelle, il planta l’aiguille dans son bras et lui injecta doucement le produit. Le biélorusse remonta ses lunettes sur son nez, posa ses mains sur ses cuisses et se pencha en avant pour ne rien louper du spectacle qu’allait lui offrir Sulkan.
Mais rien ne se passait. Rien d’autre que le silence. Bien que ses yeux étaient grands ouverts, le petit brun ne bougeait pas. Hey, quoi ? Il s’était planté dans ses dosages ? Il n’avait pas mis assez d’excitants ? Ce n’était pas possible ! Il devait se passer quelque chose ! Mais rien. Lentement, son dos se détendit et il reprit une position moins… Passionnée, un air de déception à peine caché sur son visage. « J’ai dû me planter dans la préparation… Comment j’ai pu me planter alors que je sais parfaitement les dosages… Où est-ce que je me suis planté… ? C’est parce que j’ai pas dormi ? Nan… Je l’ai déjà fait quand j’avais pas dormi… Et je ne m’étais pas trompé… Chier... ». Il s’était détourné de Sulkan pour chercher dans son immense tas de feuilles imprimées, celle qui comportait les calculs et les noms des produits qu’il avait utilisés pour cette expérience. Mais il ne trouvait pas. Quelle idée d’avoir rangé son bureau aussi ! Esteban devenait de moins en moins calme. Jamais il ne faisait d’erreurs. Et là, alors qu’il avait une chance inouïe, il en avait fait une cruelle en se plantant dans les dosages. Mais quel abrutit !
Tournant le dos à l’evolve, il ne voyait pas les réactions de celui-ci. Ni ne les entendait d’ailleurs, étant donné qu’il était plus préoccupé à marmonner dans sa barbe de quelques jours. Ce ne fut que lorsqu’il entendit une suite de bruits sourds qu’il tourna la tête en criant « Silence bon Dieu ! » comme lorsqu’il était seul et perdu dans ses pensées. Il écarquilla les yeux en voyant Sulkan allongé par terre, entouré des gâteaux et autres bouteilles qu’il avait ramené de la cuisine. Son visage était pâle, ses lèvres sèches d’un air qui n’arrivait pas à soulager ce besoin essentiel qu’était respirer. Le légiste le regarda avec… Un intérêt morbide. Il n’avait pas pris en note le moment où avait débuté sa crise, mais un bref regard vers sa caméra encore activée le rassura et il continua à contempler l’expression de douleur et d’angoisse qui s’était installée sur le visage de Sulkan. Jusqu’à quand pouvait-il tenir sans oxygène ? S’il mettait sa tête dans une bassine, est-ce qu’il pourrait respirer ? Combien de temps pouvait-il garder son pouvoir actif s’il était dans un milieu aqueux ? Et quel type de milieu aqueux était susceptible de lui fournir de quoi respirer ? Est-ce qu’une eau salée aurait les mêmes effets que de l’eau douce ? Autant de questions qui se bousculaient dans sa tête alors qu’il le voyait se démener pour survivre.

La main qui s’accrocha à son pantalon le tira de ses questionnements. À ses yeux, c’était trop tôt pour lui donner le calmant qui lui permettrait de respirer. Il ne s’était pas encore bien familiariser avec ce pouvoir peu commun et incroyablement inutile. Il n’était pas offensif… À peine défensif… Mais ce n’était pas grave au regard d’Esteban. Avoir un tel être avec lui était déjà parfait. Un sourire satisfait se dessina lentement sur son visage. Non, ce n’était pas parce qu’il le suppliait de le guérir. Mais plutôt parce qu’il était rassuré de voir que ses produits étaient efficaces même sur des vivants. De sa main gauche, il attrapa la seringue et se mit à genou par terre. Il retourna le russe sur le dos et lui massa la poitrine. Rien qu’en y passant sa main, il pouvait voir à quel point son cœur battait fort, à quel point ses poumons essayaient vainement de se remplir. Trouver sa jugulaire n’était pas difficile tant elle battait fort, mais vu comment il était animé de tremblements, le scientifique opta pour une autre veine. Il se leva et se mit entre les cuisses de son cobaye. Sans peine, il souleva son bassin pour baisser le pantalon qu’il avait enfilé. Ses doigts frais palpèrent l’intérieur de sa cuisse pour trouver l’objet de sa quête. Il ne put, d’ailleurs, s’empêcher de se dire qu’il avait la peau douce… « Là… Voilà… J’ai trouvé. Arrête de gesticuler ainsi veux-tu… » Malgré son ton léger, Esteban ne fut pas écouté et il dut coincer les jambes de Sulkan autour de ses hanches. La position était fort peu appropriée pour une expérience scientifique, s’apparentant plus à celle du Missionnaire. De sa main droite, il essaya de maintenir au mieux la cuisse du russe et il planta l’aiguille dans la bonne veine et du premier coup. Il appuya lentement sur la seringue pour déverser le calmant dans le corps stressé de son hôte. L’effet fut presque immédiat. Il ôta la seringue de sa cuisse et le rhabilla avant de le soulever pour le remettre sur le fauteuil, l’emmitoufler dans un plaid et lui redonner de quoi boire et manger. Il jeta les seringues dans un pot en plastique et attrapa son vieux stéthoscope pour vérifier que les battements de son cœur s’étaient calmés. Il vérifia aussi sa température ; tout redevenait normal. Seul son visage pâle et épuisé trahissait sa transformation involontaire. « Bois et mange. Ça t’aidera à reprendre des forces. Quand tu auras récupéré, j’aimerais que tu me dises les sensations que tu as eu. Je ne suis pas pressé… Même si les avoir ‘’à chaud’’ est mieux… », là-dessus, il se mit à griffonner dans un carnet chocolat. Le cahier, neuf, était à l’image des yeux de son sujet. Il y nota la date et ses premières impressions, se réservant l’heure et une analyse plus poussée une fois qu’il aurait vu et revu la vidéo prise à l’insu de Sulkan et qu’il aurait eu ses retours.
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Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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15.08.17 15:28
Pas de frère donc. Seulement des cousins et à en croire son interlocuteur, ils ne se ressemblaient pas. Cette réponse, bien loin de rassurer complètement Sulkan, amena avec elle de nouvelles interrogations. Pourquoi avait-il retrouvé dans les traits du légiste, ceux de l’Eraser ? Son esprit était-il à ce point perturbé – et il y avait de quoi ! – par les récents événements qui avaient vu basculer sa petite vie tranquille en celle d’un fugitif dont le portrait circulait partout en ville ? Après tout, rien, absolument rien chez Esteban ne lui avait mis la puce à l’oreille avant de voir son sourire déformé par une joie malsaine digne d’un parfait scientifique sur le point de faire une importante découverte. Même si ce dernier l’avait oublié au point de le laisser presque mourir de faim dans son appartement l’espace de plusieurs jours d’affilé, le légiste n’avait jamais profité de sa séquestration providentielle à ses yeux. Au contraire, il l’avait soigné en ignorant sa condition d’Evolve, le cas échéant, le russe aurait pu comprendre ce qui avait animé son sauveur opportuniste. Or, ce n’était pas le cas et Esteban prenait presque autant, si ce n’était, plus de risques en l’hébergeant sous le nez de la milice. Feindre l’ignorance était une chose difficile compte tenu de l’invasion technologique qui vous assommait d’informations dès le lever du lit. Mentir en connaissance de cause à des miliciens en patrouille en était une autre. Alors quoi ? Pourquoi cette question soudaine à son hôte ? Etait-ce simplement la similitude dans l’état d’esprit de chacun des deux hommes à la perspective de s’occuper de lui, qui lui avait donné cette désagréable impression ?

A sa question, le garçon se contenta d’un haussement d’épaules. En son for intérieur, il voulait croire que ses doutes n’étaient là que de vulgaires et stupides suppositions. Les circonstances de l’expérience à venir, le rendant sujet au stress et le traumatisme de sa mésaventure avec Phear suffisaient à l’en convaincre partiellement. Pour le moment, il devait se focaliser sur ce qui allait suivre. Sans doute était-il encore trop absorbé dans ses réflexions qu’il laissa le champ libre au légiste s’improvisant scientifique et Sulkan le regretta amèrement dans les secondes qui suivirent l’injection du produit dans le circuit bleuâtre que formaient ses veines courant sous sa peau pâle, faute d’avoir souvent flirté avec le soleil. En une fraction de secondes, le simple fait de respirer perdit son sens et il se retrouvait par terre, à se tortiller pour faire rentrer l’air dans ses poumons, en vain. Il suffoquait, bien que le phénomène s’apparente à ce que le russe avait traversé lors de sa noyade, cela différait légèrement. Là où il se rappelait la sensation du liquide s’infiltrant dans sa bouche avant de couler le long de son œsophage jusqu’à atteindre ses poumons et remplir progressivement, ici, il ressentait sa gorge s’assécher sous les appels d’air. Dans son malheur, Sulkan ne nota pas l’expression du légiste. En revanche, son cerveau affolé par le manque d’air tandis que la situation virait critique, nota avec précision l’étendue des secondes pareilles à des fragments d’éternité. Il était en train de mourir d’asphyxie. Pourquoi diable Esteban ne lui injectait pas le contenu de la seconde seringue censée stopper net l’activation de son pouvoir ? Ne l’avait-il pas entendu ? Devait-il répéter ? Ses lèvres s’animèrent en un cri silencieux. Il ne pourrait pas réitérer sa demande, celle qui pourrait le sauver. A la douleur, s’ajouta le désespoir.

Contre toute attente, le pantalon s’arracha à sa maigre prise. Le russe sentit qu’on le retournait. A ce stade, sol et plafond avaient revêtis la même apparence. Ce qui se passa ensuite lui échappa pas en partie. Bien sûr, son corps percevait les multiples contacts avec le légiste mais loin de s’indigner devant leur position pour le moins ambiguë, le garçon restait focalisé sur son besoin d’air. Dingue comment le cerveau peut sélectionner les informations à traiter dans une telle situation, comme si la possibilité d’un viol était de gravité moindre face à la perspective de la mort. Etait-ce parce que le premier pouvait très bien avoir lieu après la seconde ? Il délirait complètement. Certains génies se révélaient dans les drogues et autres hallucinogènes. Ce n’était pas le cas du russe. A cet instant précis, il aurait tout donné pour renouer avec la sensation de respirer, devenue tellement familière pour les êtres vivants qu’on n’y prêtait plus du tout attention. Ce n’était qu’au moment d’en être privés, qu’on réalisait son importance et à quel point l’organisme ressemblait à une véritable machine faite de chairs et d’os, qui, privée de l’une de ses fonctions basiques, se détraquait quasi instantanément. Aussi brutalement qu’elle s’était manifestée à lui, la sensation de suffoquer disparut. Haletant, Sulkan se contenta d’inspirer et d’expirer rapidement pendant plusieurs longues minutes, comme pour s’assurer qu’il n’était pas définitivement mort d’asphyxie. Lorsqu’il en fut certain, ses efforts se concentrèrent instinctivement sur la récupération d’un rythme cardiaque normal. Ce qu’il parvint à faire. Malgré tout, la peur demeurait, lui nouant les entrailles, gardant sa bouche sèche et ses mains moites en un parfait paradoxe.

Boire et manger. Reprendre des forces. Décrire les sensations ressenties au cours de l’expérience.

Les mots s’enchaînaient les uns à la suite des autres, automatiques, sans sens véritable, comme un lointain écho à ses oreilles. Un regard torve fut adressé à Esteban. Alors c’était donc ça ? L’aider dans ses expériences consistait à faire le cobaye pendant qu’il se tortillerait sur le sol, suffoquant sous l’effet de son pouvoir ? Il n’était qu’un sujet d’études. Seule l’ignorance quant à ses limites en termes de suffocation programmée lui avait valu de se voir injecter l’antidote. Le russe le réalisait peu à peu.

« … Pourquoi tu m’as pas donné l’antidote tout de suite ? »

A cette question, il avait pourtant un début de réponse. Même sans s’exprimer verbalement, les yeux brillants d’excitation parlaient pour son interlocuteur.

Comme un enfant devant ses cadeaux disposés au pied du sapin le matin de Noël. Merci Oncle Sam et vive l’Amérique !

« J’pouvais plus respirer. Y’a rien d’autres à ajouter. »

Peut-être qu’Esteban avait fait de longues études pour devenir légiste. Une façon comme une autre d’acquérir autant de vocabulaire que de facultés à raisonner, mieux, à communiquer le résultat de ses déductions à l’aide de mots compliqués, que seuls ses collègues et autrefois camarades de promo seraient en mesure d’interpréter à leur juste valeur. Or Sulkan n’avait pas l’habitude des longs discours et la barrière de la langue l’encourageait à les éviter.

« J’refuse de t’servir de cobaye une nouvelle fois tu piges ? T’as pris des échantillons sanguins non ? Alors fais tes expériences dessus. J’veux pas revivre ça ! »

Emmitouflé dans son plaid comme il l’était, entouré de bouteilles de jus de fruits divers et variés ainsi que de boîtes de gâteaux aux couleurs toutes aussi nombreuses, le garçon renvoyait plus que jamais l’image d’un chiot grognon et rancunier avec son expression butée. A moins que ce ne soit son regard mécontent, laissant transparaître une pointe de déception ? Celui-ci correspondait davantage à celui d’un félin. Le propriétaire des lieux pouvait en attester lui-même. Comment allaient se poursuivre les hostilités ouvertes ? Esteban avait-il prévu de nouvelles expériences dans la journée ? Ou plutôt les jours à venir ? A son insu ? Le russe eut un violent frisson, lequel n’était pas dû à la température ambiante le rendant sujet à à une sensation de froid, compte tenu du plaid qui l’enveloppait. Non, il prenait conscience qu’il allait devoir cohabiter avec un homme prompt à lui injecter ce qu’il voulait.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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07.09.17 22:24
Esteban avait le cerveau qui tournait à plein régime. Il revit ses mains sur les cuisses pâles et fines de son petit cobaye étendu sur lui. Ses jambes nues étaient pâles, fines, douces. Elles étaient étrangement belles. Il se rappela sa peau, plus foncée, qui tranchait avec la délicatesse de celle de Sulkan. L’envie de les toucher un peu plus, de s’assurer de son grain, de confirmer le sentiment bizarre qui était en train de prendre place dans son corps lui avait violemment traversé l’esprit. Pourquoi ? Était-ce de le voir haleter avec les yeux humides… Si vulnérable… ? Il avait été loin d’être dégoûté par la vue. Son imagination lui donna l’envie de découvrir la coupe de ses hanches, la texture de son torse caché sous son propre pull. La tête ainsi baissée, ses lunettes glissèrent le long de son nez, et ce ne fut que lorsqu’elles furent à la limite de basculer dans le vide qu’il se ressaisit. Leur chute lente accompagnait la colère qui se réveillait chez l’evolve. Il griffonna de nouveau quelques phrases concernant ses envies. Peut-être était-ce un effet secondaire de son pouvoir qui ne fonctionnait que sur les humains. Peut-être que l’autre brute qui lui avait déclenché sa phobie des bains avait ressenti ça lui aussi. Il allait devoir demander à Phear de mener une petite enquête un de ces quatre, histoire d’en avoir le cœur sûr. Car ce n’était tout simplement pas normal qu’il ait des envies carnassières pour un vivant, qui plus est un homme avec tout son service trois pièces.

Maintenant qu’il avait quelques données, il pouvait enfin lui répondre. Il le regarda, petit être perdu dans ses couvertures multicolores. « Je ne te l’ai pas donné tout de suite parce que j’avais besoin de données de départ. Il me faut une base pour travailler. Aujourd’hui sera ma base– » Esteban n’eut pas le temps d’ajouter quoique ce soit que déjà, le russe protestait. Ne pas resservir de cobaye ? Sulkan ne pouvait être sérieux. « On avait un accord. Tu es mon cobaye et en échange je fais en sorte de te rendre humain. » Son ton se fit alors un peu plus dur. Il n’allait tout de même pas traverser la même conversation à chaque fois, avant et après un test comme celui-ci ! « Tu veux que je foute quoi avec des échantillons ? Ça ne me permet pas d’évaluer pleinement les capacités de ton pouvoir. Il peut y avoir des effets secondaires sur les autres evolves ou les humains. Je ne peux pas prendre le risque de partir sur un traitement alors que je n’ai pas prit en compte toutes les données, toutes les possibilités dont tu es capable. Sauf si tu veux guérir à moitié et que tu veux développer d’autres capacités. Libre à toi de me le dire maintenant et je me mettrais en quête d’une formule qui fera à moitié le boulot. » Il pouvait comprendre son angoisse. Non. En fait, il ne pouvait pas. Il s’en foutait de son angoisse. Hein qu’il s’en foutait ?! Il voulait juste un cobaye sur qui tester ses théories. Quelqu’un qui resterait bien sagement dans son appart’ et qui accéderait à toutes ses folies scientifiques. Mais ce n’était sensiblement pas du goût de Sulkan qui se démenait comme un bougre pour qu’il avance vite et bien. Ce n’était pas ainsi que le légiste considérait la science. Tout devait être calculé au millimètre près, il devait prendre en considération toutes les combinaisons possibles et imaginable pour que le cœur de celui qui le regardait avec dureté ne lui claque pas entre les bras. Un détail lui revint alors en mémoire… Avec tout ce stress que lui donnait le russe, Esteban avait oublié un cruel détail : consulter son dossier médical. Il posa son regard gris sur lui. Il ne savait pas s’il avait des allergies, des intolérances, voir pire, des substances qu’il ne supportait pas. Il n’était clairement pas homme à se droguer… Sauf peut-être à la pizza au fromage, supplément double-fromage. Sauf qu’en tant que légiste, il était censé consulter les dossiers des gens qui étaient morts, ceux qui étaient sur sa tablette, voir sur papier quand les plus vieux de ses compatriotes étaient encore peu confiants dans l’informatique ou que les dossiers étaient trop confidentiels. Esteban se pinça l’arrête du nez.  Il fallait qu’il ait des précisions sur Sulkan… « Tu peux m’épeler ton nom de famille s’il te plaît ? Ne me regarde pas comme si j’étais un demeuré. Je veux consulter ton dossier médical et j’ai besoin de ton nom de famille. » le regard suspicieux du brun lui fit lever les yeux au ciel. « Je n’ai pas envie de te donner quelque chose qui va te faire faire une allergie ou un arrêt cardiaque. Tu peux comprendre ça non ? Et j’ai envie de l’avoir légalement. Pas de piratage avec le vieux coucou que je t’ai ramené. »
Quelques semaines passèrent dans une cohabitation toute relative. Esteban essayait de contenir ses pulsions scientifiques pour ne pas continuer à semer le doute et la peur dans l’esprit du russe. Ce dernier semblait mieux accepter son sort depuis qu’il lui avait donné l’ordinateur bon marché qu’il avait acheté. Enfermé dans son bureau, caressant son chat qui avait soudain besoin d’un peu d’amour, le légiste travaillait sur une formule qui pourrait éliminer le gène evolve. Étalé à côté de lui, une copie du dossier de Sulkan trônait au-dessus de multitudes de brouillons. En prenant tout en compte, c’était le meilleur résultat qu’il puisse obtenir avec un taux de « 78,9 % de chances d’éradication du gène. » Il tapota la mine de son stylo pour le bureau tandis que son autre main caressait la nuque du chat. C’était le meilleur score auquel il était parvenu jusqu’à présent, test menés sur des evolves morts compris. Et il était temps d’essayer. Esteban fit sortir le chat et prévint Sulkan qu’il ne devait pas être dérangé ; qu’il l’ait entendu ou non, il n’y prêta pas attention. Il mélangea soigneusement les composants qu’il avait ramené du Centre depuis des semaines et, lorsqu’il eut terminé, le mit dans l’incubateur. Il se glissa alors dans le salon à la recherche du destinataire de ses recherches. Ce n’était pas dur, il avait juste à suivre le bruit des touches du clavier qui résonnait timidement dans la pièce. « J’ai peut-être trouvé le moyen de supprimer ton gène. Le sérum est en cours d’élaboration. D’ici trois petites heures, on fera l’injection et on verra comment se développe tes gènes. Ça va impliquer une nouvelle piqûre qui va déclencher ton pouvoir. Je serais plus rapide pour te donner l’antidote. Promis. » Pourquoi lui avait-il fait une telle promesse ? Il n’était pas là pour le laisser tranquillement vivre. Il était là pour l’étudier. Est-ce que toutes ces journées avec lui l’avaient ramolli ? Le scientifique claqua sa langue sur son palais, agacé. Il devait reprendre du poil de la bête. Sur ce, il s’en retourna dans son bureau noter dans son carnet les avancées de ses recherches, attendant patiemment que son incubateur sonne.

Trois heures plus tard, la sonnerie stridente résonna dans la pièce et un sourire satisfait trouva place sur son visage. Le premier et réel test allait commencer. Esteban sortit trois seringues vides et les remplies respectivement de leur contenu : une transparente pour l’antidote, une bleue pour déclencher le gène et une jaune pâle pour éradiquer ledit gène. Il rouvrit la porte. « Sulkan ? Prends à manger et à boire. C’est prêt. » dit-il en retournant dans le salon et en s’adossant au canapé en essayant de contenir son excitation. Il avait hâte de voir s’il était bon, si ses études avaient payées ou si, au contraire, il s’était fourvoyé. Une énième fois de retour dans son bureau, le légiste ne vit pas l’ombre noire -et poilue- longer le mur et sortir en trombe de la pièce, ni même que la seringue jaune pâle était légèrement moins parallèle à ses consœurs. Il installa un garrot autour du bras du russe, désinfecta son bras et posa l’aiguille de la première seringue sur sa peau. Il croisa son regard, attendant son signal et, une fois qu’il l’eut, vida la première seringue dans son corps et ôta le garrot. « Pose bien ton dos et ta tête contre le dossier, ça risque de tourner. Tu as des sensations en particulières ? Chaud ? Froid ? Des picotements dans le corps ? La tête qui tourne ? Décris-moi tout, même si ça te paraît trivial. » La caméra tournant, il ne prit pas la peine d’écrire ce que lui décrivait Sulkan. « Bien. On va déclencher ton gène. » Il répéta la même opération et attendit, excité comme une puce, de voir si ses calculs et son sérum faisaient effet.
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
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08.09.17 18:21
Pareille à un début d’hystérie, la colère furieuse de Sulkan se heurta de plein fouet à l’impassibilité de son interlocuteur et potentiel bourreau à défaut d’être le sauveur espéré en vain. Accord. Cobaye. Humain. Trois mots qui, mis bout à bout, ne revêtirent pourtant aucun sens particulier. Cependant, à l’aide de ces mêmes mots, Esteban venait autant de débrancher la boule de colère qu’était devenu le russe, que de s’attirer l’attention toute entière de ce dernier pour sa personne. Le hacker savait bien que l’autre avait raison, que sans ses expériences parfois difficiles à supporter davantage pour l’un que pour l’autre, ils n’arriveraient à rien, sinon perdre un temps précieux avant que la Milice ne les découvre. Le seul moyen d’étudier un pouvoir pour mieux apprendre à le dominer, si ce n’est, l’annihiler complètement, était de le déclencher pour en mesurer les effets. Oui mais voilà, ça ne plaisait pas au principal concerné ! De son point de vue, le légiste s’improvisant scientifique en herbes avait l’impression d’œuvrer pour une cause juste, ou tout simplement pour satisfaire une curiosité malsaine trimballée depuis l’enfance. Néanmoins, il n’était pas celui qui subissait cette sensation d’étouffer, d’être sur le point de mourir tandis que l’on vous observait tranquillement ! L’absence d’empathie de la part d’Esteban sur ce point lui apparut plus clairement que jamais, le blessant un peu plus dans sa fierté mal placé de russe immigré. Voyant les traits du visage de son interlocuteur se durcir un peu plus à chaque seconde qui passait, Sulkan ouvrit et referma la bouche, conscient que s’il ne trouvait pas les mots pour se justifier, l’autre remporterait cette nouvelle manche, une de plus dans leur éternelle joute verbale quotidienne. Sauf que les mots ne lui vinrent pas, trop indécis et furieux comme il était, à la différence du légiste, lequel ne se priva pas pour lui infliger un énième discours moralisateur. Raison. Voilà qu'il avait raison sur toute la ligne ! Le hacker serra les dents de dépit et se drapa dans le peu de dignité qui lui restait à cet instant – ou bien le plaid gracieusement offert par son hôte – tandis qu’il s’asseyait de nouveau dans le fauteuil derrière lui. D’un geste rageur, il se saisit d’une boîte de gâteaux, arracha la languette de papier en manquant de peu de répandre sur le sol l’ensemble des cookies parsemés de morceaux de caramel et d’éclats de noisettes, lesquels constituaient le contenu de l’emballage. La seconde suivante, il portait l’un d’entre eux à ses lèvres, mordant dedans à pleines dents comme si cela pouvait le soulager d’une partie de sa colère, tout en adressant un regard assassin en direction d’Esteban, lequel le lui rendit bien volontiers. A la première morsure s’en succédèrent de nombreuses autres et le russe ne fut pas long avant d’avaler son cookie, jetant son dévolu sur un deuxième, mastiquant méthodiquement sa gourmandise pour refouler le flux de pensées meurtrières qui lui traversaient l’esprit.

« … Conneries… J’vais finir boulimique avec ces conneries… » parvint-il néanmoins à marmonner, la bouche à moitié pleine de cookie.

La voix du légiste le tira de ses réflexions et Sulkan lui jeta, de prime, un regard blasé. Avant de voir sa méfiance revenir à la charge. Plus de questions en lien avec l’expérience mais la volonté de connaître son nom de famille ? Dans quel but ? Enquêter sur lui ? Le russe eut bientôt la réponse à cette question, sans que cela ne fasse disparaître le regard suspicieux qu’il adressait à son interlocuteur. Les explications exaspérées qui suivirent le firent se détendre un peu, juste un peu. Cohérent oui mais jusqu’à quel point ? N’allait-il pas attirer l’attention sur eux en demandant à accéder au dossier d’un dangereux criminel en fuite et Evolve de surcroît ? La référence à l’ordinateur bon marché récupéré à titre d’offrande pour l’amadouer – et Dieu seul sait que cela allait fonctionner – lui tira un sourire compatissant.

« C’pas avec un truc pareil que j’arriverai à pirater quoiqu’ce soit pas la peine de t’inquiéter pour ça. »

Pause.

« Mais ça va pas paraître louche qu’tu demandes ce dossier là en particulier ? Parce que bon… j’suis toujours en fuite et recherché… »

Après qu’Esteban l’eut convaincu du bienfondé de cette requête, tout comme ils ne risquaient pas tant de choses en théorie, du moins, pas plus que ce n’était actuellement le cas – enfin, surtout le fugitif puisque lui pourrait toujours feindre l’ignorance ou au contraire, la peur de ce que pouvait lui faire subir le bonhomme jugé dangereux –, le hacker consentit à lui épeler son nom de famille, grimaçant sans masquer son exaspération en voyant que son interlocuteur peinait à aligner quelques malheureuses lettres. Curieusement, ils en restèrent là pour aujourd’hui. Cette première confrontation s’était révélée fort riche en diverses émotions qu’il leur fallait maintenant laisser reposer un peu. Oh bien sûr, le légiste eut quelques remarques à l’intention de son cobaye, comme quoi il devait veiller à ne pas mettre des miettes partout, ce genre de choses, auxquelles l’intéressé répondait parfois par un doigt d’honneur, ayant la bouche pleine sur le moment. La routine en quelques sortes. Comme pour faire un premier pas vers la réconciliation que tous deux savaient provisoire, Esteban se résolut à lui offrir l’ordinateur d’occasion qu’il s’était procuré. A la surprise de se voir remettre un tel cadeau, le hacker ne put en revanche masquer sa joie. Vieux coucou ou pas, il allait se faire un plaisir de le remettre à neuf ou essayer d’en tirer ce qu’il pouvait dans la mesure du possible. Pendant que son hôte travaillait à l’élaboration d’un antidote, Sulkan démontait entièrement la vieille machine à l’aide d’un tournevis usagé, l’inspectant dans les moindres recoins, dépoussiérant et remplaçant ce qui devait l’être, aux frais du propriétaire des lieux cela va sans dire. Si les débuts furent laborieux compte tenu de l’état misérable de l’ordinateur laissé depuis trop longtemps à l’abandon dans un coin, grâce aux bons soins du russe, la machine retrouva peu à peu une allure décente, parvenant même à s’allumer complètement et à effectuer les mises à jour les plus récentes. Une fois cela fait, Sulkan s’essaya timidement à effectuer quelques manipulations simples, comme ouvrir un fichier, rédiger un document et même accéder à Internet, non sans veiller à dissimuler sa progression aux yeux des logiciels espions. Ne dit-on pas que, chassez le naturel et il revient au galop ? Devant un ordinateur, le garçon avait la sensation de reprendre un peu sa vie en main, chose impensable des mois auparavant. Et sans qu’il ne veuille le reconnaître de vive voix et encore moins en présence de son hôte, ce constat lui ôtait un poids de la poitrine, lui fournissant très certainement le réconfort dont il avait besoin pour affronter les prochaines étapes de sa lente guérison. Absorbé comme il l’était par le petit écran lumineux sur lequel défilait des données informatiques, vulgaires combinaisons de chiffres et de lettres, Sulkan faillit ne pas entendre la voix, pourtant devenue familière, du légiste. Toutefois, ce que ce dernier avait à lui dire était suffisamment marquant pour que le russe lève les yeux de l’écran, le regard plein d’espoir.

« Vraiment ?! Et que- »

Son enthousiasme diminua à mesure que la tirade se prolongeait, révélant nombre d’informations qui n’étaient pas spécialement pour lui plaire, comme la durée nécessaire à l’élaboration du sérum ou même que l’expérience impliquerait une nouvelle injection de ce maudit déclencheur à pouvoirs. Néanmoins, le ton et l’attitude conciliante que prit Esteban sur la fin l’empêchèrent de statuer de manière complètement négative. Un il-ne-savait-quoi chez le légiste le désarmait quelques fois, comme s’il lui arrivait de changer de personnalité, l’espace de quelques minutes. En soi, son hôte était probablement capable d’y parvenir, leur cohabitation l’avait déjà démontré auparavant. Mais si le hacker tenait à se prémunir de la personnalité malsaine et purement scientifique d’Esteban, il ne savait en revanche comment réagir face aux marques d’affection de ce dernier, si tenté que l’on puisse les qualifier ainsi. N’essayait-il tout simplement pas de mettre un peu d’eau dans son vin en sa présence ? Sulkan ne pourrait que l’encourager à procéder ainsi, sans savoir quoi réellement en penser. Comme annoncé, une sonnerie stridente marqua la fin de l’attente interminable pour les deux concernés. Avant même que son hôte ouvre la porte pour venir le quérir, le hacker avait bondi sur ses pieds, incapable de tenir en place. Sans le rappel du légiste, il se serait certainement dirigé droit vers le bureau de son bourreau reconverti, oubliant dans la foulée de prendre de quoi se sustenter au cours de l’expérience à venir. Chose qu’il fit non sans afficher un air d’enfant pris sur le vif. L’excitation était palpable dans l’air. Sauf qu’à la différence de la première fois, elle se retrouvait chez les deux occupants de la pièce, avec un surplus de nervosité pour celui assis dans le fauteuil. Sulkan inspira longuement avant de subir l’injection. Lui qui s’attendait à haleter de nouveau, rien ne se passa dans un premier temps. La voix d’Esteban lui parvint en même temps qu’une sensation de froid l’enveloppant tout entier, le faisant grelotter tandis qu’il s’efforçait de décrire au mieux ce qu’il ressentait :

« J’ai froid partout… J’suis gelé… Et ça gratte… »

Gratter ? Le mot était faible. Son corps était pris de démangeaisons si bien que le russe ne put s’empêcher de faire courir ses ongles sur son épiderme ainsi agressé. Par chance, il ne vit apparaître ni plaques ou boutons rouges mais ce n’était en rien suffisant pour le rassurer complètement.

« C’est normal tout ça ? »

Comme pour couper court à cette montée d’adrénaline négative et qu’elle ne se mue en terreur pure et simple, le légiste décida de passer à l’action. Avec fermeté, il enclencha la seconde partie de l’expérience, non sans réitérer à son cobaye, l’obligation de ne pas bouger au risque de se faire piquer pour un rien s’il manquait la veine. Sulkan prit sur lui pour s’immobiliser, espérant que cette nouvelle injection verrait s’estomper les effets de la première sans pour autant déclencher son pouvoir comme cela était le but. Son cœur lui paraissait être sur le point d’imploser tellement il battait fort dans sa poitrine. Comment diable Esteban pouvait-il se targuer de viser juste du premier coup alors qu’il sentait sa cage thoracique vibrer de l’intérieur ?! Il ne pouvait que le manquer ! Ah bah non en fait, il le piqua au bon endroit sans la moindre difficulté, à en juger par la vive douleur qui lui irradiait le bras pour la seconde fois de la journée. Et maintenant ? Si le légiste avait réussi son coup, son pouvoir ne devrait pas se déclencher, correct ? Les secondes s’étirèrent, comme si le temps lui-même suspendait sa course. Une goutte de sueur s’échappa de l’océan de rides nerveuses qu’était devenu son front pour glisser lentement le long de son nez, démangeant par sa progression humide sans que le garçon ne trouve la motivation pour l’essuyer. Toutes ses pensées étaient rivées sur autre chose. Combien de temps s’était-il écoulé ? C’était bon là non ? Le sérum avait fonctionné ? Il ne ressentait rien, pas la moindre gêne respiratoire…

« Esteban ! Ça a marché, je- »

Une toux violente l’interrompit, mettant un terme à son bref soulagement. Le haut de son corps fut secoué de renvois d’air, comme si son organisme cherchait à expulser quelque chose. Dans le même temps, il ne parvenait plus à inspirer normalement. Lorsqu’il tentait de se reprendre, une violente toux le secouait, l’empêchant de respirer. Il étouffait. L’air ne lui parvenait plus mais pour une obscure raison. A moins que les deux réactions en chaîne ne soient liées ? Quand les renvois s’estompaient brièvement, ce n’était que pour mieux laisser entendre les râles respiratoires d’un homme en train de s’asphyxier, purement et simplement.

« Este-ban… j’ét-touffe… ! »

Sitôt l’antidote injecté pour stopper la crise, Sulkan put reprendre sa respiration. La disparition des démangeaisons et la baisse de température corporelle qu’il avait ressenties plus tôt se révéla être une bien maigre consolation devant l’échec cuisant qu’ils venaient de subir. A la déception, s’ajouta le désespoir. L’espace d’un instant, il avait pourtant cru… Refoulant les larmes de frustration qui perlaient aux coins de ses yeux, le hacker finit par laisser exploser sa frustration au visage de son unique défouloir en vue : Esteban.

« Pourquoi ? Pourquoi ça n’a pas fonctionné ?! Tu m’avais dit que cette fois serait la bonne ! Quoi ? Pourquoi tu me dévisages comme ça connard ?! Enfoiré de scientifique de médeu ! »

Un détail lui avait en effet échappé, contrairement au légiste qui était aux premières loges de ce spectacle tant inattendu qu’improbable : deux oreilles de chat remuaient à présent au sommet du crâne de son cobaye. D’une belle fourrure noire, elles s’harmonisaient à la perfection avec la tignasse de la même couleur du russe agité, lui offrant un petit côté affreusement mignon qui faisait perdre toute crédibilité à son caractère digne d’un petit chien hargneux.
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Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
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10.09.17 16:07
« Louche ». Ce mot lui revint en mémoire alors qu’il regardait Sulkan. Bizarrement, ces trois lettres lui étaient revenues plusieurs fois ces dernières semaines. Ça avait commencé avec le petit brun. Mot lâché sans vraiment d’attention, involontairement, qui pourtant aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Mais Esteban n’était pas homme à faire attention à ce genre de choses, les coïncidences, il y croyait pas. Seule sa Mère la Science avait de grâce à ses yeux. « Louche » avait été le regard de son collègue aux archives lorsque le légiste lui demanda l’impression du dossier médical du dénommé « Sulkan Zaslavski ». Un silence pesant avait suivit sa demande, alors que l’autre le regardait comme un poisson mort. Quoi ? Il n’avait pas le droit de sortir de son labo et de demander quelque chose à quelqu’un ? Demander à un archiviste, c’était quand même plus simple que de laisser une trace sur le moniteur de son antre six pieds sous terre. « Alors ? Je peux l’avoir ? » avait-il finit par dire en brisant le silence étrange qui s’était installé au bureau de Dean Moore. Cependant, sa réputation ne semblait pas ébranler l’archiviste qui se ressaisissait.
« P-pourquoi vous en avez besoin ? Vous avez tous les dossiers sur votre tablette ou votre bureau.
- Parce que je voudrais vérifier quelque chose. » dit-il simplement en se retenant de lever les yeux au ciel et d’être trop désagréable.
- Vous pouviez aussi le faire depuis v-votre bureau… Non? Cette remarque valut au légiste un haussement de sourcil. Un sourire mauvais étira ses lèvres alors qu’il déballait une de ses sucettes à la cerise.
- Vous ne voulez pas de moi ici à ce point ? Plus vite vous m’aurez donné ce que je cherche et plus vite je vous laisserai entre gens de bonne augure. Il posa son bonbon sur sa langue à peine sortie, sans le quitter du regard.  Sulkan Z.a.s.l.a.v.s.k.i. Je ne partirais pas tant que je ne l’aurais pas. » Son sourire toujours accroché aux lèvres, l’archiviste fut parcourut d’un frisson qui ne lui échappa pas et se hâta de se lever et d’aller chercher dans les cartons. Il revint bredouille pour pianoter rapidement sur son ordinateur ; la recherche fut plus fructueuse. « Hem… C’est louche. Je ne peux pas vous le donner.
- Pourquoi ?
- C’est un evolve activement recherché par la Milice. Et lorsqu’un… Quelqu’un de vivant est recherché par la Milice ben… On peut pas donner son dossier aussi facilement… Y a des autorisations à avoir... » De la paperasse. Longue. Et qui pourrait éveiller les soupçons. Ce n’était pas une bonne idée. Esteban maudit le russe dans sa tête pour avoir fait chié son cousin, avant de remercier Phear pour lui avoir maladroitement envoyé un cobaye d’une si belle qualité.
« Oh. Donc vous voulez empêcher que la Milice ne règle potentiellement une affaire ? C’est très sage de votre part. Je suis sûr qu’ils seront très contents de votre participation à l’avancement de leur traque. Bien. Bonne journée à vous ? Si j’étais vous j’emballerais les quelques bibelots qui sont sur votre bureau et j’irais m’inscrire à une agence pour du travail.
- Vous me menacez?
- Non. Je vous conseille. Je suis persuadé que le responsable de cette enquête sera ravi de savoir que j’ai peut-être un corps qui serait celui de cet evolve mais que je ne le saurais jamais avec certitude, car je n’ai pas pu vérifier tous les points nécessaires d’une dissection en bonne et due forme. » Esteban fit mine de partir, mais fut rattrapé sur le pas de la porte par la voix paniquée de l’archiviste qui accéda à sa demande. Il avait pu redescendre dans son labo, un dossier papier à la main, savourant le goût sucré de la cerise qui glissait le long de sa gorge.

« Louche », c’était aussi la réaction qui était en train de se produire devant lui. Bien sûr, il s’était attendu à ce que son sérum fonctionne, mais peut être pas aussi bien et pas avec ce genre d’effets secondaires… La première injection se passa bien, dans le sens tout relatif du terme. C’était la première fois qu’il le testait sur une personne vivante et qu’il allait, de ce fait, avoir des retours de vive voix. De vrais retours et pas seulement des spéculations. Esteban se rappela de quelques effets sur ses « patients ». Le corps de deux d’entre eux s’étaient tiédit, comme s’ils étaient en train de revenir à la vie. Il avait alors conclu que le sérum était en train de littéralement combattre les gènes evolve, ce qui avait augmenté la température. Ce phénomène était curieux, car étant mort depuis autant de temps, les cellules n’auraient pas pu réagir ainsi. Mais c’était de l’ordre d’une expérience future… Même si Sulkan pourraient avoir ces effets-là qui, soit dit en passant, étaient rassurants. Il avait observé sur trois autres de ses « patients » que leur rigidité cadavérique s’était accélérée et lorsqu’il avait voulut les toucher, un froid immense était parti de l’extrémité de ses doigts pour remonter le long de son bras à une vitesse fulgurante. Un phénomène « louche », car ils ne pouvaient être plus froids que lorsqu’il les avait sortis des frigos une heure avant leur piqûre de test. Les autres avaient eu des réactions plus ou moins similaires, mais surtout moins intenses. En toute honnêteté, le légiste avait opté pour une hausse de température chez Sulkan. C’était le plus logique : qu’une guerre entre ses cellules éclate et que son sérum, le plus fort, gagne et détruise les gènes evolves.
Mais ce ne fut pas le cas, et cela était clairement « louche ». Est-ce que ça n’allait pas marcher ? Son premier échec ? Et puis comment pouvait-il avoir une sensation de démangeaison ? Un effet secondaire aussi ? Ce devait sûrement être ça… Ses cadavres n’auraient pas pu lui parler de ce détail… La prochaine fois, Esteban se dit qu’il irait chercher quelques-uns des evolves qui se portaient volontaires pour des programmes scientifiques pour soulager Sulkan. Oh. Wait. Il n’avait pas besoin de faire ça ! Mec ! T’as un cobaye en bonne santé qui vit chez toi et tu veux aller en chercher d’autres ?! Alors que tu sais même pas s’ils sont en bonne santé ?! Bordel, mais réfléchit un peu ! Le légiste se ressaisit. « Pour la sensation de froid… Je dirais que c’est un des effets secondaires. Quelques-uns des corps ont eu cet effet. Mais pour les démangeaisons, j’en sais rien. Comme ils sont morts, ils ont pas vraiment pu me le dire. Et puis ça ne se voyait pas sur leur corps… » Sans trop demander son reste, il piqua dans sa chair tendre l’aiguille qui allait activer ses pouvoirs. C’était là, la réponse fatidique. Lorsqu’il reposa la seringue, il regarda tour à tour les chiffres numériques projetés en rouge sur son mur. Les secondes défilaient et annonçaient un véritable succès. Esteban se sentait prit de la même euphorie qui commençait à animer l’ancien evolve. Mais à peine ce dernier eu-t-il le temps de s’exclamer, qu’il se mit à tousser violemment… Ou bien était-ce parce qu’il cherchait à inspirer un peu d’air. Son premier réflexe fut de se jeter sur l’antidote, comme promis. Il planta l’aiguille presque au même endroit que la première fois, sans pour autant prendre le soin de lui enlever son pantalon. Urgence de la situation oblige. Ce n’était pas normal. Il était sûr de ses calculs… Il avait testé cette solution onze fois sur le corps d’evolve différents et un peu plus de la moitié n’avaient plus le gène evolve. Il accusa la colère justifiée du russe, sans rien dire. Sa voix stridente et remplie de colère venait s’immiscer sans peine dans le creux de son oreille alors qu’il avait les yeux rivés sur ses feuilles de brouillons, cherchant l’endroit où il aurait pu se tromper. Non… Ce n’était pas là… Il était sûr d’avoir prit en compte tous les schémas possibles… « Ne me dit pas que... » marmonnant dans sa barbe de trois jours, Esteban arracha le dossier médical de la pile de feuilles volantes et se mit à l’éplucher rapidement. Ses yeux parcouraient attentivement chacune des lignes qui le composait… Non… Il avait bien lu… Sulkan n’avait pas d’allergie aux composants qui constituait son sérum. Alors comment ?! Qu’est-ce qui marchait chez les autres, mais qui ne marchait pas chez lui ?! Est-ce que les doses n’étaient pas assez fortes ? Est-ce que l’un des composants supprimait les effets d’un autre ? Il se retourna lentement vers celui qui criait sa haine et son désespoir à juste cause. Cependant, le spectacle qui s’offrit à lui le fit arrêter de penser.

Esteban regardait l’evolve avec des yeux surpris. Il ne l’entendait plus râler à juste titre. Non. Son regard gris était fixé sur deux nouvelles choses qui étaient dressées au sommet de la tête de Sulkan. Est-ce que… Ça faisait partit de son pouvoir ? Il aurait tout de même pu le lui dire… Ou il aurait peut-être pu le voir dans les analyses. Après tout, c’était lui le scientifique… Mais tout de même, le russe aurait pu éviter de lui cacher un truc pareil ! Oh ! Elles ont bougé ! Qu’elles sont belles… Et elles doivent être merveilleusement douces aussi… Toucher. En cet instant, Esteban essayait de luter contre cette terrible pulsion de se lever et de capturer entre ses pouces et ses index, ces deux magnifiques oreilles de chats qui siégeaient sur sa tête et qui bougeaient avec harmonie. L’envie céda soudain à la raison et le légiste se leva de son fauteuil, toujours focalisé sur lesdites oreilles qu’il captura entre ses doigts. Hm ! Comme il s’en était douté ! Elles étaient douces ! Les petits poils se répondaient les uns aux autres… C’était du nectar tactile ! « Tu aurais pu me dire que tu avais cette aptitude… Je l’aurais pris en compte dans mes calculs et ça aurait peut-être évité que l’expérience ne réussisse pas… » dit-il de mauvaise foi en continuant de caresser ses oreilles noires, les joues légèrement rosies par le plaisir que ça lui procurait. La tête du russe était toute aussi charmante que la satisfaction de toucher ses oreilles. Car Esteban le savait, cette partie des félins était plus sensible que celles des humains, il n’y avait qu’à voir sa tête.
Ce fut à ce moment que la lumière de son bureau vacilla. Encore. Sans le lâcher, et ignorant ses protestations physiques ou verbales, le maître des lieux leva la tête pour regarder son plafond. Si ce n’était pas dû aux gènes evolve… Alors c’était quoi ? Tout de même pas une simple micro-coupure qui avait rendu chèvre son appareil et modifié un élément du sérum tout de même ?! Un miaulement agacé attira son attention alors que son chat grattait la porte pour entrer. « Tu me trompes avec un autre chat ? Je le sais. Je le sens. Ouvre cette porte que je lui règle son compte ! Je suis le seul félin de cet appartement ! Je vais lui apprendre, moi, ce qu’il en coûte d’entrer sur mon territoire ! Quand bien même il a la même odeur que moi ! » Oui, Kuro était clairement agacé et voulait entrer. Repoussé par Sulkan, il ôta ses doigts en les faisant glisser de ces oreilles, pour aller ouvrir la porte à son chat. Telle une balle de base-ball frappée par un batteur en pleine colère, le chat noir bondit du couloir sur l’evolve pour lui sauter au visage en miaulant un « MÉCRÉANT ! » incompréhensible pour l’humain qu’était Esteban.
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wanted
Sulkan Zaslavski
Sulkan Zaslavski
wanted



26.09.17 18:03
A force de vivre sous le même toit, le jeune russe avait dû apprendre à interpréter les expressions de son hôte. Car avec Esteban, les informations filtraient si peu par voie verbale, que savoir déchiffrer un haussement de sourcils ou une lueur tapie au fond des yeux, était devenue une nécessité du point de vue du hacker, histoire d’éviter une nouvelle confrontation entre eux, voire pire, une injection de sédatif contre son gré. Alors oui, Sulkan était légèrement désappointé de voir nulle trace de l’agacement habituel qui apparaissait sur le visage de son interlocuteur à l’approche de chacune de leurs disputes hebdomadaires, pour ne pas dire journalières. Contrairement à ce qu’il s’était attendu à découvrir, ce fut une émotion toute autre qui prit peu à peu forme dans les traits du visage et le regard d’Esteban. Passée la surprise qu’il crut reconnaître dans un premier temps, son hôte semblait manifester de l’intérêt pour lui. Non, pour quelque chose se trouvant sur sa tête à en juger par la direction que maintenaient les deux iris gris sur sa personne. Pour le coup, cet intérêt soudain le prit au dépourvu, insufflant légitiment une certaine méfiance vis-à-vis du légiste. Avec l’animal, mieux valait être préparé à tout, y compris à se voir de nouveau injecter un autre de ces produits aussi tordus que l’était le personnage lui-même, par simple souci d’expérimenter de nouvelles choses. Et le russe, bien que temporairement désactivé au niveau des émotions négatives à l’encontre de son interlocuteur, n’avait pas la moindre envie de réitérer la moindre expérience pour le moment.

« Euh, mec ? Ça va ? Esteban ? »

La crainte n’imprégnait pas encore le timbre de sa voix, uniquement l’interrogation liée à la conduite pour le moindre étrange de son hôte. Sans même le savoir, Sulkan remua les oreilles, mu par le désir de comprendre ce qui se tramait, ce qui ne fit qu’empirer l’état second dans lequel il avait plongé le légiste bien malgré lui. Du côté du russe, la méfiance monta d’un cran supplémentaire, en même temps que la nervosité le gagnait tout entier. Quelque chose clochait. Ce n’était pas normal comme attitude à la suite d’une expérience visiblement ratée sur toute la ligne. En voyant Esteban bondir sur ses pieds pour s’approcher de lui, trop près de lui et trop rapidement à son goût, le hacker en fit de même, conscient que son hésitation pourrait lui coûter cher.

« Attends ! Hé ! Ce n’est… Me touche pas ! »

Préparé à se défendre si nécessaire, Sulkan serra les poings, la tension ayant atteint des sommets. Pourtant, aucune agressivité n’émanait du légiste et avant qu’il n’ait le temps de lui demander plus d’explications ou même de rétablir la distance de sécurité entre eux, il tressaillit. Violemment. Esteban l’avait touché, il pouvait le ressentir dans son organisme. Un contact physique avait été établi mais son origine perturbait le russe. Ce n’étaient pas ses cheveux qui avaient subi les assauts tactiles du légiste mais quelque chose de plus mobile et sensible que ses seules mèches d’un noir de jais. A peine les doigts remuèrent-ils que Sulkan lâcha un couinement. Ses joues rougirent aussitôt, tant sous l’effet de la honte d’avoir sorti un son pareil – c’était possible ça ? – que…le plaisir ?! Mais qu’est-ce qu’il lui caressait exactement ?! Et la remarque d’Esteban n’arrangea rien à l’embrouille qui était en train de naître dans son esprit.

« Cette… ? Mais de quoi tu parles à la fin ?! Lâche-moi ! Qu’est-ce que tu m’as fait ?! »

A ce stade, le hacker ignorait toujours de quoi il en retournait exactement. Pire, il demeurait persuadé que le légiste était la cause de tous ces petits désagréments ! Ce dernier décida pourtant de l’ignorer pour focaliser son attention sur autre chose, laissant Sulkan aux prises avec les nouvelles sensations qui l’assaillaient de toute part. Bien qu’il mourrait d’envie de repousser son hôte, un il-ne-savait-quoi l’en empêchait, comme si son corps réclamait davantage de ces caresses dont il ne comprenait toujours pas l’origine. En se concentrant, il parvenait à sentir quelque chose bouger au sommet de son crâne, une sensation qui était transmise au reste de son organisme, ajoutant un peu plus à son angoisse confirmée. Profitant que le légiste diminue ses caresses, interpellé par l’intervention du second félin de l’appartement, le russe le repoussa finalement, tremblant de partout. Avoir le corps agité de frissons causés par autre chose que le froid ou la peur était perturbant pour lui. Surtout qu’Esteban en était la cause ! Prudemment, il leva les mains jusqu’à sa tête, hésitant une fraction de secondes avant de tâter le terrain. Son cœur manqua un battement lorsqu’il effleura les oreilles poilues du bout des doigts, éloignant vivement les mains par réflexe. Mais quand le constat s’imposa à lui, le hacker empoigna les deux oreilles à pleine main, tirant dessus tout en sachant pertinemment que cela ne servirait à rien, encore moins à les faire disparaître aussi brusquement qu’elles étaient apparues au somment de son crâne, si ce n’est, à lui faire mal.

C’est quoi ce bordel ? Qu’est-ce qu’il m’a fait ce taré de la seringue ?

Oscillant dangereusement entre fureur et panique, Sulkan se tourna vers le légiste.

« Espèce d’enfoiré !! Tu vas me le- »

Avant qu’il n’ait le temps de finir sa phrase, une boule noire aussi enragée qu’il l’était à cet instant, lui sauta au visage, lui arrachant une exclamation étranglée sous la surprise et la vivacité de l’assaut. Ce fut le moment que choisirent les plombs pour sauter, faisant retentir un concert de jurons et de feulements furieux. Ayant par miracle empêché l’animal de lui lacérer le visage, au risque de le rendre aveugle par la même occasion, le russe attrapa ce qui passait – patte ou queue, quelle importance ? – et envoya la furie noire traverser la pièce, non sans copieusement l’abreuver d’insultes. Qu’il tente une nouvelle fois de lui sauter au visage et il lui ferait la peau à cette bestiole ! Malheureusement, il n’était pas tiré d’affaires pour autant : le black-out persistait et s’il pensait deviner la présence d’Esteban non loin de lui, probablement en raison des exclamations de ce dernier, le hacker n’osait plus bouger. Contrairement au propriétaire des lieux, lui n’était pas familier de l’emplacement de chacun des meubles constituant le mobilier de l’appartement du légiste. Le plus sage était certainement de demeurer sur place, attendant soit que la lumière revienne, soit un choc avec l’autre corps physique que représentait son hôte à cet instant. Cependant, le russe était tout sauf sage. Il mit prudemment un pas devant l’autre, gagna ce qui lui parut être vraisemblablement un mur à en juger par la surface rigide et lisse. Sulkan entreprit de le suivre, lentement pour minimiser le moindre des chocs subis pendant son exploration de l’appartement plongé dans les ténèbres. Au bout de ce qui lui parut être une éternité, ses doigts rencontrèrent un rebord qui annonça finalement l’encadrement de la porte. Plus enclin que jamais à s’éloigner d’Esteban et d’éventuels mouvements brusques de la part de ce dernier, le russe passa la porte. Le salon lui vint vaguement à l’esprit, au travers de souvenirs brumeux puisqu’il y avait passé plus de temps que dans aucune autre pièce de l’appartement jusqu’à présent. Comme il s’y attendait, ses tibias heurtèrent la surface molle du canapé et il devina l’étroit couloir entre celui-ci et la table basse installée devant. En poursuivant tout droit et bien, il ne tarderait pas à trouver la porte de l’appartement. Celle-là même qui donnait sur l’extérieur. Une faible lueur perçait en effet de dessous celle-ci et il en avait plus qu’assez de l’atmosphère étouffante d’un tel lieu plongé dans le noir. La claustrophobie le guettait. Il lui fallait de l’air et vite. Ses mains tâtonnèrent à la recherche de la poignée puis il sentit ses doigts se refermer dessus et ouvrit aussitôt la porte. L’air frais claqua sur son visage et Sulkan se sentit revivre. Cependant, il ne s’attendait pas à être accueilli dans un parfait silence.

Tout juste remis de ses émotions, le hacker laissa courir son regard sur la ville qui l’entourait. Aucune lumière. Tous les bâtiments alentours paraissaient dépourvus de vie. Les enseignes publicitaires crachant leurs slogans bon marché tout en diffusant une lumière agressive aux teintes vives et colorées avaient disparu du paysage citadin auquel il était habitué depuis son installation à Madison, des années auparavant. Seuls leurs écrans noirs et silencieux gisaient là, surplombant la ville tels des géants d’acier et de métal comme autant de ruines d’une civilisation à présent révolue. Une sensation angoissante enserra la poitrine du russe. Qu’attendait le générateur de secours pour s’enclencher ? Pourquoi la lumière ne revenait-elle pas ? Perdu dans ses pensées, il sursauta en entendant une serrure grincer quelque part sur sa gauche. Sans perdre de temps, Sulkan obliqua immédiatement sur la droite, là où se trouvaient les escaliers pour descendre. S’assurant que nul ne le voie, il ne tarda pas à rejoindre la rue. Toujours aucune trace de technologie environnante. Quelques personnes l’avaient imité, jusqu’à descendre dans les rues, jetant de coups d’œil furtifs autour d’elles, comme pour chercher la réponse à la question que tous ici se posaient désormais. Que se passait-il ? Par chance, ils étaient tellement préoccupés par la panne de courant générale que nul ne s’attarda sur sa personne. C’était un spectacle aussi étrange que magnifique : cette ville, autrefois inondée de lumières et de publicitaires à vocation purement matérielle, paraissait devenue un havre de paix silencieux, à l’exception de quelques sirènes qui retentissaient ci et là. Levant les yeux, le hacker comprit soudain la raison de ce halo lumineux aperçu sous la porte de l’appartement : en l’absence de néons artificiels, la lumière des étoiles redevenait visible par tous. Une vision qui accapara son esprit jusqu’à ce qu’il entende une voix familière à ses côtés. Tournant la tête, Sulkan lâcha un hurlement en découvrant le visage du légiste, éclairé par-dessous à l’aide d’une lampe torche sortie de nulle part et probablement à piles de surcroît.

« Tu m’as fait peur abruti ! »

Après s’être assuré d’avoir repris un semblant de contenance et ignorant ouvertement la moindre phrase qui s’échappait des lèvres d’Esteban, arrivant à conclusion que ce serait à coups sûrs des railleries, le russe reprit la parole :

« Bon sang… Tu sais ce qui se passe ? Ça fout les jetons. »
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evolve studies
Esteban Rothgrüber
Esteban Rothgrüber
evolve studies



30.10.17 15:30
Si ça allait ? Par tous les scientifiques qui ont fait, l’histoire, non ! Bien sûr que non que ça n’allait pas ! Comment ça pouvait aller ?! Une paire d’oreille divinement douces et une queue soyeuse remuaient à leur guise d’une façon tout à faire adorable. Et le tout, sans qu’il sache pourquoi ! La première réaction d’Esteban avait été de penser que cette transformation partielle était due à un autre gène evolve, latent. Peut-être que ses parents faisaient également partis de cette catégorie de personnes, mais qu’ils ne le savaient pas encore. Ou qu’ils n’avaient rien dit à Sulkan pour ne pas l’effrayer. Ou l’ostraciser. Peut-être avait-ce été leur façon de le protéger… ?
En tout, là, ça ne protégeait pas le légiste qu’il était ! Une violente pulsion l’avait saisit et il suppliait du regard le russe. Une complainte sourde pour continuer à caresser ces magnifiques oreilles alors que ses pouces les caressaient doucement, dans le sens du poil, pour continuer à provoquer ces réactions inattendues chez le petit brun. Oh. Là ! La tête que fit à ce moment précis Sulkan lui réveilla une marrée de papillons dans l’estomac. Il avait brièvement fermé les yeux, plissé son petit nez et avait légèrement baissé sa tête. Et surtout, il avait rougit. Franchement, qui l’aurait cru ! Que lui, misanthrope de son état feraient rougir un homme qui jurait comme un charretier et qu’il y prendrait un certain plaisir ? Ce n’était pas normal. Mais il en avait envie. Son esprit ne cessait de lui lancer des appels pour qu’il continue son affaire. Mais la Raison fut plus forte et Esteban se détourna momentanément de son cobaye. La suite se passa beaucoup trop rapidement pour lui… Son bureau fut plongé dans le noir complet. Il entendit un feulement et des vocalises félines agressives avant d’entendre un miaulement qui s’éloignait, accompagné d’un « boum » lointain.   « C’était quoi ça ?! » Esteban ne le savait pas, mais son hôte venait de virer, à la manière forte, son chat fidèle. « Sulkan ? C’est toi ? T’es tombé par terre ? Putain pourquoi j’y vois rien… Les plombs ont sauté ? Est-ce que tu peux me répondre bordel de merde ?! » Et voilà. Le légiste venait de s’abaisser à sa colère. Ses nerfs venaient de lâcher, il voulait continuer à toucher les oreilles de Sulkan, quand bien même ce dernier ne le désirait pas. C’était une pulsion qui l’avait mené à être un peu plus vulgaire que d’ordinaire, à se laisser aller au misérable langage des rustres qui habitaient à quelques pâtés de maisons de son quartier de classe très moyenne. « Est-ce que quelqu’un peut me répondre ?! » Comme si on l’avait entendu, le loquet de la porte se fit entendre, tout comme le grincement léger de la porte sur ses gonds. « Merde... » murmura-t-il en s’étirant et en agitant ses bras dans tous les sens pour essayer d’attraper Sulkan. À tous les coups, la Milice était derrière tout ça. Elle était la seule à pouvoir couper l’alimentation électrique comme elle le voulait, et à pénétrer dans un logement sans mandat si des doutes relatifs aux evolves existaient. Le tout en toute illégalité mais en parfaite tolérance de la part des supérieurs… « Sulkan… ? Sulkan… ?! » Il continuait de mouliner dans le vide, caressant toujours le mince espoir de le retrouver. Mais plus les secondes passaient, et plus le silence persistait. Et si… Et si ce n’était pas la Milice au final ? Après tout, ils étaient réputés pour ne pas faire dans la discrétion. Hors, Esteban avait estimé que de trop nombreuses secondes s’étaient écoulées sans bruits. Et c’est là qu’il comprit. Il se redressa et ses mains claquèrent sur ses cuisses alors qu’il levait les yeux vers son plafond. « Mais quel abrutit !!! » Ça n’avait pas été la Milice qui avait ouvert la porte. Ça avait été Sulkan. Mais comment avait-il fait pour ne pas s’en être rendu compte avant ?! Sulkan qui avait toujours été vulgaire à souhait, ne s’était pas exprimé, ne l’avait pas frappé et maintenant… Il errait dans la nature ! Son cobaye. Seul. Dans la nature !!! Inconcevable !!!

Il n’y voyait plus rien. L’obscurité l’avait complètement enveloppé. Ses yeux n’étaient plus capables de distinguer où était sa chaise, s’il y avait quelque chose par terre, la couleur d’une des barres de céréales qui avait échappé à Sulkan alors qu’il s’était levé pour protester une nouvelle fois. Bêtement, il avait les yeux écarquillés, comme s’il pouvait, de cette façon, tout de même y voir. À bien y penser, c’était un réflexe à la con. Tout comme mettre son cul en arrière, les bras en avant et ouvrir légèrement la bouche pour essayer de se repérer et mouvoir dans un espace auquel on était pourtant familier. Parce que bon, son bureau, il en avait plus que l’habitude. Ce n’était pas un endroit qui représentait une menace pour lui, bien au contraire. Esteban heurta de nombreux meubles sur son passage : une table dans la hanche, un orteil dans une commode, un petit doigt se glissant subrepticement dans un tiroir mal fermé alors qu’il y cherchait une vieille lampe torche. Tout son parcours n’avait été que de bruits sourds et de jurons d’alcoolique. Qui avait eu l’idée, déjà, de fermer absolument tous les volets de cet appartement ?! Hm ?! Il se dit qu’il en toucherait deux mots à son colocataire de fortune. Car oui, il était impensable, dans son cerveau de génie, qu’il ne retrouve pas le russe. Il essaya d’allumer la lampe. Sans succès. Même en en cognant le haut contre sa paume pour exciter les piles. Se remettant dans sa position de canard handicapé, le légiste traversa le salon pour aller chercher des piles qu’il trouva après avoir littéralement vidé tout le tiroir par terre. Il allait en avoir du boulot demain… Il mit du temps -trop à son goût- pour trouver le bon sens pour mettre les piles, lorsque, enfin, la lumière de la lampe lui arriva en pleine tête. « Putain ! » avait-il lâché, surprit. Il fit balayer le faisceau lumineux dans le salon, le trouvant vide et constatant amèrement la porte entière et ouverte sur le palier. Sulkan s’était fait la malle. Apparemment, il n’avait pas uniquement des oreilles et une queue de chat… Il en avait aussi les yeux.
À ce moment précis, la lampe toujours rivée sur la porte ouverte, le légiste se demanda s’il était bien judicieux de sortir le chercher. Au final, il le retenait de force. Ce n’était pas vraiment moral. Son cobaye ne voulait pas rester ici, avec lui, bien qu’il lui offrait le gîte et le couvert, ainsi qu’une potentielle rémission. Et qu’obtenait-il en retour ? Des insultes, une perpétuelle agression visuelle et morale en le voyant en boxer ainsi que d’énormes maux de tête. De plus, pour sortir, Esteban devait s’habiller un peu plus décemment non ? De son appartement, il entendit quelques cris surpris ainsi que des conversations animées. Ce fut ces réactions qui achevèrent de le convaincre de bouger son gros cul, d’enfiler une paire de converse sans prendre la peine d’en attacher les lacets et de descendre en quatrième vitesse les escaliers qui le séparait du dehors. Il poussa la porte d’entrée, appuya malencontreusement sur le bouton « off » de sa lampe et s’arrêta.

« C’est quoi ce bordel… » La tête levée vers les immeubles, Esteban n’en revenait pas. La ville entière était plongée dans le noir. Pas de fenêtres allumées contre lesquelles les moustiques venaient buter. Les néons des petits commerces étaient éteints. Le vide total. C’était comme si une immense tristesse avait envahie les rues de Madison. Avait-on perdu quelqu’un ? Un haut dirigeant ? Le président en personne ? Instinctivement, il leva son poignet gauche et riva ses yeux dessus pour consulter les dernières nouvelles : rien. Son bracelet ne s’allumait pas, aucune news ne défilait nulle part pour prévenir les habitants. Il n’avait même pas l’heure. Merde ! Les données de ses expériences sur Sulkan étaient sur son ordinateur et sans électricité… Pas de rapports… Pas de rapports… Pas d’avancement dans l’expérience. Il commença à grommeler dans sa barbichette et il commença à sonder les visages des gens aux alentours. De l’ordre. Il fallait qu’il mette de l’ordre dans sa tête pour utiliser au mieux son cerveau rationnel. Mais sans source de lumière, la tâche était ardue. Il ralluma sa lampe et commença à mener son enquête. C’est ainsi qu’il trouva l’ombre de deux petites oreilles noires au sommet d’une tête qui lui arrivait au niveau des pectoraux : Sulkan. Il se glissa derrière lui et le surprit en mettant sa lampe torche sous son visage pour lui faire passer l’envie de se barrer de nouveau comme un voleur. « Hey. » Le cri de l’evolve provoqua un mouvement de panique chez les passants et autres habitants qui étaient vaillamment sortis de chez eux. « Cris pas comme ça, abrutit. » dit-il en rabattant la capuche de son cobaye sur sa tête jusqu’à son nez. Il fut ignoré, comme à son habitude, et n’y prêta pas plus attention. En revanche, il leva les yeux vers l’immensité bleue nuit qu’était le ciel. Des myriades de petits points scintillants commençaient à se montrer, provoquant chez les plus jeunes des questions angoissées à leurs parents. Ce spectacle, cela faisait bien longtemps qu’Esteban ne l’avait pas vu. Il se rappela les nombreuses veillées d’été avec ses cousins, où son père leur montrait le ciel parsemé d’étoiles dans leur maison en campagne. Jamais il ne s’était attendu à voir un tel spectacle ici, dans une ville aussi grande que Madison. « Je ne sais pas ce qu’il se passe. Les bracelets ne fonctionnent pas. On a même pas l’heure… » Derrière ses lunettes, les étoiles se reflétaient dans ses yeux gris. Tout comme elles, il était parti à quelques années lumières de cet instant présent où, torse-nu et une main sur l’épaule de Sulkan, il repensait à ses jeunes années. « Tu n’as jamais vu d’étoiles ? C’est un spectacle magnifique une fois le soleil couché. Elles s’allument les unes après les autres, bataillant à leur manière pour prouver à l’univers qu’elles existent. Et pourtant, elles sont en train de mourir. Lorsque l’œil humain les perçoit, elles sont déjà mortes. » ajouta-t-il avec  un ton monotone et mélancolique. Quelqu’un le bouscula et il reprit ses esprits. Il était dehors, un fugitif à côté de lui. Si la Milice décidait de se ramener, ils seraient dans la merde. « Viens. On rentre. On doit mettre au point certaines choses le temps qu’ils remettent l’électricité. À moins que tu n’aies vu passer des informations capitales quant à ce bordel sur internet. Dans ce cas, j’essaierais de prévenir quelqu’un au Centre pour- » il se mit à rire avec ironie. « Mais quel abrutit. On peut prévenir personne à moins de se déplacer. Nous v’la bien. Surtout en centre-ville… C’est inondé de systèmes dépendants de l’électricité. J’en connais qui doivent être bien coincés. Bien fait pour eux. » Il pensa alors à ses cadavres et pria pour que personne n’ait eu la malicieuse idée d’en ouvrir avant le rétablissement de cette situation pour le moins irréelle. « Je te guide avec la lampe. - Hey Monsieur ! Vous avec le truc lumineux ! » Esteban se retourna vers la jeune voix qui l’appelait. Dans la pénombre, il ne vit pas si le ou la propriétaire portait ou non un uniforme, ou si il ou elle était dangereuse pour leur duo cocasse. Esteban se raidit et resserra sa prise sur l’épaule du russe. « File à la maison. Là où je t’ai installé quand la Milice est venue la dernière fois. Il se retourna alors vers celui qui l’avait interpellé, dissimulant la fuite de Sulkan de son corps… Sans pour autant voir que quelqu’un d’autre, derrière lui, venait dans leur direction et constituait le binôme de la voix.
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